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La démographie wallonne : Histoire et perspective d'une population vieillissante (2/2)

Frédéric Docquier
Economiste, Service des Etudes et de la Statistique,
Ministère de la Région wallonne

.../...

III. Particularités démographiques wallonnes

 Après avoir retracé l'historique de la population wallonne et des différents facteurs qui ont guidé son évolution, il est intéressant, maintenant, de souligner ses principales caractéristiques par rapport aux autres pays européens.

 

Une densité de peuplement semblable à l'Italie

Avec près de 330 habitants au km2, la densité de population de la Belgique est très élevée, c'est là un phénomène bien connu. Parmi les pays européens, seuls les Pays-bas (densité : 365) possèdent une concentration de population comparable. Toutefois, c'est principalement en Flandre et à Bruxelles que cette densité atteint les niveaux les plus élevés (427 habitants par km2 en Flandre et 5962 à Bruxelles en 1990). La comparaison avec Bruxelles est cependant totalement dénuée de sens, étant donné le statut de métropole urbaine que représente cette région.

Tableau 3 : Densité de population en Wallonie et dans les pays voisins en 1990

Pays

Wallonie

Flandre

Bruxelles

Total CEE

Densité

193

427

5962

153

Pays

Pays-Bas

Italie

France

Allemagne

Densité

365

191

104

222

Source : Eurostat.

Avec ses 193 habitants par km2, la densité wallonne reste de loin supérieure à la moyenne de l'Union européenne (Tableau 3). Par rapport à ses voisins immédiats, la Wallonie est relativement deux fois plus peuplée que la France, mais moins que l'Allemagne. Sa densité est pratiquement équivalente à celle de l'Italie.

 

Une répartition par âge proche de la France

Au même titre que ses voisins directs, la population wallonne présente toutes les caractéristiques d'une population vieillie, démographiquement parlant. Sur base d'une analyse de proximité (9), Debuisson et Poulain (1994) montrent que la structure de population wallonne se rapproche assez fidèlement de celle de la Flandre et de la France (Tableau 4). La structure bruxelloise présente, à l'inverse, des caractéristiques propres aux populations urbaines (avec relativement plus de jeunes et de personnes âgées).

Tableau 4. Structure par âge et par sexe des régions de Belgique et de quelques pays voisins en 1990.

AGE

France

Allemagne

Pays-Bas

Bruxelles

Flandre

Wallonie

 

