Introduction
1. Comment mieux définir
la Belgique qu’en la présentant comme un Etat où, fondamentalement, peu de
choses se révèlent simples ? L'observateur étranger qui désire en examiner les
caractéristiques aura tôt fait de se heurter à quelques-uns de ses problèmes les
plus sensibles, qu'il s'agisse de la querelle entre communautés linguistiques,
vivace depuis plus d'un siècle, de la réforme des institutions, mouvement
permanent à partir de la fin des années soixante, ou encore de ses constructions
politiques et juridiques changeantes, et souvent alambiquées.
Le thème que nous allons
aborder, celui du partage des moyens financiers entre l'Etat fédéral et les
entités fédérées, ne fait certes pas exception à la complexité ambiante. Une
rapide lecture de la loi spéciale du 16 janvier 1989, qui régit la matière,
suffit à s'en convaincre. Aussi tenterons-nous, dans les pages qui suivent,
d'être le plus méthodique possible, afin de faire ressortir au mieux les grands
principes qui animent le fédéralisme financier en Belgique. Car tel est bien
l’unique objectif de ce rapport; un examen approfondi des moyens techniques de
mise en oeuvre desdits principes requerrait, à lui seul, un ouvrage complet.
2. Notre schéma d'analyse
sera donc, somme toute, assez classique. Nous rappellerons d'abord, en quelques
mots, les caractéristiques majeures du système fédéral belge, dans la mesure où
leur connaissance s’avère indispensable à la bonne compréhension de l'exposé.
Nous verrons ensuite les réponses successives qu’a connues, au fil des
évolutions de l’Etat, la délicate question du partage des ressources. Nous
étudierons enfin la manière dont elle est aujourd’hui résolue, en application
des dispositions constitutionnelles et légales en vigueur.

I. La Belgique, de l’Etat unitaire à l’Etat fédéral (1)
3. Le fédéralisme belge
n'est pas un fédéralisme originaire, mais un fédéralisme de type dissociatif,
issu de l'Etat unitaire né avec la Constitution de 1831. Le pays était alors
dominé par la bourgeoisie, exclusivement francophone, qui détenait le pouvoir
politique et s'y maintenait grâce à un système électoral, basé sur le suffrage
censitaire, qui lui était favorable.
Dès la naissance de la
Belgique, l’on trouve donc, en germe, les éléments de base de sa future
dislocation : l’unique langue officielle était à l’époque le français, et la
majorité de la population, néerlandophone, se trouvait maintenue à l'écart du
gouvernement du pays, et empêchée d'utiliser sa langue dans les rapports avec
les pouvoirs publics et la justice.
Au fil du temps, la
majorité flamande va prendre conscience de son existence. Un Mouvement flamand
naît, pour défendre la langue et la culture flamandes. Profitant des changements
politiques, et plus particulièrement à partir de l'instauration du suffrage
universel, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il va remporter de
nombreuses victoires dont le vote des lois sur l’emploi des langues en 1932 (2).
De crises politiques en
querelles communautaires, au début des années soixante, la Belgique se retrouve
littéralement coupée en deux par une frontière linguistique, fixée par les lois
linguistiques de 1962 et de 1963 (3), qui
sépare le nord flamand – où la capitale bilingue, Bruxelles, se trouve enclavée
– du sud francophone. Dans un tel contexte, sans plus de cohésion
socio-politique, la survie d'un Etat unitaire devenait assez illusoire : la
structure politique du pays était dépassée par les événements (4).
La première réforme de l'Etat (1967-1971), qui faisait suite au vote des lois
linguistiques, va tenter d'adapter le paysage institutionnel à cette situation.
Trois réformes de l’Etat et près de vingt-cinq ans plus tard, en 1993, la
Belgique devient, selon l’article 1er de sa Constitution, un Etat fédéral.
4. En 1970 donc, le pays
est constitutionnellement scindé en quatre régions linguistiques (5),
qui servent de socle territorial à deux réseaux d’entités fédérées, le réseau
communautaire, qui correspondait à une exigence flamande d’autonomie dans le
domaine culturel, et le réseau régional, réponse au voeu wallon d’une certaine
indépendance économique.
Tel qu’il se présente
aujourd'hui (6), l’Etat belge comprend six
entités fédérées, trois communautés (7) et
trois régions (8). Ces entités possèdent un
organe exécutif et un organe législatif (9), et
disposent de compétences en principe exclusives – culturelles, linguistiques, en
matière d’enseignement et dans les matières dites "personnalisables" (10)
pour les communautés (11), essentiellement
économiques et relatives à l’environnement et au logement en ce qui concerne les
régions (12) – qu’elles exercent de manière
autonome par voie de décrets, normes de valeur égale à la loi fédérale (13).
5. Ainsi, à l'issue de
ces différentes révisions constitutionnelles, on se retrouve face à une
structure politique inédite et extrêmement complexe, où deux catégories
d’entités fédérées, disposant chacune de leur propre sphère de compétences,
peuvent coexister sur un même territoire, et où certaines de ces entités ne
disposent pas d’assises territoriales qui soient précisément délimitées (14).
Ceci ne constitue
d’ailleurs pas l’unique spécificité du modèle fédéral belge. On l’aura compris,
il a suivi un mouvement dissociatif et centrifuge. Mais surtout, il se
caractérise par une bipolarité fondamentale entre le nord et le sud du pays.
Celle-ci se manifeste, au plan politique, par la prédominance de deux entités,
la Communauté flamande et la Région wallonne. Sur le plan juridique, on en
trouve des signes évidents à la fois au niveau fédéral et à celui des entités.
Au niveau de l’Etat fédéral, le dualisme apparaît au travers d’un ensemble de
mécanismes visant à garantir un certain équilibre entre les deux tendances
linguistiques (15). Au niveau des entités, il
se traduit notamment par une asymétrie marquée des structures institutionnelles.
En effet, dès la mise sur pied, en 1980, des Régions, les Flamands vont choisir
de fusionner les organes de leur Communauté et de leur Région, tant pour des
raisons pratiques que pour souligner cette bipolarité de l'Etat belge, qui ne
repose, selon leur opinion, que sur les deux seules composantes Flandre et
Wallonie (16).
6. Cette bipolarité
nord-sud se retrouve, inévitablement, dans le domaine financier. Elle constitue
sans conteste l’une des principales clés qui permettent de comprendre le système
de financement des Communautés et des Régions.
