La
Wallonie, une région en Europe
La Wallonie : une entité fédérée ? -
(1995)
Philippe Destatte
Directeur de l'Institut Jules Destrée
En 1991, Paul
Tapie, Premier président du Conseil d'Etat et président du Centre de
Droit public de l'Université libre de Bruxelles écrivait que
l'ouverture à l'Est, ou plutôt l'ouverture de l'Est, [...] nous
montrait que nous n'étions plus les seuls à poser le problème de la
gestion démocratique de situations comme la réforme de l'Etat belge.
En Slovaquie, dans certains Etats fédérés de la Yougoslavie,
– disait-il – on entend des propos, sur l'Europe des régions,
par exemple, qui sont chez nous du déjà entendu. Partout à l'Est, et
jusqu'en Union soviétique, on se montre curieux du modèle belge et
soucieux de sa réussite qui serait un espoir pour tous les Etats qui
ne devaient leur unité qu'à la poigne de fer de la dictature.
Prudent, M. Tapie
ajoutait : Nul ne sait ce qu'il en adviendra (1).
On sait aujourd'hui ce
que, dans certains pays, il en est advenu.
Mon souci, en évoquant
les observations du Premier président du Conseil d'Etat, vise à relativiser
notre démarche : la rendre plus modeste encore.
En effet, c'est à
Bygdoszcz, en Pologne, que, à l'occasion de la Première Conférence
internationale sur le Régionalisme en Europe, placée sous le sceau des Droits de
l'Homme – c'était en septembre 1990 –, j'ai vu pour la première fois ce que
représentait la haine entre certains Serbes et certains Croates (2).
De même, c'est comme
rapporteur du séminaire Fédéralisme, état et perspectives tenu à
Bratislava, en janvier 1992, dans le cadre du suivi Est-Ouest de l'Assemblée des
Régions d'Europe, que – avec d'autres – j'ai plaidé pour le maintien de liens
fédéraux entre les Tchèques et les Slovaques (3). Moins
d'un an après, le 13 novembre 1992, tout était consommé dans ce que nous
appelions encore, par erreur, la Tchécoslovaquie.
Assurément, ni le modèle
fédéral, ni le modèle belge n'avaient suffisamment levé l'enthousiasme de nos
interlocuteurs pour qu'ils y trouvent des raisons de se mettre autour d'une
table.

Aussi, rappelons-nous
que, dans ce monde chaotique et tourmenté, ce sont les femmes et les hommes qui
font l'histoire, ce sont les rapports de force qui modifient les textes de lois,
c'est la volonté politique qui assure à l'un sa liberté, à l'autre son carcan.
Dès lors, à l'admirable
phrase de Gandhi, citée par le professeur Etienne Cerexhe, La démocratie doit
assurer aux plus faibles les mêmes opportunités qu'aux plus forts, il faut
faire correspondre cette autre phase du Mahatma : La vérité finit par
triompher. [...] Mais elle n'eût pas triomphé sans une foi inébranlable,
sans une patience extrême, sans la ténacité des efforts (4).
Pendant ces quatre jours,
les experts qui se sont succédé à la tribune des exposés généraux ou à la table
des ateliers ont entrepris deux tâches principales. La première a consisté à
rappeler que le fédéralisme pouvait constituer pour des populations certaines
solutions à des problèmes de vivre ensemble sur un espace politique qui reste
commun. Certes, comme l'ont dit tous deux Emile Noël et Ferdinand Kinsky, le
fédéralisme ne supprime pas les tensions. Il maintient les polarités mais permet
la solution des conflits par les personnes concernées elles-mêmes. De plus,
le fédéralisme n'est pas un paradis terrestre.
La deuxième tâche de
notre démarche commune a consisté en une description du système fédéral belge et
dans l'étude de son scénario, pour reprendre l'heureuse expression du
professeur Jean-Claude Scholsem, expression que je préfère à celle de modèle
pour les raisons que je viens de rappeler.