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

0 - 4

3,4

3,2

2,9

2,7

3,2

3,1

3,2

3,0

3,0

2,8

3,3

3,1

5 - 9

3,5

3,3

2,8

2,6

3,0

2,9

2,9

2,7

3,0

2,9

3,1

3,0

10 - 14

3,4

3,2

2,7

2,5

3,1

2,9

2,8

2,7

3,2

3,0

3,2

3,0

15 - 19

3,8

3,6

2,8

2,7

3,6

3,4

2,9

2,8

3,2

3,1

3,5

3,4

20 - 24

3,8

3,7

4,1

3,9

4,3

4,1

3,6

3,6

3,8

3,6

3,6

3,5

25 - 29

3,8

3,8

4,5

4,2

4,5

4,2

4,3

4,3

4,2

4,0

3,9

3,7

30 - 34

3,8

3,8

4,0

3,8

4,2

4,0

4,0

4,0

4,1

3,9

3,9

3,8

35 - 39

3,8

3,7

3,6

3,5

3,9

3,9

3,6

3,6

3,8

3,6

3,8

3,7

40 - 44

3,9

3,8

3,2

3,1

4,1

3,9

3,3

3,4

3,6

3,4

3,8

3,7

45 - 49

2,6

2,6

3,3

3,1

3,1

3,0

2,7

2,8

3,0

2,9

2,6

2,6

50 - 54

2,5

2,5

3,9

3,8

2,7

2,6

2,6

2,7

2,9

2,9

2,5

2,6

55 - 59

2,6

2,7

2,9

2,9

2,4

2,4

2,6

2,8

2,9

3,0

2,7

2,9

60 - 64

2,4

2,7

2,6

2,9

2,2

2,4

2,5

3,0

2,7

2,9

2,7

3,1

65 - 69

2,1

2,6

1,8

3,0

1,9

2,3

2,3

3,1

2,3

2,7

2,5

3,1

70 - 74

1,2

1,6

1,1

2,0

1,4

1,9

1,4

2,2

1,4

1,7

2,4

2,0

75 - 79

1,1

1,8

1,1

2,2

1,0

1,6

1,3

2,4

1,2

1,8

1,1

1,9

80 - 84

0,7

1,4

0,7

1,7

0,6

1,1

0,8

1,9

0,7

1,3

0,6

1,5

85 - 89

0,3

0,8

0,3

0,8

0,2

0,6

0,3

1,1

0,3

0,7

0,3

0,8

90 et +

0,1

0,4

0,1

0,2

0,1

0,2

0,1

0,5

0,1

0,2

0,1

0,2

Total/sexe

48,8

51,2

48,4

51,6

49,5

50,5

47,3

52,7

49,5

50,5

48,6

51,4

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Eurostat

Deux comparaisons éclairantes peuvent être effectuées. Tout d'abord, la comparaison de la pyramide wallonne avec celle de la Belgique (Figure 3A), l'une et l'autre présentées en données relatives sur un même total de 1000 habitants, met en évidence de faibles différences. La physionomie générale reste très similaire. De légers surplus apparaissent en faveur de la Wallonie dans les classes d'âge inférieures à 20 ans alors qu'un déficit se manifeste aux âges actifs, entre 20 et 60 ans. Enfin, parmi les plus de 60 ans, les femmes wallonnes sont relativement plus nombreuses.

La comparaison de la population wallonne avec celle de l'Union européenne débouche sur un constat similaire avec toutefois quelques nuances (Figure 3B). Ici, le surplus des jeunes ne se manifeste que pour les 0-4 ans.

Au sein de la population d'âge actif, des déficits apparaissent dans la pyramide wallonne, excepté pour les tranches d'âges de 30 à 45 ans. Chez les personnes de 60 ans et plus, les surplus constatés par rapport à la Belgique sont nettement plus marqués, tant pour les hommes que pour les femmes.

Figure 3A. Pyramide des âges de la Wallonie comparée à la Belgique, 1991, ramenée au même effectif
Figure 3B. Pyramide des âges de la Wallonie comparée à la Communauté européenne, 1991, ramenée au même effectif

Le processus de vieillissement progressif de la population semble donc plus marqué en Wallonie que dans les pays voisins.

Pour tenter de dégager les sous-régions les plus touchées par le vieillissement, il est utile de visualiser les parts des moins de 15 ans et des 65 ans et plus par commune. Les régions où les jeunes sont le moins nombreux sont le Hainaut Occidental, le sud de la province de Namur, la région germanophone et la région urbaine de Liège, qui se prolonge par la vallée de la Meuse jusqu'à Huy (Carte 5A). A l'opposé, les régions à forte proportion de jeunes sont localisées dans le sud de Wallonie, autour de Namur, dans le Condroz, ou encore dans le centre du Brabant wallon.

Carte 5. Structure de la population wallonne par âge, en 1991

Quant aux proportions des personnes âgées (Carte 5B), elles suivent généralement une localisation opposée à celles des jeunes, à l'exception toutefois de l'est de la province de Liège, qui présente à la fois de faibles proportions de moins de 15 ans et de 65 ans et plus. Parmi les zones où la part des personnes âgées est faible, on retrouve les communes de "l'axe lotharingien", au même titre que certaines communes du Condroz et l'est de la Province de Liège.

