La Wallonie à la recherche d'une fête nationale
Un épisode du mouvement wallon à l'aube du XXème siècle
(*)
Philippe Carlier
Historien
Depuis 1975,
les fêtes de la Communauté française de Belgique se célèbrent à la
date du 27 septembre. En effet, par le décret du 20 juillet de cette
même année, le Conseil de la Communauté culturelle française a
choisi de commémorer la victoire remportée en 1830 par les
combattants du parc de Bruxelles sur les troupes du roi Guillaume
(1).
Cependant, le citoyen du
sud du pays parle communément des "fêtes de Wallonie" et non des "fêtes de la
Communauté française".
A cela, deux raisons.
Tout d'abord, l'identité de ce citoyen se cristallise davantage autour d'un
concept territorial - en l'occurrence la Région - qu'elle ne se définit par
l'appartenance à une communauté linguistique (2).
Ensuite, le dernier
dimanche de septembre était déjà célébré comme fête de la Wallonie lorsque le
député namurois Fernand Massart (3) proposa la date du 27
de ce mois aux suffrages du Conseil de la Communauté culturelle française. En
effet, sa proposition de décret s'inspirait directement des décisions que prit
l'Assemblée wallonne, en 1913, en vue de doter la Wallonie d'une fête et d'un
drapeau.
Le dernier dimanche de
septembre était ainsi devenu la fête de la Wallonie bien avant la création des
institutions communautaires.
Reposant sur une
tradition établie depuis plusieurs décennies, l'ancienne appellation a gardé les
faveurs de la population et n'a pas cédé le pas à celle fixée par le législateur
(4).
Le mérite d'avoir, le
premier, émis l'idée de fêter la Wallonie revient à Paul Magnette
(5). Musicologue, militant wallon, celui-ci n'était autre que le fils de
Charles, l'homme politique libéral liégeois (6).

Dans un article de La
Lutte wallonne du 24 décembre 1911, Paul Magnette préconise d'affirmer
l'identité de la Wallonie par l'instauration d'une fête distincte des
célébrations officielles du 21 juillet (7).
Sa prise de position est
particulièrement révélatrice du degré de maturité qu'a alors atteint le
mouvement wallon. La découverte d'une spécificité régionale, jointe à
l'exaspération ressentie devant les conquêtes du mouvement flamand, conduit
nombre de militants wallons à envisager la séparation administrative comme une
solution à ce que l'on appelle, à l'époque, "la querelle des races". Paul
Magnette se montre, à cet égard, on ne peut plus explicite :
"Quelques journaux
liégeois ont publié, en août dernier, des articles consacrés à la fête nationale
du 21 juillet; on y déplorait le peu d'enthousiasme dont témoignent les Liégeois
et les Wallons, en général, à l'égard de cette solennité (...).
"En vérité, à Liège,
sommes-nous Belges de coeur? Non! Nous sommes et nous devons être avant tout
Wallons. Nous sommes Belges par la force des choses, parce que les traités
diplomatiques en ont décidé ainsi (...).
"Nous, Wallons,
pouvons-nous affirmer que nous avons recueilli, depuis 1830, la part qui nous
revient de droit? Non! Nous subissons un joug flamingant depuis des lustres
innombrables (...).
"Nous n'avons donc pas
trop de motifs de nous réjouir du fait d'être Belges. D'ailleurs, de jour en
jour, le fossé se creuse entre les deux parties nettement distinctes du pays et
la séparation administrative sera bientôt un fait accompli; il faut l'espérer
(...)."
Animé de tels sentiments,
P. Magnette propose aux Wallons et aux Liégeois, en particulier, de célébrer "en
opposition au 21 juillet" l'anniversaire de la paix de Fexhe, signée le 18 juin
1316 entre l'évêque Adolphe de La Marck et l'ensemble des représentants de la
principauté de Liège. En effet, pour lui, "c'est de 1316 que date la liberté
au Pays de Liège et non de 1830. Ce n'est pas le 21 juillet qui a marqué le
début de l'ère d'émancipation, c'est le 18 juin" (8).
Si Paul Magnette fut le
premier à préconiser une fête de la Wallonie, le mérite d'avoir popularisé
l'idée revient à l'hebdomadaire satirique Pourquoi pas ?
Dans son numéro du 25
juillet 1912, celui-ci observe: "Bruxelles, qui est belge, a la fête
nationale; c'est politique, officiel et parfaitement rasant. La partie flamande
du pays a la fête des Eperons d'Or. Et la partie wallonne?"
Aussi, le Pourquoi pas ? invite les représentants du mouvement wallon à
choisir une fête nationale wallonne, car leur adresse-t-il: "c'est à sa fête
que votre peuple prendra conscience de lui-même". Pour sa part, il suggère
que la Wallonie commémore chaque année l'héroïsme des six cents Franchimontois
(9).
Qu'un journal aussi
typiquement bruxellois préconise l'instauration d'une telle fête, voilà qui
révèle l'importance accordée aux revendications wallonnes en cette année 1912.
Le 2 juin, ont lieu des élections législatives, dont les résultats influencent
profondément l'orientation du mouvement wallon. Bien que remportant les
élections dans la plupart des arrondissements du sud du pays, libéraux et
socialistes restent dans l'opposition, car les provinces flamandes renouvellent
leur confiance au parti catholique, qui occupe le pouvoir sans partage depuis
1884. Principalement issus des rangs laïques et progressistes, les militants
wallons dénoncent vigoureusement cette minorisation politique dont est victime
leur région. Jugeant inacceptable que celle-ci continue à être gouvernée contre
ses aspirations, ils brandissent la menace, jusqu'ici timide, de recourir à la
séparation administrative.

Portée par un vent
favorable, cette dernière idée, aux contours pourtant imprécis, va défrayer la
chronique politique. Dès le mois de juin, les Conseils provinciaux de Hainaut et
de Liège réclament davantage d'autonomie à l'égard du pouvoir central
(10). Un congrès wallon, réuni à Liège le 7 juillet, vote un ordre du jour
en faveur de la séparation administrative (11). Celle-ci
est également au centre de la retentissante Lettre au Roi sur la séparation
de la Wallonie et de la Flandre
que signe Jules Destrée le mois suivant (12).
Ces diverses prises de
position ne manquent pas d'émouvoir l'opinion, qui découvre qu'à côté de la
question flamande vient de naître une question wallonne. C'est dans ce climat
d'effervescence que le Pourquoi pas ?
formule sa suggestion, toujours prompt à traiter l'actualité politique sur un
mode plaisant.
En réponse à son article,
l'hebdomadaire bruxellois reçoit nombre de lettres proposant de commémorer tel
ou tel événement. Tant et si bien qu'il décide de leur consacrer un numéro
spécial intitulé Un référendum wallon
(13).
Parmi la vingtaine de
lettres publiées, on remarque les signatures de personnalités engagées dans le
combat wallon tels Jules Destrée, Emile Jennissen (14) et
François André (15).
Plusieurs réponses
émanent également de la presse laïque de Liège et de Charleroi, qui constitue, à
l'époque, un des plus solides soutiens du mouvement wallon. Relevons les noms de
Félix Verhoeven, directeur de La Gazette de Charleroi
(16), Jules Bufquin des Essarts, directeur du Journal de Charleroi
(17), Charles Delchevalerie, rédacteur à L'Express
(18)
et Olympe Gilbart, rédacteur à La Meuse (19).
La réponse d'un lecteur,
Robert Sand (20), traduit à suffisance l'état d'esprit
partagé par nombre de ses concitoyens en cet été 1912: "La Wallonie-Unie doit
avoir sa fête solennelle; il lui faudra un jour aussi ses armes, son drapeau,
son hymne et ... son parlement" (21).
Parmi les hauts faits
dont on propose la commémoration, il n'y en a pas un qui s'impose de lui-même.
Toutefois, les Journées de Septembre recueillent le plus de suffrages (cinq);
elles devancent l'exploit des six cents Franchimontois (quatre), la signature de
la paix de Fexhe (trois) et la bataille de Jemappes (deux).
En guise de conclusion à
son "référendum", le Pourquoi pas ? écrit que, malgré la diversité des
dates proposées, "l'idée maîtresse d'une fête nationale wallonne n'est plus
discutée" (22).
Faire preuve d'un tel
optimisme, c'est compter sans l'opinion catholique. En effet, celle-ci voit
principalement dans l'action wallonne un cheval de bataille enfourché par les
anticléricaux dans leur lutte contre le gouvernement. Aussi se montre-t-elle le
champion de l'unitarisme belge.