II. Evolution du système de financement des entités (17)
7. Lorsque, en 1970, les
premières entités apparaissent dans le paysage institutionnel belge – il s'agit
des Communautés, seules matériellement organisées à l'époque – elles sont
financées exclusivement, en vertu de l'article 59bis, § 6 de la Constitution (18),
par un crédit global à charge du budget national, fixé par la loi, en
fonction de critères objectifs.
8. Ce système de
dotations, somme toute assez simple, connaît une première évolution avec la
réforme de l'Etat de 1980. L'article 110, § 2 de la Constitution (19)
est alors révisé pour autoriser les Communautés et Régions à lever des impôts,
sous réserve des exceptions déterminées par la loi. En outre, un nouveau système
de financement des entités est fixé en détail dans la loi ordinaire du 9 août
1980 de réformes institutionnelles. Il repose, pour l'essentiel (20),
sur des dotations à charge du budget national, qui sont réparties entre
Communautés et Régions sur base de clés de répartition (21).
Ce système fut très
sévèrement critiqué au nord du pays, parce qu'il avait pour résultat d'établir
entre les entités une solidarité à la fois "opaque", c'est-à-dire difficilement
chiffrable, et globalement fort favorable à la Région wallonne et à la
Communauté française, notamment par rapport à leur contribution respective à
l'impôt des personnes physiques. Il fonctionnera cependant pendant huit ans. Ce
n'est qu'à l'occasion de la réforme de l'Etat de 1988-1989, et des nombreux
transferts de compétences qui vont alors être opérés, que les mécanismes de
financement des communautés et régions seront intégralement revus, pour revêtir
leur forme actuelle.

9. L'année 1989 marque
donc un tournant majeur dans l'évolution du fédéralisme fiscal belge. Les règles
de financement des entités sont désormais soustraites à la compétence du
législateur ordinaire : elles sont fixées dans une loi spéciale (22).
Le recours à la procédure plus rigide de la loi spéciale avait pour objectif
avoué de renforcer l'autonomie des Communautés et Régions, dont les finances
cessent désormais d'être dépendantes d'une majorité simple au Parlement fédéral.
10. La philosophie et
l'esprit général de la loi spéciale du 16 janvier 1989 sont intimement liés au
contexte politique et économique dans lequel elle fut conçue.
En effet, sur le plan
politique, les critiques flamandes à l'encontre du système des dotations et de
la solidarité opaque qui en découlait vont finalement aboutir à un net
changement d'optique. Le nouveau principe directeur de la répartition des moyens
entre entités est dorénavant la règle du juste retour territorial : les
richesses doivent revenir là où elles ont été générées. Pour éviter que les
effets de ce changement ne se fassent sentir de manière trop immédiate et
brutale auprès des bénéficiaires de l'ancien système, la loi spéciale instaure
une longue période de transition, extrêmement complexe. Le régime ne deviendra
définitif et le principe du juste retour ne jouera à plein rendement qu'à partir
de l'année budgétaire 2000. Jusque-là, la répartition des moyens entre entités
sera progressivement rééquilibrée en faveur de la Communauté et de la Région
flamande.
Sur le plan économique,
il faut se souvenir que, en 1989, la situation des finances publiques belges
n’était guère favorable. L'Etat fédéral est contraint de mener une politique de
rigueur budgétaire dans tous les secteurs. Ce souci d'économie va dominer
l'ensemble de la négociation des moyens à transférer aux entités, et les
Communautés et Régions se verront imposer, elles aussi, une perspective
d'austérité pour l'avenir. Ainsi, les masses globales qui leur seront
transférées sont, en principe, figées au montant qu'elles représentent en 1989,
et simplement liées à l'évolution de l'index jusqu'à l'expiration de la période
transitoire, en 2000.

11. Avant d'entamer tout
examen plus précis de la réglementation actuelle du partage financier en
Belgique, il nous semble nécessaire de fournir ici quelques indications
chiffrées qui permettront très certainement de mieux en cerner les implications
concrètes :
a. Superficie du pays (23)
30 528 km², dont :
Région wallonne : 55,2%
Région flamande : 44,3%
Région bruxelloise : 0,5%
b. Population du pays
(au 1er janvier 1995) (24)
10 130 631 habitants,
dont :
Région wallonne : 32,7%
Région flamande : 57,9%
Région bruxelloise : 9,4%
c. Capacité
contributive des régions (rendement de l'impôt des personnes physiques, sur
base de l'exercice d'imposition 1994, clôturé le 30/06/1995) (25)
Région wallonne :
28,94%
Région flamande : 61,23%
Région bruxelloise : 9,82%
d. Ecart entre l'impôt
des personnes physiques par habitant dans chaque région et l'impôt des
personnes physiques par habitant dans le Royaume (sur base des données de
l'exercice d'imposition 1994, clôturé le 30/06/1995) (26)
Région wallonne : -
13,04%
Région flamande : + 5,77%
Région bruxelloise : + 4,61%
e. Recettes des entités
en francs belges (pour 1996) (27)
Communautés : 484,1
milliards
Régions : 371,4
milliards
Total : 855,5
milliards
f. Budget de l'Etat
fédéral en francs belges (pour 1996) (28)
I. Recettes 1 461,3
milliards
II. Dépenses 1 678,7
milliards
III. Solde net du
budget -217,4 milliards
IV. Solde des
opérations de trésorerie -22,5 milliards
V. Solde net à financer
-239,9 milliards
VI. Amortissement de la
dette publique 776,0 milliards
VII. Solde brut à
financer -1 015,9 milliards
g. Dette publique nette
en francs belges (au 30/06/1995) (29) :
9 558,3 milliards (à la
fin de l'année 1994, elle représentait 120,5% du PIB, soit une diminution de
0,5% par rapport à 1993).
III. Les règles du partage financier (30)
12. Connaissant l’esprit
du système de financement élaboré en 1989, on peut en aborder le contenu, de
manière assez classique, à partir de trois interrogations. Tout d'abord, l’on se
demandera comment est déterminée la masse globale des moyens qui doivent être
transférés aux entités. C'est la question du
partage vertical des ressources financières. Ensuite, cette masse étant
fixée, on examinera la manière dont elle est répartie entre les différentes
entités : c'est la question du partage horizontal. Et enfin, on
s’interrogera sur l’étendue de l’autonomie dont disposent, en pratique,
les Communautés et Régions vis-à-vis de ces recettes.
