Conférence - Consensus
La Wallonie au Futur
Namur - 1994

Où en est et où va
le système éducatif en Wallonie ?
Comment le savoir ?

Institut Jules Destrée, Congrès La Wallonie au futur, retour à l'index Forum politique (1/2)

Interlocuteurs du forum politique :

Pierre Beaussart, Administrateur-délégué de l'Union wallonne des entreprises;

Jacques Fostier, Secrétaire général de l'Interrégionale wallonne de la FGTB;

Philippe Mahoux, Ministre de l'Education et de l’Audiovisuel de la Communauté française;

Willem Miller, Président de la Centrale chrétienne du personnel de l'Enseignement moyen et normal libre;

Anne-Marie Straus, Directeur général des Technologies et de la Recherche au Ministère de la Région wallonne.

Modérateur :

Jean Rosoux,
journaliste à la RTBF-Liège.

Jean Rosoux : Vous êtes ici ce matin pour répondre aux interpellations du panel de la société civile; un panel qui - on vous l'a dit - a travaillé beaucoup, tard cette nuit, et s'est levé tôt ce matin -. A les entendre, et après ce que j'avais entendu hier au niveau des interpellations, je me suis fait une réflexion : travailler beaucoup n'est peut-être pas nécessairement la meilleure des choses parce qu’on est entraîné à revoir toute une série de considérations qu'on avait établies, de réactions presque instinctives, immédiates à des déclarations qu'on a entendues dans le chef d'experts et à en rediscuter tellement que, pour trouver un consensus, on y arrive sans doute, mais quelquefois à travers des considérations très vagues. Or, il ne faudrait pas non plus que cette Conférence-Consensus débouche sur un consensus où tout le monde aura sans doute à pêcher quelque chose mais qui ne pourrait déboucher sur pratiquement rien, sinon sur une belle estimation ou du moins une motion unanimiste qui rassemblerait tout le monde.

Ce qui m'a frappé quand même parmi tout ce qui vient d'être dit, c'est d'une part, une demande dans le chef de ce panel de la société civile, c'est la première des choses, un débat démocratique. Dans ce pays, le débat démocratique existe : faut-il trouver d'autres modalités à ce débat démocratique ? Faut-il trouver d'autres modalités pour définir les objectifs de l'école ? Peut-on s'accorder sur la définition d'objectifs - assez précis quand même - de l'école, d'un système d'enseignement ? Est-ce possible ? Comme le disaient, hier, certains sociologues, la définition d'objectif pour l'enseignement véhicule toute une série de valeurs. Il est assez illusoire de revendiquer la recherche d'objectifs communs parce que tout objectif, je le disais il y a un instant, véhicule des valeurs et c'est un choix politique, c'est un rapport de force et que finalement on n'y arrivera pas.

C'est une première interprétation que je vous lançais. Etes-vous d'accord pour tenter, avec ce panel qui vous le demande, de trouver des objectifs communs à une définition du système d'enseignement dont a besoin la Wallonie ? Peut-être pourrait-on commencer par Monsieur Miller ?

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Willem Miller : Je vais rappeler ceci au nom de l'organisation que je représente. C'était en 1986; nous avions puissamment soutenu l'introduction des zones d'éducation prioritaires et cela impliquait déjà l'idée dite d'un contrat avec les acteurs périscolaire. En cette dernière rentrée académique, la CSC Enseignement a proposé un nouveau pacte scolaire non pas dans le sens ancien, mais dans le sens où nous entendions qu'il fallait enrayer le détricotage du système éducatif et remettre ensemble - ou mettre ensemble - un certain nombre d'acteurs de qualité sans lesquels tout le fonctionnement semblait banni. Aussi l’idée sur laquelle personnellement j'étais décidé d’intervenir aujourd'hui, sans savoir que j'y serais aussi puissamment appelé par ce que j'ai entendu, c'est la nécessité de fonder la qualité de l'enseignement dans la confiance. Il me semble qu'en pédagogie, il n'y a pas de fruit heureux à espérer sans confiance. Et cette confiance, il faut la placer non seulement au niveau pédagogique entre l'élève et le maître, mais il faut aussi la placer entre le personnel d'enseignement et les pouvoirs organisateurs, via la direction. Il faut enfin la placer entre l'école et les parents. Il me semble qu’il y a des endroits où il faut confirmer cette confiance. Il y a des endroits où il faut la restaurer parce qu'elle n'existe plus et hélas, il y a des endroits où il faut la mettre en place parce qu’elle n'a jamais existé. Et c'est pourquoi j'aimerais dire - et c’est peut-être la seule chose à quoi je tiens vraiment ce matin - qu'il y a des façons de ne pas détruire la confiance et des façons de la construire. D'abord, ne pas détruire la confiance en cessant de multiplier les réformes, les structures, les programmes qui mettent les enseignants dans le doute et l'impuissance. D'autre part, ne pas détruire la confiance en évitant de les agresser inutilement avec cette instabilité de l’emploi qui les met en position de faiblesse. Et enfin - ceci sans qu'on ne s'en rende compte parfois - ne pas détruire la confiance en mettant les enseignants dans des conditions de travail impossible - car ceux qui n'enseignent plus ou qui n'ont jamais enseigné ne se rendent pas compte à quel point l'école a changé et ses publics aussi -.