Dans un article de La
Gazette de Liège, Albert Dessart (23) s'oppose
farouchement à l'instauration d'une fête de Wallonie:
"Nous avons en
Belgique une fête nationale, celle du 21 juillet, commémorant un jour éclatant
de notre histoire. Elle n'est ni flamande, ni wallonne, celle-là. C'est la fête
de tous les Belges. Tenons-nous y. Et efforçons-nous, comme on le fait depuis
quelques années, de rehausser sa solennité.
"Nous ne voulons pas
d'une fête wallonne servant d'emblème à un séparatisme condamnable à tous
égards. Il ne doit y avoir qu'une fête nationale chez nous, parce qu'il n'y a et
qu'il ne peut y avoir qu'une Belgique (...).
"Arrière ces Belges
abâtardis qui proposent de desceller le bloc de notre unité, d'ébranler et
d'amoindrir notre patrie. Catholiques, nous sommes de ceux qui rêvent, non d'une
Belgique plus petite, mais d'une Belgique sans cesse plus grande"
(24).
L'essor pris par le
mouvement wallon, à la suite des élections du 2 juin 1912, ne se réduit pas à un
simple feu de paille. Le Congrès du 7 juillet décide de créer une commission
d'étude: ainsi naît l'Assemblée wallonne. Celle-ci regroupe des représentants
des diverses contrées de la Wallonie à raison d'un délégué par 40.000 habitants.
Elle se compose de mandataires politiques et de personnalités engagées dans
l'action régionaliste.
Dès novembre, l'Assemblée
décide de doter la Wallonie d'un drapeau, d'armes, d'un chant et d'une fête. Son
secrétariat organise auprès des membres un référendum portant sur ces questions.
Le 16 mars 1913, elle
tient ses assises à Mons, dans les locaux de l'Institut d'Hygiène de la Province
de Hainaut. Son secrétaire adjoint, Richard Dupierreux (25),
présente un rapport sur les résultats de la consultation (26).
D'emblée, il déclare qu'"un drapeau, un chant, une fête wallonne affirmeront
l'unité régionale" qui doit s'élever au-dessus de "l'esprit de clocher"
et de "l'excessif localisme" (27). Cette recherche
d'unité commande les conclusions de son rapport. Ainsi écarte-t-il les
propositions de fêter la paix de Fexhe ou l'épisode des six cents Franchimontois,
car ces événements historiques, tout illustres soient-ils, ne concernent que la
seule principauté de Liège. Par contre, il voit dans la Révolution de 1830, tout
particulièrement dans les Journées de Septembre, l'oeuvre commune des Wallons :
"Ce furent les premières journées où l'on vit les gens de Liège, de Tournai, de
Charleroi, de Mons et de Namur, déjà unis par une âme et une langue identiques,
sacrifier leur vie à une cause commune". Selon lui, cette révolution fut surtout
wallonne. Certes, il ne nie pas la contribution des provinces flamandes, mais il
ne craint pas d'affirmer que "pendant les heures décisives où seul compte le
sang versé, ce fut surtout du sang wallon qui mouilla les barricades!"
(28).

Une telle affirmation,
jusqu'ici difficilement vérifiable, s'est trouvée, il y a peu, battue en brèche
par l'étude d'un historien américain, John W. Rooney (29).
Celui-ci a analysé par ordinateur les diverses listes conservées des
participants des combats de Bruxelles. Il établit que les insurgés, à 95% des
travailleurs manuels salariés, étaient, dans leur écrasante majorité, domiciliés
soit à Bruxelles, soit dans les faubourgs. L'aide reçue du dehors par les
Bruxellois fut minime. En considérant le lieu de naissance et non de domicile
des combattants, l'auteur met en évidence que les journaliers et les ouvriers du
bâtiment (30) étaient pour moitié des migrants et que 60%
de ceux-ci parlaient le flamand comme langue maternelle (31).
Le rapport de Dupierreux
s'appuie donc sur une argumentation non fondée. Cependant, il participe d'une
opinion largement répandue à l'époque. Dans la discussion qui lui fait suite,
Jules Destrée va jusqu'à déclarer: "Ce sont les Wallons qui ont fait la
Révolution de 1830. Si l'on connaissait mieux l'histoire nationale, il n'y
aurait pas d'hésitation pour la date de septembre" (32).
Aussi est-ce sur une
erreur de jugement historique que l'Assemblée wallonne décrète: "La fête
nationale de la Wallonie se célébrera le dernier dimanche de septembre; elle
aura pour objet la commémoration des journées révolutionnaires de 1830"
(33).
La raison principale du
choix des Journées de Septembre semble être, à la lecture du rapport de
Dupierreux, leur caractère commun à l'ensemble de la Wallonie. Mais est-ce la
seule raison? Des motivations plus profondes n'ont-elles pas joué?
Lorsqu'en 1913, le
mouvement wallon se prononce sur le choix d'une fête, tant la paix de Fexhe, la
bataille de Jemmapes, l'épisode des six cents Franchimontois que les combats de
Septembre ont déjà fait l'objet de son attention. Il importe d'envisager s'il
n'a pas donné de signification particulière à ces divers événements historiques.
En 1906, le Cercle
verviétois de Bruxelles (34) entreprit de populariser
l'histoire de la principauté de Liège. Désireux de susciter des oeuvres de
vulgarisation, il mit au concours deux thèmes, dont l'un magnifiait la paix de
Fexhe: Histoire populaire des libertés liégeoises depuis les privilèges de
Charlemagne jusqu'à la paix de Fexhe qui consacra le principe de la souveraineté
nationale (18 juin 1316) (35).
Cette initiative
s'inspirait des voeux émis au Congrès wallon de 1905, lequel avait consacré
l'affirmation d'une identité régionale naissante. Après avoir dénoncé la faible
part prise par l'évocation du passé wallon dans l'historiographie officielle,
les congressistes avaient émis une série de voeux destinés à remédier à cette
carence (36).
Le concours reçut le
patronage du roi, du prince Albert, du gouverneur de la Province de Liège, des
Villes de Liège et de Verviers, ainsi que de la Ligue wallonne de Liège
(37). Il fut, par ailleurs, accueilli avec enthousiasme par plusieurs
quotidiens libéraux favorables aux revendications wallonnes. Ceux-ci ne
manquèrent pas l'occasion d'attaquer le gouvernement, rendu responsable des
lacunes de l'historiographie nationale (38).
Le jury eut à choisir
entre cinq manuscrits; il couronna celui de J. Hanus, professeur d'histoire à
l'athénée royal de Malines et auteur de plusieurs publications scolaires
(39). Le lauréat inscrivait adéquatement son oeuvre dans le sillage tracé
par le Congrès de 1905 et le Cercle verviétois de Bruxelles. Il y déplorait la
place modeste qu'occupait la Wallonie dans l'évocation du passé national:
"Nous avons maintes fois constaté, avec regret, la pauvreté des pages réservées
dans les manuels d'histoire de Belgique aux faits et aux hommes des provinces
wallonnes.". Aussi, se donnait-il pour mission d'exalter ceux-ci. Arrivé au
terme de son étude, il concluait: "Dans aucune autre contrée de la Belgique
ni de l'Europe, jamais peuple n'a joui d'une autorité plus grande; jamais petite
bourgeoisie n'a joué un rôle plus considérable dans le gouvernement du pays et
dans celui de la Cité: Vola poqwè n'zestan fîrs d'esse Wallons !"
(40).
L'attention accordée par
le mouvement wallon à la paix de Fexhe se limita à ce seul concours. Par contre,
il manifesta un intérêt plus soutenu pour la bataille de Jemmapes
(41).

Cet intérêt prit sa
source dans les colonnes du quotidien libéral hennuyer La Province. Le 24
octobre 1908, Hector Voituron (42) signa un article
appelant à commémorer la victoire de la jeune République française par
l'érection d'un monument. Selon lui, la bataille du 6 novembre 1792 méritait
d'être célébrée, car elle ouvrit l'ère de la liberté et du progrès. En outre,
l'occasion s'offrirait aux Wallons d'exprimer leurs sentiments francophiles:
"Pour nous, Wallons, qui aimons la France comme notre patrie intellectuelle,
cette fête du souvenir, où l'on glorifiera la naissance de l'époque actuelle,
sera en même temps la fête de l'âme de notre race, en qui dort et rêve un peu de
la France" (43).
