Conférence - Consensus La Wallonie au Futur Namur - 1994 Où en est
et où va |
![]() |
Où
en est et où va le système éducatif en Wallonie ?
|
Article premier. - Léducation est la première priorité nationale. Le service public de léducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à légalité des chances.
Le droit à léducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, délever son niveau de formation initiale et continue, de sinsérer dans la vie sociale et professionnelle, dexercer sa citoyenneté.
République française, Loi dorientation sur léducation,
Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 (1).
Dans sa préface aux actes du congrès La Wallonie au Futur consacré au Défi de léducation, en 1991, le Ministre-Président du Gouvernement wallon Guy Spitaels remarquait que lun des mérites principaux du congrès est dappeler les Wallons à se mobiliser pour la production, les divers rapports insistant sur la nécessité de créer des emplois capables eux-mêmes dengendrer la richesse nécessaire à la satisfaction équitable des besoins. La création de ces emplois dynamiques est urgente et indispensable pour la Wallonie économique, technologique ou culturelle quanimeront nos enfants. Le défi de léducation est bien là, ses clés sont entre nos mains : la qualité de notre avenir est directement liée à celle du système éducatif que nous proposons à la génération qui, demain, prendra les commandes.
Interpellé par limportance de cet enjeu, le Comité scientifique du congrès permanent La Wallonie au Futur - qui sétait engagé à porter la concrétisation des conclusions du congrès jusquaux décideurs wallons - a choisi de donner la priorité de ses actions au système éducatif en Wallonie. Le problème a été posé d'un pays dont l'OCDE constate qu'il investit plus que les autres par tête d'habitant dans le système éducatif, mais qui compte pourtant le taux de chômage le plus élevé d'Europe pour les moins de 25 ans. Comment, donc, rentabiliser au mieux l'investissement consacré à l'éducation et à la formation en fonction du contexte social ? Tous les niveaux de la formation des jeunes doivent se réorienter vers une préparation à acquérir une capacité d'apprentissage tout au long de leur vie mais aussi vers le développement de la capacité de créativité personnelle. Ces deux types de formation qui se résument, en fait, à apprendre à apprendre, sont fondamentalement plus essentiels que l'éducation basée sur l'assimilation d'une quantité donnée de connaissances.
Cette première action du congrès permanent La Wallonie au Futur a pris la forme d'une Conférence-Consensus intitulée Où en est et où va le système éducatif en Wallonie ? Comment le savoir ? et traitant du pilotage des systèmes d'éducation. Cette manifestation organisée avec le soutien de la Région wallonne a bénéficié de la présence d'orateurs et de personnalités politiques particulièrement compétents dans cette matière, mais surtout de représentants de la société civile qui vivent ces questions au quotidien et dont l'avis concret a orienté les décisions.
Sur le plan de la méthode, le mécanisme de la Conférence-Consensus (aussi appelée Conférence-Confrontation) permet de répondre à un enjeu en le portant sur la place publique plutôt qu'en le réservant aux seules négociations en haut lieu. Il provient du Danemark qui l'applique régulièrement pour des enjeux tels que le nucléaire, l'éducation, le réseau de télécommunications, etc. Il s'agit donc de bien poser un problème et d'y réfléchir pour faire émerger les véritables enjeux sociaux de la confrontation des points de vue à tous niveaux. Il s'agit d'une interpellation des décideurs au sens très large : politiques, économiques, sociaux, éducatifs. Ainsi, la concrétisation de cette interpellation se fait par la voix de représentants de la société civile (Madame et Monsieur " Tout le Monde ", confrontés dans leur quotidien au problème étudié).
Dès lors, les objectifs de la conférence-consensus organisée par lInstitut Jules Destrée à Namur, ces 3, 4 et 5 mars 1994 étaient :
Pour le Congrès, le fait de cerner les méthodes d'éducation en fonction des buts à atteindre compte tenu de l'avancement de la société devrait permettre de former une génération capable de maîtriser toutes ses mutations sociales.
Concrètement, une manière de savoir où en est et où va le système éducatif en Wallonie avait été présentée par le Professeur Gilbert de Landsheere. Il sagit du pilotage des systèmes déducation (2), expérimenté dans plusieurs pays dAmérique du Nord, dAustralie ou dEurope. Le Professeur G. de Landsheere rappelle que éduquer, cest conduire vers un état souhaitable. Le guide doit non seulement connaître le chemin, mais aussi veiller à ce que lon ne sen écarte pas au risque de se perdre. Il doit, en outre, respecter la liberté du voyageur, car, par cette liberté, léduqué est sujet au même titre que léducateur, particularité qui fonde la notion même déducation au sens noble du terme. Il est fondamental délaborer un projet éducatif qui corresponde aux exigences des secteurs dactivité tout en mettant laccent sur les valeurs fondamentales de la démocratie. Léducation doit permettre à chacun de réaliser son projet personnel et darmer la société face à la nouvelle révolution industrielle et culturelle qui se produit à léchelle universelle. Distinguant les types de pilotage, le Professeur liégeois expose la complémentarité entre micropilotage et macropilotage : Tout rapport de pilotage doit être un outil permettant déclairer adéquatement le débat pédagogique et le débat politique en matière daction scolaire, dautant que la communauté a droit quon lui rende des comptes à propos dactions dont la réussite conditionne largement lavenir des jeunes et de la société globale. Les clés du succès du pilotage sont précisées : apprendre à appliquer un esprit critique à tout ce qui fait notre civilisation, associer les enseignants et les centres de recherche universitaire à la démarche.