Aussi, en guise de
conclusion aux travaux de ce séminaire, je souhaite cumuler les deux approches
que je viens d'évoquer : tenter de mesurer le système dit para-fédéral, fédéral,
fédéralisant, post-fédéral, etc. et mesurer ce système belge à l'aune des
principes du fédéralisme qui ont été exposés. Ainsi, au delà de l'article 1er de
la Constitution belge coordonnée le 17 février 1994, proclamant que La
Belgique est un Etat fédéral qui se compose des communautés et des régions,
nous pourrons mesurer l'effectivité fédérale de l'Etat belge.
I. Le premier
principe important du fédéralisme est l'autonomie
Ce principe implique que
les entités fédérées puissent mener leur politique sans avoir à subir
l'intervention du fédéral. Dans le paysage institutionnel de la Belgique,
l'autonomie des entités fédérées se manifeste de manière tangible . La Wallonie
– comme la Flandre, Bruxelles et la Communauté germanophone – disposent,
chacune, à la fois, d'un Parlement élu au suffrage universel direct et
séparément du Parlement fédéral, d'un gouvernement responsable devant ce
Parlement, de compétences législatives et de moyens financiers y afférents. De
plus, les Régions de Wallonie et de Bruxelles gèrent en commun la Communauté
française qui dispose elle aussi de ces quatre attributs pour les matières
d'enseignement, de culture et de recherche scientifique, sauf que là, Parlement
et gouvernement sont formés, si j'ose dire, au second degré.
D'autres éléments
consacrent ce principe d'autonomie :
1.
L'autonomie constitutive que le professeur flamand de droit constitutionnel
André Alen définit comme autonomie constitutionnelle, c'est-à-dire le droit
des entités fédérées de se doter de leur propre constitution précisant leur
mode de fonctionnement politique (5). De plus, notons,
malgré le scepticisme de plusieurs juristes sur cette dernière opportunité,
que les documents parlementaires recèlent ce commentaire de Jean-Maurice
Dehousse, artisan principal de la réforme de l'Etat avec Jean-Luc Dehaene (6),
commentaire fait en commission au moment du débat sur l'article 118 de la
Constitution prévoyant cette autonomie constitutive : l'autonomie
constitutive est un embryon de pouvoir constitutionnel au niveau des entités
fédérées, a-t-il-estimé (7).
2.Les compétences
exclusives – donc non concurrentes avec d'autres – des entités fédérées sur
leur territoire respectif et dans les matières qui leur sont attribuées.
3. L'existence, depuis
1984, d'une Cour d'arbitrage, aujourd'hui considérée par le professeur Paul
Lewalle comme une véritable Cour constitutionnelle, qui veille au respect de
la répartition des compétences. La protection juridictionnelle qu'elle offre
aux minorités n'est toutefois guère efficace lorsqu'elle doit s'attaquer aux
fondements mêmes des clivages qui traversent la société belge (8).
4. L'équipollence
juridique des normes (lois et décrets) : la primauté du fédéral étant
limitée aux compétences concurrentes extrêmement rares dans le système
puisque le fédéral doit s'exercer dans le cercle de ses compétences.
5. Des moyens financiers importants sont
affectés aux entités fédérées : environ 40% du budget total, même si, comme
l'a montré Emmanuel Colla, les compétences en matière de fiscalité sont
limitées, particulièrement dans le domaine des recettes (9).
Du reste, le système des dotations lui-même réduit sensiblement le principe
de l'autonomie financière.
Enfin, relevons que les
institutions de justice ont été tenues à l'écart de la réforme de l'Etat et que,
dès lors, tout le système juridictionnel reste au niveau fédéral même si cette
Justice n'applique plus les mêmes règles de droit dans les différentes Régions
et Communautés.

II. Le deuxième
principe du fédéralisme est la participation des composantes fédérées – en cette
qualité – aux décisions et à l'activité des organes fédéraux
En 1991, c'est-à-dire
avant la dernière révision de la Constitution, le professeur Marc Uyttendaele
estimait que la création d'un Sénat des Communautés et des Régions constituerait
le noeud de la réforme.