Pour étudier le vieillissement de la population, il est utile de calculer le rapport des "65 ans et plus" aux "moins de 15 ans". L'indice de vieillissement ainsi calculé met en évidence les mêmes communes que la carte des 65 ans et plus (Carte 6A). Ce parallélisme traduit de nouveau la ressemblance dans les structures de population de certains groupes de communes : là où se trouvent les plus fortes proportions de personnes âgées, on trouve également les plus faibles proportions de jeunes.

Carte 6. Indice de vieillissement

La différence des valeurs prises par cet indice entre le recensement de 1981 et celui de 1991 (Carte 6B) traduit l'évolution du processus de vieillissement au sein des populations communales. Les régions où le vieillissement démographique est le plus prononcé se situent principalement dans le Hainaut occidental et le Borinage, autour de Charleroi et dans la Basse- Semois. Ces régions forment une large bande frontalière avec la France. A l'opposé, les régions comme le centre et l'est du Brabant wallon, la Hesbaye, le Condroz et les alentours de Bastogne connaissent un rajeunissement de leur structure.

 

Un rapport de masculinité proche de l'Allemagne et la France

Avec une proportion d'homme de 48,6%, la Wallonie possède une structure par sexe semblable à la structure française ou à la structure allemande. Il est important de noter que cette proportion est significativement inférieure à celle de la Flandre ou des Pays-Bas, mais supérieure à celle de Bruxelles.

Pour analyser plus finement la structure par sexe de la Région wallonne, il est de règle d'examiner le rapport de masculinité, exprimant le nombre d'hommes pour 100 femmes (Carte 7C). La cartographie de ce rapport par commune fait apparaître une "surreprésentation" féminine dans les différentes zones urbaines de Wallonie (91 hommes pour 100 femmes à Charleroi et à Namur, 90 à Liège). A l'inverse, les rapports de masculinité les plus élevés sont observés à l'est de la Province de Liège, à Amblève (104), à Lierneux (104) et à Butgenbach (103).

Une espérance de vie masculine faible

Une autre caractéristique importante de la Wallonie est le faible niveau de l'espérance de vie masculine (Tableau 5). La durée de vie moyenne d'un homme wallon est de 70,9 ans, soit 2,5 ans de moins qu'en Flandre, 1,4 ans de moins qu'à Bruxelles ou encore 1,9 ans de moins que la moyenne européenne. La différence avec les pays voisins est toutefois atténuée pour les femmes. La durée de vie moyenne des femmes wallonnes est même supérieure à celle des allemandes. Elle reste néanmoins inférieure d'un an à la moyenne européenne.

Tableau 5 : Espérance de vie moyenne à la naissance et à 70 ans des régions de Belgique et de quelques pays voisins en 1990

Espérance de vie

France

Allemagne

Pays-Bas

Bruxelles

Flandre

Wallonie

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

Ho.

Fe.

A la naissance

72,8

81,0

72,0

78,2

73,8

80,1

72,3

72,8

73,4

79,6

70,9

78,4

A 70 ans

12,3

15,8

10,9

13,8

11,2

15,0

11,3

14,9

11,1

14,6

10,3

13,9

Source : Eurostat.

 

Une colonie italienne massive

Au 1er janvier 1993, on estimait à 10,88% le pourcentage d'étrangers résidants en Wallonie, soient 358.338 habitants sur un total de 3.293.352 (Tableau 6). Ce pourcentage est assurément plus élevé que la moyenne belge (9,03% en 1993), même si, durant les quelques dernières années, une diminution sensible a été constatée (-0,5 points de pourcentage depuis 1990).

Dans une région à faible mouvement naturel, l'incidence de ces migrations externes s'est révélée importante. A titre illustratif, entre 1961 et 1970, l'accroissement total de la population était de 56.263 habitants, alors que l'accroissement net du nombre d'étrangers était de 76.048 habitants. En fait, c'est surtout entre ces deux dates que la proportion d'étrangers a connu l'accroissement net le plus impressionnant, passant de 9,1% à 11,4%. Depuis lors, elle s'est longtemps stabilisée autour des 11%.