Une expérience concrète et dynamique de pilotage nous est détaillée : celle de la France, présentée par le Directeur de lEvaluation et de la Prospective du Ministère français de lEducation nationale, Claude Thélot. Le système éducatif français sest défini quatre dimensions, soit trois objectifs - transmettre des connaissances, des savoirs, une culture; préparer à la vie professionnelle; former à la vie en société et, dans une démocratie comme la nôtre, à la citoyenneté, et, par là, contribuer à la construction et lidentité du pays; - et une exigence, celle déquité. La réalisation de ces objectifs nécessite une évaluation de lorganisation du système éducatif en fonction de ces critères choisis, du cadre dans lequel les acteurs agissent et des degrés de liberté quils possèdent. Avant de détailler la méthode dévaluation dans son pays, M. Thélot remarque que le système éducatif français est national : cest une de ses forces. Il insiste sur la nécessité pour le système éducatif dêtre efficace - exigence assez nouvelle - non seulement parce quil coûte cher, mais surtout parce que de cette efficacité va dépendre la position de la France dans le monde, dans la mesure où labsence de formation, de qualification est plus grave aujourdhui quhier, et ceci va aller en samplifiant. Grâce à cette expérience, les enseignants français ont développé une culture de lévaluation, afin de se servir de lévaluation pour faire le point, pour orienter les façons de faire, pour définir des sous-groupes, pour faire face à lhétérogénéité des élèves, en somme pour adapter et rendre plus efficaces leurs pratiques pédagogiques.
En France, lévaluation - démarche nécessaire et cependant humble - doit aussi permettre de déterminer les besoins et les possibilités dembauche dans les divers secteurs de la société, afin daider les jeunes à choisir leurs études en fonction des débouchés. Le triptyque expérimentation - évaluation - extension fait en sorte que, plutôt que de réforme, on parle alors de rénovation, changement de vocabulaire qui veut exprimer cette démarche quasiment expérimentale sopposant à limposition de nouvelles règles conçues hors du terrain, cest-à-dire de létablissement scolaire. Lauteur constate aussi que cette rénovation qui déterminera ladéquation de lEcole au défi de léducation repose sur une durée dépassant celle de laction politique, ce qui rend sa réalisation difficile et nécessite une infinie souplesse.
Les mêmes analyses nous viennent du Québec (3), où le slogan de lAlliance des professeures et professeurs de Montréal stipule que Réussir lécole, cest nous donner les moyens pour que tous les élèves aient des chances égales de réussir à lécole. La pédagogie est donc un outil essentiel de la réussite, si elle apprend aux élèves à travailler, si elle leur donne les conseils fondamentaux pour user de leur intelligence mais aussi une conscience éthique et les moyens dagir en tant que citoyens responsables. Renforçant la légitimité des conclusions proposées par le panel de la société civile présent dans notre conférence-consensus, la Centrale de lEnseignement du Québec publie ce message qui a trouvé son écho dans nos débats : Les écoles ne sont pas sur la lune. Les élèves ne tombent pas du ciel. Ils vivent dans la société québécoise et subissent son influence. Ils sont aussi notre avenir. [...] Il est plus que temps de mener un débat en profondeur sur lécole en associant à cette démarche, non seulement tous les partenaires de léducation, mais aussi lensemble des citoyennes et citoyens.
A lheure où les étudiantes et les étudiants de Wallonie et de Bruxelles manifestent, avec dignité et fermeté, leur volonté déterminée de participer aux mises à jour des systèmes déducation qui forgeront leur avenir, à lheure où la solidarité prend vie entre le monde des études et celui du travail, il est de notre devoir, au sein de lInstitut Jules Destrée et de son congrès permanent La Wallonie au Futur, dexprimer notre vigilance active face aux motivations de la génération qui pilotera notre monde demain, tout autant que de respecter notre engagement de porter jusquaux décideurs wallons les propositions concrètes émanant des chercheurs et des acteurs du temps présent. Une fois encore, cest à eux que nous donnons la parole ici.
(Mars 1994)
Notes
(1) Claude THELOT, Lévaluation
du Système éducatif, Coûts, fonctionnement, résultats, coll. Fac,
série Education, Paris, Nathan, 1993, 160 pages, p. 145.
(2) Gilbert de Landsheere, Le pilotage des systèmes
déducation, coll. Pédagogies en développement, Série 1, Problématiques
et recherches, Bruxelles, De Boeck Université, 1994, 194 pages.
(3) Réussir lécole, dossier publié dans Le Devoir (Québec),
sa. 21 et di. 22 août 1994, 18 pages.
![]() |
Page mise à jour le 23-08-2004 |
|
![]() |
||
Tous droits réservés © Institut Jules-Destrée |