Or, nous voyons
aujourd'hui que le Sénat réformé ne représente pas les Régions et les
Communautés. Seuls les vingt sénateurs issus des Conseils de Communauté – sur un
total de 71 Sénateurs – peuvent prétendre représenter les entités fédérées. Le
Sénat n'est pas non plus formé suivant une distribution paritaire ni même
pondérée des sièges suivant les deux grandes Communautés, puisque on y décompte
41 sénateurs flamands pour 29 francophones, suivant une répartition
proportionnelle à la population. De son côté, le fonctionnement de la Chambre
reste basé sur les deux grands groupes linguistiques et lié aux protections
bipolaires de 1970 mais ne connaît pas de représentation des entités fédérées.
D'ailleurs, pour l'une comme pour l'autre chambre, l'article 42 de la
Constitution dispose que Les Membres des deux Chambres représentent la Nation
et non uniquement ceux qui les ont élus. Formule qui fera sourire tout
observateur de la vie politique belge, tout d'abord parce que l'on sait que la
langue de prestation de serment détermine l'appartenance à une communauté
particulière, deuxièmement parce que la notion de Nation belge bloque le
juriste, le politologue et l'historien du nord comme du sud aussi sûrement que
ne le fait un virus dans un ordinateur.
Sous cet aspect
particulier de la participation, la suppression du double mandat – la double
casquette – pour les parlementaires constitue d'ailleurs un handicap par rapport
à la situation antérieure. Ce qui montre que les mêmes éléments peuvent
favoriser l'autonomie des entités fédérées et défavoriser la participation de
ces entités au fédéral; mais ce constat n'étonnera personne.
Enfin, aucun mécanisme
n'est prévu pour associer les entités fédérées en tant que telles, à la révision
de la Constitution, alors que leurs assemblées sont appelées à ratifier des
traités ou des négociations conclus par la Belgique, comme Maastricht ou le Gatt
et à transposer les directives européennes qui touchent à leurs compétences. A
cet égard, il est utile de relire le discours que fit Freddy Terwagne au Sénat
le 18 juin 1970. Le ministre des Relations communautaires expliquait devant une
assemblée hésitante par rapport à l'avenir de l'Etat que la Belgique régionale
et communautaire de 1970 ne serait pas un Etat fédéral, notamment parce que dans
les Etats fédéraux, les Etats fédérés participent directement à la procédure
de révision de la Constitution fédérale (10).

III. Le principe de
subsidiarité
Jean-Maurice Dehousse a
mis en évidence les éléments de l'application de ce principe qui veut que l'on
accorde la priorité de l'attribution de la compétence aux entités les plus
proches du citoyen, aux entités les plus à même d'exercer cette compétence de
manière efficace. Il s'agit donc de reconnaître aux entités fédérées toutes les
compétences qu'elles sont capables d'exercer. Les exemples de la mise en oeuvre
de ce principe ont été choisis essentiellement dans le domaine des compétences
économiques. Il n'est pas nécessaire d'y revenir, sauf à rappeler le fait que
depuis la dernière réforme, les compétences d'attribution sont dédicacées à l'Etat
fédéral et les compétences résiduelles aux entités fédérées. Si ce principe –
fort important au point de vue de la philosophie de la réforme – a été inscrit
dans la Constitution en son article 35, il reste à énumérer les compétences
exclusivement fédérales, ce qui devra être réalisé par une loi à majorité
spéciale.

IV. Les mécanismes de
coopération entre entités fédérales et fédérées apparaissent particulièrement
faibles
Même si une procédure
d'accords de coopération tantôt permet tantôt impose la collaboration entre
entités fédérées, il n'y a pas de lieu permanent de coopération fédérale, pas de
Sénat des Régions. Seul un Comité de Concertation, se tient au niveau des
gouvernements pour la prévention des conflits. Il s'agit d'une scène de dialogue
politique, où se rencontrent des ministres sous la présidence du fédéral.
La faiblesse des
mécanismes de coopération est assurément directement issue du type de
fédéralisme – qualifié de bipolaire et de centrifuge – dans lequel nous nous
situons.
Certes, il y a la loyauté
fédérale qui suppose que chaque entité fédérée fasse prévaloir les intérêts de
la fédération sur ses propres intérêts. Ce principe est inscrit dans la
Constitution belge mais aucun système contraignant n'a été prévu pour en assurer
l'application. Ainsi, cette loyauté fédérale est davantage, comme l'a
écrit et rappelé Jacques Brassinne, un concept qui relève de la morale
plutôt qu'un véritable système juridique (11).