A l'époque, cette population immigrante a exercé un effet favorable sur la composition par âge de la population globale, atténuant quelque peu le vieillissement de notre population. Cela risque de ne plus être le cas dans les prochaines années.

Tableau 6 : Pourcentage d'étrangers en Belgique et en Wallonie au 01-01-1993

 

 

Belges

Etrangers

Total

Wallonie

2935014

358338

3293352

89,12 %

10,88

100,00 %

Belgique

9159014

909265

10068279

90,97

9,03

100,00 %

Source : Statistiques démographiques, INS.

Près de 76% des étrangers vivant en Wallonie sont des ressortissants de l'Union européenne (269.334 sur un total de 35.338 étrangers). Il s'agit principalement d'immigrés italiens (environ 55%). Cette concentration italienne massive reste un phénomène proprement wallon. En effet, au niveau du royaume, la répartition entre les Italiens (36%) et les autres membres de la CEE (28%) est nettement plus égalitaire.

Carte 7. Quelques caractéristiques wallonnes

La carte 7 donne un aperçu de la répartition par commune de la proportion d'étrangers de nationalité européenne (CEE) et non-CEE en 1991. Ces deux cartes font apparaître des diversités subrégionales évidentes. Ainsi, comme le souligne le rapport Poliwa (1977), "les motivations même de leur migration amènent les Etrangers à habiter de préférence les régions où on leur offre de larges possibilités d'emploi. De manière générale, il semble d'ailleurs que les emplois occupés par les Etrangers en Belgique soient ceux dont les Belges ne veulent plus : métiers subalternes ou métiers dangereux et pénibles". Si ce constat, établi à la fin des années septante, peut s'avérer désuet à certains égards, il détermine toujours, à l'heure actuelle, les zones d'implantation privilégiées des immigrants. Ainsi, on observe clairement que le Borinage reste la région où la proportion d'étrangers communautaires reste prépondérante, ce qui, dans une large mesure, reflète l'attraction passée des exploitations minières. La région de Liège et sa périphérie représentent un autre pôle d'attraction considérable. Enfin, on remarque également une “surreprésentation“ d'étrangers le long de toute la frontière avec la France et le Luxembourg, ainsi que dans les cantons germanophones, véritable carrefour entre la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne. En ce qui concerne la population étrangère non-communautaire, on la retrouve principalement dans les grands centres urbains, principalement à Liège, Mons et dans la région de Charleroi.

 

IV. Projections à l'horizon 2050

Réaliser des projections démographiques s'avère toujours un exercice périlleux. Les prévisionnistes les plus célèbres en ont fait la triste expérience lors du baby boom de l'immédiat après-guerre ou du déclin de natalité des années soixante. Néanmoins, c'est surtout à très long terme que leur valeur prédictive fait défaut. A court et moyen termes, l'évolution de la population porte inévitablement les traces du passé. Sur une période de dix à vingt ans, il est clair que les projections peuvent servir de point d'appui pour la réflexion, plus spécialement dans les domaines économique et social.

En 1992, l'INS publiait un ensemble de perspectives de population par âge, par sexe et par région. Après une brève présentation des hypothèses sous-jacentes, on s'attardera sur les résultats obtenus pour le nombre de Wallons ainsi que sur sa répartition par âge.

Bref aperçu des hypothèses de projection

La qualité des perspectives démographiques repose en grande partie sur la crédibilité des hypothèses avancées en matière de fécondité, mortalité et migrations internationales10. Bien souvent, les hypothèses d'évolution sont formulées au niveau de la Belgique, elles sont ensuite ventilées par arrondissement en fonction de la répartition actuelle.