1. Les règles de partage vertical
13. Lorsqu'il s'est agi
de calculer quelles masses financières allaient être transférées aux Communautés
et Régions, le législateur spécial choisit pour point de départ les dépenses
auxquelles ces entités allaient devoir faire face. Deux règles de partage
vertical ont ainsi été établies : la première s'applique au transfert des moyens
destinés à couvrir toutes les dépenses des Communautés et Régions, à l'exclusion
des dépenses d'enseignement. La seconde concerne, logiquement, le financement de
ces dernières.
a. Financement de
toutes les dépenses, sauf celles d'enseignement
14. Pour fixer le
crédit global destiné à couvrir ces dépenses, la loi spéciale s’est
simplement basée sur le montant total des dotations faites en 1988 aux
Communautés et Régions, par application de la loi du 9 août 1980. À ce
montant, on a ajouté les sommes que l'Etat central consacrait jusque-là aux
compétences que la réforme de 1988-1989 confiait aux entités.
Le total ainsi
obtenu, annuellement indexé à partir de 1990, constitue donc la masse
financière qui est transférée aux entités (31).
Et c'est là que l'on peut découvrir la perspective d'austérité imposée aux
Communautés et Régions : il était prévu que ce montant ne devait pas
connaître de croissance réelle, c'est-à-dire hors indexation, avant l'année
budgétaire 2000. C'est ce que l'on a appelé la "contrainte de la croissance
zéro" des ressources communautaires et régionales.
15. Il a pourtant
bien fallu se rendre à l'évidence : cette masse globale s'est assez
rapidement révélée insuffisante pour permettre aux entités fédérées de faire
utilement face à leurs besoins. Ainsi, à l'occasion de la réforme de 1993,
la loi spéciale du 16 janvier 1989 a notamment été modifiée de manière à
desserrer légèrement le carcan de la croissance zéro. À partir de l'année
budgétaire 1994, par exemple, les montants transférés et indexés évoluent en
fonction d'un certain pourcentage de la croissance réelle du produit
national brut. Pour 1994, cette liaison à la croissance du PNB est de 10%,
pourcentage qui augmentera de manière exponentielle chaque année (32)
pour atteindre 97,5% en 1999 et 100% en 2000, à l'issue de la période
transitoire (33).
b. Couverture des
dépenses d'enseignement
16. La seconde règle
de partage vertical, qui concerne exclusivement le financement des dépenses
d'enseignement, est quelque peu différente, et encore plus rigoureuse (34).
La loi spéciale du 16 janvier 1989 a, de la même manière, repris le montant
du budget national consacré en 1988 à l'enseignement, pour l’attribuer
annuellement aux Communautés et, dès 1990, l’indexer. Mais en outre, cette
masse est adaptée chaque année, après indexation, en fonction d'un
coefficient de dénatalité. Ce coefficient permet de faire évoluer les moyens
transférés, en liaison avec la variation du nombre d'enfants entre 0 et 18
ans (35). Si cette tranche de la population
vient à diminuer, cela entraîne automatiquement une réduction des sommes
attribuées aux Communautés, puisque les frais qu’elles doivent supporter
sont censés devenir moindres (36).
L’austérité budgétaire est donc bien de mise dans ce secteur également (37).
2. Les règles de partage horizontal
17. Connaître les masses
financières qui doivent être transférées n’est pas tout; il faut encore savoir
comment elles seront réparties entre les différentes entités fédérées. Tel est
l'objet des règles de partage horizontal, qui diffèrent selon qu'il s'agit du
partage entre régions ou entre communautés.
a. Le partage régional
18. La loi du 9 août
1980, nous l'avons rappelé ci-dessus, réglait le partage des dotations
régionales par le biais d'une clé de répartition, dite "clé des trois
tiers" (38), qui de facto instaurait
une véritable solidarité interrégionale. La loi spéciale du 16 janvier 1989
témoigne d'un changement radical de point de vue : la nouvelle règle de
principe veut que la solidarité cède la place au juste retour territorial :
les richesses devront désormais, en fin de compte, revenir à ceux qui les
ont produites. Ainsi, en 2000, à l'issue de la période transitoire, le
partage régional s'effectuera exclusivement en fonction de la localisation
des recettes de l'impôt des personnes physiques, ce qui signifie que chaque
région sera alimentée en fonction des recettes fiscales générées sur son
territoire (39).
Les chiffres connus
montrent que ce régime sera indubitablement particulièrement sévère pour la
Région wallonne. Grâce à l'ancienne clé de répartition, elle recueillait
environ 40% des moyens régionaux; avec le nouveau système, elle ne devrait
plus en obtenir, à l'issue de la période transitoire, qu’environ 29% (40).
Cependant, les effets de l'application du principe du juste retour
territorial sont quelque peu contrebalancés par l'instauration de ce que
l'on a appelé une "intervention de solidarité nationale" : la loi spéciale
prévoit qu'un certain montant sera attribué à la Région où le rendement de
l'impôt des personnes physiques par habitant serait inférieur à la moyenne
nationale (41) – ce qui est le cas de la
Région wallonne (42). Une certaine
solidarité, cette fois transparente et tout à fait chiffrable, est ainsi
réintroduite (43).
b. Le partage
communautaire
19. La technique
employée pour effectuer le partage des ressources entre les Communautés
diffère en fonction du type de dépenses à financer.
Pour toutes les
dépenses communautaires autres que celles d'enseignement, la règle est, de
même que pour les Régions, le juste retour territorial. Dès la fin de la
période transitoire, en 2000, le partage se fera en fonction du rendement de
l'impôt des personnes physiques par Communauté. Bien entendu, le problème
s'est immédiatement posé de savoir comment on pouvait répartir l’impôt
localisé sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, qui
relève du champ de compétences des deux grandes Communautés (44).
Il a fallu imaginer une ventilation forfaitaire : ainsi, 80 % des recettes
bruxelloises sont censés provenir de la Communauté française, et 20 % de la
Communauté flamande (45).
20. En ce qui
concerne les dépenses d'enseignement, le législateur spécial a procédé de
manière fort différente. Le partage repose ici sur l'idée d'une égalité de
besoins : un enfant égale un enfant, quelle que soit la Communauté à
laquelle il appartient. Ainsi, la masse globale destinée à financer
l'enseignement est ventilée entre les deux grandes Communautés en fonction
de la répartition du nombre d'élèves en 1988. Pour éviter toute
contestation, la loi spéciale fixe forfaitairement ce chiffre à 42,45 % pour
la Communauté française et 57,55 % pour la Communauté flamande. En 1999, ces
pourcentages seront adaptés en fonction de la répartition réelle du nombre
d'élèves, déterminée sur base de critères objectifs fixés par la loi (46).