Complémentairement à ces
trois principes fondamentaux, d'autres avaient été mis en avant pour
caractériser un Etat fédéral.
Ainsi en est-il de la
clarté territoriale au sein de la fédération. On décèle là un biais fondamental
qui trouve son origine avant même la réforme : le paradoxe de la fixation
territoriale de la Flandre, de la Wallonie et de Bruxelles en 1932 (d'abord de
manière positive car évolutive), puis en 1962 quand la frontière des langues se
sacralise et devient, aux yeux des Flamands seulement, une frontière d'Etat.
Ensuite, il faut
souligner la superposition de communautés et de régions, à Bruxelles, en Flandre
et en Wallonie. Même si cette complexité correspond à la volonté de coller au
plus près aux réalités des gens, – comme l'image des gants de chirurgien – elle
aboutit à un résultat très négatif pour la population et donc pour le système
tout entier : l'incompréhension. Ainsi que l'ont montré Jacques Brassinne et
Yves de Wasseige, le monde politique tout comme le législateur, n'ont pas été
capables, en créant de nouvelles institutions, de supprimer ou de rénover les
anciennes, et particulièrement les provinces.
Assurément, ces deux
remarques contribuent à renforcer, dans la population, le sentiment de coup
d'Etat légal souligné par le professeur Jean Beaufays, même si je pense
davantage, comme le professeur Paul Lewalle, que, globalement, l'évolution s'est
faite avec le consentement de la population.
Ces différents éléments
confortent le constat que faisait, lors de ce colloque, Vasile Popovici, député
de Roumanie : la Constitution belge est une matière très dynamique et assez
fluide.
Autonomie affirmée,
coopération, participation et subsidiarité plutôt faibles me paraissent
caractériser le scénario fédéral belge, fédéralisme de type modeste,
comme l'avait qualifié Jean-Maurice Dehousse en 1993 (12),
émanation d'une société crispée, pour reprendre la formule de Gilles
Gantelet.
Dans un ouvrage dont le
titre paraît toujours d'actualité, Le Fédéralisme inachevé, le professeur
Marc Uyttendaele mettait en évidence les trois logiques contradictoires de la
réforme de l'Etat belge depuis 1970 : d'abord la logique pré-fédérale basée sur
la protection de la minorité francophone, ensuite la logique économique fondée
sur l'existence de trois régions, enfin, la logique linguistique et culturelle
fondée sur l'existence de trois communautés. En consacrant simultanément
trois conceptions distinctes de la réforme de l'Etat, – écrivait le
professeur à l'ULB – le constituant a privé notre système institutionnel de
l'homogénéité nécessaire à l'émergence d'institutions fédérales. Aucune des
conceptions, inscrites dans la charte fondamentale, ne peut s'imposer pleinement
parce que la mise en oeuvre de l'une d'entre elles est entravée par l'existence
des deux autres (13).

De plus, cette situation
pourrait s'aggraver pour au moins trois raisons :
1.
A moyen terme, et particulièrement avec la monnaie unique, l'intégration
européenne affaiblira considérablement voire supprimera l'union économique
et monétaire belge.
2. La distance entre
les objectifs des partis politiques d'une même famille idéologique se
creuse, notamment à cause de leurs stratégies réciproques au niveau des
entités fédérées. Ainsi, par exemple, la fédération PRL-FDF mise en place à
Bruxelles ne constitue-t-elle pas un facteur de rapprochement entre libéraux
flamands et wallons. Au fédéralisme de l'Etat, les Flamands opposent
d'ailleurs le confédéralisme des partis.
3. La dynamique
séparatiste du nationalisme flamand constitue une réalité historique dont on
ne saurait négliger les effets. Au delà de l'application stricte du principe
du juste retour entre le nord et le sud – aujourd'hui – et de la
menace d'appliquer ce principe à la sécurité sociale, comment être sûr que,
à un discours flamand d'exclusion ne répondra pas un jour l'exaspération
d'une Wallonie excédée par les formules de la presse flamande comme celle
qui, en 1992, laissait accroire que tous les quatre ans, chaque famille
flamande paie une voiture neuve à une famille wallonne. Qui accepterait une
telle provocation au sein d'un couple, même amoureux ? Les règles de la
sécurité sociale doivent être appliquées de manière uniforme dans tout le
pays, c'est la condition sine qua non de sa survie en tant que
système fédéral, rappelait le Premier ministre fédéral à l'issue de la
dernière réforme de l'Etat (14).
