1. Problématique des minorités
Suivant la définition du
Professeur Capotorti dans le rapport qu'il présentait en 1978 devant la
sous-commission des Nations-Unies pour la prévention de la discrimination et
pour la protection des minorités, les minorités sont des groupes
numériquement inférieurs au reste de la population d'un Etat, dans une position
d'infériorité, dont les membres – qui possèdent la nationalité de l'Etat –
présentent des caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques qui
diffèrent de celles du reste de la population et montrent, plus implicitement,
un esprit de solidarité destiné à préserver leur culture, traditions, religion,
ou langue.
Deux critères, l'un d'ordre matériel et l'autre d'ordre psychologique,
permettent d'identifier ainsi les minorités.
Le premier de nature objective implique que les minorités se trouvent, en raison
de caractères qui les distinguent objectivement du reste de la population –
appartenance ethnique, religieuse, linguistique ou culturelle –, dans une
position d'infériorité par rapport à un groupe dominant.
Le deuxième d'ordre psychologique suppose l'existence entre les membres d'un
groupe d'une "conscience de minorité" qui en assure la cohésion et l'identité.
Un groupe ne devient une minorité qu'à partir du moment où il a conscience de
l'être.
Le critère quantitatif apparaît donc comme un facteur déterminant du concept de
minorités. Mais il n'est pas absolu. L'histoire a révélé que des majorités
numériques pouvaient constituer sociologiquement et politiquement des minorités.
S'il y a différents types de minorités (ethniques, religieuses, culturelles,
linguistiques), la problématique des minorités peut être influencée par un
certain nombre de variables.
Il y a d'abord le territoire. Il y a des minorités qui sont concentrées dans un
territoire déterminé, d'autres qui se trouvent dispersées. Ces dernières
n'auront jamais les mêmes droits que les premières.
Il y a ensuite le degré d'attachement. On peut partager avec d'autres certains
caractères communs sans en avoir la perception, sans pour autant assumer des
engagements au nom de cette identité commune.
Le régime politique peut également constituer un élément qui influence la
manière dont sont appréhendées les minorités.
Enfin les médias peuvent jouer un rôle important dans la prise de conscience par
les minorités de leur identité.
La réponse à la problématique des minorités est triple : l'assimilation, le
fédéralisme, ou une approche conventionnelle.
a. L'assimilation
Elle implique la disparition des minorités par
une assimilation à la majorité.
Lorsque, en Belgique, on a élaboré un système de protection des minorités,
c'est-à-dire des facilités en matière administrative et d'enseignement au
bénéfice des francophones installés en territoire flamand, ce système pour
les néerlandophones était essentiellement transitoire. Il devait aboutir à
l'assimilation des francophones.
b. L'approche
conventionnelle
La deuxième formule consiste à rechercher une
solution aux problèmes des minorités à travers des conventions
internationales, bilatérales ou multilatérales qui, soit se limitent à
reconnaître des droits individuels aux minorités, soit s'efforcent
d'organiser les pouvoirs de l'Etat en tenant compte de celles-ci.
c. Le fédéralisme
La troisième réponse à la protection des
minorités réside dans la structure fédérale de l'Etat, qui permet de
concilier le principe de l'unité avec les exigences de la diversité.

2. La protection des minorités au plan international
Si, au niveau de la
doctrine, on s'est efforcé de définir le concept de minorité, on n'y est pas
arrivé sur le plan des conventions internationales.
Cette absence de définition n'a rien d'anormal en droit international, où il
n'est pas rare qu'on élabore des normes sur un objet dont la définition exacte
reste imprécise. La diversité des situations peut justifier qu'on n'ait pas
tenté de définir d'une manière générale la notion de minorité, ce qui permet des
applications souples et diversifiées.
On examinera d'abord comment, au niveau mondial, on s'est efforcé d'assurer la
protection des minorités, pour analyser ensuite ce qui a été réalisé au niveau
européen.
a. Au niveau
mondial
Déjà dans les travaux de la Société des
Nations apparaît le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
mais avec certaines nuances, en ce sens qu'il ne s'agit que de garantir
"certains droits" à "certaines nationalités". Il ne s'agit nullement de
mettre en oeuvre le droit de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes. Ni
les traités de paix, ni le Pacte de la Société des Nations n'invoquent ce
droit, pas plus que la Société des Nations ne reconnaît sous quelque forme
que ce soit le droit à la sécession.
La création des Nations-Unies en 1949 va dans une certaine mesure infléchir la
politique suivie par la Société des Nations, en inscrivant la protection des
minorités dans une vision plus universaliste mais en la faisant en grande
partie – au début du moins – relever de la problématique des droits de
l'homme.