Ce qui pourrait éventuellement se traduire par une certaine diminution au
détriment de la Communauté française, à qui la fixation forfaitaire est
actuellement relativement favorable (47).
21. Sans vouloir
s’attarder davantage sur le financement des dépenses d’enseignement, on en
soulignera cependant l’atypisme profond. L’on ne rencontre ici aucune
liaison entre les ressources et la capacité contributive des Communautés;
corrélativement, le partage sur base de besoins estimés égaux implique un
élément de solidarité, qu’il serait bien malaisé d’estimer. En réalité, l’on
se trouve ici en présence d’une dotation pure et simple à charge du budget
fédéral, avec une clé de répartition fixée forfaitairement par la loi. Pour
tenter de dissimuler ce que l’on aurait pu qualifier de "non-progrès" par
rapport au système décrié de 1980, la loi spéciale exprime cette dotation
inconditionnelle sous la forme d’un pourcentage du produit de la TVA, qui
est attribué aux Communautés (48).
L’artifice, parfaitement inutile d’un point de vue technique, se justifie
plus aisément par des soucis d’ordre politique (49)…
3. Les règles d'autonomie
22. Nous connaissons
maintenant la méthode que suit la loi de financement afin de fixer l’ampleur des
masses financières qui sont annuellement transférées aux entités, et de les
répartir entre elles. Il nous reste à examiner la forme que prend cette
répartition et, au delà, dans quelle mesure la Constitution et la loi spéciale
garantissent l'autonomie financière des Communautés et Régions, postulat
essentiel du fédéralisme fiscal (50).
Cette autonomie
financière présente en réalité deux aspects distincts : l'autonomie de dépenses,
d'une part, et l'autonomie de recettes, d'autre part.
23. En ce qui concerne
l'autonomie de dépenses, les choses sont assez claires. Comme nous venons de le
montrer, la détermination des ressources à transférer aux Communautés et
Régions, de même que la répartition de ces sommes entre leurs destinataires, se
fait en fonction des dépenses que les entités doivent exposer. Mais ceci ne
concerne que le premier stade de l'opération, celui du calcul des montants. Une
fois ceux-ci transférés, ils quittent définitivement la sphère des finances
fédérales et se retrouvent dans les budgets de recettes des entités. Dès ce
moment, le pouvoir fédéral est privé de tout droit de regard sur l'usage qui
sera fait de ces sommes. Le principe d'universalité budgétaire joue à plein :
les Communautés et Régions vont affecter l'ensemble des recettes qui sont ainsi
mises à leur disposition à l'ensemble de leurs dépenses, en procédant en toute
liberté aux choix qu'elles jugent opportuns (51).
Leur autonomie de dépenses est donc totale (52).
24. La question de
l'autonomie de recettes est, elle, beaucoup plus complexe. Si l'on s'en tenait
purement et simplement aux règles de partage qui précèdent, l'ensemble du
système de financement serait d'une extrême rigidité. Tout d'abord, il
reposerait intégralement sur des crédits provenant du budget de l'Etat fédéral,
ce qui exclurait formellement toute autonomie des entités, et heurterait de
front l’un des principes fondamentaux du fédéralisme. En outre, son adaptation
aux circonstances économiques, par essence très fluctuantes, serait rendue bien
malaisée : pour chaque besoin nouveau qui apparaîtrait, il serait indispensable
de procéder à une modification de la loi spéciale.
C'est pourquoi une marge
de manoeuvre est prévue par les textes, afin d'assurer aux Communautés et
Régions une certaine autonomie de recettes, notamment fiscale. Elle s'articule à
deux niveaux distincts, celui de la Constitution elle-même et celui de la loi
spéciale.
a. Autonomie fiscale au
niveau de la Constitution
25. L'article 170, §
2 de la Constitution confère, depuis 1980, un pouvoir fiscal propre et
général aux communautés et aux régions. Formellement mises sur pied
d'égalité, elles peuvent lever par décret tout impôt, sauf les exceptions
déterminées par la loi (53). En application
du texte constitutionnel, une loi du 23 janvier 1989 va préciser que les
entités ne peuvent en aucun cas lever des impôts dans les matières qui font
déjà l'objet d'une imposition par le pouvoir fédéral, pas plus qu'elles ne
sont autorisées à percevoir des centimes additionnels à des impôts perçus
par l'Etat, ni à accorder des remises sur ceux-ci (54).
26. Cette loi
restreint très certainement le pouvoir d'imposition conféré aux entités,
mais sans pour autant le priver de toute substance (55).
Pourtant, au delà de la clarté apparente de ses termes, l'article 170, § 2
de la Constitution ne concerne que les seules Régions. La mise en oeuvre de
ce texte en ce qui concerne les Communautés soulève en effet des difficultés
qui se sont révélées insurmontables, et qui tiennent, une fois encore, à
l'absence d'assises territoriales des deux principales d'entre elles.
La perception d'un
impôt communautaire sur le territoire de la Région bilingue de
Bruxelles-Capitale se heurte immanquablement à un problème délicat : comment
identifier les redevables de cet impôt, puisqu'il n'est pas permis de
distinguer les Bruxellois selon la Communauté dont ils entendent faire
partie, ce qui reviendrait à créer des sous-nationalités à Bruxelles ?
La question a
longuement été débattue, et de multiples tentatives de solution furent
esquissées, sans qu'aucune ne parvienne à convaincre (56).
La réforme de l’Etat de 1993 a provisoirement mis fin au débat, dans la
mesure où un accord politique a été conclu, selon lequel si la compétence
fiscale des Communautés est bien théoriquement maintenue, elle n'est
toutefois pas rendue applicable (57).
Ainsi, à l'heure actuelle et dans le cadre de cet accord, l’on doit
considérer que seules les Régions peuvent lever des impôts sur base de
l'article 170, § 2 de la Constitution, dans les limites fixées par la loi du
23 janvier 1989. Elles seules disposent donc, en vertu de la Constitution,
d'une certaine autonomie fiscale.
b. Autonomie fiscale au
niveau de la loi spéciale du 16 janvier 1989
27. Il nous reste à
examiner la manière dont la loi spéciale organise pratiquement la dévolution
des moyens financiers dégagés au niveau fédéral, et fournit aux entités, par
rapport à ces ressources, une certaine autonomie.
