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La démographie wallonne
: Histoire et perspective d'une population vieillissante (2/2)
Frédéric
Docquier
Economiste, Service des Etudes et de la
Statistique,
Ministère de la Région wallonne
|
.../...
III. Particularités
démographiques wallonnes
Après avoir retracé l'historique
de la population wallonne et des différents facteurs qui ont
guidé son évolution, il est intéressant, maintenant, de
souligner ses principales caractéristiques par rapport aux
autres pays européens.

Une densité de peuplement
semblable à l'Italie
Avec près de 330 habitants au
km2, la densité de population de la Belgique est très élevée,
c'est là un phénomène bien connu. Parmi les pays européens,
seuls les Pays-bas (densité : 365) possèdent une concentration
de population comparable. Toutefois, c'est principalement en
Flandre et à Bruxelles que cette densité atteint les niveaux
les plus élevés (427 habitants par km2 en Flandre et 5962 à
Bruxelles en 1990). La comparaison avec Bruxelles est cependant
totalement dénuée de sens, étant donné le statut de
métropole urbaine que représente cette région.
Tableau 3 : Densité de
population en Wallonie et dans les pays voisins en 1990
Pays |
Wallonie |
Flandre |
Bruxelles |
Total CEE |
Densité |
193 |
427 |
5962 |
153 |
Pays |
Pays-Bas |
Italie |
France |
Allemagne |
Densité |
365 |
191 |
104 |
222 |
Source : Eurostat.
Avec ses 193 habitants par km2, la
densité wallonne reste de loin supérieure à la moyenne de
l'Union européenne (Tableau 3). Par rapport à ses voisins
immédiats, la Wallonie est relativement deux fois plus peuplée
que la France, mais moins que l'Allemagne. Sa densité est
pratiquement équivalente à celle de l'Italie.
Une répartition par âge
proche de la France
Au même titre que ses voisins
directs, la population wallonne présente toutes les
caractéristiques d'une population vieillie, démographiquement
parlant. Sur base d'une analyse de proximité
(9), Debuisson et Poulain (1994) montrent que
la structure de population wallonne se rapproche assez
fidèlement de celle de la Flandre et de la France (Tableau 4).
La structure bruxelloise présente, à l'inverse, des
caractéristiques propres aux populations urbaines (avec
relativement plus de jeunes et de personnes âgées).
Tableau 4. Structure par âge et
par sexe des régions de Belgique et de quelques pays voisins en
1990.
AGE |
France |
Allemagne |
Pays-Bas |
Bruxelles |
Flandre |
Wallonie |
|
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
0 - 4 |
3,4 |
3,2 |
2,9 |
2,7 |
3,2 |
3,1 |
3,2 |
3,0 |
3,0 |
2,8 |
3,3 |
3,1 |
5 - 9 |
3,5 |
3,3 |
2,8 |
2,6 |
3,0 |
2,9 |
2,9 |
2,7 |
3,0 |
2,9 |
3,1 |
3,0 |
10 - 14 |
3,4 |
3,2 |
2,7 |
2,5 |
3,1 |
2,9 |
2,8 |
2,7 |
3,2 |
3,0 |
3,2 |
3,0 |
15 - 19 |
3,8 |
3,6 |
2,8 |
2,7 |
3,6 |
3,4 |
2,9 |
2,8 |
3,2 |
3,1 |
3,5 |
3,4 |
20 - 24 |
3,8 |
3,7 |
4,1 |
3,9 |
4,3 |
4,1 |
3,6 |
3,6 |
3,8 |
3,6 |
3,6 |
3,5 |
25 - 29 |
3,8 |
3,8 |
4,5 |
4,2 |
4,5 |
4,2 |
4,3 |
4,3 |
4,2 |
4,0 |
3,9 |
3,7 |
30 - 34 |
3,8 |
3,8 |
4,0 |
3,8 |
4,2 |
4,0 |
4,0 |
4,0 |
4,1 |
3,9 |
3,9 |
3,8 |
35 - 39 |
3,8 |
3,7 |
3,6 |
3,5 |
3,9 |
3,9 |
3,6 |
3,6 |
3,8 |
