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La Wallonie, une région en Europe

Les finances du fédéralisme:
partage des ressources et autonomie dans le système fédéral belge
- (1995)

Emmanuel Cola
Assistant à la Faculté de Droit de l'Université de Liège

 

Introduction

1. Comment mieux définir la Belgique qu’en la présentant comme un Etat où, fondamentalement, peu de choses se révèlent simples ? L'observateur étranger qui désire en examiner les caractéristiques aura tôt fait de se heurter à quelques-uns de ses problèmes les plus sensibles, qu'il s'agisse de la querelle entre communautés linguistiques, vivace depuis plus d'un siècle, de la réforme des institutions, mouvement permanent à partir de la fin des années soixante, ou encore de ses constructions politiques et juridiques changeantes, et souvent alambiquées.

Le thème que nous allons aborder, celui du partage des moyens financiers entre l'Etat fédéral et les entités fédérées, ne fait certes pas exception à la complexité ambiante. Une rapide lecture de la loi spéciale du 16 janvier 1989, qui régit la matière, suffit à s'en convaincre. Aussi tenterons-nous, dans les pages qui suivent, d'être le plus méthodique possible, afin de faire ressortir au mieux les grands principes qui animent le fédéralisme financier en Belgique. Car tel est bien l’unique objectif de ce rapport; un examen approfondi des moyens techniques de mise en oeuvre desdits principes requerrait, à lui seul, un ouvrage complet.

 

2. Notre schéma d'analyse sera donc, somme toute, assez classique. Nous rappellerons d'abord, en quelques mots, les caractéristiques majeures du système fédéral belge, dans la mesure où leur connaissance s’avère indispensable à la bonne compréhension de l'exposé. Nous verrons ensuite les réponses successives qu’a connues, au fil des évolutions de l’Etat, la délicate question du partage des ressources. Nous étudierons enfin la manière dont elle est aujourd’hui résolue, en application des dispositions constitutionnelles et légales en vigueur.

 

I. La Belgique, de l’Etat unitaire à l’Etat fédéral (1)

3. Le fédéralisme belge n'est pas un fédéralisme originaire, mais un fédéralisme de type dissociatif, issu de l'Etat unitaire né avec la Constitution de 1831. Le pays était alors dominé par la bourgeoisie, exclusivement francophone, qui détenait le pouvoir politique et s'y maintenait grâce à un système électoral, basé sur le suffrage censitaire, qui lui était favorable.

Dès la naissance de la Belgique, l’on trouve donc, en germe, les éléments de base de sa future dislocation : l’unique langue officielle était à l’époque le français, et la majorité de la population, néerlandophone, se trouvait maintenue à l'écart du gouvernement du pays, et empêchée d'utiliser sa langue dans les rapports avec les pouvoirs publics et la justice.

Au fil du temps, la majorité flamande va prendre conscience de son existence. Un Mouvement flamand naît, pour défendre la langue et la culture flamandes. Profitant des changements politiques, et plus particulièrement à partir de l'instauration du suffrage universel, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il va remporter de nombreuses victoires dont le vote des lois sur l’emploi des langues en 1932 (2).

De crises politiques en querelles communautaires, au début des années soixante, la Belgique se retrouve littéralement coupée en deux par une frontière linguistique, fixée par les lois linguistiques de 1962 et de 1963 (3), qui sépare le nord flamand – où la capitale bilingue, Bruxelles, se trouve enclavée – du sud francophone. Dans un tel contexte, sans plus de cohésion socio-politique, la survie d'un Etat unitaire devenait assez illusoire : la structure politique du pays était dépassée par les événements (4). La première réforme de l'Etat (1967-1971), qui faisait suite au vote des lois linguistiques, va tenter d'adapter le paysage institutionnel à cette situation. Trois réformes de l’Etat et près de vingt-cinq ans plus tard, en 1993, la Belgique devient, selon l’article 1er de sa Constitution, un Etat fédéral.

 

4. En 1970 donc, le pays est constitutionnellement scindé en quatre régions linguistiques (5), qui servent de socle territorial à deux réseaux d’entités fédérées, le réseau communautaire, qui correspondait à une exigence flamande d’autonomie dans le domaine culturel, et le réseau régional, réponse au voeu wallon d’une certaine indépendance économique.

Tel qu’il se présente aujourd'hui (6), l’Etat belge comprend six entités fédérées, trois communautés (7) et trois régions (8). Ces entités possèdent un organe exécutif et un organe législatif (9), et disposent de compétences en principe exclusives – culturelles, linguistiques, en matière d’enseignement et dans les matières dites "personnalisables" (10) pour les communautés (11), essentiellement économiques et relatives à l’environnement et au logement en ce qui concerne les régions (12) – qu’elles exercent de manière autonome par voie de décrets, normes de valeur égale à la loi fédérale (13).

 

5. Ainsi, à l'issue de ces différentes révisions constitutionnelles, on se retrouve face à une structure politique inédite et extrêmement complexe, où deux catégories d’entités fédérées, disposant chacune de leur propre sphère de compétences, peuvent coexister sur un même territoire, et où certaines de ces entités ne disposent pas d’assises territoriales qui soient précisément délimitées (14).

Ceci ne constitue d’ailleurs pas l’unique spécificité du modèle fédéral belge. On l’aura compris, il a suivi un mouvement dissociatif et centrifuge. Mais surtout, il se caractérise par une bipolarité fondamentale entre le nord et le sud du pays. Celle-ci se manifeste, au plan politique, par la prédominance de deux entités, la Communauté flamande et la Région wallonne. Sur le plan juridique, on en trouve des signes évidents à la fois au niveau fédéral et à celui des entités. Au niveau de l’Etat fédéral, le dualisme apparaît au travers d’un ensemble de mécanismes visant à garantir un certain équilibre entre les deux tendances linguistiques (15). Au niveau des entités, il se traduit notamment par une asymétrie marquée des structures institutionnelles. En effet, dès la mise sur pied, en 1980, des Régions, les Flamands vont choisir de fusionner les organes de leur Communauté et de leur Région, tant pour des raisons pratiques que pour souligner cette bipolarité de l'Etat belge, qui ne repose, selon leur opinion, que sur les deux seules composantes Flandre et Wallonie (16).

