La
province : une institution à redéfinir?
Rapport général -
(1996)
Michel Herbiet
Professeur à la Faculté de Droit de
l'Université de Liège
Arrivé au terme de cette
journée de réflexions sur l’avenir des provinces, Une institution à
redéfinir ?, me revient la lourde tâche de tenter de dresser devant vous le
rapport général de ce colloque.
Tâche combien
embarrassante et ingrate dans la mesure où "l’avenir des provinces" est un thème
à la mode – en témoignent les nombreux articles de journaux et les émissions de
radio et de télévision consacrés à ce sujet ces dernières semaines – mais où
l’on se rend compte, dans le même temps, combien est grande la méconnaissance du
citoyen à l'égard de cette vénérable institution de plus de 160 ans et combien
est vive la passion que suscite directement ce sujet dans les milieux politiques
concernés. Ainsi s’affrontent, rarement à fleurets mouchetés, les défenseurs
acharnés et les inconditionnels des provinces et ceux qui estiment qu’il y va
d’une institution dépassée dont ils entrevoient et parfois même souhaitent la
prompte disparition.
La réalité est tout autre
et beaucoup plus complexe compte tenu de l’interpénétration des centres
d’intérêt et de la diversité des matières à traiter; elle doit être envisagée
sereinement et avec un esprit constructif. Ce n’est en effet pas à coup
d’arguments superficiels – je dirai même épidermiques – ni de slogans plus ou
moins démagogiques qu’une réforme en profondeur et durable de l’institution peut
être envisagée.

Il convient d’entamer, ou
mieux de poursuivre, une réflexion entamée, dès 1984, dans cette même ville lors
du Congrès organisé par le Centre de Droit régional des Facultés Notre-Dame de
la Paix sur le thème
La province dans l’Etat belge (1).
L’actualité des discussions menées alors est saisissante. Force est cependant de
reconnaître que la réflexion a peu évolué depuis lors, même si de nombreuses
propositions parlementaires ont été déposées à ce sujet (2).
Les propos se répètent et les questions se posent toujours avec la même acuité.
Peut-être le ton est-il plus vif et les positions plus exacerbées.
Tenter de faire
progresser le débat nécessite, selon nous, une démarche scientifique méthodique
et une approche hiérarchisée des problèmes.
Avant de penser, nous
semble-t-il, à réformer l’institution provinciale pour la doter d’une structure
et d’une organisation aussi rationnelle et performante que possible, et pour
renforcer sa lisibilité et son caractère démocratique – or c’est là
essentiellement, sinon exclusivement, il faut bien en convenir, le contenu des
multiples propositions déposées actuellement sur le Bureau des Chambres –,
convient-il de se poser quelques questions essentielles :
-
Quelle est la place
des provinces parmi les différents niveaux de pouvoirs, dans une Belgique
fédérale ?
-
Quelles sont leurs
missions ?
-
En quelles qualités
agissent-elles ?
Il y va non pas d’une
simple lubie de juriste en manque de classifications cartésiennes mais du
fondement même de la réflexion sur "le devenir des provinces". Si ce travail de
décryptage – fastidieux – n’est pas mené scientifiquement et sereinement, il y a
fort à parier que la réforme ne pourra se fonder que sur des compromis
incertains et des quiproquos successifs.
Mieux vaut donc réfléchir
à ces problèmes, ne plus reporter le débat, trancher dans le vif (3),
même si se pose de façon implicite un problème de rivalité, de concurrence avec
d’autres pouvoirs.
Ces réflexions nous
semblent primordiales dès le moment où se pose la question du maintien des
provinces et de leur avenir en tant qu’entités politiques autonomes. En effet
l’institution provinciale ne fonctionne pas pour elle-même; elle s’insère dans
un contexte institutionnel plus vaste et plus complexe où elle doit, à peine de
disparaître ou de changer fondamentalement de structure, justifier d’une réelle
légitimité politique, même si elle doit être adaptée ou renouvelée.
Tentons maintenant de
répondre à ces différentes questions.

A. Des provinces,
pour quoi faire ?
1. Quelle est la
place des provinces parmi les différents niveaux de pouvoirs ?
L’organisation
administrative du pays comprend et requiert plusieurs niveaux de pouvoir; les
provinces sont et devraient rester un pouvoir intermédiaire situé entre le
niveau local et le niveau supérieur occupé par l'Etat, les Régions et les
Communautés (4) (5).
Elles constituent de plus un pouvoir subordonné c'est-à-dire qu'elles ne peuvent
agir que sous le contrôle et la tutelle du pouvoir central compétent (Etat,
Communautés, Régions, suivant les matières) (6);
l'intérêt provincial est en effet subordonné à l'intérêt général et doit
s'incliner devant ce dernier (7).
Si l’existence même des
provinces a été remise en cause, à la fin des années 70, par le Pacte d’Egmont
(1977) et les accords de Stuyvenberg, les Accords de la Saint-Michel ont
consacré le rôle des provinces dans une Belgique fédérale et ont permis la
création des deux provinces du Brabant.
La dynamique fédérale en
effet n’est en rien exclusive d’une décentralisation poussée des différents
pouvoirs centraux (8).
Certes le système mis en
place en 1831 par le Constituant (9)
a abandonné à l’initiative des autorités provinciales, toutes possibilités
d’interventions utiles ("la gestion des intérêts provinciaux"), leur permettant
ainsi de répondre adéquatement aux nécessités spécifiques qui se manifestaient
dans leur circonscription c’est-à-dire au niveau des réalités géographiques et
économiques à rencontrer. L’action menée par les provinces à cette échelle tant
sur les plans socio-économiques, médico-psychologiques que culturels ou de
l'enseignement, par exemple, a démontré à l'évidence, nous semble-t-il,
l’utilité de ce niveau intermédiaire, capable de susciter et de stimuler les
collaborations nécessaires au bien-être et à l'essor de chaque province en
fonction de ses caractéristiques et de ses besoins propres (10).
Mais les provinces
doivent de plus – et ce n’est que la mise en œuvre de l’article 162, 3° de la
Constitution : la décentralisation d’attributions vers les institutions
provinciales – veiller à assurer, dans leur circonscription, à côté de leurs
missions propres et en concertation avec l’autorité centrale, l’exécution
concrète des tâches essentielles des pouvoirs centraux, indispensables au bon
fonctionnement de la société (11).
Les provinces apparaissent ainsi comme le relais administratif pour la mise en
œuvre de nombre de politiques fédérales, communautaires ou régionales (12).
Des raisons historiques,
un manque de législation adaptée et moderne et la récente évolution des
institutions dans le cadre de la réforme de l'Etat ont cependant rendu diffus le
niveau intermédiaire par la multiplication d’institutions aux contours et aux
missions pas toujours clairement définis (agglomérations et fédérations de
communes, intercommunales, "paraprovinciaux" et "paracommunaux", asbl, etc.).
Ce phénomène n’a pas
manqué d’estomper le rôle des provinces en tant que niveau politique de
décision; aussi la province doit-elle se resituer par rapport aux pouvoirs
existants (13).
Même lorsqu’il fut
question de supprimer la province, le discours politique n’a jamais remis en
cause la nécessité de maintenir un niveau intermédiaire entre la commune, la
Région, la Communauté et l'Etat fédéral. Ainsi fut-il question de remplacer les
provinces par des sous-régions.