Voituron précisa ses
intentions dans une circulaire manuscrite. Après s'être défendu de vouloir
organiser une manifestation séparatiste, il y déclarait: "A Jemmapes, on
glorifierait la naissance de l'époque actuelle, on affirmerait les sympathies
francophiles des Belges et toute la reconnaissance que l'on doit à la France, la
grande initiatrice qui montra aux peuples la route du progrès et de la
civilisation.
"En ce temps de
flamingantisme aigu et de pangermanisme inquiétant, le geste que nous ferions à
Jemmapes ne serait pas inutile"
(44).
Son appel à commémorer la
victoire de Dumouriez participait donc d'un profond attachement à des valeurs
laïques, mais aussi d'une francophilie exacerbée par l'action que le mouvement
flamand menait, en Belgique, à l'encontre de l'extension de la langue et de la
culture françaises. Cette conjonction de sentiments ne pouvait que séduire les
militants wallons, lesquels se recrutaient presque essentiellement chez les
libéraux et les socialistes. La Troisième République prenait à leurs yeux valeur
de seconde patrie, car phare de la civilisation romane et modèle de séparation
entre l'Eglise et l'Etat. Ainsi, le libéral Julien Delaite
(45), président de la Ligue wallonne de Liège, applaudit à l'initiative de
Hector Voituron en ponctuant sa lettre d'adhésion de la devise: "Belges avant
tout! Français quand même !" (46).
Ainsi trouva-t-on
plusieurs personnalités liées avec le mouvement wallon au sein du comité
d'action chargé d'ériger le monument commémoratif (47):
Jules Destrée, Albert du Bois (48), Franz Foulon
(49), Georges Heupgen (50) et Jean Roger
(51).
A l'inverse, certains
flamingants prirent le contre-pied et manifestèrent leur opposition à ce projet.
Le Nationaal Vlaamsch Verbond (52) apposa, dans
toutes les villes importantes du pays, une affiche datée du 25 mars 1909:
"Belges!
"Le parti de la France vous invite à une commémoration solennelle de la victoire
remportée par le général français Dumouriez sur l'armée autrichienne à Jemappes,
en 1792. Vous resterez sourds à cet appel.
"Le triomphe des Français, à Jemappes, ne fut que le prélude de l'annexion, en
1795, de notre pays par la République française qui, pendant vingt ans, le
traita véritablement en pays conquis, l'exploita et l'opprima scandaleusement.
La tyrannie de la France fut la plus dure, la plus cruelle, la plus sanglante
dont notre pays ait eu à souffrir. Aussi la fin en fut-elle saluée, en 1814, par
tous les Belges, avec des transports de joie (...).
"Belges!
"Souvenez-vous de ce que vos ancêtres ont souffert sous la domination française,
de 1792 à 1814.
"Lorsqu'on vous parle de la généreuse France qui nous aurait prétendument
apporté la liberté en 1792 et aurait assuré notre indépendance nationale en
1830, répondez, en vous appuyant sur l'impartiale histoire, que les Français ne
se sont jamais occupés de notre pays que pour s'en rendre maîtres eux-mêmes et
pour traiter les Belges en peuple conquis.
"Une nouvelle annexion de notre patrie à la France nous procurerait
inévitablement les mêmes soi-disant bienfaits qu'à la fin du XVIIIe siècle. Pour
y échapper et rester maîtres de vos destinées, vous répondrez avec nous aux
courtiers d'annexion qui vous invitent à commémorer une victoire de l'étranger
ou d'autres événements se rattachant à une époque de grande détresse et de
souffrances inouïes pour nos aïeux:
"Non! Nous n'irons pas à Jemappes. Vive la Belgique, libre et indépendante"
(53).
De telles protestations
n'étaient évidemment pas susceptibles d'infléchir la détermination du comité
d'action; au contraire! Le 24 septembre 1911, fut célébrée à Jemappes
l'inauguration du monument: un obélisque de granit au sommet duquel se dressait
fièrement un coq de cuivre doré (54). La cérémonie
s'inséra dans le programme du premier congrès international des Amitiés
françaises, qui se tenait alors à Mons (55).
Si le projet d'édifier un
monument commémoratif sur la plaine de Jemappes se concrétisa, une initiative
similaire, due cette fois au seul mouvement wallon, ne connût pas la même
fortune.
Au mois d'octobre 1912,
la Ligue wallonne de Liège décida d'élever un monument à la gloire des six cents
Franchimontois. Elle ambitionnait d'ériger celui-ci au "point de vue" de la
Citadelle; ainsi il s'offrirait aux regards de la population liégeoise, tout en
étant proche du lieu où s'était accompli le fait d'armes (56).
La presse locale salua
cet appel au passé, dont la signification profonde n'échappa point au quotidien
La Meuse : "Il a fallu que la Wallonie sortît de sa torpeur, qu'elle
clamât enfin au monde, comme elle le fait aujourd'hui, son droit de vivre et sa
volonté d'être, pour que nous songions à nos héros oubliés"
(57).
Soucieuse de s'adjoindre
d'utiles collaborations, la Ligue créa un comité rassemblant de nombreuses
notabilités des régions liégeoise et verviétoise. Elle veilla toutefois à en
occuper les postes clés; la présidence et le secrétariat général furent
attribués à ses deux chevilles ouvrières : Julien Delaite et Edmond Schoonbroodt
(58).
Le "comité du monument
aux six cents Franchimontois" fit preuve d'un grand dynamisme. Il organisa de
multiples activités afin de populariser son projet et de récolter les fonds
nécessaires à sa réalisation: fêtes, conférences (59),
concours de rédaction française dans les écoles (60).
Il chargea un sous-comité
historique de rédiger une brève notice sur l'exploit des Franchimontois
(61). La présidence de cet organe fut offerte à Henri Pirenne. L'éminent
historien accepta à la condition que la célébration du coup de main de 1468 ne
fût, en aucune manière, liée à la revendication de séparation administrative:
"Je suis un Wallon tout à fait Belge et je suis aussi nettement hostile à la
séparation administrative. Si la glorification de nos 600 héros devait aller de
pair avec des manifestations en faveur d'idées que je respecte sans qu'elles
soient les miennes et si mon nom se trouvait au-dessous de manifestes que je ne
pourrais approuver, je me verrais forcé de m'en aller, et ce serait là un de ces
gestes tapageurs que je déteste" (62).

Le secrétaire général du
comité, Edmond Schoonbroodt, prit lui-même la plume et publia, en 1913, un roman
historique consacré aux six cents Franchimontois. Il y laisse transparaître son
engagement politique: il glisse dans la bouche de ses héros des professions de
foi wallonnes et prête aux Flamands des sentiments d'hostilité envers Liège. En
outre, sa francophilie le conduit à disculper Louis XI de toute trahison
(63).
En dépit des efforts
prodigués, le comité du monument ne put mener à bien son projet: la guerre vint
mettre un terme brutal à son action. Son mérite essentiel fut de raviver le
souvenir des Franchimontois en ces années 1912 à 1914. Leur popularité, déjà
attestée, s'en trouva accrue (64). Elle ne suffit
toutefois pas à hisser leur célébration au rang de fête nationale wallonne.
L'événement considéré forçait certes l'admiration, mais restait d'un intérêt
trop local. Le comité en convint d'ailleurs implicitement: il organisa ses
activités presque exclusivement à Liège et dans les cantons de Spa et de
Verviers. De surcroît, l'évocation de 1468 n'était pas susceptible de porter un
message idéologique dans lequel la Wallonie pût se reconnaître. Il en allait
différemment pour une autre évocation: celle de 1830.
Aujourd'hui, de nombreux militants wallons ne comprennent plus pourquoi leurs
prédécesseurs ont choisi de fêter la commémoration des Journées de Septembre.
Sans grande perspective historique, ils voient dans ces événements la naissance
d'un Etat qualifié de "belgo-flamand".
Les propagandistes
wallons du début de ce siècle élaborent une tout autre lecture de 1830. Certes,
ils se sentent déjà lésés dans leurs intérêts; toutefois, il n'en attribuent pas
la responsabilité à l'Etat belge en tant que tel, mais bien au mouvement
flamand. Ils conservent à l'esprit que la Révolution a engendré un Etat
unilingue français. C'est pourquoi, ils se réfèrent au "pacte de 1830" dont ils
réclament le maintien intégral. Cette exigence vise essentiellement la
sauvegarde de la liberté des langues, voire le choix du français comme seule
langue officielle (65). Aussi s'érigent-ils en défenseurs
de l'oeuvre de 1830 mise en péril par les flamingants.