3,6 |
3,8 |
3,7 |
40 - 44 |
3,9 |
3,8 |
3,2 |
3,1 |
4,1 |
3,9 |
3,3 |
3,4 |
3,6 |
3,4 |
3,8 |
3,7 |
45 - 49 |
2,6 |
2,6 |
3,3 |
3,1 |
3,1 |
3,0 |
2,7 |
2,8 |
3,0 |
2,9 |
2,6 |
2,6 |
50 - 54 |
2,5 |
2,5 |
3,9 |
3,8 |
2,7 |
2,6 |
2,6 |
2,7 |
2,9 |
2,9 |
2,5 |
2,6 |
55 - 59 |
2,6 |
2,7 |
2,9 |
2,9 |
2,4 |
2,4 |
2,6 |
2,8 |
2,9 |
3,0 |
2,7 |
2,9 |
60 - 64 |
2,4 |
2,7 |
2,6 |
2,9 |
2,2 |
2,4 |
2,5 |
3,0 |
2,7 |
2,9 |
2,7 |
3,1 |
65 - 69 |
2,1 |
2,6 |
1,8 |
3,0 |
1,9 |
2,3 |
2,3 |
3,1 |
2,3 |
2,7 |
2,5 |
3,1 |
70 - 74 |
1,2 |
1,6 |
1,1 |
2,0 |
1,4 |
1,9 |
1,4 |
2,2 |
1,4 |
1,7 |
2,4 |
2,0 |
75 - 79 |
1,1 |
1,8 |
1,1 |
2,2 |
1,0 |
1,6 |
1,3 |
2,4 |
1,2 |
1,8 |
1,1 |
1,9 |
80 - 84 |
0,7 |
1,4 |
0,7 |
1,7 |
0,6 |
1,1 |
0,8 |
1,9 |
0,7 |
1,3 |
0,6 |
1,5 |
85 - 89 |
0,3 |
0,8 |
0,3 |
0,8 |
0,2 |
0,6 |
0,3 |
1,1 |
0,3 |
0,7 |
0,3 |
0,8 |
90 et + |
0,1 |
0,4 |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
0,5 |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
Total/sexe |
48,8 |
51,2 |
48,4 |
51,6 |
49,5 |
50,5 |
47,3 |
52,7 |
49,5 |
50,5 |
48,6 |
51,4 |
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Source : Eurostat

Deux comparaisons éclairantes
peuvent être effectuées. Tout d'abord, la comparaison de la
pyramide wallonne avec celle de la Belgique (Figure 3A), l'une et
l'autre présentées en données relatives sur un même total de
1000 habitants, met en évidence de faibles différences. La
physionomie générale reste très similaire. De légers surplus
apparaissent en faveur de la Wallonie dans les classes d'âge
inférieures à 20 ans alors qu'un déficit se manifeste aux
âges actifs, entre 20 et 60 ans. Enfin, parmi les plus de 60
ans, les femmes wallonnes sont relativement plus nombreuses.
La comparaison de la population
wallonne avec celle de l'Union européenne débouche sur un
constat similaire avec toutefois quelques nuances (Figure 3B).
Ici, le surplus des jeunes ne se manifeste que pour les 0-4 ans.
Au sein de la population d'âge
actif, des déficits apparaissent dans la pyramide wallonne,
excepté pour les tranches d'âges de 30 à 45 ans. Chez les
personnes de 60 ans et plus, les surplus constatés par rapport
à la Belgique sont nettement plus marqués, tant pour les hommes
que pour les femmes.
Figure
3A. Pyramide des âges de la Wallonie comparée à la Belgique,
1991, ramenée au même effectif
Figure
3B. Pyramide des âges de la Wallonie comparée à la Communauté
européenne, 1991, ramenée au même effectif
Le processus de vieillissement
progressif de la population semble donc plus marqué en Wallonie
que dans les pays voisins.
Pour tenter de dégager les
sous-régions les plus touchées par le vieillissement, il est
utile de visualiser les parts des moins de 15 ans et des 65 ans
et plus par commune. Les régions où les jeunes sont le moins
nombreux sont le Hainaut Occidental, le sud de la province de
Namur, la région germanophone et la région urbaine de Liège,
qui se prolonge par la vallée de la Meuse jusqu'à Huy (Carte
5A). A l'opposé, les régions à forte proportion de jeunes sont
localisées dans le sud de Wallonie, autour de Namur, dans le
Condroz, ou encore dans le centre du Brabant wallon.