Le moment nous semble
donc venu de remodeler, de restructurer ce niveau politique intermédiaire, élu
démocratiquement, et qui connaît bien les problèmes et les besoins de son
territoire, de sa population et des entités locales.
Néanmoins, ce qui frappe
d’emblée l’analyste, c’est le fossé existant entre, d’une part, les propos
politiques avancés depuis de nombreuses années, allant dans le sens d’un
nécessaire raffermissement de la décentralisation et, d’autre part, les
comportements concrets traduisant le renforcement d’une politique
centralisatrice qui s’est, dans les faits, généralisée au cours de la même
période que ce soit au niveau de l'Etat fédéral, des Communautés et des Régions.
Nous pensons notamment à des matières comme l’environnement, l’aménagement du
territoire (hormis les dispositions relatives à la décentralisation et à la
participation (14)),
l’expansion économique, la protection civile, la politique culturelle et de
santé.
D’autres (15),
mieux que nous, ont tenté d’expliquer cette ambiguïté politique : ils dénoncent
l’absence d'une vision globale de l’organisation administrative de notre pays
lors de la réforme de l'Etat et soulignent le souci des institutions nouvelles
d’affirmer leur pouvoir en prenant pour cible un partenaire faible, dont les
compétences pourraient être réduites sans difficulté.
Quoi qu’il en soit, la
nécessaire clarification des missions des provinces reste d’actualité dans le
cadre de l'Etat fédéral. Cette question se pose tout autant pour les tâches
relevant de l’intérêt provincial, c’est-à-dire de la sphère d’autonomie, que
pour celles qui ressortissent à l’intérêt général, que la compétence soit en
l'occurrence plus ou moins liée.
La situation actuelle est
cependant assez particulière dans la mesure où les choses risquent d’évoluer
dans un avenir proche; même si la loi organique des provinces et ses éventuelles
modifications relèvent encore aujourd’hui du pouvoir législatif fédéral, la
régionalisation totale des institutions provinciales et communales et de leur
organisation est à l’ordre du jour de la prochaine révision de la Constitution.
Il appartiendra donc, sous peu, au décret régional de régir cette matière.
L'appréhension de la problématique provinciale risque dès lors d'être perçue
différemment au nord et au sud du pays.
Si un principe essentiel
doit guider cette réforme, c’est, nous semble-t-il, celui de la subsidiarité qui
consiste à confier, en cas de choix possible, toute fonction ou compétence au
niveau de pouvoir le plus proche du citoyen. La province paraît dans bien des
cas devoir jouer ce rôle : de nombreuses matières, tout en se situant en dehors
de la sphère d’efficacité des pouvoirs centraux, sont en effet trop vastes et
nécessitent une mobilisation de moyens trop importants pour être gérées au
niveau communal. Il n’en reste pas moins vrai qu’elles doivent être traitées par
une institution de proximité, les préoccupations du citoyen pouvant
considérablement varier d’une entité à l’autre (16).

2. Quelles sont
les activités des provinces ?
Dresser un état des lieux
de l’activité des provinces postule de procéder à un véritable inventaire des
nombreux domaines dans lesquels les provinces sont intervenues activement à
quelque titre que ce soit et ce, depuis de nombreuses années. Cette énumération,
pour intéressante qu’elle puisse être sur le plan informatif – les provinces
n’exercent-elles pas en effet des activités extrêmement diversifiées – présente,
pour notre recherche, un intérêt scientifique limité, tout en dépassant le cadre
que nous nous sommes fixé.
Certains spécialistes,
tel Monsieur Hugé, n’ont pas hésité à procéder à un relevé assez systématique,
encore que non exhaustif selon les termes de l’auteur, des diverses fonctions
couvertes par les provinces (17).
Cet exercice ingrat mais
indispensable est riche d’enseignement et fait clairement apparaître les
difficultés et les limites d’une telle démarche.
Il est d'abord frappant
de constater combien, malgré des moyens financiers, somme toute, assez
restreints, est impressionnant l’éventail des activités déployées par les
provinces que ce soit dans le domaine :
-
de la politique
d’action sociale et de la santé;
-
du loisir et du
tourisme;
-
de la culture
(bibliothèques publiques, audiovisuel);
-
de la formation de la
jeunesse et des sports;
-
de l’enseignement et
de la formation permanente;
-
de l’expansion
économique régionale;
sans oublier des domaines
plus traditionnels comme :
-
la sécurité;
-
la tutelle;
-
les travaux publics
et le service technique provincial;
-
les fonctions liées à
l’aménagement du territoire, au logement et à l’environnement.