De surcroît, le mouvement
wallon voit principalement dans les combats de Septembre un soulèvement contre
la politique de néerlandisation menée par Guillaume 1er. Selon lui, les lois
linguistiques votées depuis 1873 créent une situation de contrainte analogue à
celle subie sous le gouvernement hollandais; il traite dès lors les flamingants
d'orangistes. Dans sa presse et dans ses meetings, il fait grand cas de ce
rapprochement. Particulièrement éloquente est, à cet égard, une affiche imprimée
en 1908 par la Ligue wallonne du Brabant:
"LA VOIX WALLONNE
qui clama le plus haut sa
révolte contre le régime d'oppression hollandais s'élève à nouveau!
"Aux Néerlandais de jadis se substituent les flamingants qui ressuscitent les
édits du roi Guillaume (...).
"Le pacte conclu en 1830 entre Wallons et Flamands est rompu.
"La Constitution est violée! Déjà la liberté linguistique n'existe plus. Demain,
on piétinera la liberté de l'enseignement.
"Les descendants des héros, qui contribuèrent le plus puissamment à créer la
Patrie, sont traités en Belges de seconde catégorie.
"Un vent de réaction néerlandaise souffle sur le pays et assaille l'oeuvre de la
Révolution.
"Wallons et Bruxellois qui vous unirent jadis, dans la gloire et dans la mort,
pour échapper à la tyrannie orangiste, vous courberez-vous sous le joug
flamingant?
"Unissez-vous dans la résistance!
"Sauvez le patrimoine de 1830 !
"Sauvez la Belgique !
"Vive la liberté!"
(66)
Dans cette perspective,
l'évocation de 1830 conduit les éléments les plus avancés à menacer le pouvoir
d'une seconde révolution wallonne. C'est ainsi que Hector Chainaye
(67), secrétaire général de la Ligue wallonne du Brabant, intitule un de ses
articles de combat: "Va-t-il falloir recommencer ?"
(68).

Aussi, ne doit-on pas
être étonné de voir, assez tôt, le mouvement wallon prendre à coeur la
commémoration des Journées de Septembre. En effet, il y trouve l'occasion de
manifester son hostilité aux lois linguistiques et son attachement à la liberté
des langues. En septembre 1900, la Ligue wallonne de Liège s'emploie à maintenir
le pèlerinage à la tombe de Sainte-Walburge qui menace de prendre fin à la suite
du décès du dernier combattant liégeois de 1830 (69).
Quant à la Ligue wallonne du Brabant, après s'être rendue au pied de la statue
de Charles Rogier le 15 octobre 1905, jour de sa fondation, elle y organise
annuellement, au mois de septembre, une manifestation commémorative
(70).
Ainsi, la raison majeure
qui motive, en 1913, l'Assemblée wallonne à choisir la célébration des combats
de Septembre Comme fête nationale réside-t-elle dans la lecture, toute
contemporaine, des événements révolutionnaires (71) et
dans la signification politique de leur commémoration dont les ligues sont, par
ailleurs, coutumières depuis treize ans (72).
Un dernier facteur
contribua au vote de l'Assemblée wallonne en faveur des Journées de Septembre.
Rappelons que les autres célébrations proposées avaient pour objet la paix de
Fexhe, les six cents Franchimontois et la bataille de Jemmapes. Les deux
premières trouvaient, naturellement, d'ardents défenseurs chez les Liégeois. La
troisième flattait la francophilie de la plupart des militants wallons.
0r ces sentiments
francophiles et principautaires liégeois furent rencontrés dans un autre
domaine, ce qui ne put que faciliter l'adoption des Journées de Septembre. En
effet, l'Assemblée, en même temps qu'elle devait doter la Wallonie d'une fête
nationale, avait aussi pour mission de lui donner un emblème et un drapeau. Elle
choisit le coq pour marquer son attachement à la culture française et les
couleurs jaune et rouge en hommage à Liège pour ses gloires historiques et sa
contribution décisive à l'éveil de la pitite patrèye
(73).
L'Assemblée wallonne
chercha à cristalliser l'identité d'un peuple naissant autour d'une symbolique
riche et variée. Les fêtes de Septembre, le coq hardi et les couleurs liégeoises
traduisent les éléments constitutifs de cette identité: réaction de défense face
à une communauté ethnique dominante, sentiment d'appartenance à une culture
internationale et valorisation des spécificités locales.
La Brabançonne wallonne

Notes
(1) Moniteur belge, 14 août 1975, p. 9874.- La disposition
constitutionnelle du 17 juillet 1980 changea la dénomination "Communauté
culturelle française" en "Communauté française".
(2) M. COLLINGE, Le sentiment d'appartenance: une identité fluctuante, dans
Complexe Belgique (Cahiers du CACEF, n° 130), Namur, 1987, pp. 7-23;
- Les conclusions de cette étude se fondent sur des enquêtes menées de 1979 à
1986 par l'Institut de Sociologie de l'U.L.B. et le Département de Sociologie de
l'U.C.L.
(3) Né à Maizeret en 1918, Fernand Massart siégea à la Chambre en tant que
parlementaire socialiste (1957-1965) puis comme député du Rassemblement wallon
(1968-1978).
(4) Pour être complet, précisons que la commémoration des combats de Septembre
est presque aussi ancienne que la création de l'Etat belge. En effet, sur la
proposition de Charles Rogier, le Congrès national décida, en date du 19 juillet
1831, de célébrer annuellement l'anniversaire des Journées de Septembre par des
fêtes nationales. Ce décret fut abrogé par la loi du 28 août 1880. Les fêtes
nationales furent alors fixées au troisième dimanche du mois d'août et aux deux
jours suivants. Le législateur voulait ainsi commémorer le jubilé national du 16
août 1880, autrement dit célébrer l'anniversaire d'une fête anniversaire! Vu le
peu d'enthousiasme populaire soulevé par semblable commémoration, le Parlement
se ravisa bientôt. La loi du 27 mai 1890 institua les fêtes nationales à la date
du 21 juillet, anniversaire de l'inauguration du roi Léopold 1er, ainsi qu'aux
deux jours suivants.
Cfr Discussions du Congrès national de Belgique, 1830-1831 (publiées par
E. HUYTENS) Bruxelles, 1844-1845, t. 3, pp. 587-589; t. 5, p. 282; - Moniteur
belge, 31 août 1880, p. 3373; 9-10 juin 1890, p. 1601.
(5) Paul Magnette naquit à Liège en 1888. Passionné par l'étude de la musique,
il acquit une solide formation en fréquentant, de 1909 à 1912, les cours de
l'Université de Leipzig. En janvier 1914, l'Académie de Musique de Liège lui
conféra le cours d'histoire et d'esthétique musicales. Réfugié à Paris, il créa,
en novembre 1917, la Nouvelle Revue wallonne. Cette publication,
principalement consacrée à l'art et à la littérature, parut de janvier 1918 à
mai 1919. Elle ne put survivre longtemps à la perte de son fondateur, décédé de
la grippe espagnole, à Paris, en octobre 1918.
Cfr M. PAQUOT, Paul Magnette et "La Nouvelle Revue wallonne", dans La
Vie wallonne, 1971, t. 45, pp. 265-275;- ID., Paul Magnette. Musicologue
et compositeur wallon, dans La Vie wallonne, 1973, t. 47, pp. 5-24.
(6) Né à Virton en 1863, Charles Magnette décéda à Liège en 1937. Après avoir
été membre de la Chambre des Représentants de 1894 à 1900, il siégea au Sénat de
1906 à 1932. Il présida la haute assemblée de 1928 à 1932. Il fut nommé ministre
d'Etat en 1925. Cfr P. VAN MOLLE, Le Parlement belge. 1894-1969,
Ledeberg-Gand, 1969, p. 230.
(7) La Lutte wallonne, 24 décembre 1911, p. 1, col. 3-4.
(8) La réduction de l'histoire de la Wallonie à celle de la principauté
épiscopale était fréquemment opérée par les Liégeois. On la retrouve dans les
propos tenus, lors du Congrès wallon de 1905, par le délégué de la Ligue
wallonne de Bruxelles, Hector Chainaye, qui était natif de la Cité ardente. Cfr
Congrès wallon. Compte rendu dans officiel, Liège, 1905, pp. 225-230 ;- De
même, dans l'ouvrage de Théodore Gobert: Curiosités historiques de la
Wallonie (Liège, 1914).
(9) Pourquoi pas ?, 25 juillet 1912, p. 230, col. 2.
(10) Conseil provincial du Hainaut. Recueil des procès-verbaux des séances.