 

6. Cette bipolarité nord-sud se retrouve, inévitablement, dans le domaine financier. Elle constitue sans conteste l’une des principales clés qui permettent de comprendre le système de financement des Communautés et des Régions.

 

II. Evolution du système de financement des entités (17)

7. Lorsque, en 1970, les premières entités apparaissent dans le paysage institutionnel belge – il s'agit des Communautés, seules matériellement organisées à l'époque – elles sont financées exclusivement, en vertu de l'article 59bis, § 6 de la Constitution (18), par un crédit global à charge du budget national, fixé par la loi, en fonction de critères objectifs.

 

8. Ce système de dotations, somme toute assez simple, connaît une première évolution avec la réforme de l'Etat de 1980. L'article 110, § 2 de la Constitution (19) est alors révisé pour autoriser les Communautés et Régions à lever des impôts, sous réserve des exceptions déterminées par la loi. En outre, un nouveau système de financement des entités est fixé en détail dans la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles. Il repose, pour l'essentiel (20), sur des dotations à charge du budget national, qui sont réparties entre Communautés et Régions sur base de clés de répartition (21).

Ce système fut très sévèrement critiqué au nord du pays, parce qu'il avait pour résultat d'établir entre les entités une solidarité à la fois "opaque", c'est-à-dire difficilement chiffrable, et globalement fort favorable à la Région wallonne et à la Communauté française, notamment par rapport à leur contribution respective à l'impôt des personnes physiques. Il fonctionnera cependant pendant huit ans. Ce n'est qu'à l'occasion de la réforme de l'Etat de 1988-1989, et des nombreux transferts de compétences qui vont alors être opérés, que les mécanismes de financement des communautés et régions seront intégralement revus, pour revêtir leur forme actuelle.

 

9. L'année 1989 marque donc un tournant majeur dans l'évolution du fédéralisme fiscal belge. Les règles de financement des entités sont désormais soustraites à la compétence du législateur ordinaire : elles sont fixées dans une loi spéciale (22). Le recours à la procédure plus rigide de la loi spéciale avait pour objectif avoué de renforcer l'autonomie des Communautés et Régions, dont les finances cessent désormais d'être dépendantes d'une majorité simple au Parlement fédéral.

 

10. La philosophie et l'esprit général de la loi spéciale du 16 janvier 1989 sont intimement liés au contexte politique et économique dans lequel elle fut conçue.

En effet, sur le plan politique, les critiques flamandes à l'encontre du système des dotations et de la solidarité opaque qui en découlait vont finalement aboutir à un net changement d'optique. Le nouveau principe directeur de la répartition des moyens entre entités est dorénavant la règle du juste retour territorial : les richesses doivent revenir là où elles ont été générées. Pour éviter que les effets de ce changement ne se fassent sentir de manière trop immédiate et brutale auprès des bénéficiaires de l'ancien système, la loi spéciale instaure une longue période de transition, extrêmement complexe. Le régime ne deviendra définitif et le principe du juste retour ne jouera à plein rendement qu'à partir de l'année budgétaire 2000. Jusque-là, la répartition des moyens entre entités sera progressivement rééquilibrée en faveur de la Communauté et de la Région flamande.

Sur le plan économique, il faut se souvenir que, en 1989, la situation des finances publiques belges n’était guère favorable. L'Etat fédéral est contraint de mener une politique de rigueur budgétaire dans tous les secteurs. Ce souci d'économie va dominer l'ensemble de la négociation des moyens à transférer aux entités, et les Communautés et Régions se verront imposer, elles aussi, une perspective d'austérité pour l'avenir. Ainsi, les masses globales qui leur seront transférées sont, en principe, figées au montant qu'elles représentent en 1989, et simplement liées à l'évolution de l'index jusqu'à l'expiration de la période transitoire, en 2000.

 

11. Avant d'entamer tout examen plus précis de la réglementation actuelle du partage financier en Belgique, il nous semble nécessaire de fournir ici quelques indications chiffrées qui permettront très certainement de mieux en cerner les implications concrètes :

a. Superficie du pays (23)

30 528 km², dont :
Région wallonne : 55,2%
Région flamande : 44,3%
Région bruxelloise : 0,5%

b. Population du pays (au 1er janvier 1995) (24)

10 130 631 habitants, dont :
Région wallonne : 32,7%
Région flamande : 57,9%
Région bruxelloise : 9,4%

 

c. Capacité contributive des régions (rendement de l'impôt des personnes physiques, sur base de l'exercice d'imposition 1994, clôturé le 30/06/1995) (25)

Région wallonne : 28,94%
Région flamande : 61,23%
Région bruxelloise : 9,82%

 

d. Ecart entre l'impôt des personnes physiques par habitant dans chaque région et l'impôt des personnes physiques par habitant dans le Royaume (sur base des données de l'exercice d'imposition 1994, clôturé le 30/06/1995) (26)

Région wallonne : - 13,04%
Région flamande : + 5,77%
Région bruxelloise : + 4,61%

 

e. Recettes des entités en francs belges (pour 1996) (27)

Communautés : 484,1 milliards

Régions : 371,4 milliards

Total : 855,5 milliards

 

f. Budget de l'Etat fédéral en francs belges (pour 1996) (28)

I. Recettes 1 461,3 milliards

II. Dépenses 1 678,7 milliards

III. Solde net du budget -217,4 milliards

IV. Solde des opérations de trésorerie -22,5 milliards

V. Solde net à financer -239,9 milliards

VI. Amortissement de la dette publique 776,0 milliards

VII. Solde brut à financer -1 015,9 milliards

 

g. Dette publique nette en francs belges (au 30/06/1995) (29) :

9 558,3 milliards (à la fin de l'année 1994, elle représentait 120,5% du PIB, soit une diminution de 0,5% par rapport à 1993).

 

 

III. Les règles du partage financier (30)

12. Connaissant l’esprit du système de financement élaboré en 1989, on peut en aborder le contenu, de manière assez classique, à partir de trois interrogations. Tout d'abord, l’on se demandera comment est déterminée la masse globale des moyens qui doivent être transférés aux entités. C'est la question du partage vertical des ressources financières. Ensuite, cette masse étant fixée, on examinera la manière dont elle est répartie entre les différentes entités : c'est la question du partage horizontal. Et enfin, on s’interrogera sur l’étendue de l’autonomie dont disposent, en pratique, les Communautés et Régions vis-à-vis de ces recettes.