Les provinces se sont
toujours spontanément intéressées ou ont constamment subi les contraintes des
nécessités et des besoins spécifiques de leur territoire (18).
Ainsi ont-elles développé, au fil des années, des activités propres qui
diffèrent d’une province à l’autre, selon les besoins et les moyens d’action
disponibles. Elles ont souvent fait œuvre de pionniers pour pallier les carences
qu’elles percevaient de manière directe, même si, plus tard, ces matières ont
été reprises par le législateur compétent, souvent d'ailleurs à la demande des
institutions provinciales elles-mêmes qui en appelaient aux autorités centrales
pour soutenir leur action (19).
Mais une telle démarche
marque ses limites; elle ne série peut-être pas assez les problèmes et ne rend
pas suffisamment compte de la réalité combien complexe des missions
provinciales, tantôt d’intérêt provincial, tantôt d’intérêt général. Etant trop
globale, elle néglige les fondements juridiques des diverses compétences et
permet difficilement de déterminer si la province est bien le niveau le plus
adéquat pour traiter de ces matières et si d’autres matières, gérées
actuellement par d’autres pouvoirs, ne pourraient être gérées plus efficacement
au niveau provincial (intercommunales, agglomérations).
C’est pourquoi, nous
tenterons d’affiner l’analyse en tentant de cerner la nature exacte de la
compétence gérée par la province et d’identifier la qualité en laquelle elle ou
ses organes agissent. Nous n’ignorons certes pas la difficulté de cette démarche
dans la mesure où elle repose largement sur une division des compétences –
intérêt général, intérêt provincial – qui risque de coller parfois difficilement
avec la pratique administrative actuelle et de ne pas répondre à
l’interpénétration qui caractérise un grand nombre de missions à accomplir par
les différents niveaux de pouvoirs (20).

3. De quelle
nature sont les compétences gérées par la province et en quelles qualités
ses organes agissent-ils ?
Tout le monde se plaît à
reconnaître le caractère complexe des compétences et des missions provinciales.
Les choses se compliquent dès qu’on tente d’identifier la nature de ces
compétences et la qualité en laquelle l’organe provincial intervient.
Dans l’organisation
globale de la Belgique, les provinces se sont vues assigner par la Constitution (21)
et la loi provinciale, une double fonction – gestion de missions d'intérêt
provincial, gestion de missions d'intérêt général – qu’elles assument en
différentes qualités.
3.1. La province,
organe décentralisé territorialement
Comme le souligne à juste
titre Monsieur Coenen (22),
la province, en tant qu’émanation des électeurs, est chargée d’abord, en sa
qualité d’institution autonome décentralisée, de régler tout ce qui est
d’intérêt provincial; ce sont ce que d’aucuns dénomment les missions
d’intérêt provincial propre. Elle agit alors dans le cadre de ce qu’il est
convenu d’appeler la décentralisation territoriale, mode de gestion des
services publics par lequel le Constituant, la loi et bientôt sans doute, le
décret confient à la province, dont les organes sont désignés dans une large
mesure par le biais d’élection politique périodique, une vocation générale à
gérer l’ensemble des intérêts propres à cette circonscription considérée comme
une personne juridique distincte du pouvoir central, dotée d’un pouvoir propre
de décision (23).
Il n’y a pas d’intérêts
provinciaux par nature (24)
ni par détermination de la loi (25);
le concept adopté par le Constituant a été voulu souple et évolutif (26),
il confère aux provinces une compétence générale et de principe. La province a
l’initiative de sa compétence – dans le respect des principes établis par la
Constitution (27)
– le choix des moyens et n’est soumise à aucune contrainte d’exécution, sous
réserve d’un éventuel contrôle de tutelle. Son domaine d’action n’a d’autres
limites – dans le cadre tracé par les dispositions légales – que l'imagination
des mandataires (28).
Le législateur compétent
peut toutefois restreindre le champ d'activité des provinces; mais,
soulignons-le, ce n’est pas parce qu’une matière a été attribuée aux Régions,
aux Communautés ou reste de la compétence de l'Etat fédéral qu’est pour autant
exclue toute possibilité d’intervention de l’autorité provinciale en tant
qu’organe décentralisé territorialement; il est en effet des pans entiers de
domaines attribués aux dits pouvoirs qui sont encore largement inexploités. Rien
n'empêche, dans l'état actuel du droit positif, aux provinces de déployer dans
ces domaines des initiatives novatrices. Il n’en serait autrement que si
l’intervention du législateur devait être considérée comme à ce point complète
et systématique que ne subsiste plus pour la province aucune possibilité
d’intervenir autre que celle réservée par les textes. Au contraire, si certains
aspects de la matière (29)
restent à l’initiative de la province, celle-ci agira librement dans les limites
ménagées à l’autonomie dans le cadre de la réglementation; l’action de la
province s’inscrit alors dans le concert des institutions en termes de
complémentarité (30).

3.2. La province ,
organe décentralisé par service
Une loi, un décret
particulier peuvent en effet soustraire, expressément ou tacitement, certaines
compétences à la sphère d’attribution des provinces, organes décentralisés
territorialement, pour les confier désormais à un autre pouvoir (la commune, la
Région, la Communauté, l'Etat) ou même pour les restituer aux provinces dans le
cadre de la décentralisation par service ou fonctionnelle.
La province participe en
effet souvent à la gestion de missions d’intérêt général organisées dans le
cadre territorial de la province considérée comme une administration
décentralisée par service et dont les organes agissent au nom de la province,
pour son compte et sous sa propre responsabilité. Sa compétence, facultative ou
obligatoire, se trouve alors assez strictement réglementée.
Il existe en effet des
intérêts généraux bien déterminés dont le pouvoir central compétent – Etat,
Communauté, Région – ne veut pas se charger directement ou qu’il n’entend pas
gérer seul (action conjuguée) et pour la satisfaction desquels il recourt au
phénomène de décentralisation par service réalisée au profit de la personne
publique territoriale qu’est la province (31).
Le législateur (SL)
détermine l’autorité compétente – le Conseil provincial, la Députation
permanente, le gouverneur –, l’objet de cette compétence ainsi que les moyens et
modalités d’action. Ce mode de décentralisation présente le plus souvent un
caractère technique et d’exécution (32).
La province ne gère plus à proprement parler un intérêt provincial mais
intervient dans le cadre d’une mission d’intérêt général qui lui est confiée par
un niveau supérieur de pouvoir, par ou en vertu de la loi (SL).
Ainsi n'est-il pas rare
de constater que les autorités centrales compétentes adoptent parfois des lois,
des décrets qui imposent aux provinces de très lourdes charges administratives
et financières pour la réalisation de certaines missions sans que le Conseil
provincial ou la Députation permanente ne soient vraiment impliqués de quelque
manière que ce soit dans la décision politique qui leur est, en quelque sorte,
imposée de l'extérieur, et, la plupart du temps, sans que leur avis n'ait
préalablement été sollicité. Nous pensons notamment à des domaines comme les
bibliothèques publiques ou les centres culturels (33).
3.3. La province,
organe déconcentré de l'Etat, de la Communauté ou de la Région
Il est enfin une autre
qualité en laquelle les organes de la province peuvent intervenir, celle d'agent
déconcentré de l'Etat, de la Communauté ou de la Région. L'autorité provinciale
est alors investie, par ou en vertu de la loi (SL), d'une compétence qu'elle
exerce au nom, pour compte, sous la responsabilité et à charge d'une autre
personne publique dont elle est le subordonné; sa mission lui est alors imposée.
Le Conseil, la Députation
permanente et le gouverneur sont, dans ce cas, les représentants du pouvoir
central compétent suivant les matières traitées. Ils ne sont que l'instrument du
pouvoir concerné et se trouvent vis-à-vis de ce dernier dans un lien
hiérarchique résultant le plus souvent d'une attribution directe de compétence.
Il n'y a plus place pour la moindre autonomie quant au choix des matières à
traiter (34).
La responsabilité de la Députation permanente ou du gouverneur est alors celle
du supérieur hiérarchique; l'organe de la province désigné par les textes n'a
pas de compte à rendre au Conseil provincial ou à la Députation permanente pour
la gestion de ces missions.