Session extraordinaire du 18 juin 1912, partie officielle, pp. 69-70, 88-89,
129-130; partie non officielle, pp. 72-85, 199-225. -
Province de Liège. Procès-verbaux des séances du Conseil provincial. Session
extraordinaire de juin 1912, partie officielle pp. 29-30, 34-35; partie non
officielle, 48-52, 92-111.
(11) Congrès wallon organisé par la Ligue wallonne de Liège le dimanche 7
juillet 1912, Liège, 1912, pp. 15-23, 34-44.
(12) J. DESTREE, Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la
Flandre, dans Revue de Belgique , 15 août 1912, pp 735-758.
Sur cet écrit: L. MULLIER, Lettre au Roi de Jules Destrée. Août 1912. Etude
du contenu et des réactions de l'opinion (mémoire de licence, U.C.L.,
1977).- Jules Destrée vit le jour à Marcinelle en 1863. Il occupa le secrétariat
général de l'Assemblée wallonne depuis sa fondation jusqu'en décembre 1919.
Député socialiste de l'arrondissement de Charleroi (1894-1936), il fut, par
ailleurs, ministre des Sciences et des Arts de décembre 1919 à novembre 1921. Il
s'éteignit, à Bruxelles, à l'âge de soixante-douze ans. Sur cette grande figure
du mouvement wallon, voir notamment: A. BOLOGNE-LEMAIRE, Jules Destrée.
Biographie succincte, Charleroi, 1976; M. BOLOGNE et J. STIENNON, Jules
Destrée, dans La Wallonie. Le pays et les hommes. Lettres - arts culture
(sous la direction de R. LEJEUNE et J. STIENNON) Bruxelles 1979, t. 3, pp.
11-18; - R. DUPIERREUX, Jules Destrée, Bruxelles, 1952;- P.J. SCHAEFFER,
Jules Destrée. Essai biographique, Bruxelles, 1962.
(13) Pourquoi pas ? 12 septembre 1912.
(14) Emile Jennissen (Liège, 1882-1949) fonda, en 1909, les Amitiés françaises.
Ce docteur en droit représenta le Parti libéral à la Chambre de 1922 à 1939. Il
participa au Cabinet Spaak de 1939 en tant que ministre de la Santé publique.
Cfr R. POURET, Emile Jennissen, dans L'Action libérale, juin 1949, p. 1,
col. 3-4; - P VAN MOLLE, op. cit., p. 199.
(15) De parents belges, François André naquit, en 1869, à Hon-Hergies (France).
En 1904, il entra au Conseil provincial du Hainaut dont il assuma la présidence
dès 1909. Cet avocat socialiste siégea au Sénat de 1939 jusqu'à son décès,
survenu en 1945. Cfr La Belgique active. Province de Hainaut. Biographie des
personnalités, Bruxelles, 1934, p. 18; - In mémoriam François André.
Séance solennelle d'hommage (...) organisée par le Gouverneur de la Province et
la Députation permanente, sous l'égide du Conseil provincial du Hainaut, s.
l., 1945; - P VAN MOLLE, op. cit., p. 2.
(16) En 1893, Félix Verhoeven prit la direction du quotidien libéral La
Gazette de Charleroi ; il abandonna celle-ci, en 1919, pour la magistrature.
Cfr R. CAMPE, M. DUMON et J.J. JESPERS, Radioscopie de la presse belge,
Verviers, 1975, p. 432.
(17) Né à Charleroi en 1849, Jules Bufquin des Essarts décéda à La Rochelle en
1914. En 1880, il succéda à son père comme directeur du Journal de Charleroi.
Il imprima au quotidien une orientation libérale progressiste, puis socialiste.
En 1894, il représenta le P.O.B.. au Sénat, où il ne siégea que quatre mois. Cfr
R. CAMPE, M. DUMON et J.J. JESPERS, op. cit. pp. 396-397; - P. VAN MOLLE,
op. cit., p. 30.
(18) Charles Delchevalerie naquit à Couillet en 1872 et mourut à Liège en 1950.
Journaliste dans l'âme, il fut attaché, dès 1894, à la rédaction de L'Express,
l'organe du libéralisme progressiste à Liège. Après la Guerre mondiale, il lança
la revue La Vie wallonne, dont le premier numéro sortit de presse le 15
septembre 1920 Cfr J. SERVAIS, Delchevalerie (Charles), dans
Biographie nationale, t. 39, col. 248-256.
(19) Olympe Gilbart vit le jour à Saint-Trond en 1874. Entré au service du
quotidien libéral liégeois La Meuse en 1899, il en fut le rédacteur en
chef durant l'Entre-Deux-Guerres. Mandataire communal de la Cité ardente de 1921
à 1958, il siégea au Sénat de 1939 à 1946. Cet ancien secrétaire du Congrès
wallon de 1905 fut chargé, en 1928, du cours d'histoire de l'art wallon, qui
venait d'être créé à l'Université de Liège. Il s'éteignit, à Liège, âgé de
quatre-vingt-quatre ans.
Cfr S. COLLON-GEVAERT, Olympe Gilbart, dans Liber memorialis.
L'Université de Liège de 1936 à 1966 (sous la direction de R. DEM0ULIN),
Liège, dans 1967, t. 2, pp. 262-266; - J LEJEUNE, Gilbart (Olympe), dans
Biographie nationale, t. 35, col. 303-306.
(20) Né à Ixelles en 1876, Robert Sand mourut à Bruxelles en 1936. Sa vie
durant, il se passionna pour la création artistique et littéraire. Beau-frère de
Jules Destrée, il figura parmi les premiers membres de l'Assemblée wallonne. Cfr
La Défense wallonne. Bulletin mensuel de l'Assemblée wallonne, février 1913,
p. 81; F REMY Sand (Robert), dans Biographie nationale, t. 33,
col. 645-646.
(21) Pourquoi pas ? 12 septembre 1912, p. 341, col. 2.
(22) Pourquoi pas ?, 26 septembre 1912, p. 381, col. 2.
(23) Né en 1867, Albert Dessart est mort à Jemeppe-sur-Meuse en 1939. Il fut
rédacteur à La Gazette de Liège. Cfr L. BERTELSON, Dictionnaire des
journalistes - écrivains de Belgique, Bruxelles, 1960, p. 43.
(24) La Gazette de Liège, 27 septembre 1912, p. 1, col. 2.
(25) Richard Dupierreux naquit à Couillet en 1891 et mourut à Ixelles en 1957.
Sa carrière se confond avec celle de Jules Destrée dont il fut le plus proche
collaborateur. On le retrouve aux côtés du tribun socialiste à l'Exposition
d'Art wallon de Charleroi (1911), au secrétariat de l'Assemblée wallonne, en
Italie et en Russie pendant la Première Guerre mondiale, au Ministère des
Sciences et des Arts, ainsi qu'à la Commission internationale de Coopération
intellectuelle de la Société des Nations. Homme de lettres, critique d'art, il
entra à l'Académie royale de Belgique en qualité de correspondant (1951) puis de
membre (1956) de la Classe des Beaux-Arts. Cfr FONDS D'HISTOIRE DU MOUVEMENT
WALLON, Farde biographique Richard Dupierreux; H. LAVACHERY, Notice
sur Richard Dupierreux, dans Annuaire de l'Académie royale de Belgique,
1964, t 130, pp. 113-120.

(26) La Défense wallonne, mars 1913, pp. 138-168.
(27) Idem, pp. 141, 146.
( 28) Idem , pp. 166-167. - Semblables propos ne pouvaient manquer de
flatter la fierté régionale. Dans la seconde édition de son ouvrage de
vulgarisation, La fleur de Wallonie (Liège, 1913), Lucien Colson
reproduisit plusieurs pages du rapport de R. Dupierreux sous le titre La
Révolution de 1830 et les Wallons (pp. 33-38).
(29) J.W. ROONEY, Profil du combattant de 1830, dans Revue belge
d'histoire contemporaine, 1981, t. 12, p. 479-504.
(30) Lesquels constituaient la moitié des combattants.
(31) J.W. ROONEY, op. cit., pp. 488, 498.
(32) La Lutte wallonne, 23 mars 1913, p. 2, col. 1. - En réponse au
Pourquoi pas ?, Alphonse Lambilliotte, secrétaire des Amitiés françaises de
Mons, professeur à l'Ecole des Mines et à l'Institut commercial du Hainaut,
faisait valoir les "colonnes de Wallons allant délivrer Bruxelles"; tandis qu'Emile
Motte, artiste peintre, directeur de l'Ecole des Beaux-Arts de la Ville de Mons,
affirmait: "1830 fut un mouvement wallon".