L'article 1er de la
loi spéciale, modifié en 1993, énumère les cinq sources de financement des
communautés et des régions, en tentant d'établir un parallélisme – bien
artificiel – entre elles. L'une de ces sources, l'intervention de
solidarité nationale, dont nous avons déjà parlé (58),
est propre aux régions. Nous n'y reviendrons pas.
28. Les recettes
non fiscales ne posent guère de problèmes. Il s'agit des recettes liées
à l'exercice par les entités de leurs compétences, par exemple les montants
obtenus lors de la vente de biens, ou réclamés à l'occasion de la délivrance
de permis, les dons ou legs… (59)
29. Parallèlement au
pouvoir fiscal général que l'article 170, § 2 de la Constitution, dans les
limites que nous avons soulignées ci-dessus, confère aux Communautés et
Régions, l'article 1er de la loi spéciale établit au bénéfice des entités
une série de recettes fiscales spécifiques. Ces impôts, qui sont
régionaux ou communautaires par l'effet de la loi spéciale, ne doivent donc
pas être confondus avec ceux qui seraient levés en application de l'article
170, § 2. Il s'agit ici d'anciens impôts nationaux, attribués en tout ou en
partie aux entités.
Les Régions jouissent
ainsi, depuis la réforme de 1993 et l'introduction des écotaxes, de huit
impôts régionaux, énumérés à l'article 3. Elles bénéficient sur ces impôts
de compétences normatives plus ou moins étendues, comme par exemple la
fixation de la base ou du taux d'imposition, ou encore l'établissement
d'exonérations (60).
Les Communautés,
elles, ne disposent que d'une seule recette fiscale propre. Il s'agit de la
redevance radio-télévision, qui leur a été attribuée en 1993. Elle n'a
cependant d'impôt communautaire que le nom, puisqu'en réalité les
Communautés n'ont aucun pouvoir en ce qui la concerne : le législateur
fédéral conserve la maîtrise de la base d'imposition, du taux et des
exemptions. En outre, ce sont les Régions qui peuvent percevoir des centimes
additionnels à cet impôt (61).
30. La majeure partie
des ressources des entités fédérées provient des parties attribuées
d'impôts fédéraux. Leur dénomination comme leur régime juridique varient
selon qu'elles vont aux Communautés ou aux Régions. Pour les Communautés, on
parlera d'impôts partagés : il s'agit de l'impôt des personnes
physiques et de la TVA. L'Etat fédéral reste seul maître de ces impôts, qui
sont simplement partiellement ristournés aux communautés (62).
S'il s'agit par contre des Régions, on parlera alors d'impôt conjoint.
Il n'en existe qu'un seul, l'impôt des personnes physiques, dont une partie
est attribuée aux Régions (63). Mais
celles-ci disposent d'une certaine liberté vis-à-vis de cet impôt conjoint :
elles peuvent percevoir des centimes additionnels, ou au contraire accorder
des remises (64).
31. Enfin, la loi
spéciale accorde aux Communautés et Régions la faculté de contracter des
emprunts. Néanmoins, afin d'empêcher qu'un recours excessif à cette
possibilité ne vienne mettre en péril l'union économique, des contraintes de
procédure relativement lourdes sont imposées, qui consacrent d'ailleurs de
manière assez nette la prééminence de l'autorité fédérale (65).
IV. Conclusion et perspectives
32. Ainsi se présentent,
brossés à grands traits, les principaux mécanismes de financement des
Communautés et Régions. Ils suscitent bien entendu nombre de remarques et
d'interrogations, auxquelles il est parfois bien difficile de répondre, et ce
d'autant plus que nous sommes toujours, jusqu'en 2000, dans une phase de
transition.
Nous voudrions
simplement, en guise de conclusion, attirer brièvement l'attention sur
quelques-unes des caractéristiques du modèle belge de fédéralisme financier.
33. La toute première
remarque que l'on pourrait formuler tient à la complexité extrême de la loi de
financement. Si les principes mêmes en sont assez simples, on ne peut guère en
dire autant des modalités techniques de leur mise en oeuvre, et ce tout
particulièrement en ce qui concerne les règles qui doivent s'appliquer pendant
la période transitoire. L'accès à cette loi, pourtant fondamentale, est devenu
l'apanage d'une poignée de spécialistes. Si, sans doute, cela peut favoriser sa
longévité, on peut également se demander dans quelle mesure ce n'est pas là une
situation regrettable dans le contexte d'un Etat démocratique (66).
34. La deuxième est
certainement plus fondamentale. Il nous semble en effet que l'on peut trouver,
dans ce qui précède, tous les signes de l'émergence en Belgique du phénomène
régional. C'est manifeste si l'on considère le pouvoir fiscal des entités : que
ce soit au niveau de l'article 170, § 2 de la Constitution, ou au niveau de la
loi spéciale, seules les Régions disposent d'une certaine autonomie en la
matière. Elles seules peuvent créer des impôts nouveaux (67)
et disposent d'impôts véritablement régionaux (68);
en outre, ce sont elles qui sont autorisées à lever des centimes additionnels à
la redevance radio-télévision, impôt pourtant dit communautaire (69).
Les Communautés, elles,
se retrouvent bloquées dans le carcan financier que leur impose la loi de
financement, sans disposer, comme nous l'avons montré, de la moindre marge de
manoeuvre pour s'adapter aux fluctuations économiques.
35. Pour être
parfaitement clair, cette situation ne concerne à proprement parler que la
Communauté française, qui se trouve aujourd'hui en état virtuel de faillite.
Depuis 1980 en effet, les organes de la Communauté et de la Région flamandes
sont fusionnés (70), fusion qui s'accompagne
d'un décloisonnement budgétaire entre ces deux entités. Cela signifie que le
Conseil flamand peut globaliser ses ressources financières, et ainsi affecter
des moyens régionaux à des dépenses communautaires (71),
ce qui lui donne une certaine aisance.
36. Les difficultés
budgétaires extrêmes rencontrées par la Communauté française ont fait l'objet de
nombreuses discussions lors de la réforme de l'Etat de 1993. Certaines aides
d'urgence ont ainsi pu être dégagées, mais les perspectives pour le moyen terme
ne sont guère brillantes (72). On retiendra
donc avec intérêt l'une des solutions retenues, qui repose sur l'élaboration
d'un mécanisme de solidarité intra-francophone. Les articles 138 et 178 de la
Constitution autorisent ainsi la Communauté française à céder à la Région
wallonne et au groupe linguistique français du Conseil de la Région de
Bruxelles-Capitale l'exercice de certaines compétences, tout en conservant une
partie des moyens financiers qu'elle consacrait à ces compétences. Devant gérer
moins de matières avec un budget réduit, certes, mais dans une proportion
moindre, elle peut ainsi réaliser une économie, qui est financée par les
francophones de la Région wallonne et de la Région de Bruxelles-Capitale (73).