L'intérêt qu'il y a à
faire ces distinctions est manifeste :
-
Tout d'abord en ce
qui concerne le choix des matières à gérer et du mode de gestion.
Entièrement libre dans la décentralisation territoriale (gestion des
intérêts provinciaux) sous la seule réserve d'une éventuelle intervention de
tutelle, il n'en est pas de même lorsqu'il y a décentralisation par service
ou déconcentration; la province ne possède plus alors le choix de la
matière; elle se trouve désignée comme pouvant ou devant exercer une mission
d'intérêt général réglée et organisée par le pouvoir central compétent et
pour laquelle la marge de manœuvre, le choix des moyens est laissé à
l'entière appréciation de ce dernier; l'autorité provinciale désignée (la
Députation permanente par exemple) n'a d'autre pouvoir d'appréciation que
celui que lui reconnaît la loi (SL).
-
Les compétences
d'intérêt général confiées par la loi (SL) ou en vertu de celle-ci aux
provinces sont limitatives; elles s'interprètent donc strictement, à
l'inverse de la compétence reconnue à celles-ci par la Constitution et la
loi provinciale en ce qui concerne la gestion des intérêts provinciaux.
-
Un autre intér0êt de
ces distinctions touche au problème de la désignation de la personne
publique responsable (35).
Dans le cadre de la décentralisation, qu'elle soit territoriale ou par
service, c'est à la province, personne publique distincte du pouvoir
central, qu'incombe la responsabilité des actes posés par ses organes.
Il n'en est pas de même lorsque la Députation permanente, le gouverneur
et, dans certains cas, le Conseil provincial agissent en tant qu'organes
déconcentrés du pouvoir central. Le Conseil d'Etat, dans de nombreux arrêts (36),
considère au contraire que la responsabilité doit être assumée par ledit
pouvoir central qui endossera d'ailleurs les dépens de l'instance dans la
mesure où l'acte de l'agent déconcentré se voit annulé par le Conseil d'Etat.
-
La responsabilité
politique de l'organe compétent devant l'assemblée délibérante n'est pas
engagée en cas de déconcentration ou de décentralisation par service. La
Députation permanente ou le gouverneur ne sont pas tenus, dans l'état actuel
du droit positif, à fournir au Conseil provincial des explications, à rendre
des comptes quant aux raisons qui ont justifié leurs décisions dans ces
hypothèses.
De même, le droit de regard des conseillers provinciaux, précisé aux
articles 65 in fine et 120, alinéa 2 de la loi provinciale, ne
porte-t-il actuellement que sur les documents d'intérêt provincial et, dans
la mesure où ils engagent la province en tant que personne juridique, dans
le cadre de la décentralisation par service (mission de cogestion) mais ce
droit à l'information du conseil ne porte nullement atteinte aux
prérogatives que la Députation permanente ou le gouverneur détiennent de la
loi (SL) dans les matières d'intérêt général.
Une proposition de loi (37)
tente cependant d'étendre explicitement le droit d'interrogation et
d'information des conseillers provinciaux aux missions de cogestion
assignées au gouverneur et à la Députation permanente, bien que ces organes
n'interviendraient pas à proprement parler comme organes provinciaux".

Arrivé à ce stade de
notre analyse, sans doute perçoit-on mieux l'importance de ces distinctions et
la portée du chapitre 3 de notre rapport préliminaire qui n'avait d'autre
ambition que de cerner la multiplicité des missions des provinces et de nous
laisser entrevoir la complexité de l'institution provinciale.
Il est évident que
l'avenir, le devenir même des provinces en tant que niveau politique
intermédiaire, composé d'élus directs dotés de pouvoirs normatifs, ne semble pas
se trouver du côté de la gestion par la province des missions d'intérêt général
dans le cadre de la déconcentration ou de la décentralisation par service. Tout
au plus la province se justifie-t-elle encore comme un échelon administratif du
pouvoir central compétent – Etat, Communauté, Région –, en déconcentration
externe, avec à sa tête un fonctionnaire dirigeant. Au mieux la province
pourrait-elle subsister comme organisme personnalisé – décentralisé par service
– chargé par le législateur compétent de missions spécifiques et géré par une
structure – un conseil d'administration, par exemple – disposant d'un pouvoir de
décision propre, un peu à l'image de ce que furent les agglomérations et
fédérations de communes ou de ce que sont les intercommunales. Point n'est
besoin alors d'organes politiques composés d'élus directs tels le Conseil
provincial ou la Députation permanente; le gouverneur assumerait uniquement le
rôle de commissaire de gouvernement compétent.
Même si, au vu de la
pratique administrative actuelle, une définition des compétences provinciales
peut difficilement se réduire à la gestion des seuls intérêts provinciaux telle
qu'elle est envisagée par la Constitution, le danger est grand de voir le champ
d'action des provinces figé par des mots, des phrases ou le carcan
d'énumérations soi-disant exhaustives que les textes légaux ou décrétaux
pourraient consacrer (38).
Il importe donc, selon nous, que les mandataires provinciaux soient attentifs
aux propos de certains milieux qui, soit sont partisans d'une définition stricte
et unilatérale, par le législateur compétent, des compétences provinciales (39),
soit exigent de ces mêmes mandataires une définition formelle des domaines
d'activité qu'ils souhaitent se voir reconnaître par la loi.