Cfr Pourquoi pas ? 12 septembre 1912, pp. 343-344.
(33) "Ainsi arrêté dans les Assemblées de Mons (16 mars 1913) et d'Ixelles (20
avril 1913)." Cfr La Défense wallonne, mai 1913, p. 267.
(34) A cette époque, il existait à Bruxelles de nombreuses associations
wallonnes dont le but premier était de maintenir vivace l'attachement au
terroir. - Sur le Cercle verviétois de Bruxelles, voir: R. VAN ALBOON,
Aspecten van de waalse beweging te Brussel, 1877-1914 (Taal en sociale
integratie, n° 6) Bruxelles, 1982, pp. 33-35.
(35) Revue tournaisienne. Histoire, archéologie, art, folklore, 1906, t.
2, p. 167;- Wallonia, 1906, t. 14, pp. 343-344.- L'intitulé de ce thème
suscita les critiques des Archives belges, périodique publié sous la
direction de G. Kurth, J. Laenen, et H. Van Houtte. Cette revue savante en
dénonça l'inexactitude: "Proposer de couronner éventuellement un mémoire envoyé
en réponse à une question pareille, c'est s'engager à accorder son patronage à
deux formidables hérésies dont il eût fallu dès longtemps faire justice! On
reconnaît bien, dans les "privilèges de Charlemagne" et la "souveraineté
nationale proclamée en 1316", deux des multiples idées fausses chères à F.
Hénaux. Les "privilèges de Charlemagne" n'ont existé que dans l'imagination de
ce fertile conteur.
D'autre part, rien de plus contraire à la vérité que de parler de la
"souveraineté nationale liégeoise" au commencement du XIVe siècle." Cfr
Archives belges. Revue critique d'historiographie nationale, 1908, t. 9, p.
25, n. 1.
(36) Congrès wallon. Compte rendu officiel, Liège, 1905, pp. 255-259,
266-269, 344-345, 374 .- En 1908, le Cercle verviétois de Bruxelles précisa ses
motivations:
"Notre but, en instituant des concours d'histoire liégeoise, est de faire rendre
à la Wallonie la place à laquelle elle a droit dans les traités d'histoire de
Belgique que l'on met dans les mains des enfants de nos écoles. Trop souvent,
nos auteurs bornent cette histoire à celle du comté de Flandre.
"0r, il est établi que chez aucun peuple on ne trouve, au Moyen-Age,
l'équivalent des libertés dont jouissaient nos Pères au Pays de Liège. Les
luttes des Wallons pour la conquête et conservation de ces libertés sont-elles
moins belles, moins dignes d'admiration que les luttes tant célébrées des
communes flamandes.
"Nous voulons reconstituer nos gloires et les mettre en pleine lumière". Cfr
Wallonia, 1908, t. 16, p. 111.
(37) Revue tournaisienne, 1907, t. 3, p. 63.- Wallonia, 1907, t.
15, p. 134.
(38) "Tous les Wallons souffrent de voir la très glorieuse et très émouvante
histoire de leur pays aussi peu connue et aussi méconnue. Le gouvernement et le
haut personnel de l'enseignement ont apporté à cette oeuvre de "désinstruction"
populaire un parti pris scandaleux et une honteuse déloyauté historique".
Cfr La Réforme, 2 septembre 1906, p. 1, col. 4; - "L'histoire de la
Wallonie est restée trop méconnue. Cela est dû à ce que, dans les hautes sphères
du gouvernement et de l'enseignement, on a une tendance à la laisser ignorer
pour la plus grande gloire des Flamands". Cfr L'Express, 12 septembre
1906, p. 3, col. 4.- Sur l'historiographie belge de cette époque, voir: P. GERIN,
La condition de l'historien et l'histoire nationale en Belgique à la fin du 19è
et au début du 20è siècle, dans Storia della storiografia, 1987, t
.11 pp. 64-103.
(39) Wallonia, 1908, t. 16, pp. 111, 351.
(40) J. HANUS, Histoire populaire des libertés liégeoises depuis le IXe
siècle jusqu'à la paix de Fexhe qui consacra le principe de la Souveraineté
nationale (18 juin 1316), Verviers, 1908, pp. V, 120. - Le lecteur aura
reconnu sans peine le refrain de Li Tchant dès Walons de Théophile Bovy
et Louis Hillier. Ce chant est né d'un concours qu'organisa la Ligue wallonne de
Liège, le 11 novembre 1899, en vue de doter la Wallonie d'"un chant mâle,
énergique et patriotique". Les paroles de Bovy furent primées en 1900, la
musique de Hillier l'année suivante. Li Tchant dès Walons rencontra un
succès immédiat. Il gagna une popularité qu'atteste, si besoin était, la mention
de J. Hanus.
Cfr L'Ame wallonne, 11 novembre 1899, p. 3, col. 4; - R. LEJEUNE,
Naissance d'un chant et d'un drapeau, dans La Wallonie. Le pays et les
hommes - Lettres - arts - Culture sous la direction de R. LEJEUNE et J.
STIENNON), Bruxelles, 1981, t. 4, pp. 481-488.
(41 ) Fin du 18è siècle, le nom de la Commune s'orthographiait "Jemmapes"; début
de ce siècle, il s'écrivait déjà "Jemappes". Selon le contexte, nous utiliserons
l'une ou l'autre graphie, tout en respectant celles rencontrées dans les
citations.
(42) Né à Roisin en 1883, Hector Voituron s'installa à Jemappes dès 1906.
Ecrivain et journaliste, il devint conservateur de la Bibliothèque de Mons en
1928. Cfr La Belgique active. Province de Hainaut. Biographie des
personnalités, Bruxelles, 1934, pp. 140-141. - Sur sa collaboration au
quotidien La Province, voir: Journal "La Province". Mons. Souvenir du
XXVe anniversaire. 1er mars 1907-1er mars 1932, Mons, 1932, pp. 43-44.
(43) La Province, 24 octobre 1908, p. 1, col. 1-2. - H. Voituron réitéra
sa proposition dans Wallonia, 1909, t. 17 pp. 5-8.
(44) VILLE DE LIEGE. BIBLIOTHEQUE LES CHIROUX, Papiers J. Delaite,
circulaire manuscrite, Jemappes, 13 décembre 1908.

(45) Julien Delaite (Liège, 1868-1928) doit, sans conteste, être porté au nombre
des pères du mouvement wallon. Après s'être intéressé à la dialectologie, il
fonda, en mai 1897, la Ligue wallonne de Liège. Il présida les congrès de 1905,
1912 et 1913. Delaite joua un rôle déterminant dans l'éclosion de la
revendication fédéraliste en Wallonie. Cfr M. PIRON,
Delaite (Julien), dans Biographie nationale, t. 29, col. 530-533.
(46) Cette lettre nous est connue par la réponse qu'y donna H. Voituron:
Papiers J. Delaite, Jemappes, 18 novembre 1908, H. Voituron à J. Delaite.
Cette devise illustre parfaitement les limites de la francophilie qui animait le
mouvement wallon avant la Première Guerre mondiale. L'amour de la France se
subordonnait au loyalisme belge; l'irrédentisme ne fut prôné que par de rares
individualités, tel l'écrivain Albert du Bois (1872-1940). Sur ce dernier: J.
DELMETTE, Albert du Bois. Artiste, doctrinaire et prophète, Charleroi,
1969; - Ph. MURET Bois (Albert, comte du) dans sa Biographie nationale,
t. 39, col. 124-132.
(47) La composition de ce comité a été publiée dans L'Etoile belge, 4 mai
1909, p. 3, col. 1.
(48) Albert du Bois avait déjà célébré par la plume la victoire de Dumouriez. En
1902, il avait publié à Mons un drame historique en un acte: La veille de
Jemmapes. Dès la préface, il ne laissait planer aucun doute sur la nature de
ses convictions: "Nous autres Wallons, bien qu'on nous nomme des "Belges" -
depuis 1830! - notre race, c'est la race française, notre patrie, c'est la
France, et l'Europe a commis contre nous un monstrueux attentat lorsqu'elle nous
a unis à trois millions de Flamands dont tout nous sépare - langue, race et
passé" (p. II) ; - Représenté au Théâtre de Mons, le 9 février 1903, ce
drame fut souvent joué, dans la suite, par les ligues wallonnes. Cfr Ph. MURET,
op. cit., col. 130.