Carte 5.
Structure de la population wallonne par âge, en 1991
Quant aux proportions des
personnes âgées (Carte 5B), elles suivent généralement une
localisation opposée à celles des jeunes, à l'exception
toutefois de l'est de la province de Liège, qui présente à la
fois de faibles proportions de moins de 15 ans et de 65 ans et
plus. Parmi les zones où la part des personnes âgées est
faible, on retrouve les communes de "l'axe
lotharingien", au même titre que certaines communes du
Condroz et l'est de la Province de Liège.
Pour étudier le vieillissement de
la population, il est utile de calculer le rapport des "65
ans et plus" aux "moins de 15 ans". L'indice de
vieillissement ainsi calculé met en évidence les mêmes
communes que la carte des 65 ans et plus (Carte 6A). Ce
parallélisme traduit de nouveau la ressemblance dans les
structures de population de certains groupes de communes : là
où se trouvent les plus fortes proportions de personnes âgées,
on trouve également les plus faibles proportions de jeunes.
Carte 6.
Indice de vieillissement
La différence des valeurs prises
par cet indice entre le recensement de 1981 et celui de 1991
(Carte 6B) traduit l'évolution du processus de vieillissement au
sein des populations communales. Les régions où le
vieillissement démographique est le plus prononcé se situent
principalement dans le Hainaut occidental et le Borinage, autour
de Charleroi et dans la Basse- Semois. Ces régions forment une
large bande frontalière avec la France. A l'opposé, les
régions comme le centre et l'est du Brabant wallon, la Hesbaye,
le Condroz et les alentours de Bastogne connaissent un
rajeunissement de leur structure.

Un rapport de masculinité
proche de l'Allemagne et la France
Avec une proportion d'homme de
48,6%, la Wallonie possède une structure par sexe semblable à
la structure française ou à la structure allemande. Il est
important de noter que cette proportion est significativement
inférieure à celle de la Flandre ou des Pays-Bas, mais
supérieure à celle de Bruxelles.
Pour analyser plus finement la
structure par sexe de la Région wallonne, il est de règle
d'examiner le rapport de masculinité, exprimant le nombre
d'hommes pour 100 femmes (Carte 7C). La cartographie de ce
rapport par commune fait apparaître une
"surreprésentation" féminine dans les différentes
zones urbaines de Wallonie (91 hommes pour 100 femmes à
Charleroi et à Namur, 90 à Liège). A l'inverse, les rapports
de masculinité les plus élevés sont observés à l'est de la
Province de Liège, à Amblève (104), à Lierneux (104) et à
Butgenbach (103).
Une espérance de vie
masculine faible
Une autre caractéristique
importante de la Wallonie est le faible niveau de l'espérance de
vie masculine (Tableau 5). La durée de vie moyenne d'un homme
wallon est de 70,9 ans, soit 2,5 ans de moins qu'en Flandre, 1,4
ans de moins qu'à Bruxelles ou encore 1,9 ans de moins que la
moyenne européenne. La différence avec les pays voisins est
toutefois atténuée pour les femmes. La durée de vie moyenne
des femmes wallonnes est même supérieure à celle des
allemandes. Elle reste néanmoins inférieure d'un an à la
moyenne européenne.
Tableau 5 : Espérance de
vie moyenne à la naissance et à 70 ans des régions de Belgique
et de quelques pays voisins en 1990
Espérance de vie |
France |
Allemagne |
Pays-Bas |
Bruxelles |
Flandre |
Wallonie |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
Ho. |
Fe. |
A la
naissance |
72,8 |
81,0 |
72,0 |
78,2 |
73,8 |
80,1 |
72,3 |
72,8 |
73,4 |
79,6 |
70,9 |
78,4 |
A 70 ans |
12,3 |
15,8 |
10,9 |
13,8 |
11,2 |
15,0 |
11,3 |
14,9 |
11,1 |
14,6 |
10,3 |
13,9 |
Source : Eurostat.
Une colonie italienne massive
Au 1er janvier 1993, on estimait
à 10,88% le pourcentage d'étrangers résidants en Wallonie,
soient 358.338 habitants sur un total de 3.293.352 (Tableau 6).