Malgré tout, je ne crois
pas, comme Francis Delperée, que le choix soit aujourd'hui d'être fédéral ou
plus du tout – d'autres options restant ouvertes. Par contre, je pense que
le professeur de Louvain a raison lorsqu'il souligne que le fédéralisme est
une entreprise légitime, opportune et à portée de main (15).
Des pistes existent en
dehors d'une accélération de l'évolution centrifuge. Pourtant, rares sont ceux
qui, ces dernières années, scientifiques ou politiques, ont osé tracer des
perspectives. C'est néanmoins le cas de Robert Collignon, actuel
ministre-président du gouvernement wallon qui, en 1989, juriste et
parlementaire, se risquait à définir un schéma fédéraliste uniquement
territorial, basé sur les quatre régions linguistiques : la Flandre, Bruxelles,
le territoire des germanophones et la Wallonie (16). De
manière étonnante, peut-être, tant la Groupe Coudenberg, association bruxelloise
de fédéralisme d'union, que le mouvement Wallonie, Région d'Europe ont également
développé cette vision. Cette optique serait, en fait, celle d'un fédéralisme
devenu adulte et donc capable de régler démocratiquement les problèmes liés à la
fixation de la frontière linguistique. Nous aurions ainsi formé ces Etats-Unis
de Belgique que certains évoquaient en 1993 (17).
Tel ou tel scénario,
est-ce bien important ? L'essentiel, nous le répétons sans cesse, n'est-ce pas
surtout le projet de société démocratique ?
L'Europe est omniprésente
dans nos préoccupations. Chacun sait qu'elle constitue un filet de secours pour
tout atterrissage difficile, comme sur les porte-avions : faire l'Europe et
faire la Belgique, ce sont deux mouvements complémentaires, a rappelé, au
cours de ce colloque, Jean-Maurice Dehousse.

Permettez-moi de
conclure.
En 1931, l'homme
politique wallon dont notre Institut s'honore de porter le nom, Jules Destrée –
qui était aussi président de la Commission de Coopération culturelle de la
Société des Nations – a publié un ouvrage sous le titre de Pour en finir avec
la guerre. Rappelant que l'amour de la patrie ne devait jamais avoir pour
complément la haine de l'étranger, il y écrivait que le système politique
qui correspondait le mieux à ces idées était assurément le fédéralisme,
l'autonomie des groupes, laissés libres de se conduire selon leurs moeurs
particulières et réunis dans un accord souple pour un effort commun. Un pour
tous, tous pour un. L'autonomie a pour corollaire la fédération.
Et Jules Destrée
ajoutait : Le problème des minorités tourmente plusieurs pays d'Europe. Il
disparaîtrait si, au lieu de vouloir assimiler par la contrainte les allogènes,
on les soustrayait aux excès d'un patriotisme mal placé et si on leur concédait
une large autonomie (18).
Dès lors, ne pratiquons
pas le fétichisme des concepts et des mots et disons nous que, si nous
n'obtenons pas le fédéralisme ouvert et respectueux de l'autre auquel, à l'Est
comme à l'Ouest, nous aspirons, pratiquons la maximalisation de la dignité
humaine (19).

Notes
(1)
Préface de l'ouvrage de Marc UYTTENDAELE, Le Fédéralisme inachevé, Réflexions
sur le système institutionnel belge issu des réformes de 1988-1989,
Bruxelles, Bruylant, 1991.
(2) Régionalisme en Europe, Tradition et nouvelles
tendances, Première Conférence internationale sur le Régionalisme,
Bygdoszcz, 20-23 septembre 1990.
(3) Philippe DESTATTE, Rapport général, dans
ASSEMBLEE DES REGIONS D'EUROPE, Comité du Suivi Est-Ouest, Séminaire
Fédéralisme : Etat et Perspectives, Bratislava, 16-18 janvier 1992.