Une telle tendance ne
peut qu'engendrer, à terme, la disparition des provinces en tant qu'organes
politiques. M'adressant aujourd'hui essentiellement à des mandataires
provinciaux, et me plaçant sur un plan purement scientifique et en dehors de
tout esprit polémique, je crois devoir insister sur le fait que le pouvoir
provincial a tout à perdre s'il se laisse enfermer dans des formules exclusives.
N'est-ce pas l'invention et l'esprit d'innovation qui ont été le catalyseur
d'initiatives importantes des provinces dans de nombreux domaines (culture,
tourisme, santé publique, enseignement, etc.) ?
Le niveau provincial
devrait, dans le cadre des réformes envisagées se voir confirmer une large marge
de manœuvre lui permettant de gérer, sous sa responsabilité, des politiques
adaptées à son territoire. Il doit de plus se voir reconnu comme instance
privilégiée de coordination et d'exécution des politiques décidées par le
pouvoir central (40).
Ce niveau politique doit
aussi être un lieu de rencontre et de concertation entre les différentes
composantes de l'Etat et les citoyens qui entendent participer plus directement
à la préparation, à la concertation et à l'application des différentes
politiques (41).
C'est dans ces
conditions, et dans celles-là seulement, que se justifie le maintien de
l'institution provinciale en tant que niveau politique intermédiaire même si
elle doit être repensée, modernisée et se présenter sous un jour plus
démocratique.

Le moment nous paraît dès
lors venu d'esquisser, dans un second temps, une réflexion tout aussi
indispensable sur l'organisation et le fonctionnement de la province, de ses
organes et de son personnel.
B. Faut-il réformer
les provinces ?
Ce n'est un secret pour
personne – en témoignent les multiples propositions de modifications de la loi
provinciale (42)
– que l'institution provinciale doit évoluer non seulement au niveau de la
redéfinition de ses compétences, mais aussi au niveau de son organisation et de
son fonctionnement interne.
Un lent processus de
modernisation de l'institution provinciale a été engagé dès 1980. Celui-ci s'est
manifesté par plusieurs réformes qui ont modifié la législation provinciale.
Nous renvoyons le lecteur aux différentes étapes que nous avons recensées dans
notre rapport préliminaire au présent colloque (43).
Mais quelles sont les
lignes de force des réformes actuellement entreprises ?
Toutes tendent à un
fonctionnement plus efficace, plus harmonieux de l'institution provinciale en
mettant en exergue quelques points majeurs.

Il faut remédier :
-
à la vétusté de la
loi provinciale qui, malgré de nombreuses modifications depuis son adoption,
n'a jamais fait l'objet d'un "lifting" semblable à celui qu'a connu la loi
communale en 1988. Il est significatif, à cet égard, de constater que pas
mal de modifications proposées transposent tout simplement, en les adaptant,
des dispositions insérées récemment dans la loi communale;
-
à un déficit
démocratique des différents organes de l'institution que ce soit le Conseil,
la Députation permanente ou le gouverneur;
-
à un manque flagrant
de transparence et de lisibilité de l'institution.
Ce sont là des carences qui sont dénoncées aussi bien au niveau fédéral
qu'au niveau régional, tant par les parlementaires (44),
par le monde politique en général, et par une doctrine unanime.
Un point mérite cependant
d'être souligné : c'est combien est absent du débat actuel – alors qu'il y est
indissolublement lié – le problème de la place de la province dans la Belgique
fédérale (45)
et combien est esquivé ou plutôt évité prudemment celui de la répartition de
compétences : tout au plus trouve-t-on quelques lignes à ce sujet dans les
positions formulées par les différents partis (46)
qui se résument souvent en de simples déclarations d'intentions sans grande
argumentation. On ne peut que déplorer cet état de fait.
Cette remarque importante
étant faite, nous ne croyons pas devoir reprendre ici les longs développements
que nous avons consacrés à la nécessaire réforme des provinces, lors de notre
rapport préliminaire (47).
Ce serait au risque de nous répéter; de plus le temps nous manque dans le cadre
de ce rapport général. Le point sur divers aspects de cette réforme a d'ailleurs
été très largement abordé par les différents orateurs et intervenants de cette
journée.
Ceci dit, je me
permettrai, avant de conclure, d'émettre quelques réflexions sur certains
aspects des réformes proposées.
Ainsi ne puis-je que me
joindre au concert de ceux qui appellent de leurs vœux une refonte complète du
statut du gouverneur : il y va d'une anomalie qui trouve certes son origine dans
un passé lointain mais qui doit disparaître au plus tôt. On peut en effet
déplorer à juste titre que le gouverneur, qui, aux termes de la loi provinciale (48),
apparaît avant tout comme le commissaire du gouvernement (49),
gardien de la légalité et, dans certains cas, de l'intérêt général,
continue à présider la Députation permanente avec voix délibérative. Rappelons
en effet, ainsi que l'évoquait ce matin M. Robert Collignon, Ministre-Président
du Gouvernement wallon, que le gouverneur est un fonctionnaire de l'Etat
fédéral, nommé par le roi à ce poste jusqu'à l'âge de la retraite et qu'il n'est
donc pas comme tel soumis à la sanction de l'électeur. Dès lors il ne peut
être que préjudiciable à la lisibilité démocratique de l'institution provinciale
de constater qu'une personne non élue, et qui n'a donc aucun compte à rendre aux
différents organes de la province, siège, partage le pouvoir avec les membres
élus de la Députation permanente et participe directement à la gestion des
intérêts provinciaux, mission qu'il est par ailleurs amené à contrôler en tant
qu'autorité de tutelle agissant au nom de l'Etat, de la Communauté ou de la
Région. A la limite, peut-il censurer un acte auquel il a positivement
participé.