Ce pourcentage est assurément plus élevé que la moyenne belge
(9,03% en 1993), même si, durant les quelques dernières
années, une diminution sensible a été constatée (-0,5 points
de pourcentage depuis 1990).
Dans une région à faible
mouvement naturel, l'incidence de ces migrations externes s'est
révélée importante. A titre illustratif, entre 1961 et 1970,
l'accroissement total de la population était de 56.263
habitants, alors que l'accroissement net du nombre d'étrangers
était de 76.048 habitants. En fait, c'est surtout entre ces deux
dates que la proportion d'étrangers a connu l'accroissement net
le plus impressionnant, passant de 9,1% à 11,4%. Depuis lors,
elle s'est longtemps stabilisée autour des 11%.
A l'époque, cette population
immigrante a exercé un effet favorable sur la composition par
âge de la population globale, atténuant quelque peu le
vieillissement de notre population. Cela risque de ne plus être
le cas dans les prochaines années.
Tableau 6 : Pourcentage
d'étrangers en Belgique et en Wallonie au 01-01-1993
|
Belges |
Etrangers |
Total |
Wallonie |
2935014 |
358338 |
3293352 |
89,12 % |
10,88 |
100,00 % |
Belgique |
9159014 |
909265 |
10068279 |
90,97 |
9,03 |
100,00 % |
Source : Statistiques
démographiques, INS.
Près de 76% des étrangers vivant
en Wallonie sont des ressortissants de l'Union européenne
(269.334 sur un total de 35.338 étrangers). Il s'agit
principalement d'immigrés italiens (environ 55%). Cette
concentration italienne massive reste un phénomène proprement
wallon. En effet, au niveau du royaume, la répartition entre les
Italiens (36%) et les autres membres de la CEE (28%) est
nettement plus égalitaire.
Carte 7.
Quelques caractéristiques wallonnes
La carte 7 donne un aperçu de la
répartition par commune de la proportion d'étrangers de
nationalité européenne (CEE) et non-CEE en 1991. Ces deux
cartes font apparaître des diversités subrégionales
évidentes. Ainsi, comme le souligne le rapport Poliwa (1977),
"les motivations même de leur migration amènent les
Etrangers à habiter de préférence les régions où on leur
offre de larges possibilités d'emploi. De manière générale,
il semble d'ailleurs que les emplois occupés par les Etrangers
en Belgique soient ceux dont les Belges ne veulent plus :
métiers subalternes ou métiers dangereux et pénibles". Si
ce constat, établi à la fin des années septante, peut
s'avérer désuet à certains égards, il détermine toujours, à
l'heure actuelle, les zones d'implantation privilégiées des
immigrants. Ainsi, on observe clairement que le Borinage reste la
région où la proportion d'étrangers communautaires reste
prépondérante, ce qui, dans une large mesure, reflète
l'attraction passée des exploitations minières. La région de
Liège et sa périphérie représentent un autre pôle
d'attraction considérable. Enfin, on remarque également une
surreprésentation d'étrangers le long de toute la
frontière avec la France et le Luxembourg, ainsi que dans les
cantons germanophones, véritable carrefour entre la Belgique,
les Pays-Bas et l'Allemagne. En ce qui concerne la population
étrangère non-communautaire, on la retrouve principalement dans
les grands centres urbains, principalement à Liège, Mons et
dans la région de Charleroi.

IV. Projections à l'horizon 2050
Réaliser des projections
démographiques s'avère toujours un exercice périlleux. Les
prévisionnistes les plus célèbres en ont fait la triste
expérience lors du baby boom de l'immédiat après-guerre
ou du déclin de natalité des années soixante. Néanmoins,
c'est surtout à très long terme que leur valeur prédictive
fait défaut. A court et moyen termes, l'évolution de la
population porte inévitablement les traces du passé. Sur une
période de dix à vingt ans, il est clair que les projections
peuvent servir de point d'appui pour la réflexion, plus
spécialement dans les domaines économique et social.
En 1992, l'INS publiait un
ensemble de perspectives de population par âge, par sexe et par
région. Après une brève présentation des hypothèses
sous-jacentes, on s'attardera sur les résultats obtenus pour le
nombre de Wallons ainsi que sur sa répartition par âge.