Quels sont, au niveau de l'organisation des
Nations-Unies, les textes les plus importants (1)?
1. Il y a d'abord
la Déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 qui ne fait
pas allusion aux minorités. Elle consacre l'apogée des droits individuels
faisant largement écho au principe de non-discrimination inscrit à l'article 1,
paragraphe 3, de la Charte du 26 juin 1945 qui précise que figure parmi les buts
et les principes des Nations-Unies la coopération internationale en résolvant
des problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel,
humanitaire et en encourageant les respects des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou
de religion.
L'article 2, paragraphe 2, de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
dispose dans le même sens que chacun peut se prévaloir de tous les droits et
de toutes les libertés proclamées dans la présente déclaration, sans distinction
aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de religion, d'opinion politique
ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de
naissance ou de toute autre situation.
2. Un deuxième
texte mérite une attention particulière, c'est le Pacte international, relatif
aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. L'article 27 stipule que
dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou
linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées
du droit d'avoir en commun, avec les autres membres de leur groupe, leur propre
vie culturelle, de professer, de pratiquer leur propre religion ou d'employer
leur propre langue.
On constate l'accent mis sur les personnes appartenant à des minorités, qui
se voient reconnaître la possibilité d'exercer leurs droits en commun, avec
les autres membres de leur groupe.

3. Ensuite, on
retiendra la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale du 21 décembre 1965.
4. On citera
également le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16
décembre 1966.
5. Enfin, dernier
texte, la Déclaration sur le droit des personnes appartenant à des minorités
nationales ou ethniques, linguistiques et religieuses adoptée par l'Assemblée
générale des Nations-Unies le 18 décembre 1992. Cette Déclaration confirme le
principe de non-discrimination. Toutefois l'article 1er – et c'est la première
fois – affirme que l'existence et l'identité des minorités sont dignes d'être
protégées et favorisées par l'Etat, qui est appelé ainsi à prendre des mesures
appropriées, législatives ou autres.
L'article 2, paragraphes 2 et 3, traite du droit des personnes appartenant à des
minorités de participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale,
économique et publique et de prendre une part effective aux décisions à
l'échelle nationale ou régionale concernant le groupe auquel elles
appartiennent.
Quant à l'article 4, paragraphe 2, il prévoit l'obligation pour les Etats de
créer les conditions favorables pour que les minorités puissent vivre leur
culture.
A travers ces actes internationaux, on constate qu'est affirmé le principe de
l'interdiction de discriminations de personnes appartenant à des minorités, son
contrôle étant assuré grâce aux mécanismes généralement prévus en matière de
Droits de l'Homme.
Par contre, aucun des instruments internationaux n'accorde aux minorités des
droits subjectifs, ni n'attribue aux minorités la personnalité juridique. A la
différence du principe de non discrimination, l'octroi de droits spéciaux aux
minorités comme telles est loin de faire l'objet d'un consensus et, lorsque,
dans certains textes, des mesures spéciales sont prévues en faveur des
minorités, c'est généralement sous la forme d'obligations à la charge des Etats,
dont le caractère contraignant est parfois limité, sans reconnaissance de droits
au bénéfice des minorités.
Pourtant une évolution se dessine : de plus en plus, on considère que la
jouissance effective des Droits de l'Homme suppose que la collectivité elle-même
soit investie de certains droits.

b. Au niveau
européen
L'Europe n'est que la juxtaposition d'une
multitude de minorités, qui traduisent la diversité des langues, des
origines, des idéologies, le tout accentué par une grande mobilité des
frontières.
La réduction des minorités a souvent inspiré les Etats, soucieux, dans le
cadre notamment de l'Etat-nation, d'une certaine homogénéité nationale.
Si, aujourd'hui, au
niveau européen, la diversité est considérée comme une richesse, on comprend que
les minorités voient dans la construction de l'Europe la seule voie pour assurer
leur épanouissement.
Abstraction faite des
accords bilatéraux, trois organisations européennes ont été progressivement
amenées à se pencher sur la problématique des minorités : le Conseil de
l'Europe, l'Union européenne et la Conférence pour la Sécurité et la Coopération
en Europe.
Comme au niveau mondial,
l'approche s'est d'abord effectuée dans le contexte de la protection des Droits
de l'Homme. C'est donc le principe d'égalité qui a inspiré les premiers textes
en matière de protection des minorités.