J'en arrive maintenant à ce qui m'apparaît être le coeur de ma proposition - elle est positive celle-là -, c'est mettre en place, d'urgence, de véritables structures de participation. D'urgence. Ne pas se contenter de parler de structures, mais vouloir que l'école soit un lieu de vie démocratique pour tous ceux qui s’y rendent. Et j'entends évidemment d'abord les élèves pour qui l'école devrait être un lieu de vie et non pas un lieu de non-vie comme c'est souvent le cas. Ensuite pour les enseignants qui sont de plus en plus considérés comme des automates. Et enfin pour les pouvoirs organisateurs qui sont parfois dépassés malgré eux par l'abondance des débats et des problèmes techniques. Je pense que les lieux de participation ont ceci d'intéressant en matière d'objectifs, c'est qu'ils peuvent produire à la fois la réflexion, la décision et l'évaluation et je répète que, si on veut enrayer la démotivation galopante qui touche aujourd'hui des milliers d'enseignants, il faut leur permettre de parler d'autre chose. Ceci est peut-être une occasion de le faire bien que, en matière d'objectifs, il y a déjà eu des essais fructueux au sein du Conseil de la Formation et de l'Education.

Jean Rosoux : Anne-Marie Straus, une question précise pour suivre. Est-ce que vous considérez que le Conseil de l'Education et de la Formation est l'organisme adéquat pour rechercher justement cette démocratie revendiquée par le panel qui vient de s'exprimer il y a quelques instants ?

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Anne-Marie Straus : Je vais faire deux réponses. Premièrement, vous aviez émis un diagnostic sur ce que la société civile vient de dire et votre diagnostic, c'est de dire : " après ce que l'on a entendu hier et puis ce qu'il en sort aujourd'hui, la réflexion n'a pas supprimé toute spontanéité, et ne se retrouve-t-on pas, disiez-vous, devant un consensus qui ne contient plus vraiment de propositions. Permettez-moi d'abord de faire mon propre diagnostic sur ce que je viens d'entendre. Personnellement, ce que j'ai entendu de la part de la société civile, c'est, d'une part, une angoisse profonde et, d'autre part, la volonté de repréciser tout le temps - et ça me paraît important que ce soit encore reprécisé aujourd'hui - les fondements même qui font que la société civile dit : " Madame ou Messieurs les décideurs, priorité s'il vous plaît à l'enseignement et priorité, dans cet enseignement, à l'"apprendre à apprendre" ".

Par contre, les quatre revendications qu'ils nous donnent collent très fort à la sécurité qu'ils connaissent, c'est-à-dire à l'école, et on a donc, d'une part, un diagnostic de la société civile qui dit : " On ne sait plus très bien où sont les balises " et les balises, ce n’est plus nécessairement l'école. Deuxième forme d'angoisse et de remise en cause, l'éducation et l'économie : ce n'est peut-être pas ça que l'on cherche, il faut que l'enseignement et l'éducation correspondent à autre chose. Puis ils nous tracent quatre propositions d'objectifs qui collent très fort à la structure économique. Donc la société civile vient de faire le rappel des priorités de base, mais les objectifs qui ont été définis pourraient effectivement être un peu élargis. Quant à leur proposition de dernière revendication de partenariat, elle dit : " Vous nous avez fait participer aujourd'hui, continuez à nous faire participer ! " C'est une demande qui existe dans tous les domaines, que ce soit dans l'enseignement ou pour tout autre sujet : une remise en cause, d'une certaine façon, non seulement des leaders et de la manière dont ils décident mais de la manière dont le citoyen lui-même n'a plus participé à la décision. Je considère que ce que le panel de la société civile propose, c'est une offre très courageuse de participer à la décision.

Jean Rosoux : Merci Madame Straus. Ce que je voulais signaler, tout à l'heure en parlant du consensus, c'est que ce qui m'avait frappé hier, c'était les interpellations de membres du panel de la société civile à l'égard des experts en disant : " Proposez-nous des choses ". Ils en proposent aujourd'hui et ça reste assez vague. Je me disais que vous alliez peut-être les concrétiser mais peut-être Monsieur Mahoux va-t-il le faire ?

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Philippe Mahoux : Je vais faire une première remarque sur cette définition à laquelle je suis assez sensible. En effet, il y a un problème de " terminologie ". On parle de la société civile. Je m'interroge depuis très longtemps sur la raison pour laquelle on a inventé ce concept. Parce que, quand on parle de société civile, on la situe de manière automatique par rapport aux politiques, comme si en réalité le politique n'était pas intégré dans la société. Je voulais faire la remarque parce qu’on parle de participation et ce que je viens d'entendre comme dernière proposition est assez éclairante. Il y a un panel qui est organisé et une des propositions de ce panel, c'est de se structurer comme interlocuteur. Cela montre bien que, s’il doit y avoir participation, c'est une participation entre la société et ce qu'on appelle les décideurs, peut-être une réintégration du politique dans l'ensemble de la société ou, finalement, une définition du politique qui serait dans la société, pas en dehors de la société. C'est une remarque que je voulais faire.