Bref aperçu des hypothèses
de projection
La qualité des perspectives
démographiques repose en grande partie sur la crédibilité des
hypothèses avancées en matière de fécondité, mortalité et
migrations internationales10. Bien souvent, les hypothèses
d'évolution sont formulées au niveau de la Belgique, elles sont
ensuite ventilées par arrondissement en fonction de la
répartition actuelle.

- La fécondité -
La plupart des pays
industrialisés ont connu une baisse importante et continue de la
fécondité depuis une vingtaine d'année. Toutefois, par le
passé, plusieurs retournements imprévisibles se sont opérés,
ce qui suscite les réticences les plus vives quant à la
fiabilité des hypothèses. Néanmoins, un ensemble de faits
statistiques conduit les démographes à anticiper une reprise
progressive et modérée de la fécondité dès le début de
cette décennie.
Les hypothèses en matière de
fécondité sont formulées dans une perspective longitudinale,
ce qui revient à étudier le comportement de fécondité des
femmes en fonction de la cohorte, ou génération, à laquelle
elles appartiennent. L'INS établit ainsi des hypothèses sur la
descendance des générations actuelles et futures. Cette
manière de procéder permet une meilleure reconstruction de
l'histoire des générations passées.
L'hypothèse retenue, dans la
projection centrale est, à partir de la cohorte des naissances
de 1955, un maintien du nombre moyen d'enfant par femme de 1,85.
Cette hypothèse de base prend toutefois en considération un
certain glissement de l'âge auquel les femmes décident d'avoir
leurs enfants.
- La mortalité -
Les progrès en matière de
mortalité s'effectuent de manière beaucoup plus régulière. A
chaque recensement, on constate un progrès général pour
presque toutes les classes d'âges. L'INS suppose que
l'espérance de vie à la naissance des hommes, actuellement de
72,16 ans, augmentera jusqu'à 75,64 ans en 2010, 78,80 ans en
2030 et 81,30 ans en 2050. La durée de vie moyenne des femmes
passe, quant à elle, de 79,05 ans en 1992 à 82,55 ans en 2010,
85,43 en 2030, puis 87,30 ans en 2040.
Sur le plan spatial, il existe des
différences importantes entre les régions et arrondissements.
On constate, par exemple, que toutes les provinces wallonnes ont
une mortalité supérieure à toutes les provinces flamandes. Il
est donc possible d'inférer les espérances de vie communales
par extrapolation de la moyenne belge. Un facteur correcteur
tient toutefois compte d'une réduction progressive des
disparités régionales, due principalement à l'uniformisation
des niveaux de vie et au développement des communications.

- Les migrations -
Les mouvements de population
peuvent se décomposer en deux types distincts: les migrations
internes et les migrations externes.
Les migrations internes sont
exprimées en terme de probabilités de migrer de tel
arrondissement vers tel autre, en fonction de l'âge, du sexe et
de la nationalité. En 1985, on estimait à 1,77% le pourcentage
de la population qui, chaque année, changeait d'arrondissement.
Des calculs plus élaborés prennent en considération les
calendriers d'émigration par sexe et par zone d'habitation
(ville, campagne, ...). L'INS suppose que les taux d'émigration
actuels (calculés sur la période 1988-1991) se maintiendront.
Les variations observées dans le futur seront, par conséquent,
uniquement dues aux changements dans la structure de population.
Les hypothèses concernant les
migrations externes sont beaucoup plus difficiles à formuler.
Traditionnellement terre d'immigration, notre pays a perdu son
solde migratoire positif depuis la fin des années septante. Dans
le scénario central, l'INS suppose un solde migratoire constant
de 10.000 personnes chaque année. Ce solde se répartit selon
trois groupes de nationalités de la manière suivante : -5.000
pour les Belges, +5.000 pour les ressortissants des pays
industrialisés et +10.000 pour les ressortissants du reste du
monde. La ventilation par sexe et arrondissement fait l'objet
d'une clé de répartition correspondant à la situation
actuelle.

La dépopulation wallonne
pour la décennie 2030-2040
Dans la plupart des pays
occidentaux, la croissance démographique s'est considérablement
ralentie. Les taux de natalité et de mortalité sont proches
l'un de l'autre, mais à des niveaux excessivement faibles.