 

1. Les règles de partage vertical

13. Lorsqu'il s'est agi de calculer quelles masses financières allaient être transférées aux Communautés et Régions, le législateur spécial choisit pour point de départ les dépenses auxquelles ces entités allaient devoir faire face. Deux règles de partage vertical ont ainsi été établies : la première s'applique au transfert des moyens destinés à couvrir toutes les dépenses des Communautés et Régions, à l'exclusion des dépenses d'enseignement. La seconde concerne, logiquement, le financement de ces dernières.

a. Financement de toutes les dépenses, sauf celles d'enseignement

14. Pour fixer le crédit global destiné à couvrir ces dépenses, la loi spéciale s’est simplement basée sur le montant total des dotations faites en 1988 aux Communautés et Régions, par application de la loi du 9 août 1980. À ce montant, on a ajouté les sommes que l'Etat central consacrait jusque-là aux compétences que la réforme de 1988-1989 confiait aux entités.

Le total ainsi obtenu, annuellement indexé à partir de 1990, constitue donc la masse financière qui est transférée aux entités (31). Et c'est là que l'on peut découvrir la perspective d'austérité imposée aux Communautés et Régions : il était prévu que ce montant ne devait pas connaître de croissance réelle, c'est-à-dire hors indexation, avant l'année budgétaire 2000. C'est ce que l'on a appelé la "contrainte de la croissance zéro" des ressources communautaires et régionales.

 

15. Il a pourtant bien fallu se rendre à l'évidence : cette masse globale s'est assez rapidement révélée insuffisante pour permettre aux entités fédérées de faire utilement face à leurs besoins. Ainsi, à l'occasion de la réforme de 1993, la loi spéciale du 16 janvier 1989 a notamment été modifiée de manière à desserrer légèrement le carcan de la croissance zéro. À partir de l'année budgétaire 1994, par exemple, les montants transférés et indexés évoluent en fonction d'un certain pourcentage de la croissance réelle du produit national brut. Pour 1994, cette liaison à la croissance du PNB est de 10%, pourcentage qui augmentera de manière exponentielle chaque année (32) pour atteindre 97,5% en 1999 et 100% en 2000, à l'issue de la période transitoire (33).

b. Couverture des dépenses d'enseignement

16. La seconde règle de partage vertical, qui concerne exclusivement le financement des dépenses d'enseignement, est quelque peu différente, et encore plus rigoureuse (34). La loi spéciale du 16 janvier 1989 a, de la même manière, repris le montant du budget national consacré en 1988 à l'enseignement, pour l’attribuer annuellement aux Communautés et, dès 1990, l’indexer. Mais en outre, cette masse est adaptée chaque année, après indexation, en fonction d'un coefficient de dénatalité. Ce coefficient permet de faire évoluer les moyens transférés, en liaison avec la variation du nombre d'enfants entre 0 et 18 ans (35). Si cette tranche de la population vient à diminuer, cela entraîne automatiquement une réduction des sommes attribuées aux Communautés, puisque les frais qu’elles doivent supporter sont censés devenir moindres (36). L’austérité budgétaire est donc bien de mise dans ce secteur également (37).

 

2. Les règles de partage horizontal

17. Connaître les masses financières qui doivent être transférées n’est pas tout; il faut encore savoir comment elles seront réparties entre les différentes entités fédérées. Tel est l'objet des règles de partage horizontal, qui diffèrent selon qu'il s'agit du partage entre régions ou entre communautés.

a. Le partage régional

18. La loi du 9 août 1980, nous l'avons rappelé ci-dessus, réglait le partage des dotations régionales par le biais d'une clé de répartition, dite "clé des trois tiers" (38), qui de facto instaurait une véritable solidarité interrégionale. La loi spéciale du 16 janvier 1989 témoigne d'un changement radical de point de vue : la nouvelle règle de principe veut que la solidarité cède la place au juste retour territorial : les richesses devront désormais, en fin de compte, revenir à ceux qui les ont produites. Ainsi, en 2000, à l'issue de la période transitoire, le partage régional s'effectuera exclusivement en fonction de la localisation des recettes de l'impôt des personnes physiques, ce qui signifie que chaque région sera alimentée en fonction des recettes fiscales générées sur son territoire (39).

Les chiffres connus montrent que ce régime sera indubitablement particulièrement sévère pour la Région wallonne. Grâce à l'ancienne clé de répartition, elle recueillait environ 40% des moyens régionaux; avec le nouveau système, elle ne devrait plus en obtenir, à l'issue de la période transitoire, qu’environ 29% (40). Cependant, les effets de l'application du principe du juste retour territorial sont quelque peu contrebalancés par l'instauration de ce que l'on a appelé une "intervention de solidarité nationale" : la loi spéciale prévoit qu'un certain montant sera attribué à la Région où le rendement de l'impôt des personnes physiques par habitant serait inférieur à la moyenne nationale (41) – ce qui est le cas de la Région wallonne (42). Une certaine solidarité, cette fois transparente et tout à fait chiffrable, est ainsi réintroduite (43).

b. Le partage communautaire

19. La technique employée pour effectuer le partage des ressources entre les Communautés diffère en fonction du type de dépenses à financer.

Pour toutes les dépenses communautaires autres que celles d'enseignement, la règle est, de même que pour les Régions, le juste retour territorial. Dès la fin de la période transitoire, en 2000, le partage se fera en fonction du rendement de l'impôt des personnes physiques par Communauté. Bien entendu, le problème s'est immédiatement posé de savoir comment on pouvait répartir l’impôt localisé sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, qui relève du champ de compétences des deux grandes Communautés (44). Il a fallu imaginer une ventilation forfaitaire : ainsi, 80 % des recettes bruxelloises sont censés provenir de la Communauté française, et 20 % de la Communauté flamande (45).