- La fécondité -

La plupart des pays industrialisés ont connu une baisse importante et continue de la fécondité depuis une vingtaine d'année. Toutefois, par le passé, plusieurs retournements imprévisibles se sont opérés, ce qui suscite les réticences les plus vives quant à la fiabilité des hypothèses. Néanmoins, un ensemble de faits statistiques conduit les démographes à anticiper une reprise progressive et modérée de la fécondité dès le début de cette décennie.

Les hypothèses en matière de fécondité sont formulées dans une perspective longitudinale, ce qui revient à étudier le comportement de fécondité des femmes en fonction de la cohorte, ou génération, à laquelle elles appartiennent. L'INS établit ainsi des hypothèses sur la descendance des générations actuelles et futures. Cette manière de procéder permet une meilleure reconstruction de l'histoire des générations passées.

L'hypothèse retenue, dans la projection centrale est, à partir de la cohorte des naissances de 1955, un maintien du nombre moyen d'enfant par femme de 1,85. Cette hypothèse de base prend toutefois en considération un certain glissement de l'âge auquel les femmes décident d'avoir leurs enfants.

- La mortalité -

Les progrès en matière de mortalité s'effectuent de manière beaucoup plus régulière. A chaque recensement, on constate un progrès général pour presque toutes les classes d'âges. L'INS suppose que l'espérance de vie à la naissance des hommes, actuellement de 72,16 ans, augmentera jusqu'à 75,64 ans en 2010, 78,80 ans en 2030 et 81,30 ans en 2050. La durée de vie moyenne des femmes passe, quant à elle, de 79,05 ans en 1992 à 82,55 ans en 2010, 85,43 en 2030, puis 87,30 ans en 2040.

Sur le plan spatial, il existe des différences importantes entre les régions et arrondissements. On constate, par exemple, que toutes les provinces wallonnes ont une mortalité supérieure à toutes les provinces flamandes. Il est donc possible d'inférer les espérances de vie communales par extrapolation de la moyenne belge. Un facteur correcteur tient toutefois compte d'une réduction progressive des disparités régionales, due principalement à l'uniformisation des niveaux de vie et au développement des communications.

- Les migrations -

Les mouvements de population peuvent se décomposer en deux types distincts: les migrations internes et les migrations externes.

Les migrations internes sont exprimées en terme de probabilités de migrer de tel arrondissement vers tel autre, en fonction de l'âge, du sexe et de la nationalité. En 1985, on estimait à 1,77% le pourcentage de la population qui, chaque année, changeait d'arrondissement. Des calculs plus élaborés prennent en considération les calendriers d'émigration par sexe et par zone d'habitation (ville, campagne, ...). L'INS suppose que les taux d'émigration actuels (calculés sur la période 1988-1991) se maintiendront. Les variations observées dans le futur seront, par conséquent, uniquement dues aux changements dans la structure de population.

Les hypothèses concernant les migrations externes sont beaucoup plus difficiles à formuler. Traditionnellement terre d'immigration, notre pays a perdu son solde migratoire positif depuis la fin des années septante. Dans le scénario central, l'INS suppose un solde migratoire constant de 10.000 personnes chaque année. Ce solde se répartit selon trois groupes de nationalités de la manière suivante : -5.000 pour les Belges, +5.000 pour les ressortissants des pays industrialisés et +10.000 pour les ressortissants du reste du monde. La ventilation par sexe et arrondissement fait l'objet d'une clé de répartition correspondant à la situation actuelle.

 

La dépopulation wallonne pour la décennie 2030-2040

Dans la plupart des pays occidentaux, la croissance démographique s'est considérablement ralentie. Les taux de natalité et de mortalité sont proches l'un de l'autre, mais à des niveaux excessivement faibles. Plusieurs pays (Royaume-Uni, Danemark, Allemagne, Belgique ...) accusent d'ailleurs une croissance quasiment nulle ces dernières années. La Wallonie s'inscrit tout à fait dans cette lignée puisque, rappelons-le, le taux annuel moyen de croissance de sa population fut proche de 0,1% entre les recensements de 1981 et 1991.