Plusieurs pays (Royaume-Uni, Danemark, Allemagne, Belgique ...)
accusent d'ailleurs une croissance quasiment nulle ces dernières
années. La Wallonie s'inscrit tout à fait dans cette lignée
puisque, rappelons-le, le taux annuel moyen de croissance de sa
population fut proche de 0,1% entre les recensements de 1981 et
1991.
"Sommes-nous dès lors à
l'aube d'une seconde transition démographique qui serait, en
quelque sorte, l'antithèse de la première ? A la forte
croissance démographique de la première transition, provoquée
par un excédent naturel important, s'opposerait un déclin de la
population, suscité par un déficit chronique des décès sur
les naissances." (Eggerickx et Poulain - 1993). La
question est ainsi posée par la plupart des démographes. En
fait, il est fort probable que la Wallonie, comme la Belgique,
soit engagée sur la voie de la dépopulation. Dans les premiers
essais de projection (INS, 1985), cette décroissance a d'abord
été prévue pour le milieu des années quatre-vingts. Une
deuxième batterie de perspectives annonçait ensuite le début
du déclin pour 1998 (INS, 1989). Enfin, les dernières
projections, réalisées conjointement par le Bureau du Plan et
l'INS (1992), ne prévoient la diminution de population qu'à
partir de l'année 2030.
Tableau 7. Perspectives
démographiques à l'horizon 2050
Année |
Population wallonne |
En pourcentage de la population belge |
Pourcentage annuel moyen de variation |
1991 (a) |
3255711 |
32,6 |
0,11 |
1995 |
3310591 |
32,7 |
0,42 |
2000 |
3363992 |
32,8 |
0,32 |
2005 |
3404335 |
32,9 |
0,24 |
2010 |
3434625 |
32,9 |
0,18 |
2015 |
3461561 |
33,0 |
0,16 |
2020 |
3488979 |
33,1 |
0,16 |
2025 |
3514124 |
33,3 |
0,14 |
2030 |
3530682 |
33,4 |
0,09 |
2035 |
3534433 |
33,5 |
0,02 |
2040 |
3525631 |
33,5 |
-0,05 |
2045 |
3508431 |
33,6 |
-0,10 |
2050 |
3488238 |
33,7 |
-0,12 |
(a) : Valeur
observée lors du recensement de 1991 (voir tableau 1)
Source : INS,
Perspectives de population 1992 - 2050.
Figure 4.
La population belge par région : données et projection (1830 -
2050)
Le tableau 7 ainsi que la figure 4
illustrent ce déclin possible. On constate qu'une amélioration
de la croissance doit être attendue pour les dix prochaines
années. La population stagnera alors jusqu'en 2035, avant de
décroître de manière prononcée.

Un doublement de l'indice de
vieillissement d'ici 2040
Le spectre de la dépopulation
semble donc inéluctable à long terme. Savoir si cette
diminution du nombre de Wallons est un bien ou un mal en soi est
un problème bien délicat à analyser. Par contre, un autre
enjeu démographique bien plus préoccupant est sans conteste
l'augmentation progressive, presqu'imperceptible, de la part des
personnes âgées.
Dans le passé, le déclin de la
fécondité a été le facteur principal de vieillissement, les
progrès en matière de mortalité ayant, pendant longtemps,
sauvé davantage de jeunes que de personnes âgées. Néanmoins,
si le vieillissement par le haut (espérance de vie accrue) a,
jusqu'ici, généralement été supplanté par un vieillissement
par le bas (chute de la natalité), il est fort probable qu'à
l'avenir, les rapports de forces s'équilibrent ou même
s'inversent. En effet, la baisse de la mortalité concerne de
plus en plus les personnes âgées, les autres ayant atteint des
niveaux pratiquement incompressibles.
Il est donc fort prévisible que,
durant les quelques décennies à venir, le processus de
vieillissement s'intensifie et ce, d'autant plus que la baisse
tendancielle de la fécondité a été spectaculairement
interrompue dans l'immédiat après-guerre, de 1945 à 1965. Il
est clair que, dans les quinze ou vingt prochaines années, ces
cohortes pléthoriques du baby boom vont atteindre le
seuil de la vieillesse, avec toutes les répercussions
économiques et sociales que cela peut engendrer.