Les articles 138 et 178
peuvent donc s'analyser comme un aveu de l'échec de l'approche communautaire,
échec à la base duquel on trouve, fondamentalement, l'absence de bases
territoriales des Communautés, qui aboutit à les priver d'autonomie financière.
Et ceci nous ramène à notre observation de départ, dans la mesure où la solution
avancée pour tenter de résoudre les problèmes de la Communauté française repose
sur les Régions.
37. Enfin, nous voudrions
conclure cette brève analyse sur une interrogation plus générale. Comme nous
l’avons montré, du fait de la structure fédérale toute particulière du pays, les
Communautés ne jouissent à l’heure actuelle d’aucune autonomie financière. Quant
aux Régions, elles disposent, sans aucun doute, de la capacité de mettre en
oeuvre leur compétence fiscale propre. Mais on constate que celle-ci ne
s'exerce, dans les faits, que de manière très modérée : tout comme pour les
Communautés, leur principa(74).
Ce dernier élément a pour
conséquence que le principe de la responsabilité financière, indissociablement
lié à celui de l'autonomie, ne peut jouer correctement. Les organes législatifs
communautaires et régionaux, pourtant composés, depuis 1995 (75),
de membres élus directement par la population, n'assument pas réellement la
responsabilité politique de leur gestion financière, dans la mesure où, étant
donné que l'essentiel des recettes est perçu au niveau de l'Etat fédéral, les
électeurs n'aperçoivent pas nécessairement la correspondance entre la pression
fiscale qu'ils subissent et l'emploi qui est fait des moyens collectés (76).
Dans ces conditions, on
est évidemment amené à se poser quelques questions, au delà des déclarations de
principe, sur la philosophie même qui a présidé au partage des ressources au
sein de l'Etat fédéral belge. On notera ainsi que la loi spéciale du 16 janvier
1989 est, symptômatiquement, consacrée au seul financement des Communautés et
des Régions et non au régime global de financement de l'Etat fédéral (77).
Cette approche nous paraît en définitive assez réaliste, qui tend à indiquer que
la réforme de 1989 s’est davantage employée à élaborer un ensemble de mécanismes
qui permettent de financer les dépenses des entités fédérées, qu’à bâtir un
véritable système de fédéralisme financier.
Notes
(1)
Pour une synthèse de l’évolution constitutionnelle de la Belgique depuis 1831,
voir pour la période 1831-1989 A. ALEN, La Belgique, un fédéralisme bipolaire
et centrifuge, Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et
de la Coopération au développement, Bruxelles, 1990, et A. MEAN, Comprendre
la Belgique fédérale, Document La Libre Belgique, Bruxelles, 1989. En
ce qui concerne la réforme de l'Etat de 1993, dernière en date, voir La
Belgique fédérale, Bruylant, Bruxelles, 1994.
(2) Loi du 28 juin 1932 sur l’emploi des langues en matière
administrative et loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de
l’enseignement primaire et l’enseignement moyen.
(3) Loi du 8 novembre 1962 modifiant les limites de
provinces, arrondissements et communes et modifiant la loi du 28 juin 1932 sur
l’emploi des langues en matière administrative et la loi du 14 juillet 1932
concernant le régime linguistique de l’enseignement primaire et l’enseignement
moyen, et la loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière
administrative, coordonnées par un arrêté royal du 18 juillet 1966 (Moniteur
belge du 2 août 1966).
(4) Voir le discours du Premier ministre Gaston Eyskens au
Parlement, le 18 février 1970 (Annales parlementaires Sénat, 18 février
1970, p. 777-780 et Annales parlementaires Chambre, 18 février 1970,
p. 3-5).
(5) Trois régions unilingues, la région de
langue française, au sud du pays, la région de langue néerlandaise, au nord, et
la région de langue allemande, au sud-est, ainsi qu'une région bilingue,
celle de Bruxelles-Capitale (art. 4 de la Constitution).
(6) Nous n’entrons pas ici dans le détail des différentes
étapes de l’évolution institutionnelle de l’Etat, ce qui nous mènerait trop loin
de notre sujet.
(7) La Communauté flamande, dont le champ de
compétences couvre la région de langue néerlandaise et la région bilingue de
Bruxelles-Capitale, la Communauté française, qui recouvre la
région de langue française et également celle de Bruxelles-Capitale, et enfin la
Communauté germanophone, dont les compétences s'exercent dans la région
de langue allemande (les Communautés sont en place depuis 1970).
(8) La Région wallonne, dont le territoire
couvre les régions linguistiques de langue française et allemande, la
Région flamande, qui se confond avec la région linguistique de
langue néerlandaise, et la Région de Bruxelles-Capitale, qui
coïncide avec la région bilingue de Bruxelles-Capitale (les deux premières ont
été mises sur pied en 1980, et la Région de Bruxelles-Capitale en 1989).
(9) Sous réserve de ce qui concerne la Région et la
Communauté flamande, dont les organes sont fusionnés (voir infra, n° 5); voir
les art. 115 à 125 de la Constitution.
(10) Il s’agit en fait de la politique de la santé et de
l’aide aux personnes (article 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles).
(11) Voir les art. 127 à 130, 136 et 166 de la Constitution
et les art. 4 et 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles.
(12) Voir les art. 39, 134 et 166 de la Constitution et
l'art. 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. La
Région de Bruxelles-Capitale est organisée dans la loi spéciale du 12 janvier
1989 relative aux Institutions bruxelloises.
(13) Art. 127, § 2, 128, § 2, 129, § 2, 130, § 2 et 134 de
la Constitution. On notera que la Région de Bruxelles-Capitale légifère, dans
les matières régionales, par voie d’ordonnances, dont le statut n’est pas
exactement semblable à celui du décret (art. 7, 9 et 45 de la loi spéciale du 12
janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises).