Je suis, par rapport à la Conférence-Consensus, assez séduit par la méthodologie. Le problème, quand on parle de consensus, c'est qu'il faut évidemment considérer qu'il s'agit d'une méthodologie et qu’on n'a pas la certitude, en résultat, d'aboutir à un consensus. Je pense d'ailleurs que si on parle de consensus, il faudrait que les enjeux, les objectifs soient communs à l'ensemble des participants, à l'ensemble de la société. Je continue à croire que les objectifs minimums sont communs mais que, sur le plan politique les objectifs restent différents. Sur le dialogue, particulièrement dans le secteur de l'enseignement, comme je suis en fonction depuis un mois, je pense être ici à la fois comme décideur mais aussi comme quelqu'un qui a découvert. Ce dialogue doit être permanent et je crois qu'il existe de manière très, très large. L'école intègre l'ensemble de la société. Dans les propositions qui ont été faites, on parle de passerelles entre l'enseignement, l'économie, le social et le culturel. J'ai découvert que ces passerelles, on tente de les mettre en place. Je vois qu’on parle d'améliorer la gestion du système éducatif, d'avoir un débat démocratique, d'avoir des évaluations régulières, de développer le pilotage. je présume que, quand on parle ici de pilotage, on parle de pilotage du système éducatif et on ne parle pas de pilotage direct de l'élève ou de l'étudiant - encore que, en termes de méthode générale pour l'ensemble de l'enseignement, ce que nous essayons de mettre en place, c'est précisément une technique ou une méthodologie de pilotage qui soit adéquate à la fois pour l'élève et pour l'ensemble de l'enseignement -. Quand on voit ce qui a été fait depuis de nombreuses années, avec l'aide des experts mais aussi en collaboration avec l'ensemble du monde éducatif, je voudrais citer de manière tout à fait particulière les parents qui sont - je ne vais pas dire souvent - absents du débat mais qu'on n'intègre pas dans le monde éducatif. Je crois que, finalement, cette collaboration existe. L'ensemble de la société ne connaît pas de manière suffisante ce qui existe, et c'est un travail d'information à faire qui relève des décideurs. Il y a un travail à faire en fonction de cette volonté d'être informés.

Jean Rosoux : Monsieur Beaussart, je vous invite à répondre à ce que vous avez entendu du chef des personnes réunies dans un panel qu'on appellera un panel de citoyens pour faire plaisir à Monsieur Mahoux, mais il y a, de manière sous-jacente, dans les remarques qui ont été faites, quelque chose qui vous était adressé plus spécifiquement quand on entendait que l'estimation d'un système éducationnel ne doit pas être fondé sur des critères de l'économie marchande.

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Pierre Beaussart : Je voudrais dire plusieurs choses. Tout d'abord que je suis émerveillé qu'en aussi peu de temps, le panel ait pu produire ces réflexions riches et denses, et je vais féliciter tous les membres de ce panel. Deuxièmement, je crois que le dialogue est non seulement utile mais il est nécessaire parce que beaucoup des informations que j'ai entendues ne correspondent plus à la réalité et à la pensée des entreprises aujourd'hui. Quand j'entends dire que l'enseignement a des besoins économiques ou économistes comme on l'a dit, je crois que les responsables des entreprises - là on peut me faire confiance, je les connais bien - ont une vision différente de ce qui est attendu de l'enseignement.

Ce que nous demandons à l'enseignement, c'est une quadruple formation des jeunes, des jeunes gens et des jeunes filles. C'est une formation humaine : en faire des êtres épanouis. C'est, deuxièmement, une formation ouverte sur les autres : accepter, respecter les autres dans la richesse de la diversité. Troisièmement, une formation civique en tant que citoyen et, quatrièmement, une formation professionnelle en tant qu'agent économique et social parce que nous sommes tous destinés - dans des fonctions peut-être très différentes - à avoir une activité économique, une activité professionnelle qui peut se dérouler suivant des plans totalement différents.

Deuxième réflexion que je me fais, à propos de la formation professionnelle. Ce n'est pas une formation purement technique et je tiens à insister là dessus, en ce qui concerne les entreprises : 30 % des hommes et des femmes qui sont au travail en Belgique se retrouvent dans le secteur industriel donc, par conséquent, 60 % sont dans le secteur tertiaire, y compris dans le secteur administratif de l'Etat. Ca c'est le premier point : oublions cette vision industrielle de la société belge. Deuxième point, il faut être conscient que ce qu'on attend des jeunes gens et des jeunes filles qui entrent dans la vie professionnelle, c'est non seulement des compétences, mais des compétences qui sont fondées sur une bonne culture générale, sur des connaissances techniques aussi, bien entendu, mais, en point final de la formation, sur le vouloir et le savoir " continuer à apprendre ". C'est l'essentiel maintenant, vu les mutations technologiques qui se font à une vitesse de plus en plus accélérée et qu'on n'arrêtera pas, il faut en être conscient. Donc il faut avoir à la fois des compétences mais également des aptitudes : des aptitudes en termes de prise de responsabilité, en termes de sens des initiatives, de sens du travail en commun. Je peux multiplier les exemples des aptitudes que l'on doit développer, que l'on doit acquérir et développer déjà à l'école et surtout à l'école car, après, cela devient beaucoup plus aléatoire.