(49) Franz Foulon vit le jour à Termonde en 1861. Ce journaliste libéral fut un
pionnier de l'action wallonne dans le Hainaut occidental. Pour avoir prôné la
séparation administrative durant la Première Guerre mondiale, il vécut ses
dernières années frappé d'ostracisme. Il mourut à Bruxelles en 1928. Cfr J.P.
DELHAYE, La presse politique d'Ath des origines à 1914
(Cahiers du Centre interuniversitaire d'Histoire contemporaine, n° 77),
Louvain-Paris, 1974, p. 44, n. 54; - ID., Les origines du mouvement wallon en
Hainaut occidental (1890-1930) , dans Bulletin de la Société d'Histoire
de Tournai, avril 1986, pp. 9-14. - L'auteur de ces deux études prépare
actuellement, sous la direction du Professeur P. Gérin, une thèse de doctorat
sur F. Foulon: Dans le Hainaut occidental des 19e et 20e siècles: Franz
Foulon et les débuts du mouvement wallon (1884-1928). - En 1909, Foulon
publia à Bruxelles un essai: Jemmapes au point de vue belge.
L'interprétation qu'il donne à cette page de notre passé ne s'écarte guère de la
thèse classique des historiens libéraux, qui voient dans l'amour de la liberté
le fondement du sentiment national belge : "Sans faillir à nos devoirs
actuels de patriotisme, nous pouvons glorifier l'événement de Jemmapes. Plus que
tout autre de notre histoire, il a fait pénétrer en nous le sentiment de la
liberté, lequel à son tour engendra celui de l'unité nationale. Car - et c'est
un fait digne de méditation si les autres peuples sont arrivés au sentiment de
la liberté par la nationalité, nous, Belges, nous sommes arrivés à la
nationalité par la liberté". (pp. 8-9).
(50) Né à Hyon en 1866, Georges Heupgen mourut à Mons en 1938. Docteur en droit,
il enseigna à l'Université libre de Bruxelles de 1920 à 1928. Membre du Parti
libéral, il siégea à la Chambre des Représentants (1898-1900), puis à la
Députation permanente du Hainaut. Cfr P. VAN MOLLE, op. cit., p. 176.
(51) Jean Roger (1865-1933) naquit à Milmort et décéda à Liège. Auteur
dialectal, il milita également dans les ligues d'action wallonne. Entré au
Conseil provincial de Liège en 1908, cet industriel d'opinion libérale exerça le
mandat de député permanent de 1932 à 1933. Cfr Mémorial de la Province de
Liège. 1836-1986, Liège, 1987, p. 218 ; - Ch. STEENEBRUGGEN, Livre d'or
de l'Association royale des auteurs dramatiques, chansonniers et compositeurs
wallons de Belgique, Liège, 1936, p. 414.
(52) Sur cette association, fondée à Bruxelles en juin 1891, voir la notice de
H. DE CEULAER dans Encyclopedie van de vlaamse beweging, Thielt-Amsterdam,
1975, t. 2, pp. 1006-1007.
(53) La Gazette de Liège, 30 mars 1909, p. 1, col. 4-5. - En d'autres
circonstances, le mouvement wallon s'indigna que les flamingants célébrassent
des défaites françaises, telles Waterloo et Courtrai. Au sujet de la
commémoration de cette dernière, la Ligue wallonne de Liège vota, lors de son
assemblée générale du 26 décembre 1901, la résolution suivante: "Au nom des
Wallons de Belgique, la Ligue wallonne répudie toute participation à la
manifestation que les flamingants préparent sous prétexte de fêter le 600e
anniversaire de la bataille dite des Eperons d'Or. Elle réprouve les sentiments
hostiles à la France qui se font jour à ce propos et elle prie respectueusement
le Roi des Belges de ne pas donner le haut encouragement de Sa présence à des
fêtes qui n'intéressent qu'une petite partie de la nation, par suite du
caractère spécial qu'on leur a donné". Cfr Le Journal de Liège, 2 janvier
1902, p. 2, col. 3.
(54) Les Conseils provinciaux de Liège et du Hainaut, les Villes de Liège, de
Mons, ainsi que d'autres communes wallonnes, subventionnèrent l'oeuvre. Cfr
Moniteur officiel du mouvement wallon, août-octobre 1911, p. 3. -
L'obélisque atteint une hauteur de 16 mètres. Un premier coq, oeuvre du
statuaire Jean Gaspar, mesurait 3,50 mètres et pesait 680 kilos; le 23 août
1914, l'armée allemande le détruisit. Un nouveau coq, dû au sculpteur Charles
Samuël, fut inauguré le 21 mai 1922. Cfr A propos du coq, dans No
Catiau, janvier-février 1988, p. 6;- H. VOITURON, La résurrection du coq
de Jemmapes, dans La Vie wallonne 1922, t. 2, pp. 468-473. Une
photographie du coq de J. Gaspar est reproduite dans: E. HINZELIN, L'art
décoratif en Belgique. La Wallonie, dans Art et industrie, octobre
1912.
(55) Les actes de ce congrès ont été publiés : Congrès international des
Amitiés françaises, 21-27 septembre 1911, Mons, s. d., 2 vol. - Sur cette
association francophile, voir: Les Amitiés françaises. 1909-1959, Liège,
1959.
(56) Moniteur officiel du mouvement wallon, juillet-octobre 1912, pp.
1-3.
(57) La Meuse, 16 décembre 1912, p. 1, col. 3.
(58) Moniteur officiel du mouvement wallon, novembre-décembre 1912, pp.
2-3. - Juriste de formation, Edmond Schoonbroodt (Liège, 1876-1940) s'adonna à
la littérature d'expression française. Sous le pseudonyme de Rodolphe de
Warsage, il signa des poèmes, contes, romans, drames et chroniques. Il a
également laissé des études de folklore, appréciables oeuvres de vulgarisation
malgré leur manque de rigueur. Au sein du mouvement politique wallon, il milita
aux côtés de Julien Delaite; il assuma le secrétariat de la Ligue wallonne de
Liège de 1903 à 1919. Cfr E. LEGROS, Schoonbroodt (Edmond), dans
Biographie nationale, t. 32, col. 659-665.
(59) Au cours d'une de ces conférences, tenue à Spa le 14 décembre 1913, l'on
vendit, au profit de l'oeuvre, des insignes du coq wallon en forme d'épingle.
Cfr VILLE DE LIEGE. BIBLIOTHEQUE LES CHIROUX, Papiers R. de Warsage,
dossier n° 7, invitation imprimée.
(60) L'héroïsme des six cents Franchimontois constituait, tout naturellement, le
thème du concours. Celui-ci se déroula dans les écoles primaires, tant libres
que communales, de Liège, Verviers, Spa, Sart, Theux, Jalhay et Hodimont. Cfr
La Défense wallonne, juillet 1913, p. 429;- La Meuse, 9 juillet 1913,
p. 5, col. 3, 5-6; 29 juillet 1913, p. 5 col. 3.- Parmi les lauréats, relevons
le nom de Georges Truffaut, alors âgé de onze ans. Ce fer de lance du
fédéralisme wallon de l'Entre-Deux-Guerres refusa la capitulation de 1940: il
gagna la Grande-Bretagne où il mourut accidentellement, en 1942, sous l'uniforme
de l'armée belge. Est-il excessif de se demander si ce concours scolaire a pu
marquer G. Truffaut au point de lui offrir, le jour venu, un modèle de
résistance à l'envahisseur? - Devant le bon accueil réservé à cette initiative,
le Congrès wallon de 1913, réuni à Liège le 6 juillet, émit le voeu de voir
organiser, chaque année, un concours de rédaction française sur un sujet tiré de
l'histoire des provinces wallonnes. Cfr Congrès wallon. 1913, Liège,
1913, p. 19.
(61) La notice occupe les pages 14 à 19 de la brochure: Comité du monument
aux six cents Franchimontois honoré d'une souscription de S. M. Albert, 1er Roi
des Belges, Liège, 1913.
(62) Papiers J. Delaite, Gand, 11 novembre 1912, H. Pirenne à J. Delaite.-
Sur les conceptions nationalitaires de Pirenne, voir: Ph. CARLIER, Henri
Pirenne, historien de la Wallonie?, dans Henri Pirenne, de la cité de
Liège à la ville de Gand (Actes du colloque tenu Liège le 13 décembre 1985;
Cahiers de Clio, n°86), Liège, 1986, pp. 65-78;- W. PREVENIER,
Pirenne à Gand, dans idem, pp. 22-44.