"Sommes-nous dès lors à l'aube d'une seconde transition démographique qui serait, en quelque sorte, l'antithèse de la première ? A la forte croissance démographique de la première transition, provoquée par un excédent naturel important, s'opposerait un déclin de la population, suscité par un déficit chronique des décès sur les naissances." (Eggerickx et Poulain - 1993). La question est ainsi posée par la plupart des démographes. En fait, il est fort probable que la Wallonie, comme la Belgique, soit engagée sur la voie de la dépopulation. Dans les premiers essais de projection (INS, 1985), cette décroissance a d'abord été prévue pour le milieu des années quatre-vingts. Une deuxième batterie de perspectives annonçait ensuite le début du déclin pour 1998 (INS, 1989). Enfin, les dernières projections, réalisées conjointement par le Bureau du Plan et l'INS (1992), ne prévoient la diminution de population qu'à partir de l'année 2030.

Tableau 7. Perspectives démographiques à l'horizon 2050

Année

Population wallonne

En pourcentage de la population belge

Pourcentage annuel moyen de variation

1991 (a)

3255711

32,6

0,11

1995

3310591

32,7

0,42

2000

3363992

32,8

0,32

2005

3404335

32,9

0,24

2010

3434625

32,9

0,18

2015

3461561

33,0

0,16

2020

3488979

33,1

0,16

2025

3514124

33,3

0,14

2030

3530682

33,4

0,09

2035

3534433

33,5

0,02

2040

3525631

33,5

-0,05

2045

3508431

33,6

-0,10

2050

3488238

33,7

-0,12

(a) : Valeur observée lors du recensement de 1991 (voir tableau 1)

Source : INS, Perspectives de population 1992 - 2050.

Figure 4. La population belge par région : données et projection (1830 - 2050)

Le tableau 7 ainsi que la figure 4 illustrent ce déclin possible. On constate qu'une amélioration de la croissance doit être attendue pour les dix prochaines années. La population stagnera alors jusqu'en 2035, avant de décroître de manière prononcée.

 

Un doublement de l'indice de vieillissement d'ici 2040

Le spectre de la dépopulation semble donc inéluctable à long terme. Savoir si cette diminution du nombre de Wallons est un bien ou un mal en soi est un problème bien délicat à analyser. Par contre, un autre enjeu démographique bien plus préoccupant est sans conteste l'augmentation progressive, presqu'imperceptible, de la part des personnes âgées.

Dans le passé, le déclin de la fécondité a été le facteur principal de vieillissement, les progrès en matière de mortalité ayant, pendant longtemps, sauvé davantage de jeunes que de personnes âgées. Néanmoins, si le vieillissement par le haut (espérance de vie accrue) a, jusqu'ici, généralement été supplanté par un vieillissement par le bas (chute de la natalité), il est fort probable qu'à l'avenir, les rapports de forces s'équilibrent ou même s'inversent. En effet, la baisse de la mortalité concerne de plus en plus les personnes âgées, les autres ayant atteint des niveaux pratiquement incompressibles.

Il est donc fort prévisible que, durant les quelques décennies à venir, le processus de vieillissement s'intensifie et ce, d'autant plus que la baisse tendancielle de la fécondité a été spectaculairement interrompue dans l'immédiat après-guerre, de 1945 à 1965. Il est clair que, dans les quinze ou vingt prochaines années, ces cohortes pléthoriques du baby boom vont atteindre le seuil de la vieillesse, avec toutes les répercussions économiques et sociales que cela peut engendrer.