Ceci est un point de vue qui n'apparaissait pas dans les remarques que vous avez très justement soulignées, Monsieur Rosoux, et cela m'avait un peu heurté au départ, je ne vous le cache pas, parce que la vocation actuelle de l'enseignement par rapport aux entreprises est, comme je vous l'ai dit, beaucoup plus large que cette vue purement économiste qui a été décrite. D'où l'utilité d'un dialogue qui doit se poursuivre, qui doit s'élargir. Je crois que, malgré tout le respect que j'ai pour les membres du panel, premièrement, la société civile, tous les citoyens, c'est plus que dix personnes et, deuxièmement, nous avons des structures démocratiques en Belgique : comme l’a dit Winston Churchill, le système démocratique, ce n'est pas un bon régime, mais c'est le moins mauvais de tous ceux qui existent. Par conséquent, nous devons le conserver et nous devons toujours nous y maintenir dans la prise de décision.

Jean Rosoux : J'imagine que Monsieur Fostier ne sera pas tout à fait sur la même longueur d'onde mais c'est bien comme cela, ça fait rebondir le débat...

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Jacques Fostier : Je voudrais faire une première remarque sur la société civile parce que - et ceci est une remarque et pas du tout une critique - quand vous avez composé votre panel de la société civile, vous l'avez composé en y mettant des enseignants, des élèves, des parents, des chefs d'entreprises, c'est-à-dire en la composant par quota de la même manière qu'il y a des partis politiques, des organisations syndicales, des organisations patronales qui représentent une catégorie de personnes, une catégorie de population. Donc vous avez composé la société civile de la manière dont on compose les organisations démocratiques.

Jean Rosoux : Pour clôturer le débat sur la société civile, appelons-la autrement si vous le voulez : ses membres ne font pas partie de structures de pouvoirs, c'est ça je crois qu'on désigne par société civile, c'est tout.

 

Jacques Fostier : Exactement. Je voudrais parler du consensus pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté à ce sujet à notre égard. Je suis pour le consensus, à condition qu'il soit l'aboutissement d'un débat d'idées parce qu'on a trop souvent tendance à croire que le consensus est d'office, au premier stade, en premier lieu et qu'il veut gommer, au nom d'une soit-disant harmonie de société, les débats d'idées. Je crois que nous sommes dans une société traversée par différents clivages. Il ne faut pas gommer ces clivages mais il ne faut pas les oublier. L'objectif n'est pas d'entrer en guerre civile, surtout pas. L'objectif est de reconnaître qu'il y a des clivages gauche - droite, chrétiens - non chrétiens, par exemple; il y a des clivages nord - sud en Belgique. Le consensus, c'est la volonté de dépasser ces clivages sans les nier, c'est-à-dire de permettre à chacun de s'exprimer, de tenir compte de toutes les sensibilités et d'arriver ensuite à une décision, à un compromis - et le mot n'est pas péjoratif dans mon esprit et dans mon langage -. Je crois qu'il ne peut y avoir un consensus que s'il y a cette volonté commune, après s'être exprimé, après avoir défendu ses idées, son projet ou ses conceptions, de respecter le compromis qui est l'aboutissement du débat d'idées. C'est ça le vrai consensus.

Autre chose, j'entends une revendication du panel de la société civile qui est de légitimer son panel. suite à ce que je viens de dire, je crois qu'on ne peut rien légitimer. Le panel, s'il a été composé comme cela, c'est parce qu'il y a différents types de représentativités dans le panel comme il y a différents types de représentativités dans la société. Par conséquent, ce qu'il conviendrait de légitimer, pour avoir un vrai débat de société sur l'enseignement, sur la formation, c'est ce débat, justement.

Je termine en parlant de l'adéquation entre l'économie et l'enseignement, comme on caricature trop souvent. J'ai trouvé qu'il y avait des avis contradictoires dans les rapports qui nous ont été faits des travaux de la société civile : d'une part, on se plaint qu'il y aurait une soumission de l'enseignement à l'économie et d'autre part on lance un appel, très justifié semble-t-il, aux forces vives afin de - j'ai noté l'expression - réduire les incertitudes qui existent dans l'offre et la demande. Il ne faut pas poser le problème en termes de soumission ou de non soumission de l'enseignement à l'économie. Je crois qu'il faut oser dire - et c'est un syndicaliste qui vous le dit - que l'enseignement et la formation doivent répondre aux besoins de la société, pas aux besoins de l'économie. Il ne s'agit pas de former en 1994 ou en l'an 2000 des gens qui vont directement au chômage parce que la formation qu'on leur donne ne correspond pas aux besoins de l'économie. Je crois que le vrai débat n'est pas là.