20. En ce qui concerne les dépenses d'enseignement, le législateur spécial a procédé de manière fort différente. Le partage repose ici sur l'idée d'une égalité de besoins : un enfant égale un enfant, quelle que soit la Communauté à laquelle il appartient. Ainsi, la masse globale destinée à financer l'enseignement est ventilée entre les deux grandes Communautés en fonction de la répartition du nombre d'élèves en 1988. Pour éviter toute contestation, la loi spéciale fixe forfaitairement ce chiffre à 42,45 % pour la Communauté française et 57,55 % pour la Communauté flamande. En 1999, ces pourcentages seront adaptés en fonction de la répartition réelle du nombre d'élèves, déterminée sur base de critères objectifs fixés par la loi (46). Ce qui pourrait éventuellement se traduire par une certaine diminution au détriment de la Communauté française, à qui la fixation forfaitaire est actuellement relativement favorable (47).

21. Sans vouloir s’attarder davantage sur le financement des dépenses d’enseignement, on en soulignera cependant l’atypisme profond. L’on ne rencontre ici aucune liaison entre les ressources et la capacité contributive des Communautés; corrélativement, le partage sur base de besoins estimés égaux implique un élément de solidarité, qu’il serait bien malaisé d’estimer. En réalité, l’on se trouve ici en présence d’une dotation pure et simple à charge du budget fédéral, avec une clé de répartition fixée forfaitairement par la loi. Pour tenter de dissimuler ce que l’on aurait pu qualifier de "non-progrès" par rapport au système décrié de 1980, la loi spéciale exprime cette dotation inconditionnelle sous la forme d’un pourcentage du produit de la TVA, qui est attribué aux Communautés (48). L’artifice, parfaitement inutile d’un point de vue technique, se justifie plus aisément par des soucis d’ordre politique (49)

 

3. Les règles d'autonomie

22. Nous connaissons maintenant la méthode que suit la loi de financement afin de fixer l’ampleur des masses financières qui sont annuellement transférées aux entités, et de les répartir entre elles. Il nous reste à examiner la forme que prend cette répartition et, au delà, dans quelle mesure la Constitution et la loi spéciale garantissent l'autonomie financière des Communautés et Régions, postulat essentiel du fédéralisme fiscal (50).

Cette autonomie financière présente en réalité deux aspects distincts : l'autonomie de dépenses, d'une part, et l'autonomie de recettes, d'autre part.

23. En ce qui concerne l'autonomie de dépenses, les choses sont assez claires. Comme nous venons de le montrer, la détermination des ressources à transférer aux Communautés et Régions, de même que la répartition de ces sommes entre leurs destinataires, se fait en fonction des dépenses que les entités doivent exposer. Mais ceci ne concerne que le premier stade de l'opération, celui du calcul des montants. Une fois ceux-ci transférés, ils quittent définitivement la sphère des finances fédérales et se retrouvent dans les budgets de recettes des entités. Dès ce moment, le pouvoir fédéral est privé de tout droit de regard sur l'usage qui sera fait de ces sommes. Le principe d'universalité budgétaire joue à plein : les Communautés et Régions vont affecter l'ensemble des recettes qui sont ainsi mises à leur disposition à l'ensemble de leurs dépenses, en procédant en toute liberté aux choix qu'elles jugent opportuns (51). Leur autonomie de dépenses est donc totale (52).

24. La question de l'autonomie de recettes est, elle, beaucoup plus complexe. Si l'on s'en tenait purement et simplement aux règles de partage qui précèdent, l'ensemble du système de financement serait d'une extrême rigidité. Tout d'abord, il reposerait intégralement sur des crédits provenant du budget de l'Etat fédéral, ce qui exclurait formellement toute autonomie des entités, et heurterait de front l’un des principes fondamentaux du fédéralisme. En outre, son adaptation aux circonstances économiques, par essence très fluctuantes, serait rendue bien malaisée : pour chaque besoin nouveau qui apparaîtrait, il serait indispensable de procéder à une modification de la loi spéciale.

C'est pourquoi une marge de manoeuvre est prévue par les textes, afin d'assurer aux Communautés et Régions une certaine autonomie de recettes, notamment fiscale. Elle s'articule à deux niveaux distincts, celui de la Constitution elle-même et celui de la loi spéciale.

a. Autonomie fiscale au niveau de la Constitution

25. L'article 170, § 2 de la Constitution confère, depuis 1980, un pouvoir fiscal propre et général aux communautés et aux régions. Formellement mises sur pied d'égalité, elles peuvent lever par décret tout impôt, sauf les exceptions déterminées par la loi (53). En application du texte constitutionnel, une loi du 23 janvier 1989 va préciser que les entités ne peuvent en aucun cas lever des impôts dans les matières qui font déjà l'objet d'une imposition par le pouvoir fédéral, pas plus qu'elles ne sont autorisées à percevoir des centimes additionnels à des impôts perçus par l'Etat, ni à accorder des remises sur ceux-ci (54).

26. Cette loi restreint très certainement le pouvoir d'imposition conféré aux entités, mais sans pour autant le priver de toute substance (55). Pourtant, au delà de la clarté apparente de ses termes, l'article 170, § 2 de la Constitution ne concerne que les seules Régions. La mise en oeuvre de ce texte en ce qui concerne les Communautés soulève en effet des difficultés qui se sont révélées insurmontables, et qui tiennent, une fois encore, à l'absence d'assises territoriales des deux principales d'entre elles.

La perception d'un impôt communautaire sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale se heurte immanquablement à un problème délicat : comment identifier les redevables de cet impôt, puisqu'il n'est pas permis de distinguer les Bruxellois selon la Communauté dont ils entendent faire partie, ce qui reviendrait à créer des sous-nationalités à Bruxelles ?

La question a longuement été débattue, et de multiples tentatives de solution furent esquissées, sans qu'aucune ne parvienne à convaincre (56). La réforme de l’Etat de 1993 a provisoirement mis fin au débat, dans la mesure où un accord politique a été conclu, selon lequel si la compétence fiscale des Communautés est bien théoriquement maintenue, elle n'est toutefois pas rendue applicable (57). Ainsi, à l'heure actuelle et dans le cadre de cet accord, l’on doit considérer que seules les Régions peuvent lever des impôts sur base de l'article 170, § 2 de la Constitution, dans les limites fixées par la loi du 23 janvier 1989. Elles seules disposent donc, en vertu de la Constitution, d'une certaine autonomie fiscale.