(14) La Communauté germanophone mise à part, les
Communautés n'ont pas d'assises territoriales fixes, contrairement aux Régions,
qui elles sont géographiquement bien délimitées. Ainsi, le territoire de la
région linguistique bilingue de Bruxelles-Capitale pose un problème majeur, dans
la mesure où, comme on l’aura compris, deux Communautés, la française et la
flamande, y sont en principe compétentes. Comme il n'existe pas de
sous-nationalité à Bruxelles, qui permettrait de distinguer les personnes
physiques selon leur appartenance linguistique, les décrets des deux Communautés
n'y ont d'effet qu'à l'égard des institutions qui, en raison de leurs
activités (ou de leur organisation, en ce qui concerne les matières
personnalisables), doivent être considérées comme appartenant exclusivement à
l'une ou à l'autre Communauté (art. 127 § 2 et 128 § 2 de la Constitution).
(15) Il s’agit là en réalité de mesures protégeant les
minorités au niveau national. On soulignera ainsi la répartition des
parlementaires, au sein de chaque chambre législative, en groupes linguistiques
(article 43 de la Constitution); une procédure législative spécifique, dans une
série de matières énumérées par la Constitution, exigeant une majorité spéciale
sur une base linguistique (la "loi spéciale" : art. 4 de la Constitution); la
procédure dite de la "sonnette d’alarme" (art. 54 de la Constitution); la parité
linguistique au sein du Conseil des ministres (art. 99 de la Constitution) et
dans les trois Hautes juridictions du pays, la Cour d’arbitrage (art. 31 de la
loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage), le Conseil d’Etat (art.
73, § 1er des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat) et la Cour de cassation
(art. 43 quater de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière
judiciaire).
(16) De la sorte, politiquement parlant, au lieu d'une
Communauté et d'une Région flamande, il n'existe plus, au nord du pays, qu'une
seule entité, qui a pris le nom de Communauté flamande, et qui est dotée
d'un seul conseil, le Vlaamse Raad, et d'un seul exécutif, le Vlaamse
regering. Cependant, la Communauté et la Région flamandes demeurent deux
personnalités juridiques distinctes (Voir Constitution, art. 137 et loi
spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, art. 1er).
(17) La matière n’ayant fait l’objet d’aucune évolution
majeure depuis, les sections II et III reposent, pour l’essentiel, sur le texte
que nous avions rédigé en 1994 avec J. BEAUFAYS et L. IKER, Le fédéralisme
fiscal en Belgique, Wallonie, revue du CESRW, 1994, n° 35-36, spéc.
les p. 27-30.
(18) Numérotation de l'époque.
(19) Numérotation de l'époque, actuellement art. 170 § 2.
(20) En 1988, environ 81% des ressources des entités
provenaient de ces crédits budgétaires, pour seulement 19% de recettes propres
(voir l'exposé général des budgets des recettes et dépenses pour l'année
budgétaire 1996, Documents parlementaires de la Chambre des représentants,
session ordinaire 1995-1996, p. 199).
(21) En matière régionale, la clé de répartition, dite "des
3/3", prenait en considération trois éléments qui intervenaient de manière
égale : la dotation était répartie entre les Régions pour 1/3 en fonction de
leur population, pour 1/3 en fonction de leur superficie, et pour le dernier 1/3
en fonction du rendement de l'impôt des personnes physiques sur leur territoire.
En matière communautaire, la clé était établie de manière forfaitaire, 45%
allant à la Communauté française, 55% à la Communauté flamande (le financement
de la Communauté germanophone faisant l'objet d'une réglementation distincte).
(22) Constitution, art. 175 et 177, mis en oeuvre par la
loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des
régions, Moniteur belge du 17 janvier 1989. On notera que, conformément à
l'article 176 de la Constitution, le système de financement de la Communauté
germanophone est fixé dans les art. 56 à 60ter de la loi ordinaire du 31
décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. A
cela près, il est pour l'essentiel semblable à celui qui s'applique aux deux
autres Communautés.
(23) Politicographe 1996, Kluwer Editorial, 1996, p. 14.
(24) Ibid.
(25) Budget des recettes et des dépenses pour l'année
budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 203.
(26) Ibid. On notera que l'écart par rapport à la
moyenne nationale augmente sans cesse en Région wallonne (tendance négative) et
en Région flamande (tendance positive). Par contre, il diminue en Région de
Bruxelles-Capitale, qui donc s'appauvrit relativement.
(27) Ibid., p. 199.
(28) Ibid., p. 3.
(29) Ibid., p. 222 ss.
(30) Voir sur l'ensemble de cette question J.-Cl. SCHOLSEM,
Le partage financier, dans P. Patenaude (éd.), Québec – Communauté
française de Belgique : autonomie et spécificité dans le cadre d'un système
fédéral, Université de Sherbrooke, Wilson et Lafleur Litée, Montréal, 1991,
p. 57-78, et La réforme de l’Etat – VIII – Les nouvelles règles de
financement, J.T. 1989, p. 251-253. Voir égalemant J. LE BRUN et A. NOËL,
Le financement des Communautés et des Régions, dans La Belgique fédérale,
op. cit., p. 357-389.
(31) On notera que ce n’est pas l’intégralité de ce montant
qui est transférée aux entités. Certaines retenues sont opérées, qui
représentent une certaine participation des Régions au financement de la dette
publique belge (voir J.-Cl. SCHOLSEM, Le partage financier,
op. cit., p. 70).
(32) Pour l'année budgétaire 1996, il est fixé à 20 % (voir
l'art. 32bis, § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989).
(33) Voir E. COLLA, La réforme de l’Etat – IV – Les
aspects financiers, J.T. 1994, p. 685-690.
(34) Dans la mesure où aucun accroissement n'est ici prévu
à l'issue de la période transitoire.
(35) Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 38 § 4.
(36) Cependant, le coefficient de dénatalité n'est pris en
considération que pour 80% (Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 38, § 4). On
entend ainsi tenir compte de l'existence de dépenses incompressibles, qui ne
sont pas liées à une variation du nombre d'élèves.
(37) Ceci n’est certainement pas anecdotique, dans la
mesure où les dépenses d’enseignement représentent environ 72% du budget de
dépenses des Communautés, soit plus ou moins 41% du budget total des entités
fédérées.
(38) Supra, n° 8.
(39) On notera que, pour déterminer la localisation des
recettes de l’impôt, l’on prend en compte le domicile du contribuable, et non
l’endroit où le revenu est produit.
(40) Sur base du rendement de l’impôt des personnes
physiques au cours de l’exercice d’imposition 1994, qui est encore susceptible
d’évoluer à la baisse d’ici 2000. Rappelons que la Région wallonne compte
environ 33% de la population du pays (voir supra, n° 11).