Le vrai débat est de savoir qui doit déterminer les besoins de l'économie et comment on peut déterminer - et savoir si on peut déterminer - préalablement les besoins d'une économie. Cela mérite vraiment une réflexion : qui doit le faire ? Et là je m'adresse à Monsieur Beaussart : est-ce que ce sont les employeurs seuls qui doivent le faire ? Moi je prétends que non. D'ailleurs, ils en sont bien incapables pour toutes sortes de raisons. Donc je crois que c'est tous ensemble que nous devons définir quelle société nous voulons, quels sont les rapports qui doivent s'installer entre l'économie et la formation. Mais il faut des rapports, il faut une adéquation sans quoi c'est le chômage assuré; ça serait complètement aberrant. Je crois qu'il faut une forme d'adéquation. Le problème est de savoir comment on peut définir cette adéquation en faisant participer tout le monde au débat. Avant de la définir, il faut déterminer quelle économie et quelle société nous voulons et, dans ce cas-là, l'économie a une part importante, tout comme l'enseignement a une part importante.

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Jean Rosoux : Merci Monsieur Fostier. C'était un premier tour de table et on a laissé la parole assez longtemps à chaque intervenant pour qu'il puisse se positionner, situer l'état de sa pensée suite à ce qu'il avait découvert ce matin. Maintenant, il serait peut-être bon de revenir à des interpellations plus précises du panel des citoyens qui a été réuni par l'Institut Jules Destrée. On vient de parler des objectifs, qui devait les définir, de quelle manière, et c'est vrai que, dans les recommandations formulées par le panel des citoyens, on dit à certains moments qu'il faut une structure participante dans la définition des objectifs. Est-ce qu'ils ont des questions plus précises, un point de vue à formuler à l'égard des représentants des différents pouvoirs qui sont ici devant eux ?

Un représentant du panel : A propos de la légitimité du panel, je voudrais dire que, dès le départ de ses travaux, ce problème de légitimité s'est posé et que le panel n'a jamais eu l'intention d'apparaître légitimant. C'était vraiment dès le départ une préoccupation du panel et le Professeur Quévit l'a encore rappelé en introduction : le panel n'est pas légitimant et n'est pas représentatif d'un débat démocratique. Concernant le prolongement de ceci, la reconnaissante d'un panel, la légitimité du panel, je crois que le mot était un peu malheureux et n'est pas le fruit du débat qu'on a pu avoir ensemble. Il y a un certain nombre de questions; on y a déjà apporté un certain nombre de réponses mais la réflexion doit se poursuivre sans se substituer au débat démocratique qui, lui, englobe à la fois le politique - parce que le politique fait partie de la société - et tous les membres de cette société. Une dernière chose. Je crois que énormément de gens ont déjà fait le débat " adéquation enseignement - besoin ".

Jean Rosoux : D'autres interventions sur la définition plus précise des objectifs ?

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Un représentant du panel : Avant de parler d'objectif, je souhaite qu'on redéfinisse ce qu'est l'enseignement par rapport à nous, les parents. Les objectifs viendront après. Je crois qu'il est intéressant d'avoir une réflexion qui fasse en sorte que nous puissions, nous exprimer sur le type de société que nous voulons pour nos enfants. C'est la base de tout et, si on ne fait pas cette réflexion, ne me parlez pas d'objectifs que nous n'atteindrons peut-être pas.

Jean Rosoux : Tout le monde rejoint ce que Monsieur vient de dire. Il faut se mettre d'accord sur des objectifs de société.

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Anne-Marie Straus : Je suis tellement d'accord avec vous que je n'ai pas pu m'empêcher de lever le doigt pour dire mais oui. C'est comme ça que j'ai lu ce que vous avez écrit : vos objectifs, vous les reportez sur l'école parce que c'est la seule chose qui est connue ou, en tous les cas, influencée par tous les groupes sociaux dans la société. Mais les vrais problèmes que vous exprimez, c'est de dire - et je crois que Jacques Fostier l'a exprimé aussi - " fixons d'abord les besoins ". Vers quelle société va-t-on et que veut-on dans ce cadre-là ? Je ne sais pas s'il y a des réponses. C'est bien ça le vrai problème et la vraie angoisse aujourd'hui pour moi : c'est que nous étions devant un certain nombre de sécurités et de certitudes - dont l'école en matière d'éducation et d'enseignement, dont la famille dont j'ai été surprise de ne pas du tout entendre parler dans ce que vous avez dit -, mais, aujourd'hui, on a l'impression que ces sécurités-là n'existent plus de la même manière et qu'il est bien compliqué de se fixer des objectifs. Ce malaise, on le retrouve d'ailleurs un peu partout. Quand on parle d'économie et de besoins, c'est vrai que, aujourd'hui bien moins qu'hier, on ne peut, même à cet égard, raisonner en termes de besoins. Je le vois dans mon métier au quotidien et on est passé, petit à petit, en matière de recherche et de développement, à des aides techniques et financières pour aller de plus en plus vers une aide sous forme de culture d'infor-mation et de formation, et je n'ai pas de remède à donner. Je dis simplement que, petit à petit, chacun - au niveau de l'école, des jeunes, des entre-prises, des chercheurs - cherche quelque chose, cherche des objectifs et tout ça se traduit par une action dans tous les milieux. Pierre Beaussart le disait tout à l'heure d'une autre manière, on sent partout, y compris dans les milieux écono-miques et les structures économiques, ce besoin d'ensei-gnement, de recherche de culture, et d'autre chose que des objectifs à court terme.