(63) R. DE WARSAGE (E. SCHOONBROODT), Les six cents Franchimontois,
Liège, 1913, pp. 8, 35, 38, 40, 52, 69, 76 84, 86-87 90, 107, 114, 119.
(64) Sur l'historiographie des six cents Franchimontois, voir: Ph. CARLIER,
L'unification bourguignonne dans l'édition belge de 1830 à 1914. Contribution à
l'étude de l'historiographie et du sentiment national (mémoire de licence en
histoire, ULg, 1983) pp. 39-44; - L. FRIPPIAT, L'épisode des six cents
Franchimontois dans l'historiographie belge (mémoire de licence en histoire,
ULg, 1984); - E. LEGROS, Liège contre Bourgogne et spécialement les 600
Franchimontois chez les littérateurs et les historiens, dans La Vie
wallonne, 1969, t. 43, pp. 113-120.
(65) Une évolution se dessine dans les revendications du mouvement wallon en
matière linguistique. Aux alentours de 1898, il s'oppose radicalement à la loi
De Vriendt-Coremans qui reconnaît le flamand comme seconde langue nationale. Une
douzaine d'années plus tard, devant l'extension de la législation linguistique,
il se replie sur une position plus modérée: la défense de la liberté des
langues.
(66 ) Papiers J. Delaite, affiche imprimée, Bruxelles, 27 septembre 1908.

(67) Hector Chainaye naquit à Liège en 1865. Après que la critique eut reconnu
son talent de poète symboliste, il se consacra au journalisme. Avec son frère
Achille, il dirigea le quotidien La Réforme
de décembre 1895 à janvier 1907. Au mois d'octobre 1905, avec l'aide de ce même
frère et d'Alfred Colleye, il fonda la Ligue wallonne du Brabant, dont il assuma
le secrétariat général. C'est à ce titre qu'il organisa le Congrès wallon tenu à
Bruxelles en juin 1906. Hector Chainaye lança deux hebdomadaires de combat:
Le Réveil wallon
(novembre 1907, en collaboration avec E. Jennissen) et La Lutte wallonne
(mai 1911). Lors des élections législatives de mai 1910 il conduisit à Bruxelles
la première liste d'action wallonne qui vit le jour dans nos annales politiques.
Il mourut prématurément, à Ixelles, le 4 septembre 1913. Cfr J. DELAITE,
Hector Chainaye, dans Le Coq hardy, novembre 1913, pp. 36-39; - J.L.
DE PAEPE, "La Réforme", organe de la démocratie libérale (1884-1907)
(Centre interuniversitaire d'Histoire contemporaine, Cahiers, n° 64),
Louvain-Paris, 1972; - I. PAUL, Hector Chainaye, dans Le Coq wallon,
15 septembre 1913, pp. 1-2; - R. VAN ALBOON, op. cit.
(68) Le Petit Bleu du Matin, 1er janvier 1911, p. 1, col. 4-6.- L'article
s'accompagne d'un dessin qui représente un volontaire de 1830 sortant du tombeau
le fusil à la main!
(69) L'Ame wallonne, 22 septembre 1900, col. 562-563 ; 29 septembre 1900,
col. 578- 580.
(70) En 1912, le ruban de la couronne de fleurs qu'elle y dépose porte
l'inscription: "Liberté des langues. Hommage à Rogier". Cfr La Lutte wallonne,
29 septembre 1912, p. 1, col. 2-3.
(71) Parfois, l'anachronisme qui en résulte ne craint pas l'outrance. A
l'occasion d'une manifestation organisée à Louvain, le 7 juin 1914, la Ligue
wallonne du Brabant édite un chant aux accents militants : La Brabançonne
wallonne. La première page représente un groupe de volontaires de 1830, dont
l'illustre Charlier "la Jambe-de-Bois", combattant sous un drapeau frappé du coq
hardi! Les paroles de ce chant, conservé au Fonds d'Histoire du Mouvement
wallon, sont publiées en annexe.
(72) Aux yeux des militants wallons de cette époque, 1830 revêt une valeur quasi
mythique. Le 17 avril 1911, les Ligues wallonnes du Brabant, de Liège, Namur et
du Tournaisis organisent un meeting à Bruxelles, en la salle Madeleine. Lorsque
le drapeau des combattants fleurusiens de 1830 y fait son entrée, il est
accueilli par une longue ovation. Cfr L'Etoile belge, 18 avril 1911, p.
3, col. 3; - Moniteur officiel du Mouvement wallon, avril 1911, p. 2.- En
1913, la Ligue wallonne et antiflamingante de l'Arrondissement de Charleroi
travaille à l'édition d'une carte postale indiquant les communes belges d'où
partirent, en 1830, les corps de volontaires. Cfr Papiers J. Delaite,
Ransart, 2 septembre 1913, L.G. Suain à J. Delaite.
(73) Initialement, l'emblème devait être distinct du drapeau. Ce n'est qu'au
cours de ses débats, que l'Assemblée décida de faire figurer le coq hardi sur le
drapeau wallon. Sur la naissance de ce dernier, le lecteur consultera: Y.
MOREAU, La genèse du drapeau wallon, dans Enquêtes du Musée de la Vie
wallonne, 1986. - Il n'aurait pas déplu à certains Liégeois que la fête,
l'emblème et le drapeau de la Wallonie fussent, respectivement, la célébration
de la paix de Fexhe, le perron et les couleurs liégeoises. Ce fut notamment le
souhait de Léonie de Waha, présidente de l'Union des Femmes de Wallonie. Cfr
La Lutte wallonne, 1er décembre 1912, p. 3, col. 4; 30 mars 1913, p. 2, col.
3-4 ;- Papiers J. Delaite, Tilff, 26 mars 1913, L. de Waha à J. Delaite;
- Sur Léonie de Waha: E. LAMBOTTE, Une grande Wallonne, Léonie de Waha
(1836-1926), Liège, 1927;- R. VAN SANTBERGEN, Waha, Léonie de, dans
Biographie nationale, t. 39, col. 825-836. - Ce sentiment principautaire des
Liégeois souleva l'emportement du carolorégien Arille Carlier qui dénonça ce
qu'il ne craignit pas d'appeler leur "misérable chauvinisme". Cfr La Lutte
wallonne, 11 mai 1913, p. 2, col. 3.- Sur Arille Carlier (1887-1963): A.
BOLOGNE-LEMAIRE, Arille Carlier ou la conscience wallonne, Charleroi,
1969.

Annexe
I
Peuple belge, lorsque les
haines
Des néerlandaises factions
T'avaient ligoté de leurs chaînes,
Qui sut en briser les maillons?
Fut-ce donc la pataude clique
Du français niant la beauté,
Qui créa la fière Belgique,
Le Roi, la Loi, la Liberté?
II
Un chant français fut
l'étincelle
Dont jaillit l'insurrection.
Des fusils brandis à Bruxelles,
Sortit la Révolution!
Des Wallons, le bouillant courage,
Des Français, l'intrépidité,
Assirent, après l'esclavage,
Le Roi, la Loi, la Liberté!
III
Ce sont les patriotes
braves,
De Mérode et de Jamb' de Bois,
Qui fusillèrent les Bataves
Et dont coula le sang gaulois!
Des Flamands, la bête héraldique,
Gavée, en sa servilité,
Ne rugit pas notre réplique:
Le Roi, la Loi, la Liberté!
IV
Les Flamingants, ô sort
étrange,
Du Belge, sorti du tombeau,
Honnirent, partisans d'Orange,
Le nom, les droits et le drapeau!
De leurs méfaits, le territoire
Fut cruellement amputé.
On ne leur doit pas, dit l'Histoire,
Le Roi, la Loi, la Liberté!
V
Hurler: l'Union fait la
Force!
Flamands, Wallons, sont des prénoms!
Tout ça n'est que perfide amorce
Pour duper les frères wallons.
Ces outrages, cette insolence,
Raviront, amère cherté,
Au pays, son indépendance,
Le Roi, la Loi, la Liberté!
VI
Sous un prétexte
égalitaire,
Nous imposer un vain patois
C'est vexation téméraire
Ca nous révolte, fils gaulois!
Wallons, debout! de la contrainte,
Brisons l'odieuse âpreté,
En invoquant, sans nulle crainte,
Le Roi, la Loi, la Liberté!
Philippe carlier,
La Wallonie à la recherche d'un fête nationale , Un épisode du mouvement wallon
à l'aube du XXème siècle, dans Revue belge de Philologie et d'Histoire,
t, 68, 1990, p, 902-921.

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