(41) Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 1er, § 2, 4° et
48.
(42) Voir supra, n° 11.
(43) Cette intervention de solidarité nationale présente un
statut quelque peu particulier. Elle provient en effet de ressources budgétaires
fédérales, ce qui signifie que la Région qui en bénéficie y a également
directement contribué. Il ne s’agit donc pas d’un effort produit par les Régions
les plus riches au bénéfice des plus pauvres, ce qui serait au demeurant assez
difficilement concevable en Belgique, dans la mesure où le jeu se déroule,
fondamentalement, entre deux Régions.
(44) Supra, n° 4.
(45) Art. 44 § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
Ainsi, le produit de l’impôt des personnes physiques (IPP) pour la Communauté
flamande est égal à l’IPP de la Région flamande + 20% de l’IPP de la Région de
Bruxelles-Capitale (soit, pour l’exercice d’imposition 1994, 530,8 milliards de
francs, c’est-à-dire 63,2% du rendement national de l’IPP) et, pour la
Communauté française, à l’IPP de la Région wallonne + 80% de l’IPP de la Région
de Bruxelles-Capitale (soit, pour l’exercice d’imposition 1994, 309,1 milliards
de francs, c’est-à-dire 36,8% du rendement national de l’IPP), Communauté
germanophone mise à part (voir supra, n° 11).
(46) Art. 39 § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(47) Au 30 juin 1995, la population scolaire était estimée
à 2 176 168 élèves, dont 59,34% en Communauté flamande et 40,66% en Communauté
française. Cette dernière tire donc bénéfice du système forfaitaire, qui lui
attribue 42,45 % des moyens. Toutefois, on notera que le chiffre de la
population scolaire a globalement diminué de 23 933 unités entre 1988 et 1995,
et que cette diminution est nettement plus sensible en Communauté flamande (- 17
759, soit 74,2 % de la baisse globale). Voir Budget des recettes et des dépenses
pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 201.
(48) Art. 38 et 39 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(49) J.-Cl. Scholsem, Le partage financier, op.
cit., p. 73.
(50) Voir J. Le Brun et A. Noël, op. cit., p. 360ss.
(51) Constitution, art. 175 à 177.
(52) J.-Cl. SCHOLSEM, Le partage financier, op.
cit., p. 74.
(53) L’article 170 crée de la sorte une compétence
concurrente, qui fait figure d'exception dans le système belge de répartition
exclusive des compétences entre Etat fédéral et entités.
(54) Loi du 23 janvier 1989 portant application de
l'article 110, § 2, alinéa 2 de la Constitution, Moniteur belge du 24
janvier 1989, modifiée par l'article 354 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993
visant à achever la structure fédérale de l'Etat, Moniteur belge du 20
juillet 1993. Voir égalemant l’art. 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989,
lui-même modifié en 1993 (art. 96 de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à
achever la structure fédérale de l'Etat, Moniteur belge du 20 juillet
1993.
(55) Voir J. LE BRUN et A. NOËL, op. cit.,
p. 369-371.
(56) Voir not. Ch. BRICMAN, Les nouveaux mécanismes de
financement, dans Les réformes institutionnelles de 1993. Vers un
fédéralisme achevé ?, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 193-213; J.-Cl. SCHOLSEM,
Le refinancement de la Communauté française, dans La Constitution
fédérale du 5 mai 1993, Bruylant, Bruxelles, 1993, p. 231-232 et P. VAN
ORSHOVEN, De fiscale aspekten van de vierde Staatshervorming, dans A.
ALEN et L.-P. SUETENS (ed.), Het Federale België na de vierde
Staatshervorming, Die Keure, Brugge, 1993, p. 108-110, et les réf. citées.
(57) E. COLLA, op. cit., p. 689.
(58) Supra, n° 18.
(59) Art. 2 de la loi spéciale.
(60) Art. 4 et 5 de la loi spéciale.
(61) Art. 5bis de la loi spéciale. Voir E. COLLA, op.
cit., p. 687 et 690.
(62) Art. 6 et 38 à 47 de la loi spéciale. Pour l'année
budgétaire 1996, les impôts partagés représentent 477,2 milliards de francs
belges, soit environ 98,6% des moyens financiers des Communautés (Budget des
recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général,
op. cit., p. 202).
(63) Pour l'année budgétaire 1996, l'impôt conjoint
représente 304 milliards de francs belges, soit environ 81,9 % des moyens
financiers des Régions (Budget des recettes et des dépenses pour l'année
budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 206).
(64) Art. 6 et 12 à 35ter de la loi spéciale. On notera
que, afin d'éviter que de trop grandes divergences de taux entre Régions
n'apparaissent, ce qui serait de nature à mettre en danger l'union économique et
l'unité monétaire du pays, la loi spéciale autorise le roi à fixer un
pourcentage maximum de divergence entre additionnelles et soustractionnelles
(art. 9, § 1er, al. 3 de la loi spéciale). Dans ce cas, les taux de l'impôt des
personnes physiques seraient contenus dans une espèce de "serpent fiscal".
(65) Voir l'art. 49 de la loi spéciale.
(66) J.-Cl. SCHOLSEM, La réforme de l’Etat – VIII – Les
nouvelles règles de financement, op. cit., p. 253.
(67) Art. 170 § 2 de la Constitution.
(68) Art. 3 à 5 de la loi spéciale du 16 janvier 1989
(supra, n° 29).
(69) Art. 5bis de la loi spéciale du 16 janvier 1989
(supra, n° 29).
(70) Supra, n° 5.
(71) Art. 1er, § 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(72) Pour plus de détails, voir E. COLLA, op. cit.,
p. 687-688.
(73) Ibid., p. 689-690.
(74) Voir supra, n° 30. La fiscalité propre des régions
représente, pour l’année budgétaire 1996, 52,8 milliards de francs belges, soit
seulement 14,21 % de leurs ressources (Budget des recettes et des dépenses pour
l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 206).
(75) Les conseils de la Communauté germanophone et de la
Région de Bruxelles-Capitale mis à part, qui sont composés d'élus directs depuis
leur création.
(76) Voir J. BEAUFAYS, E. COLLA et L. IKER, op. cit.,
p. 31.
(77) J. LE BRUN et A. NOEL, op. cit., p. 358.
Emmanuel Colla, Les
finances du fédéralisme : partage des ressources et autonomie dans le système
fédéral belge, dans La Wallonie,
une région en Europe, CIFE-IJD, 1997