Cette incohérence est
tout à fait significative du dysfonctionnement dénoncé par les différents
milieux politiques et scientifiques. On ne peut en effet, pour un même organe,
être à la fois le contrôleur et le contrôlé.
Je ne puis donc que
regretter la position adoptée dans une note au Sénat du 27 novembre 1995
relative à la démocratisation des provinces qui préconise purement et simplement
le maintien des choses en l'état, estimant que la situation actuelle ne pose
pas de problème (50)
et que le gouverneur fort concerné par sa province est également un des
moteurs de celle-ci et jouit d'un grand prestige. Cette réflexion, peu
étayée, ne cerne pas suffisamment les vrais problèmes. Le gouverneur doit garder
sa place – importante – dans la province mais il convient de ne pas mêler les
genres.
Un autre aspect de la
réforme mérite toute notre attention : c'est l'instauration, revendiquée par
plusieurs partis, d'une motion de défiance constructive au profit du Conseil
provincial, visant à pallier la déficience du contrôle du Conseil provincial sur
la Députation permanente.
Tout en étant sensible à
certains arguments avancés par les défenseurs de cette position (51)
et partisan convaincu de la nécessité d'une plus grande démocratisation et
transparence de l'institution provinciale, je ne puis que me montrer réservé et
perplexe relativement à ce volet de la réforme. Il y va d'une question de
stabilité et d'efficience des organes provinciaux.
Ici encore, on ne doit
pas se méprendre sur le rôle joué par le Conseil provincial vis-à-vis de la
Députation permanente. Considérer le Conseil provincial comme un "mini
parlement" qui peut, à son gré, faire et défaire un gouvernement, c'est, selon
nous, ne pas tenir compte de la réalité juridique et institutionnelle de la
province.

La province est, nous
l'avons déjà rappelé, un pouvoir subordonné, un démembrement, certes
constitutionnellement institué, de l'exécutif et ce, quelque soit l'organe
provincial qui agit (Députation permanente, Conseil provincial). Au Conseil
provincial n'appartient pas le "pouvoir législatif"; tout au plus est-il
l'organe délibérant de la province, organisme décentralisé de l'Etat (52).
La Députation permanente apparaît, quant à elle, comme l'organe d'administration
journalière de la province, chargé de l'instruction et de l'exécution de ses
propres décisions et de celles du Conseil adoptées dans le cadre de la gestion
des intérêts provinciaux. Elle est de plus, et nous n'avons pas manqué de le
souligner, chargée de l'exécution des lois et décrets et de la mise en œuvre de
nombres de politiques décidées à d'autres niveaux de pouvoirs pour lesquelles
son intervention est requise au nom de l'intérêt général. Ce serait négliger des
données essentielles que de ne pas tenir compte de ces observations.
Conseil et Députation
permanente ressortissent au même niveau de pouvoir, l'Exécutif, et leurs actes
sont de même nature, ce sont des actes administratifs. Les députés permanents
sont de plus exclusivement élus au sein du Conseil provincial, ce qui peut ne
pas être le cas pour les membres des gouvernements fédéraux, communautaires ou
régionaux qui peuvent être extérieurs aux assemblées législatives. Soulignons
enfin combien nombreuses sont les missions de la Députation permanente qui
relèvent de l'intérêt général, dans le cadre de la déconcentration, et pour
lesquelles elle n'a pas de compte à rendre au conseil, n'étant pas responsable
devant lui des politiques menées dans ce cadre.
L'introduction du procédé
de la motion de méfiance constructive paraît dès lors peu adaptée à
l'institution provinciale.
Ces mêmes réflexions sur
les rapports complexes entre la Députation permanente et le Conseil m'obligent
aussi à faire preuve de circonspection à l'égard de la consécration, dans la loi
provinciale, d'un droit général et absolu d'interrogation, d'information et de
consultation des conseillers provinciaux sur les missions de la Députation
permanente et du gouverneur. Une telle suggestion relève, selon moi, de la
confusion des rôles.

Mais il est d'autres
propositions qui méritent d'être prises en compte et dont l'adoption
clarifierait, à coup sûr, les relations entre la Députation permanente et le
conseil.
Nous pensons notamment à
l'obligation qui serait faite à la Députation permanente d'établir une note de
politique générale à joindre au projet ou à la modification du budget. Un tel
document permettrait aux conseillers provinciaux d'examiner et d'adopter le
budget et ses modifications en meilleure connaissance de cause et de
responsabiliser davantage la Députation permanente qui serait ainsi obligée de
justifier à priori et collégialement sa politique.
L'instauration d'une
incompatibilité entre, d'une part les fonctions de président, de vice-président
ou de membre du Bureau du Conseil et, d'autre part, celles de député permanent
favoriserait, à n'en pas douter, une meilleure identification des rôles et des
fonctions; elle permettrait de dissiper sur ce point toute confusion dommageable
pour l'institution. Nous ne pouvons donc que souscrire à de telles initiatives.
Une dernière remarque
enfin en ce qui concerne la fiscalité provinciale. Nous avons relevé, dans notre
rapport préliminaire (53),
combien ce pouvoir fiscal avait fait l'objet de multiples critiques qui auraient
conduit jusqu'à la remise en question de l'existence même de la province. Qu'il
me soit permis d'observer que cette remise en cause allait de pair avec la
survie de la province en tant qu'organe politique. Ce fait n'a peut-être pas été
suffisamment souligné. Il tombe pourtant sous le sens que maintenir les
provinces sans leur reconnaître un pouvoir fiscal propre, c'est hypothéquer, à
terme, leur autonomie en tant qu'organe politique, agissant de sa propre
initiative dans le cadre de la gestion des intérêts provinciaux. Une des
caractéristiques essentielles d'un organe politique, démocratiquement élu,
n'est-il pas en effet de pouvoir déterminer son action et d'arrêter en toute
autonomie – sous réserve d'un éventuel contrôle de tutelle – les moyens
financiers nécessaires à sa réalisation ? La reconnaissance par la Constitution (54)
d'un pouvoir fiscal propre au profit d'une collectivité publique manifeste en
effet, selon nous, une volonté clairement exprimée de consacrer le caractère
politique de cette institution. Elle constitue le gage de lui assurer une
autonomie financière suffisante, même si celle-ci se trouve étroitement
contrôlée. Une dotation, des possibilités de subventionnement du pouvoir central
compétent de même que des dispositions déterminant les différentes ressources –
non fiscales – de l'organisme (55)
suffisent à permettre le fonctionnement d'un service administratif ou d'une
entreprise publique décentralisée par service. La suppression de la fiscalité
provinciale pourrait bien être le premier pas vers la suppression de la
province, du moins en tant qu'organe politique.
Mais il est temps de
conclure.