 

b. Autonomie fiscale au niveau de la loi spéciale du 16 janvier 1989

27. Il nous reste à examiner la manière dont la loi spéciale organise pratiquement la dévolution des moyens financiers dégagés au niveau fédéral, et fournit aux entités, par rapport à ces ressources, une certaine autonomie.

L'article 1er de la loi spéciale, modifié en 1993, énumère les cinq sources de financement des communautés et des régions, en tentant d'établir un parallélisme – bien artificiel – entre elles. L'une de ces sources, l'intervention de solidarité nationale, dont nous avons déjà parlé (58), est propre aux régions. Nous n'y reviendrons pas.

28. Les recettes non fiscales ne posent guère de problèmes. Il s'agit des recettes liées à l'exercice par les entités de leurs compétences, par exemple les montants obtenus lors de la vente de biens, ou réclamés à l'occasion de la délivrance de permis, les dons ou legs… (59)

29. Parallèlement au pouvoir fiscal général que l'article 170, § 2 de la Constitution, dans les limites que nous avons soulignées ci-dessus, confère aux Communautés et Régions, l'article 1er de la loi spéciale établit au bénéfice des entités une série de recettes fiscales spécifiques. Ces impôts, qui sont régionaux ou communautaires par l'effet de la loi spéciale, ne doivent donc pas être confondus avec ceux qui seraient levés en application de l'article 170, § 2. Il s'agit ici d'anciens impôts nationaux, attribués en tout ou en partie aux entités.

Les Régions jouissent ainsi, depuis la réforme de 1993 et l'introduction des écotaxes, de huit impôts régionaux, énumérés à l'article 3. Elles bénéficient sur ces impôts de compétences normatives plus ou moins étendues, comme par exemple la fixation de la base ou du taux d'imposition, ou encore l'établissement d'exonérations (60).

Les Communautés, elles, ne disposent que d'une seule recette fiscale propre. Il s'agit de la redevance radio-télévision, qui leur a été attribuée en 1993. Elle n'a cependant d'impôt communautaire que le nom, puisqu'en réalité les Communautés n'ont aucun pouvoir en ce qui la concerne : le législateur fédéral conserve la maîtrise de la base d'imposition, du taux et des exemptions. En outre, ce sont les Régions qui peuvent percevoir des centimes additionnels à cet impôt (61).

30. La majeure partie des ressources des entités fédérées provient des parties attribuées d'impôts fédéraux. Leur dénomination comme leur régime juridique varient selon qu'elles vont aux Communautés ou aux Régions. Pour les Communautés, on parlera d'impôts partagés : il s'agit de l'impôt des personnes physiques et de la TVA. L'Etat fédéral reste seul maître de ces impôts, qui sont simplement partiellement ristournés aux communautés (62). S'il s'agit par contre des Régions, on parlera alors d'impôt conjoint. Il n'en existe qu'un seul, l'impôt des personnes physiques, dont une partie est attribuée aux Régions (63). Mais celles-ci disposent d'une certaine liberté vis-à-vis de cet impôt conjoint : elles peuvent percevoir des centimes additionnels, ou au contraire accorder des remises (64).

31. Enfin, la loi spéciale accorde aux Communautés et Régions la faculté de contracter des emprunts. Néanmoins, afin d'empêcher qu'un recours excessif à cette possibilité ne vienne mettre en péril l'union économique, des contraintes de procédure relativement lourdes sont imposées, qui consacrent d'ailleurs de manière assez nette la prééminence de l'autorité fédérale (65).

 

IV. Conclusion et perspectives

32. Ainsi se présentent, brossés à grands traits, les principaux mécanismes de financement des Communautés et Régions. Ils suscitent bien entendu nombre de remarques et d'interrogations, auxquelles il est parfois bien difficile de répondre, et ce d'autant plus que nous sommes toujours, jusqu'en 2000, dans une phase de transition.

Nous voudrions simplement, en guise de conclusion, attirer brièvement l'attention sur quelques-unes des caractéristiques du modèle belge de fédéralisme financier.

33. La toute première remarque que l'on pourrait formuler tient à la complexité extrême de la loi de financement. Si les principes mêmes en sont assez simples, on ne peut guère en dire autant des modalités techniques de leur mise en oeuvre, et ce tout particulièrement en ce qui concerne les règles qui doivent s'appliquer pendant la période transitoire. L'accès à cette loi, pourtant fondamentale, est devenu l'apanage d'une poignée de spécialistes. Si, sans doute, cela peut favoriser sa longévité, on peut également se demander dans quelle mesure ce n'est pas là une situation regrettable dans le contexte d'un Etat démocratique (66).

34. La deuxième est certainement plus fondamentale. Il nous semble en effet que l'on peut trouver, dans ce qui précède, tous les signes de l'émergence en Belgique du phénomène régional. C'est manifeste si l'on considère le pouvoir fiscal des entités : que ce soit au niveau de l'article 170, § 2 de la Constitution, ou au niveau de la loi spéciale, seules les Régions disposent d'une certaine autonomie en la matière. Elles seules peuvent créer des impôts nouveaux (67) et disposent d'impôts véritablement régionaux (68); en outre, ce sont elles qui sont autorisées à lever des centimes additionnels à la redevance radio-télévision, impôt pourtant dit communautaire (69).

Les Communautés, elles, se retrouvent bloquées dans le carcan financier que leur impose la loi de financement, sans disposer, comme nous l'avons montré, de la moindre marge de manoeuvre pour s'adapter aux fluctuations économiques.

35. Pour être parfaitement clair, cette situation ne concerne à proprement parler que la Communauté française, qui se trouve aujourd'hui en état virtuel de faillite. Depuis 1980 en effet, les organes de la Communauté et de la Région flamandes sont fusionnés (70), fusion qui s'accompagne d'un décloisonnement budgétaire entre ces deux entités. Cela signifie que le Conseil flamand peut globaliser ses ressources financières, et ainsi affecter des moyens régionaux à des dépenses communautaires (71), ce qui lui donne une certaine aisance.