Jean Rosoux : Monsieur Miller, vous avez demandé la parole, puis ce sera au Ministre Mahoux.

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Willem Miller : L'intervention du dernier représentant du panel concernant la présence des parents me fait quand même réfléchir à une façon peut-être plus nuancée de présenter les choses. Je ne suis pas suspect d'évacuer les parents du débat puisque nous faisons partie d'un réseau du Conseil général de l'Enseignement catholique où les parents sont partie prenante et je ne souhaite certainement pas remettre la chose en cause. Mais lorsque l'on dit que les parents savent, voudraient faire savoir quelle école il faut pour leurs enfants, je suis désolé mais je ne peux pas être d'accord. D'abord, beaucoup d'enfants sont majeurs, toujours à l'école et tout un secteur de l'enseignement leur appartient plus qu'à leur parents. C'est notamment le cas de l'enseignement supérieur. Dans l'enseignement secondaire, à partir de 14 ou 15 ans, beau-coup d'enfants sont, de fait, capables de discernement et en tout cas émancipés par la vie qu'ils mènent. On peut le regretter, c'est parfois regrettable et les parents, de ce côté-là, ne sont pas plus capables de savoir ce que leurs enfants veulent de l'école que ce qu'ils veulent comme école pour leurs enfants, pas plus que nous, d'ailleurs, comme ensei-gnants parfois. Donc, quand on dit que les parents sont les représentants de leurs enfants, je le conçois jusqu'à un certain âge mais je pense qu'il faut envisager la famille d'aujour-d'hui. J'ai toujours la tentation, que je pense parfois saine, de réfléchir à des grands problèmes en regardant ce qui se passe autour de moi, dans l'école où j'enseigne depuis toujours et dans les environs de la région que j'habite. Et bien, dans les régions qui sont les nôtres, comme Seraing, comme Flémalle, comme Herstal, ou plus loin comme La Louvière ou Charleroi, la famille est excessivement déstabi-lisée. Elle est excessivement incapable de faire face à ses besoins et on voit de plus en plus, dans les écoles, le matin vers 7h30 - 8 heures, des petits enfants jetés dans les écoles, non peignés, pas lavés, qui n'ont pas mangé. Je veux bien que les parents aient un rôle important à jouer, encore faudrait-il savoir quels parents, parce que je pense qu'ils ne sont pas tous capables, malheu-reusement, d'assumer ce rôle que je souhaite qu'ils assument comme vous et, d'autre part, à un moment donné, les parents doivent aussi être les porte-parole non seulement de leur responsabilité d'éducateur mais de leurs enfants parce que le grand oublié dans l'affaire, c'est finalement l'enfant.

Un certain nombre de désaffections ou de révoltes - ça dépend des tempéraments estudiantins et individuels - traduisent le fait que tout le monde s'intéresse à l'école mais qu'on ne demande pas à ceux que l'école concerne tous les jours ce qu'ils en pensent ou, en tout cas, pas suffisamment. Dans la participation, il m'apparaîtrait criminel, en fonction de ce que j'entends ici, même si la démarche est très compli-quée, qu'on n'inclut pas les étudiants, par des formules qu'il faudra trouver, au débat démocratique. Sinon, je pense que c'est une captation de pouvoir des parents, ce qui est inacceptable.

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Philippe Mahoux : On parle de consensus, de rencontre, de dialogue. Je suis frappé par le fait que, souvent, quand on se trouve dans des assemblées d'enseignants, les enseignants parlent de l'absence des parents et que, quand on se trouve dans une assemblée de parents, les parents parlent de l'école et de l'absence des enseignants. Je crois que si on doit vérita-blement instaurer un dialogue, c'est un dialogue entre le monde de l'enseignement et les parents. Cela me paraît vraiment essentiel, parce qu'on a tendance à renvoyer vivement à l'école l'en-semble des problèmes de la société et à mettre sur le dos de l'école tous les dysfonctionnements qui peuvent exister. Il faut rendre à l'école ce qui est son rôle. C'est un rôle qui est suffisamment vaste, suffi-samment important pour ne pas mettre sur le dos de l'école les autres préoccupations, les autres secteurs d'activités de la société.