Conclusions
La province : une
institution à redéfinir ?
Notre rapport général ne
laisse guère de doute sur ce point.
Je dois toutefois avouer
que c'est en feuilletant, récemment, ma documentation que j'ai épinglé ce propos
de mon collègue Delperée tenu en 1973 – il y a 23 ans déjà – dans cette même
ville, lors d'une journée sur le Rôle des provinces dans les institutions de
demain, propos qui me tiendra lieu de conclusion, tant son actualité et sa
pertinence sont étonnantes. S'interrogeant sur ce thème, il formulait cette
réflexion :
La province ne doit
pas se survivre pour elle-même; elle ne doit même pas survivre par
reconnaissance des services qu'elle a rendus.
Elle ne survivra que
si elle redécouvre le sens le plus approprié de sa mission, dans le service des
libertés et des intérêts de ses citoyens. Car la liberté des institutions se
mérite; elle se mesure aussi à la liberté des hommes pour lesquels elles sont
construites (56).
On ne pourrait formuler
en des termes plus choisis et plus justes l'enjeu véritable du devenir des
provinces dans la Belgique fédérale.

Notes
(1) Les actes de ce
colloque font l’objet d’une intéressante publication éditée chez La Charte, Bruges-Bruxelles, 1984, 205 pages.
(2) Nous renvoyons le lecteur à notre rapport préliminaire au séminaire du 30
janvier 1996, chap. 4, point 2, Doit-on réformer l'institution provinciale ?,
plus spécialement aux notes en bas de pages qui reprennent la plupart des
propositions de lois déposées sur le Bureau des Chambres, p. 42 à 51.
(3) Ainsi que le souligne déjà R. MAES, La province dans l'Etat belge, Centre
régional de Droit, Faculté de Droit de Namur, La Charte, 1984, p. 122.
(4) En ce sens E. CEREXHE, Conclusion dans La province dans l'Etat belge, Centre
régional de Droit, Faculté de Droit de Namur, La Charte, 1984, p. 159; F. DELMARTINO,
ibidem, p. 47; C. PIETTE, ibidem, p. 81.
(5) Voir aussi Association francophone des provinces asbl, Positions adoptées
par certains partis politiques en 1993 en ce qui concerne l'avenir des provinces
et leur démocratisation, 1994, positions du PRL, p. 5, d'Écolo, p. 7, du PSC, p.
2 et du SP, p. 9.
(6) Article 162 de la Constitution et article 46 de la loi ordinaire de réformes
institutionnelles du 9 août 1980.
(7) Voir A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, Bruxelles Larcier, 1966,
n° 669, p. 622, On ne peut donc mettre sur le même pied, du point de vue social,
fonctionnel ou institutionnel, les pouvoirs centraux et les pouvoirs provinciaux
et communaux. Ces derniers sont toujours et nécessairement subordonnés aux
premiers....
En effet, une caractéristique structurelle importante de notre système fédéral
est l'existence, aux niveaux fédéral, régional et communautaire, de
gouvernements et de parlements équivalents, gérant en totale indépendance des
ensembles de compétences différentes. Chaque entité est autonome, c'est-à-dire
que l'exercice de ses compétences est libre et ne peut être entravé par les
règles qu'un autre niveau de pouvoir a édictées dans d'autres matières sur base
d'autres chefs de compétences.
Les communautés et les régions ne sont donc pas soumises au pouvoir de tutelle
de l'Etat central, mais, comme celui-ci, à un contrôle de constitutionnalité
limité, exercé par la Cour d'Arbitrage. Voir M. HERBIET, Répercussions de la
régionalisation en matière de l'organisation de l'économie, Actualités du Droit,
Revue de la Faculté de droit de Liège, Story-Scientia, 1991, p. 461 à 508.
(8) E. CEREXHE, La province dans l'État belge, Centre régional de Droit, Faculté
de Droit de Namur, op.cit., p. 161.
(9) Rappelons le statut constitutionnel des provinces dont l'existence est
consacrée par les articles 41 et 162 de la Constitution, pour la gestion des
intérêts provinciaux. Le pouvoir législatif ordinaire de l'Etat fédéral,
communautaire ou régional ou spécial ne pourrait donc supprimer ce niveau de
pouvoir.
(10) Cfr Ph. HUGE, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, Association
francophone des Provinces belges, asbl, 1989, p. 119 et 120.
(11) En ce sens, Association francophone des provinces asbl, Des nouvelles
provinces dans une Flandre nouvelle, Traduction d'un mémorandum élaboré par
l'Association des Provinces flamandes à l'occasion des élections législatives du
21 mai 1995 et soumis, entre autres, à la Commission du Sénat en réunion du 26
septembre 1995, p. 3.
(12) C. PIETTE, La province dans l'Etat belge, op. cit., p. 81.
(13) E. CEREXHE, La province dans l'Etat belge, op. cit., p. 159.
(14) Décret du 27 avril 1989 de décentralisation et de participation modifiant
le Code wallon de l'Aménagement du Territoire et de l'Urbanisme.
(15) Notamment Ph. HUGÉ, Province 2001 - pro vincere, op. cit., p. 122.
(16) Voir le rapport préliminaire au séminaire du 30 janvier 1996 : La
province : une institution à redéfinir ?, établi sous notre direction par J. HODEIGE et A. BORGHS, p. 40.
(17) Cfr Ph. HUGE, Greffier provincial de Namur, Démocratie locale : Province,
état des lieux, congrès du Parti Socialiste, 23 avril 1994, Facultés Notre-Dame
de la Paix à Namur, p. 28.
(18) Cfr Ph. HUGE, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, 1989, p. 84 .
(19) Cfr Ph. HUGÉ, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, 1989, p. 124 .
(20) Cfr Ph. HUGE, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, 1989, p. 136 .
(21) Articles 41 et 162.
(22) Voir O. COENEN, La province : base d’un pouvoir intermédiaire restructuré,
Administration publique, trimestriel, 1984/3, p. 205.
(23) Cfr Ph. HUGE, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, 1989, p. 111 et M. HERBIET,
Droit public économique, notes de cours, 1996, p. 79.
(24) Il en est de même des "intérêts communaux"; voir en ce sens O. COENEN,
L'évolution du contenu et des modes de gestion de l'intérêt communal", Mouvement
communal, 2/1992, p. 81.
(25) En ce sens, J. DEMBOUR, Droit administratif, Faculté de Droit de Liège,
1978, p. 122, note 3.
(26) Dynamique et assez fluide souligne J.P. DEMACQ, Président de l'Institut
Jules Destrée dans son discours d'ouverture du séminaire du 30 janvier 1996 sur
La province : une institution à redéfinir ?.
(27) Articles 41 et 162, alinéa 2, 2° de la Constitution : La loi consacre ...
2° l'attribution aux conseils provinciaux ... de tout ce qui est d'intérêt
provincial ....
(28) O. COENEN, L’évolution et le contenu des modes de gestion de l’intérêt
communal, Mouvement communal n° 2/1992, p. 37.
(29) Par exemple l’organisation du service.
(30) Cfr Ph. HUGE, Démocratie locale : Province, état des lieux, congrès du
Parti socialiste, 23 avril 1994, Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur, p. 10.