 

36. Les difficultés budgétaires extrêmes rencontrées par la Communauté française ont fait l'objet de nombreuses discussions lors de la réforme de l'Etat de 1993. Certaines aides d'urgence ont ainsi pu être dégagées, mais les perspectives pour le moyen terme ne sont guère brillantes (72). On retiendra donc avec intérêt l'une des solutions retenues, qui repose sur l'élaboration d'un mécanisme de solidarité intra-francophone. Les articles 138 et 178 de la Constitution autorisent ainsi la Communauté française à céder à la Région wallonne et au groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale l'exercice de certaines compétences, tout en conservant une partie des moyens financiers qu'elle consacrait à ces compétences. Devant gérer moins de matières avec un budget réduit, certes, mais dans une proportion moindre, elle peut ainsi réaliser une économie, qui est financée par les francophones de la Région wallonne et de la Région de Bruxelles-Capitale (73).

Les articles 138 et 178 peuvent donc s'analyser comme un aveu de l'échec de l'approche communautaire, échec à la base duquel on trouve, fondamentalement, l'absence de bases territoriales des Communautés, qui aboutit à les priver d'autonomie financière. Et ceci nous ramène à notre observation de départ, dans la mesure où la solution avancée pour tenter de résoudre les problèmes de la Communauté française repose sur les Régions.

37. Enfin, nous voudrions conclure cette brève analyse sur une interrogation plus générale. Comme nous l’avons montré, du fait de la structure fédérale toute particulière du pays, les Communautés ne jouissent à l’heure actuelle d’aucune autonomie financière. Quant aux Régions, elles disposent, sans aucun doute, de la capacité de mettre en oeuvre leur compétence fiscale propre. Mais on constate que celle-ci ne s'exerce, dans les faits, que de manière très modérée : tout comme pour les Communautés, leur principa(74).

Ce dernier élément a pour conséquence que le principe de la responsabilité financière, indissociablement lié à celui de l'autonomie, ne peut jouer correctement. Les organes législatifs communautaires et régionaux, pourtant composés, depuis 1995 (75), de membres élus directement par la population, n'assument pas réellement la responsabilité politique de leur gestion financière, dans la mesure où, étant donné que l'essentiel des recettes est perçu au niveau de l'Etat fédéral, les électeurs n'aperçoivent pas nécessairement la correspondance entre la pression fiscale qu'ils subissent et l'emploi qui est fait des moyens collectés (76).

Dans ces conditions, on est évidemment amené à se poser quelques questions, au delà des déclarations de principe, sur la philosophie même qui a présidé au partage des ressources au sein de l'Etat fédéral belge. On notera ainsi que la loi spéciale du 16 janvier 1989 est, symptômatiquement, consacrée au seul financement des Communautés et des Régions et non au régime global de financement de l'Etat fédéral (77). Cette approche nous paraît en définitive assez réaliste, qui tend à indiquer que la réforme de 1989 s’est davantage employée à élaborer un ensemble de mécanismes qui permettent de financer les dépenses des entités fédérées, qu’à bâtir un véritable système de fédéralisme financier.

 