Dans le cadre du Conseil
de l'Europe, on a considéré que la Convention européenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme pouvait être une réponse au problème de la protection des
minorités.
De même, dans le cadre de
la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, la Charte de Paris du
21 novembre 1990 aborde le problème des minorités dans le point intitulé
Droits de l'Homme, démocratie et Etat de droit
avec l'affirmation que l'identité ethnique, culturelle, linguistique et
religieuse des minorités nationales sera protégée et que les personnes
appartenant à ces minorités nationales ont le droit de préserver, d'exprimer et
de développer cette identité sans aucune discrimination et en toute égalité
devant la loi.
Par la suite, on a abordé
d'une manière plus globale la question des minorités s'efforçant de reconnaître
leur existence dans leur dimension culturelle, linguistique ou politique.
Ainsi dans le cadre de
l'Union européenne, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions en vue
de défendre le patrimoine culturel et les droits des minorités.
Dans le cadre du Conseil
de l'Europe, on ne peut passer sous silence la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires du 5 novembre 1992.

Enfin, dans le cadre de
la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, on mentionnera le
document de Vienne du 15 janvier 1989, qui prévoit que les Etats assurent
qu'ils veilleront à ce que les personnes, appartenant à des minorités nationales
ou aux cultures régionales sur leur territoire, soient en mesure de conserver ou
de développer leur propre culture sur tous les aspects.
Mais l'acte le plus
important est, sans aucun doute, la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour
la protection des minorités nationales. Adoptée le 10 novembre 1994, c'est le
premier texte de droit international qui reconnaît les minorités en tant que
telles.
On voit ainsi apparaître,
à côté du soucis de protection des minorités, à travers les Droits de l'Homme,
la volonté de protéger également une identité collective.
Mais, en ne définissant
pas les minorités, la Convention laisse à chaque Etat le soin de déterminer
quelles sont ses minorités, c'est-à-dire celles qui seront protégées.
Quant aux droits garantis
par la Convention, certains le sont déjà par application de la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme; d'autres sont nouveaux,
notamment ceux qui se situent dans le domaine de la langue et de la culture.
Constituant une
Convention-cadre, les engagements des Etats sont conçus en termes généraux. Mais
on trouve également dans la Convention des dispositions relatives à l'existence
même des minorités. L'article 15 prévoit notamment que les parties s'engagent
à créer les conditions nécessaires à la participation effective des personnes
appartenant à des minorités nationales, à la vie culturelle, sociale et
économique, ainsi qu'aux affaires publiques...

3. La protection des minorités en Belgique
La Belgique est un Etat
fédéral composé historiquement de deux communautés sociologiques : les
francophones et les Flamands. Dans un Etat fédéral, la Constitution doit traiter
de manière égale les entités fédérées. Elles sont en Belgique au nombre de six :
trois Régions et trois Communautés. Mais deux entités fédérées se trouvent en
situation de minorité, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté
germanophone, et ce à un triple point de vue.
-
L'une et l'autre ne
disposent pas de ce que l'on appelle l'autonomie constitutive. Cela signifie
qu'elles n'ont pas la possibilité sur certains points de s'auto-organiser.
-
Ensuite, en vertu de
l'article 134 de la Constitution, la Région de Bruxelles-Capitale s'est vu
conférer un pouvoir normatif différent de celui des autres Régions,
puisqu'elle édicte des ordonnances et non des décrets.
-
Enfin, la Communauté
germanophone, contrairement aux autres entités fédérées, est organisée par
une loi ordinaire.
Mais la Constitution
belge garantit également les droits et libertés des citoyens. Elle veille à ce
que ceux-ci ne soient pas traités de manière discriminatoire, ce qui l'amène à
prendre en compte l'existence de minorités. Celles-ci sont de trois types :
minorités institutionnelles, idéologiques et linguistiques. Comment la
Constitution belge rend-elle compte de l'existence de ces minorités ? Quel type
de protection a-t-elle organisé ? La constitution de la Belgique en un Etat
fédéral est déjà une réponse à l'existence dans notre pays de différentes
communautés. Mais il faut aller plus loin et examiner suivant quel type de
procédures on a assuré la protection des différentes minorités. A cet égard, on
ne traitera que des mécanismes institutionnels laissant de côté les procédures
juridictionnelles.

a. Les minorités
institutionnelles
Au niveau de l'Etat belge, il y a
historiquement et sociologiquement deux grandes communautés, les Flamands et
les francophones. Ces communautés ne sont pas représentées d'une manière
égale : la communauté flamande est majoritaire et la communauté française
minoritaire.