Figure 5A. Pyramide des ages de la Wallonie en 2025 et 1992, ramenée au même effectif
Figure 5B. Pyramide des ages de la Wallonie en 2050 et 1992, ramenée au même effectif

Les figures 5A et 5B comparent les pyramides des âges de 2025 et de 2050 à la pyramide de 1992. Bien entendu, si celle de 2025 semble avoir une valeur prédictive satisfaisante, celle de 2050 est, plus fortement encore, influencée par les hypothèses de départ. On voit tout de suite apparaître, déjà en 2025, un gonflement impressionant des classes d'âges supérieures à cinquante ans, en particulier chez les hommes de 70 à 80 ans. Ce gonflement s'effectue principalement au détriment des classes de 20 à 45 ans, le coeur de la population en âge d'activité. La comparaison avec la pyramide de 2050 renforce cette tendance. Les surplus de personnes âgées, tant chez les hommes que chez les femmes, gonflent encore le sommet de la pyramide.

Afin d'illustrer encore cette modification structurelle, il est intéressant d'observer l'évolution projetée de l'indice de vieillissement, mesurant le rapport des 65 ans et plus sur les 15 ans et moins (Figure 6). Les projections démographiques débouchent sur un doublement de l'indice de vieillissement pour les cinquante prochaines années, principalement après l'an 2010, considéré par beaucoup comme une année charnière sur le plan démographique.

Figure 6. Indice de vieillissement de 1990 à 2050

Ce vieillissement prononcé, parfois qualifié de "révolution grise" (Loriaux, 1990), pose évidemment des problèmes considérables à nos sociétés occidentales. Les conséquences économiques et sociales, en particulier l'avenir des pensions publiques et des soins de santé, la vision que notre société se fait du troisième âge, les modèles de valorisation sociale, constituent autant de défis pour l'avenir de la Wallonie.

Orientation bibliographique

L'apport cartographique de cette étude a été conçu par Jean-Paul Duprez du Service des Etudes et de la Statistique (Ministère de la Région wallonne) et nous l'en remercions vivement. La majeure partie des données a été transmise par l'Institut de Démographie de l'U.C.L. à qui nous exprimons aussi notre plus vive reconnaissance.

R. ANDRE, La population de la Wallonie dans la dualité démographique de la Belgique, Fondation Charles Plisnier, Bruxelles, 1983, p.28

M. DEBUISSON et M. POULAIN, L'état de la population wallonne et sa dynamique, Rapport de recherche, Institut de Démographie, Louvain-la-Neuve, 1994, pp. 22-23

T. EGGERICKX et M. POULAIN, Le rôle démographique de l'immigration et le nombre d'étrangers en Belgique à l'aube du XXe siècle, Collection Migration et Espace, Academia, Louvain-la-Neuve, 1993.

Institut de Démographie, Etat démographique de la Wallonie et éléments pour une politique de population - Rapport Poliwa , Document du Centre d'Etude de la Population et de la famille, Bruxelles, 1977.

Institut National de Statistique, Perspectives de population 1981-2025, Bruxelles, 1985.

Institut National de Statistique, Perspectives de population 1988-2040, Bruxelles, 1989.

Institut National de Statistique, Perspectives de population 1992-2050, Bruxelles, 1994.

M. LORIAUX, Il sera une fois... la révolution grise. Jeux et enjeux autour d'une profonde mutation sociétale, dans Population âgées et révolution grise , Chaire Quetelet 1986, Institut de Démographie, Louvain-la-Neuve, 1990.

 

Notes

9. L'analyse consiste à étudier une mesure de distance euclidienne entre les vecteurs constitués par les parts relatives de chaque groupe d'âge et sexe pour les populations voisines. Ces données sont rassemblées au tableau 4.P 10. L'I.N.S. envisage un certain nombre de scénarios alternatifs avec des variantes plus ou moins importantes sur l'évolution de la mortalité, de la fécondité et du solde migratoire. Nous ne présenterons ici que le scénario central.

 

 Frédéric Docquier, La démographie wallonne : Histoire et perspective d'une population vieillissante, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région, (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.

 

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