Notes

(1) Pour une synthèse de l’évolution constitutionnelle de la Belgique depuis 1831, voir pour la période 1831-1989 A. ALEN, La Belgique, un fédéralisme bipolaire et centrifuge, Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, Bruxelles, 1990, et A. MEAN, Comprendre la Belgique fédérale, Document La Libre Belgique, Bruxelles, 1989. En ce qui concerne la réforme de l'Etat de 1993, dernière en date, voir La Belgique fédérale, Bruylant, Bruxelles, 1994.
(2) Loi du 28 juin 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative et loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l’enseignement primaire et l’enseignement moyen.
(3) Loi du 8 novembre 1962 modifiant les limites de provinces, arrondissements et communes et modifiant la loi du 28 juin 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative et la loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l’enseignement primaire et l’enseignement moyen, et la loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées par un arrêté royal du 18 juillet 1966 (Moniteur belge du 2 août 1966).
(4) Voir le discours du Premier ministre Gaston Eyskens au Parlement, le 18 février 1970 (Annales parlementaires Sénat, 18 février 1970, p. 777-780 et Annales parlementaires Chambre, 18 février 1970, p. 3-5).
(5) Trois régions unilingues, la région de langue française, au sud du pays, la région de langue néerlandaise, au nord, et la région de langue allemande, au sud-est, ainsi qu'une région bilingue, celle de Bruxelles-Capitale (art. 4 de la Constitution).
(6) Nous n’entrons pas ici dans le détail des différentes étapes de l’évolution institutionnelle de l’Etat, ce qui nous mènerait trop loin de notre sujet.
(7) La Communauté flamande, dont le champ de compétences couvre la région de langue néerlandaise et la région bilingue de Bruxelles-Capitale, la Communauté française, qui recouvre la région de langue française et également celle de Bruxelles-Capitale, et enfin la Communauté germanophone, dont les compétences s'exercent dans la région de langue allemande (les Communautés sont en place depuis 1970).
(8) La Région wallonne, dont le territoire couvre les régions linguistiques de langue française et allemande, la Région flamande, qui se confond avec la région linguistique de langue néerlandaise, et la Région de Bruxelles-Capitale, qui coïncide avec la région bilingue de Bruxelles-Capitale (les deux premières ont été mises sur pied en 1980, et la Région de Bruxelles-Capitale en 1989).
(9) Sous réserve de ce qui concerne la Région et la Communauté flamande, dont les organes sont fusionnés (voir infra, n° 5); voir les art. 115 à 125 de la Constitution.
(10) Il s’agit en fait de la politique de la santé et de l’aide aux personnes (article 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).
(11) Voir les art. 127 à 130, 136 et 166 de la Constitution et les art. 4 et 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
(12) Voir les art. 39, 134 et 166 de la Constitution et l'art. 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. La Région de Bruxelles-Capitale est organisée dans la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises.
(13) Art. 127, § 2, 128, § 2, 129, § 2, 130, § 2 et 134 de la Constitution. On notera que la Région de Bruxelles-Capitale légifère, dans les matières régionales, par voie d’ordonnances, dont le statut n’est pas exactement semblable à celui du décret (art. 7, 9 et 45 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises).
(14) La Communauté germanophone mise à part, les Communautés n'ont pas d'assises territoriales fixes, contrairement aux Régions, qui elles sont géographiquement bien délimitées. Ainsi, le territoire de la région linguistique bilingue de Bruxelles-Capitale pose un problème majeur, dans la mesure où, comme on l’aura compris, deux Communautés, la française et la flamande, y sont en principe compétentes. Comme il n'existe pas de sous-nationalité à Bruxelles, qui permettrait de distinguer les personnes physiques selon leur appartenance linguistique, les décrets des deux Communautés n'y ont d'effet qu'à l'égard des institutions qui, en raison de leurs activités (ou de leur organisation, en ce qui concerne les matières personnalisables), doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre Communauté (art. 127 § 2 et 128 § 2 de la Constitution).
(15) Il s’agit là en réalité de mesures protégeant les minorités au niveau national. On soulignera ainsi la répartition des parlementaires, au sein de chaque chambre législative, en groupes linguistiques (article 43 de la Constitution); une procédure législative spécifique, dans une série de matières énumérées par la Constitution, exigeant une majorité spéciale sur une base linguistique (la "loi spéciale" : art. 4 de la Constitution); la procédure dite de la "sonnette d’alarme" (art. 54 de la Constitution); la parité linguistique au sein du Conseil des ministres (art. 99 de la Constitution) et dans les trois Hautes juridictions du pays, la Cour d’arbitrage (art. 31 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage), le Conseil d’Etat (art. 73, § 1er des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat) et la Cour de cassation (art. 43 quater de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire).
(16) De la sorte, politiquement parlant, au lieu d'une Communauté et d'une Région flamande, il n'existe plus, au nord du pays, qu'une seule entité, qui a pris le nom de Communauté flamande, et qui est dotée d'un seul conseil, le Vlaamse Raad, et d'un seul exécutif, le Vlaamse regering. Cependant, la Communauté et la Région flamandes demeurent deux personnalités juridiques distinctes (Voir Constitution, art. 137 et loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, art. 1er).
(17) La matière n’ayant fait l’objet d’aucune évolution majeure depuis, les sections II et III reposent, pour l’essentiel, sur le texte que nous avions rédigé en 1994 avec J. BEAUFAYS et L. IKER, Le fédéralisme fiscal en Belgique, Wallonie, revue du CESRW, 1994, n° 35-36, spéc. les p. 27-30.
(18) Numérotation de l'époque.
(19) Numérotation de l'époque, actuellement art. 170 § 2.
(20) En 1988, environ 81% des ressources des entités provenaient de ces crédits budgétaires, pour seulement 19% de recettes propres (voir l'exposé général des budgets des recettes et dépenses pour l'année budgétaire 1996, Documents parlementaires de la Chambre des représentants, session ordinaire 1995-1996, p. 199).
(21) En matière régionale, la clé de répartition, dite "des 3/3", prenait en considération trois éléments qui intervenaient de manière égale : la dotation était répartie entre les Régions pour 1/3 en fonction de leur population, pour 1/3 en fonction de leur superficie, et pour le dernier 1/3 en fonction du rendement de l'impôt des personnes physiques sur leur territoire. En matière communautaire, la clé était établie de manière forfaitaire, 45% allant à la Communauté française, 55% à la Communauté flamande (le financement de la Communauté germanophone faisant l'objet d'une réglementation distincte).
(22) Constitution, art. 175 et 177, mis en oeuvre par la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, Moniteur belge du 17 janvier 1989. On notera que, conformément à l'article 176 de la Constitution, le système de financement de la Communauté germanophone est fixé dans les art. 56 à 60ter de la loi ordinaire du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. A cela près, il est pour l'essentiel semblable à celui qui s'applique aux deux autres Communautés.
(23) Politicographe 1996, Kluwer Editorial, 1996, p. 14.
(24) Ibid.
(25) Budget des recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 203.
(26) Ibid. On notera que l'écart par rapport à la moyenne nationale augmente sans cesse en Région wallonne (tendance négative) et en Région flamande (tendance positive). Par contre, il diminue en Région de Bruxelles-Capitale, qui donc s'appauvrit relativement.
(27) Ibid., p. 199.
(28) Ibid., p. 3.
(29) Ibid., p. 222 ss.
(30) Voir sur l'ensemble de cette question J.-Cl. SCHOLSEM, Le partage financier, dans P. Patenaude (éd.), Québec – Communauté française de Belgique : autonomie et spécificité dans le cadre d'un système fédéral, Université de Sherbrooke, Wilson et Lafleur Litée, Montréal, 1991, p. 57-78, et La réforme de l’Etat – VIII – Les nouvelles règles de financement, J.T. 1989, p. 251-253. Voir égalemant J. LE BRUN et A. NOËL, Le financement des Communautés et des Régions, dans La Belgique fédérale, op. cit., p. 357-389.
(31) On notera que ce n’est pas l’intégralité de ce montant qui est transférée aux entités. Certaines retenues sont opérées, qui représentent une certaine participation des Régions au financement de la dette publique belge (voir J.-Cl. SCHOLSEM, Le partage financier, op. cit., p. 70).
(32) Pour l'année budgétaire 1996, il est fixé à 20 % (voir l'art. 32bis, § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989).
(33) Voir E. COLLA, La réforme de l’Etat – IV – Les aspects financiers, J.T. 1994, p. 685-690.
(34) Dans la mesure où aucun accroissement n'est ici prévu à l'issue de la période transitoire.
(35) Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 38 § 4.
(36) Cependant, le coefficient de dénatalité n'est pris en considération que pour 80% (Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 38, § 4). On entend ainsi tenir compte de l'existence de dépenses incompressibles, qui ne sont pas liées à une variation du nombre d'élèves.
(37) Ceci n’est certainement pas anecdotique, dans la mesure où les dépenses d’enseignement représentent environ 72% du budget de dépenses des Communautés, soit plus ou moins 41% du budget total des entités fédérées.
(38) Supra, n° 8.
(39) On notera que, pour déterminer la localisation des recettes de l’impôt, l’on prend en compte le domicile du contribuable, et non l’endroit où le revenu est produit.
(40) Sur base du rendement de l’impôt des personnes physiques au cours de l’exercice d’imposition 1994, qui est encore susceptible d’évoluer à la baisse d’ici 2000. Rappelons que la Région wallonne compte environ 33% de la population du pays (voir supra, n° 11).
(41) Loi spéciale du 16 janvier 1989, art. 1er, § 2, 4° et 48.
(42) Voir supra, n° 11.
(43) Cette intervention de solidarité nationale présente un statut quelque peu particulier. Elle provient en effet de ressources budgétaires fédérales, ce qui signifie que la Région qui en bénéficie y a également directement contribué. Il ne s’agit donc pas d’un effort produit par les Régions les plus riches au bénéfice des plus pauvres, ce qui serait au demeurant assez difficilement concevable en Belgique, dans la mesure où le jeu se déroule, fondamentalement, entre deux Régions.
(44) Supra, n° 4.
(45) Art. 44 § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989. Ainsi, le produit de l’impôt des personnes physiques (IPP) pour la Communauté flamande est égal à l’IPP de la Région flamande + 20% de l’IPP de la Région de Bruxelles-Capitale (soit, pour l’exercice d’imposition 1994, 530,8 milliards de francs, c’est-à-dire 63,2% du rendement national de l’IPP) et, pour la Communauté française, à l’IPP de la Région wallonne + 80% de l’IPP de la Région de Bruxelles-Capitale (soit, pour l’exercice d’imposition 1994, 309,1 milliards de francs, c’est-à-dire 36,8% du rendement national de l’IPP), Communauté germanophone mise à part (voir supra, n° 11).
(46) Art. 39 § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(47) Au 30 juin 1995, la population scolaire était estimée à 2 176 168 élèves, dont 59,34% en Communauté flamande et 40,66% en Communauté française. Cette dernière tire donc bénéfice du système forfaitaire, qui lui attribue 42,45 % des moyens. Toutefois, on notera que le chiffre de la population scolaire a globalement diminué de 23 933 unités entre 1988 et 1995, et que cette diminution est nettement plus sensible en Communauté flamande (- 17 759, soit 74,2 % de la baisse globale). Voir Budget des recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 201.
(48) Art. 38 et 39 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(49) J.-Cl. Scholsem, Le partage financier, op. cit., p. 73.
(50) Voir J. Le Brun et A. Noël, op. cit., p. 360ss.