(31) En ce sens J. DEMBOUR, Droit administratif, 3éme édition, Faculté de Droit, d'Economie et de
Sciences sociales de Liège, 1978, p. 124-125, note 1.
(32) Voir aussi M. HERBIET, La province : une institution à redéfinir ?, Rapport
préliminaire au séminaire du 30 janvier 1996.
(33) Décret de la Communauté française du 28 juillet 1992 fixant les conditions
de reconnaissance et de subventions des centres culturels (Moniteur belge du 8
octobre 1992). On consultera à ce sujet l'article de P. THIEL dans la Revue de
Droit communal, 94/2, p. 100 à 121.
(34) Nous pensons notamment à des matières telles que l'urbanisme,
l'environnement, la protection civile, les établissements classés dangereux,
insalubres et incommodes, la tutelle, etc.
(35) Notamment en ce qui concerne la responsabilité civile ou pénale, la
désignation de la partie adverse au contentieux ou de celle à charge de qui les
dépens doivent être mis en cas de litige devant les tribunaux de l'ordre
judiciaire ou du Conseil d'Etat.
(36) Ainsi en est-il, par exemple, en matière de tutelle de la Députation
permanente sur les communes (Conseil d'Etat "Ville de Malines" n° 3.077 du
18/1/54), sur les fabriques d'église (Conseil d'Etat "SCHEURMANS" n° 16.887 du
19/2/75), en matière de permis de bâtir (Conseil d'État "GOSSEYE et ROUSSEAU" n°
23.831 du 20/12/83), d'établissements classés dangereux, insalubres et
incommodes (Conseil d'État "SA Raida Intertraders" n° 33.348 du 17/12/91).
(37) Proposition de loi DARAS-TAVERNIER du 25 mars 1994, Doc. Parl. Sénat
n° 1037-1 (1993-94).
(38) Cfr Ph. HUGE, Province 2001 - Pro vincere, Bruxelles, 1989, p. 148.
(39) Il en irait d'une liste exhaustive et précise des compétences.
(40) Cfr R. MAES, La décentralisation territoriale : situation et perspective,
Rapport au Ministère de l'Intérieur et de la Fonction publique, Bruxelles, INBEL,
p. 305-306; Ch-F. NOTHOMB, La province dans l'Etat belge", op. cit., p. 56.
(41) Par exemple la famille, le Troisième âge, la culture, l'environnement.
Cfr Association francophone des provinces asbl, Positions adoptées par certains
partis politiques en 1993 en ce qui concerne l'avenir des provinces et leur
démocratisation", 1994, propositions du PSC, p. 2; du PRL, p. 5.
(42) Nous renvoyons le lecteur à l'énumération non exhaustive de ces
propositions figurant dans les notes des p. 42 à 51 de notre rapport
préliminaire La province : une institution à redéfinir ?.
(43) M. HERBIET, J. HODEIGE et A. BORGHS, La province : une institution à
redéfinir ?, op. cit., p. 9 à 11.
(44) Voir, par exemple, la proposition Lozie, Viseur modifiant la loi
provinciale et la loi organique des élections provinciales, Doc. parl. Ch., S.O.
1995-96, 313/1 du 18/12/95.
(45) A l'exception peut-être de la proposition Ecolo (DARAS-BOUTMANS), Doc.
parl. Sénat, n° 1-130/1 du 17/10/95.
(46) On consultera notamment le document AFP/94/1402/35 qui nous a été
communiqué par l'Association francophone des provinces asbl : il synthétise les
positions adoptées par certains partis politiques en 1993 en ce qui concerne
l'avenir des provinces et leur démocratisation, (15 pages).
(47) La province : une institution à redéfinir ?, op. cit., p. 42 à 51.
(48) Voir notamment articles 1 et 4 de la loi provinciale du 30 avril 1836.
(49) D'abord et principalement de l'Etat fédéral, mais aussi, dans des matières
communautarisées et régionalisées, de la communauté ou de la région.
(50) Note au Sénat précitée, p. 7, point 6.3.
(51) Notamment aux problèmes que pose l'allongement de la législature
provinciale de 4 à 6 ans.
(52) Et peut-être de la Région, si l'on en croit les déclarations de certains
s'inspirant de la nouvelle rédaction de l'article 5 de la Constitution. Nous
pensons pour notre part qu'il n'y va, dans l'état actuel de notre droit, que de
la détermination du ressort territorial des Régions wallonne et flamande. Les
choses seront cependant amenées à évoluer sous peu.
(53) La province : une institution à redéfinir ?, op. cit., notamment p. 51.
(54) Article 170 de la Constitution.
(55) Par exemple, des redevances pour services rendus.
(56) F. DELPEREE, Le rôle des provinces dans les institutions de demain,
Dossiers du CACEF, avril 1973, n° 7, propos rapportés par Ph. HUGÉ, Province
2001 - Pro vincere, op. cit., p. 141.
Ce texte est extrait de
La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en
collaboration par
l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30
janvier 1996.