J'entendais, tout à l'heure, les interventions par rapport à l'adéquation entre l'école et l'entreprise, y compris par rapport au problème du chômage. Je pense qu'on ne peut pas remettre sur l'école toute la problématique du chômage. La formation me paraît effectivement tout à fait fonda-mentale, une formation performante, une formation à la capacité de poser des gestes parce qu'on apprend un métier d'une manière précise. On sait ce qu'est la mobilité mainte-nant, en fonction des modifications socio-économiques qui peuvent exister en raison des fermetures d'entreprises. J'entendais "apprendre à apprendre" : ce qu'il faut faire à l'école, dans l'enseignement technique et profes-sionnel où la relation entre l'entreprise et l'école doit se faire encore davantage, c'est apprendre à s'adapter, par la technique, par l'utilisation de l'objet, en étant intégré au processus d'adaptation pour celui qui doit changer d'emploi à certains moments dans une société où les perspectives d'insertion sur le plan professionnel sont tellement mouvantes. Je plaide pour qu'on ne mette pas sur le dos de l'école tous les problèmes qui peuvent exister et je dis aussi que l'école doit être réintégrée dans l'ensemble des problèmes de la société. Par exemple, on enseigne à l'école, on forme, on parle de rythme scolaire : quand on parle de modi-fication de rythme scolaire, avec des cycles qui sont grands, ça veut dire un rétablissement de trimestres alternant des périodes de travail et des périodes de repos plus adéquates, et ça a une influence sur la société. Qu'est-ce qu'on fait des enfants pendant les périodes où les parents travaillent ? J'ai eu l'occasion de dire que le nombre d'heures que les enfants doivent passer à l'école au cours d'une même journée n'est - en tout cas pour les plus jeunes d'entre eux - pas vraiment compatible avec leur équilibre de santé, à l'exception du mercredi. Est-ce que, en dehors d'une période scolaire, c'est l'école qui va devoir s'occuper des enfants, tandis que des tâches pédagogiques dispa-raissent ? Tous ces problèmes posés renvoient l'école à la société et la société à l'école.

Une représentante du panel : Je voudrais tout d'abord répondre à Monsieur Beaussart. Je me sens, moi aussi, très concernée en tant que chef d'entre-prise par le profil que vous avez fait de l'étudiant, du nouvel employé qui sort de l'école. Il y a beaucoup de qualités qui n'existent que pour une petite partie de la population, à savoir une certaine élite, celle qui sort de l'Université, celle qui a la chance, y compris dans la société, d'avoir une famille convenable et qui peut faire des études. Il est évident qu'il faut - j'ai retenu le terme parce que ça m'interpelle très fort - une formation humaine, humaniste, civique et profes-sionnelle. Et là, je dis bravo. Le panel ne s'est pas spécia-lement intéressé à cette élite, mais a voulu aborder tous les problèmes. L'ensei-gnement est en porte-à-faux à l'heure actuelle avec notre société. Cela nous a été dit par des experts beaucoup plus réalistes, parfois alar-mistes, que d'autres qui nous ont expliqué qu'ils étaient en train de faire des recherches.

Je m'adresse aujourd'hui à Monsieur le Ministre mais aussi aux autres interlocuteurs, puisque j'en ai l'opportunité. Nous, en tant que parents, en tant que chefs d'entreprise, enfin comme représentants des membres de la société, nous avons envie de vous demander de disposer des organismes de recherche ou des centres d'informations. On a demandé la négo-ciation, je crois que c'est vrai qu'on l'a, mais c'est plus peut-être que nous souhaitons, en termes d'information. On ne sait pas pourquoi telle école est moins bonne que l'autre, pourquoi il y a une inégalité entre l'enseignement libre et l'enseignement officiel, entre telle école et une autre... Donc, on le devine. Et on va mettre nos enfants dans une école parce que, là, les enfants sont mieux éduqués. On a ressenti très fort le besoin d'une plus grande égalité entre les ensei-gnements, entre les établissements. De même que créer ou valoriser un tel institut de recherches pourrait nous aider à programmer les études de nos enfants, parce que nous saurions que, si la situation économique est telle, il faudrait mieux produire plus de tel ou tel profil, renforcer telle ou telle formation. Je pense résumer ainsi les préoccu-pations du panel.

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Jean Rosoux : Tout à fait, j'avais décelé aussi ce que vous venez de rappeler, c'était vraiment au coeur des préoccupations dans le cours des débats. Monsieur Beaussart va réagir puisque vous l'aviez interpellé tout à l'heure.

Pierre Beaussart : Je voudrais avoir deux réactions. Premièrement, même si on envisage des niveaux différents, tous doivent avoir la chance d'avoir la quadruple formation ou de recevoir la quadruple formation que j'ai décrite en sachant qu'on arrivera à des endroits différents. Je trouve que même la personne qui n'est pas préqualifiée, qui n'est pas très intelligente, disons le mot, a le droit de recevoir les formations comme citoyen ou une formation comme être humain. Deuxièmement, en vous écoutant, je crois que nous avons au moins un point commun. C'est que nous sommes convaincus que la crise de l'enseignement - disons le mot : crise de l'enseignement - c'est peut-être le problème numéro 1 auquel nous sommes confrontés actuellement, en Wallonie et en Communauté française, même si cela vous paraît bizarre que ce soit une personne liée aux entreprises qui dise cela, je suis vraiment persuadé que c'est la vérité. Nous avons beaucoup d'autres problèmes. Nous avons les problèmes économiques, les problèmes de l'évolution technologique accélérée et d'un accroissement que certains qualifient d'insensé. Nous avons le problème de la mondia-lisation de l'économie; notre marché c'est l'Europe mais ça devient le monde entier et nous sommes en concurrence avec des produits, avec des services venant du monde entier maintenant. Nous avons des changements d'organisation extraordinaires dans les entreprises. Il faut se rendre compte que les entreprises d'aujourd'hui, ce n'est plus une entreprise d'il y a vingt ans. On a parlé de 1970 : je me rappelle que, à ce moment-là, je travaillais aux ACEC à Charleroi. Il y avait dix-huit échelons hiérarchiques; maintenant il y en a quatre. Vous imaginez le changement de structure que ça peut opérer. Cela signifie que les responsabilités sont autrement partagées, il y a un autre sens d'initiative qui doit se développer dans l'entre-prise aujourd'hui par rapport à ce qu'on a connu, il y a seulement vingt ans. Ce sont de gros changements pour les entreprises. Les changements de la société, on les a cités également et il y a des personnes plus qualifiées que moi autour de la table pour en parler, mais c'est vrai qu'il y a des changements de société épouvantables qui ne sont pas tous bons, il faut bien le dire. Je n'irai pourtant pas jusqu'au pessimisme noir de Monsieur Miller, quand il parle des enfants parqués à sept heures du matin devant l'école pas lavés : en tant que membre du pouvoir organisateur d'un petit collège de province (600 élèves), je peux vous dire que les cas pareils sont heureu-sement rares - mais c'est peut-être un milieu différent -. Mais c'est vrai qu'il y a des cas sociaux et c'est vrai qu'il y a une évolution sociale qui n'est malheureusement pas la même pour tous et qu'on parle actuellement d'une société duale.