 

(51) Constitution, art. 175 à 177.
(52) J.-Cl. SCHOLSEM, Le partage financier, op. cit., p. 74.
(53) L’article 170 crée de la sorte une compétence concurrente, qui fait figure d'exception dans le système belge de répartition exclusive des compétences entre Etat fédéral et entités.
(54) Loi du 23 janvier 1989 portant application de l'article 110, § 2, alinéa 2 de la Constitution, Moniteur belge du 24 janvier 1989, modifiée par l'article 354 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, Moniteur belge du 20 juillet 1993. Voir égalemant l’art. 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989, lui-même modifié en 1993 (art. 96 de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, Moniteur belge du 20 juillet 1993.
(55) Voir J. LE BRUN et A. NOËL, op. cit., p. 369-371.
(56) Voir not. Ch. BRICMAN, Les nouveaux mécanismes de financement, dans Les réformes institutionnelles de 1993. Vers un fédéralisme achevé ?, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 193-213; J.-Cl. SCHOLSEM, Le refinancement de la Communauté française, dans La Constitution fédérale du 5 mai 1993, Bruylant, Bruxelles, 1993, p. 231-232 et P. VAN ORSHOVEN, De fiscale aspekten van de vierde Staatshervorming, dans A. ALEN et L.-P. SUETENS (ed.), Het Federale België na de vierde Staatshervorming, Die Keure, Brugge, 1993, p. 108-110, et les réf. citées.
(57) E. COLLA, op. cit., p. 689.
(58) Supra, n° 18.
(59) Art. 2 de la loi spéciale.
(60) Art. 4 et 5 de la loi spéciale.
(61) Art. 5bis de la loi spéciale. Voir E. COLLA, op. cit., p. 687 et 690.
(62) Art. 6 et 38 à 47 de la loi spéciale. Pour l'année budgétaire 1996, les impôts partagés représentent 477,2 milliards de francs belges, soit environ 98,6% des moyens financiers des Communautés (Budget des recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 202).
(63) Pour l'année budgétaire 1996, l'impôt conjoint représente 304 milliards de francs belges, soit environ 81,9 % des moyens financiers des Régions (Budget des recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 206).
(64) Art. 6 et 12 à 35ter de la loi spéciale. On notera que, afin d'éviter que de trop grandes divergences de taux entre Régions n'apparaissent, ce qui serait de nature à mettre en danger l'union économique et l'unité monétaire du pays, la loi spéciale autorise le roi à fixer un pourcentage maximum de divergence entre additionnelles et soustractionnelles (art. 9, § 1er, al. 3 de la loi spéciale). Dans ce cas, les taux de l'impôt des personnes physiques seraient contenus dans une espèce de "serpent fiscal".
(65) Voir l'art. 49 de la loi spéciale.
(66) J.-Cl. SCHOLSEM, La réforme de l’Etat – VIII – Les nouvelles règles de financement, op. cit., p. 253.
(67) Art. 170 § 2 de la Constitution.
(68) Art. 3 à 5 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 (supra, n° 29).
(69) Art. 5bis de la loi spéciale du 16 janvier 1989 (supra, n° 29).
(70) Supra, n° 5.
(71) Art. 1er, § 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989.
(72) Pour plus de détails, voir E. COLLA, op. cit., p. 687-688.
(73) Ibid., p. 689-690.
(74) Voir supra, n° 30. La fiscalité propre des régions représente, pour l’année budgétaire 1996, 52,8 milliards de francs belges, soit seulement 14,21 % de leurs ressources (Budget des recettes et des dépenses pour l'année budgétaire 1996, exposé général, op. cit., p. 206).
(75) Les conseils de la Communauté germanophone et de la Région de Bruxelles-Capitale mis à part, qui sont composés d'élus directs depuis leur création.
(76) Voir J. BEAUFAYS, E. COLLA et L. IKER, op. cit., p. 31.
(77) J. LE BRUN et A. NOEL, op. cit., p. 358.

Emmanuel Colla, Les finances du fédéralisme : partage des ressources et autonomie dans le système fédéral belge, dans La Wallonie, une région en Europe, CIFE-IJD, 1997


 

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