Figure
5A. Pyramide des ages de la Wallonie en 2025 et 1992, ramenée au
même effectif
Figure
5B. Pyramide des ages de la Wallonie en 2050 et 1992, ramenée au
même effectif
Les figures 5A et 5B comparent les
pyramides des âges de 2025 et de 2050 à la pyramide de 1992.
Bien entendu, si celle de 2025 semble avoir une valeur
prédictive satisfaisante, celle de 2050 est, plus fortement
encore, influencée par les hypothèses de départ. On voit tout
de suite apparaître, déjà en 2025, un gonflement impressionant
des classes d'âges supérieures à cinquante ans, en particulier
chez les hommes de 70 à 80 ans. Ce gonflement s'effectue
principalement au détriment des classes de 20 à 45 ans, le
coeur de la population en âge d'activité. La comparaison avec
la pyramide de 2050 renforce cette tendance. Les surplus de
personnes âgées, tant chez les hommes que chez les femmes,
gonflent encore le sommet de la pyramide.
Afin d'illustrer encore cette
modification structurelle, il est intéressant d'observer
l'évolution projetée de l'indice de vieillissement, mesurant le
rapport des 65 ans et plus sur les 15 ans et moins (Figure 6).
Les projections démographiques débouchent sur un doublement de
l'indice de vieillissement pour les cinquante prochaines années,
principalement après l'an 2010, considéré par beaucoup comme
une année charnière sur le plan démographique.
Figure 6.
Indice de vieillissement de 1990 à 2050
Ce vieillissement prononcé,
parfois qualifié de "révolution grise" (Loriaux,
1990), pose évidemment des problèmes considérables à nos
sociétés occidentales. Les conséquences économiques et
sociales, en particulier l'avenir des pensions publiques et des
soins de santé, la vision que notre société se fait du
troisième âge, les modèles de valorisation sociale,
constituent autant de défis pour l'avenir de la Wallonie.

Orientation bibliographique
L'apport cartographique de cette
étude a été conçu par Jean-Paul Duprez du Service des Etudes
et de la Statistique (Ministère de la Région wallonne) et nous
l'en remercions vivement. La majeure partie des données a été
transmise par l'Institut de Démographie de l'U.C.L. à qui nous
exprimons aussi notre plus vive reconnaissance.
R. ANDRE, La population de la
Wallonie dans la dualité démographique de la Belgique,
Fondation Charles Plisnier, Bruxelles, 1983, p.28
M. DEBUISSON et M. POULAIN,
L'état de la population wallonne et sa dynamique, Rapport de
recherche, Institut de Démographie, Louvain-la-Neuve, 1994, pp.
22-23
T. EGGERICKX et M. POULAIN, Le
rôle démographique de l'immigration et le nombre d'étrangers
en Belgique à l'aube du XXe siècle, Collection Migration et
Espace, Academia, Louvain-la-Neuve, 1993.
Institut de Démographie, Etat
démographique de la Wallonie et éléments pour une politique de
population - Rapport Poliwa , Document du Centre d'Etude de
la Population et de la famille, Bruxelles, 1977.
Institut National de Statistique, Perspectives
de population 1981-2025, Bruxelles, 1985.
Institut National de Statistique, Perspectives
de population 1988-2040, Bruxelles, 1989.
Institut National de Statistique, Perspectives
de population 1992-2050, Bruxelles, 1994.
M. LORIAUX, Il sera une fois...
la révolution grise. Jeux et enjeux autour d'une profonde
mutation sociétale, dans Population âgées et révolution
grise , Chaire Quetelet 1986, Institut de Démographie,
Louvain-la-Neuve, 1990.
Notes
9. L'analyse consiste à étudier une
mesure de distance euclidienne entre les vecteurs constitués par
les parts relatives de chaque groupe d'âge et sexe pour les
populations voisines. Ces données sont rassemblées au tableau
4.P 10. L'I.N.S. envisage un certain nombre de
scénarios alternatifs avec des variantes plus ou moins
importantes sur l'évolution de la mortalité, de la fécondité
et du solde migratoire. Nous ne présenterons ici que le
scénario central.
Frédéric Docquier, La
démographie wallonne : Histoire et perspective d'une population
vieillissante, dans
Wallonie.
Atouts et références d'une Région,
(sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.
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