On a cependant veillé à ce qu'une logique bipolaire structure toutes les
institutions fédérales de l'Etat belge, assurant ainsi la protection de la
minorité francophone. Comment l'a-t-on réalisée ?
1. D'abord, le Conseil
des ministres, qui est véritablement l'organe moteur du fonctionnement de l'Etat
– et ce dans la plupart des démocraties parlementaires –, est constitué sur
une base paritaire. En vertu de l'article 99 de la Constitution, le Premier
ministre éventuellement excepté, le Conseil des ministres compte autant de
ministres d'expression française que de ministres d'expression néerlandaise.
Il faut cependant
constater que, à côté des ministres, il peut y avoir des secrétaires d'Etat
et que le principe de la parité n'existe pas à leur égard.
2. Ensuite, il y a dans
notre Constitution le système dit de la sonnette d'alarme.
Pour bien en comprendre
la portée, il faut savoir que les parlementaires, aussi bien de la Chambre
que du Sénat, sont divisés en groupes linguistiques, c'est-à-dire qu'ils
appartiennent nécessairement soit au groupe francophone, soit au groupe
néerlandophone.
La procédure de la
sonnette d'alarme permet, en vue d'harmoniser les rapports entre communautés
et de garantir les droits des minorités que, lors de la discussion d'une
proposition ou d'un projet de loi, une motion motivée signée par les trois
quarts au moins des membres d'un des groupes linguistiques et introduite
après le dépôt du rapport et avant le vote en séance publique déclare que
les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi qu'elle désigne
sont de nature à porter atteinte aux relations entre les communautés. C'est
l'article 54 de la Constitution.
La conséquence de cette
motion est de suspendre la procédure parlementaire et de déférer le problème
au Conseil des ministres, dont on rappellera qu'il est paritaire, qui dans
les trente jours émet un avis motivé et invite la Chambre saisie à se
prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition
éventuellement amendée.
Si, au niveau du
Conseil des ministres, un accord ne se dessine pas, c'est la crise
politique.
3. Il y a enfin les
lois à majorité spéciale. Normalement les lois sont adoptées à la majorité.
Toutefois, dans certaines matières particulièrement délicates, la
Constitution exige une très large adhésion nationale, c'est-à-dire une
majorité renforcée. Ces lois sont qualifiées de lois à majorité spéciale;
elles supposent, pour leur adoption, la majorité des suffrages dans chaque
groupe linguistique et les deux tiers des suffrages dans l'assemblée, la
majorité des membres de chaque groupe linguistique étant présente.
On ajoutera que la Cour
d'arbitrage, qui est la juridiction constitutionnelle, est également
organisée sur une base paritaire, moitié de néerlandophones et moitié de
francophones.

b. Les minorités
idéologiques
Outre le clivage linguistique, la Belgique
est traversée par un important clivage idéologique qui oppose les
catholiques et les laïcs. Si leur rapport de force est relativement
équilibré au niveau fédéral, il en va tout autrement au sein des deux
communautés historiques, les Flamands étant majoritairement catholiques et
les francophones majoritairement laïcs. La fédéralisation du pays a donc
fait apparaître des minorités idéologiques; les laïcs au nord et les
catholiques au sud.
La Constitution rend explicitement compte de ces minorités. L'article 11
dispose que la loi et le décret garantissent notamment les droits et
libertés des minorités idéologiques et philosophiques. Quant à l'article
131, il charge le législateur fédéral d'arrêter les mesures en vue de
prévenir toute discrimination pour des raisons idéologiques et
philosophiques.
Les minorités idéologiques sont protégées par
deux mécanismes instaurés en application des articles 11 et 131 de la
Constitution : il s'agit du pacte culturel et de la sonnette d'alarme
idéologique.
1. Le pacte culturel
La loi relative au pacte culturel ne vise pas
spécifiquement la protection des minorités mais plutôt la représentation
équilibrée des différentes tendances idéologiques et philosophiques dans le
domaine culturel. Pour ce faire, il répartit les mandats, les moyens et les
influences entre les différentes tendances en fonction de leur représentativité.
La répartition proportionnelle des mandats concerne les organes consultatifs
établis en matière de politique culturelle et les organes de gestion et services
culturels; les moyens concernent les subsides et les infrastructures mis à la
disposition des activités culturelles. Afin d'assurer le respect des
dispositions du pacte culturel, une commission nationale du pacte est instituée.