(4) GANDHI, Autobiographie ou mes expériences de vérité,
p. 197, Paris, PUF, 4ème éd., 1983.
(5) André ALEN, Le fédéralisme belge, dans Le
Fédéralisme, Approches politique, économique et juridique, p. 156,
Bruxelles, De Boeck Université, 1994.
(6) Jan CLEMENT, e.a., Les Accords de la Saint-Michel,
p. 32, Bruxelles, Bruylant, 1994. – Rolf FALTER, Formele tenoren achter
staatsher vorming verbergen echte breinen [Derrière les ténors officiels de
la réforme de l'Etat se cachent les vrais cerveaux], dans De Standaard,
15 juillet 1993.
(7) Annales parlementaires,
Chambre des Représentants, 29 janvier 1993, Document 725/6-92/93, p. 66 –
Voir aussi le commentaire de Jean-Luc Dehaene dans son discours de clôture du
colloque du Centre d'Etudes constitutionnelles et administratives, les 6 et 7
mai 1993 : [...] d'aucuns se sont mis à rêver d'une Constitution propre.
Soyons clair : c'est impossible sur la base de la Constitution actuelle. Mais
l'idée n'est peut-être pas aussi choquante qu'il n'y paraît. Dans la plupart des
Etats fédéraux, les entités fédérées disposent de leur propre Constitution.
L'autonomie constitutive limitée, qui est actuellement réalisée, peut être un
premier pas en ce sens. dans Francis DELPEREE e.a., La Constitution
fédérale du 5 mai 1993, p. 240, Bruxelles, Bruylant, 1993.
(8) Xavier DELGRANGE, Fédéralisme et protection des
minorités, dans Francis DELPEREE e.a., La Constitution fédérale du 5 mai
1993, p. 83, Bruxelles, Bruylant, 1993.
(9) Voir Jean LE BRUN, La Répartition des moyens,
dans F. DELPEREE e.a., La Constitution..., p. 199-218
(10) Discussion de l'article 107quater de la Constitution,
Intervention au Sénat, le 18 juin 1970, dans Annales parlementaires,
Session 1969-1970, p. 2010 à 2012, reproduit dans, Claude REMY, Freddy
Terwagne, Inscrire la Wallonie dans la Constitution, coll. Ecrits
politiques wallons, p. 169, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1991.
(11) Jacques BRASSINNE, La Belgique fédérale, p. 99,
Bruxelles, CRISP, 1994.
(12) Annales parlementaires,
Chambre des Représentants, 29 janvier 1993, Document 725/6-92-93, p. 66.
(13) Marc UYTTENDAELE, Le Fédéralisme inachevé, p.
638.
(14) Jean-Luc DEHAENE dans F. DELPEREE e.a., La
Constitution..., p. 242.
(15) Francis DELPEREE, Pas d'angélisme, dans La
Libre Belgique, 26 octobre 1992, p. III. Notons que Francis DELPEREE avait
déjà utilisé cette formule, être fédéral ou ne plus être, en 1989 dans
La Belgique, pays en mutation, Cahiers hebdomadaires n° 1234, p. 28,
Bruxelles, CRISP, 1989.
(16) Robert COLLIGNON, La Communauté française ou le
paradoxe de la réforme de l'Etat, dans A l'enseigne de la Belgique
nouvelle, Revue de l'ULB, Bruxelles, 1989, 3-4, p. 179-181.
(17) Dick LEONARD, The united states of Belgium,
dans The Bulletin, 11 février 1993.
(18) Jules DESTREE, Pour en finir avec la guerre,
Pour une organisation fédérative de l'Europe, la constitution d'une police
internationale et la reconnaissance pour les citoyens du droit de refuser le
service militaire pour le crime de la guerre d'agression, p. 71-72,
Bruxelles, L'Eglantine, 1931.
(19) Intervention de Madame Smaranda Enake, co-présidente
roumaine de la ligue Pro Europa, lors du colloque.
Philippe Destatte, La
Wallonie : une entité fédérée, dans
La Wallonie, une région en Europe,
CIFE-IJD, 1997

|