Le problème de l'enseignement, problème fondamental, me rappelle ce qui s'est passé au début de la première crise industrielle. Ce n'était pas une crise, c'était une période exceptionnelle : la première industria-lisation. Et, à ce moment-là, l'enseignement a su réagir. On a réagi de deux façons pour s'adapter aux changements survenus à la fois dans l'économie et dans la société. A ce moment-là, on a pris une grosse décision, c'est la décision de l'instruction obligatoire. Une deuxième décision, qui était un problème de société à l'époque, était de créer de très grands réseaux d'écoles partout en France, comme en Belgique d'ailleurs, et de développer le nombre d'écoles de façon importante. Je crois que nous sommes revenus, aujourd'hui, devant des problèmes de la même ampleur à cause de l'évolution de la société comme telle, à cause de l'évolution économique, et tout cela dans un contexte - on n'en a pas parlé - où les finances publiques sont vraiment très défi-cientes. Et nous savons très bien que, en toile de fond de tout cela, il y a un problème de finances que nous ne parvenons pas à résoudre. C'est ça le problème que nous ressentons tous, que nous exprimons avec des sensibilités différentes, des approches différentes.

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Jacques Fostier : Je ne pense pas que le problème de l'enseignement, même s'il est réel, soit le problème le plus important que nous connaissons actuellement. Il ne faut pas charger l'enseignement de tous les malheurs, de toutes les fautes et en faire un bouc émissaire de nos problèmes actuels. Et inversement, dans la suite logique, le charger d'être le seul porteur d'une solution possible. Le problème majeur de notre société, c'est un problème d'emploi. C'est un problème de crise économique et un problème d'emploi. Et l'enseignement - l'école en général - ne fait que subir les conséquences de cette crise économique majeure, conséquences au niveau du financement par exemple, consé-quences au niveau des questions que l'école se pose quant à sa finalité, quant à son adéquation et, j'y reviens, problème majeur d'emploi. Donc je réponds à l'intervention - que je partage d'ailleurs - : je crois que, avant de définir quel enseignement nous voulons, il faut dire quelle société nous voulons, essayer de détecter les dérives actuelles, dérives d'une société qui, bien qu'elle soit capable de produire de plus en plus de richesses, conduit à des inégalités croissantes, une société qui devient duale. C'est un vrai problème de société, mais problème sur lequel réapparaissent tous les clivages, pour lequel il faut un consensus, et il appartient à tout le monde de donner son avis. Je ne suis pas d'accord non plus avec Monsieur Miller, quand il nie le droit aux parents d'intervenir, en disant que ce sont plutôt les élèves qu'il veut écouter. Non, il faut écouter tout le monde, en ayant bien conscience que, en écoutant tout le monde, tout le monde défend ses intérêts. Cela doit être un changement de mentalité. C'est bien normal dans la société. Je ne parle pas aujourd'hui au nom de mon organisation, parce que j'ai décidé de ne pas venir devant vous réciter la dix-septième résolution de mon dernier présidium, mais aussi d'essayer d'abandonner la langue de bois. On est dans un colloque et je fais aussi partie de la société civile - je suis aussi père de famille et en plus époux d'enseignante - : il faut être conscient du fait que personne n'a le monopole et qu'il faut essayer de trouver les gens représentant l'intérêt général. Il faut oser dire ça si on veut un jour aboutir à un véritable débat d'idées et à un consensus final - remis en cause régulièrement, mais ça c'est bien normal.

Les parents doivent donner leur avis : quand on est parent, on a un intérêt très particulier pour ses enfants. C'est bien normal, il faut les écouter. Les élèves ont des intérêts, les employeurs ont des intérêts, les syndicats ont des intérêts. Tout le monde doit être écouté : je voudrais essayer de les revaloriser devant vous. Dans mon organisation, chaque fois que quelqu'un intervient, c'est au nom de la base. De la même manière, dans les débats d'idées, chacun intervient au nom de l'intérêt général. Non, il faut prendre conscience du fait que la société est faite de conflits, que chacun doit s'exprimer et que c'est du compromis que doit sortir une nouvelle dynamique.

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