La commission reçoit toutes plaintes contre les infractions aux dispositions de
la loi introduites par toute partie qui fait preuve d'intérêt ou qui estime
avoir subi un préjudice. Elle est composée sur une base paritaire, les membres
étant élus par les Conseils de communauté sur la base d'une représentation
proportionnelle des groupes politiques composant les Conseils. Elle instruit les
plaintes dont elle est saisie et s'efforce d'obtenir une conciliation. A défaut
de conciliation, la commission émet en séance publique un avis motivé sur le
fondement de la plainte accompagné le cas échéant d'une recommandation à
l'autorité intéressée, lui demandant soit de constater la nullité de la décision
prise, soit de prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect des
dispositions de la loi. L'avis est notifié à la partie plaignante, à l'autorité
à charge de laquelle plainte a été déposée ainsi qu'éventuellement aux autorités
investies d'un pouvoir de tutelle et dans tous les cas au ministre de la Culture
compétent.
2. La sonnette
d'alarme idéologique
Elle permet à un quart des membres d'un
Conseil de Communauté de déclarer que les dispositions d'un projet ou d'une
proposition de décret contiennent une discrimination pour des raisons
idéologiques et philosophiques.
Un collège composé des
présidents de la Chambre, du Sénat et des Conseils des Communautés française et
flamande vérifie la recevabilité de la motion de suspension. Si elle est
déclarée recevable, l'examen des dispositions incriminées est suspendu et la
motion est déférée aux Chambres fédérales qui statuent sur le fonds. Le
mécanisme est original, en ce qu'il confère aux Chambres un certain pouvoir de
tutelle sur les Communautés. Un mécanisme identique est organisé pour la
Communauté germanophone par les articles 73 à 75 de la loi du 31 décembre 1983
de réformes institutionnelles.
Aucun mécanisme ne
protège toutefois les minorités idéologiques et philosophiques au niveau des
Régions. Pourtant les politiques menées dans certaines matières régionales font
l'objet de tension entre les différentes tendances idéologiques. Toutefois, en
ce qui concerne la Communauté flamande, étant donné l'absorption de la Région
par la Communauté, on peut penser que le mécanisme de la sonnette d'alarme
jouerait au niveau du Conseil de la Communauté flamande pour toutes les
matières, étant donné qu'il s'agit d'un mécanisme de type institutionnel
fonctionnant au sein des conseils de communauté, quelle que soit la matière et
non un mécanisme de type matériel attaché à l'exercice de compétences. Il faut
en conclure que, lorsque les Conseils régionaux wallons ou bruxellois exerceront
certaines compétences de la Communauté française, la sonnette d'alarme pourrait
partiellement tomber en désuétude du côté francophone.

3. Les minorités
linguistiques
A côté des Régions et des Communautés qui
constituent des collectivités politiques, le territoire de la Belgique est
divisé en régions linguistiques, c'est-à-dire en régions où l'utilisation des
langues en matière administrative, d'enseignement et judiciaire est organisée
par la loi ou le décret : il y a quatre régions linguistiques : la Région
flamande où seule l'emploi de la langue flamande est autorisé, la Région
wallonne où seule l'emploi de la langue française est autorisé, la Région
germanophone où seul l'emploi de la langue allemande est autorisé et la Région
bilingue de Bruxelles-Capitale où les deux langues, le français et le flamand,
sont sur pied d'égalité. On a donc, en principe, réalisé l'homogénéité au niveau
linguistique.
Il y a cependant des
minorités, d'une part dans la Région de Bruxelles-Capitale où les Flamands sont
minoritaires par rapport aux francophones, d'autre part dans une série de
communes ou une minorité de la population – dans certains cas c'est une majorité
– a comme langue véhiculaire une langue autre que la langue officielle de la
région.
La Constitution est
muette quant à l'existence de ces minorités linguistiques si l'on excepte le
"bétonnage" des facilités au profit des communes périphériques et des communes
de la frontière linguistique (art. 129, par. 2.).
Comment a-t-on assuré la
protection de ces minorités ?
-
Dans la Région
bilingue de Bruxelles-Capitale, la minorité flamande de Bruxelles est
protégée au sein de la Région de Bruxelles-Capitale. La loi spéciale du 12
janvier 1989, relative aux institutions bruxelloises, a, en effet, reproduit
au profit des Flamands de Bruxelles les mécanismes qui, au niveau fédéral,
permettent l'égalité des deux communautés historiques, à savoir
essentiellement la parité au sein du gouvernement régional et la sonnette
d'alarme au sein du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.
-
Quant aux minorités
qui existent dans certaines communes, la loi leur a reconnu certaines
facilités en matière d'emploi des langues, en matière administrative,
judiciaire et dans l'enseignement.
