Dignité, fierté et volonté pour la
Wallonie
L'heure, mes amis, est plus que
jamais aux questions politiques.
D'abord, parce que Les
héritiers du IIIème Reich pour reprendre le titre du livre de Patrick Moreau
sont en bonne santé. Pourtant, après la mort officiellement reconnue
de 28 "étrangers" tués en Allemagne par des néonazis depuis la
réunification de ce pays, après que plus de 70 autres personnes d'origine étrangère y
soient décédées dans des conditions similaires, après l'attentat à la bombe de
Düsseldorf et sa dizaine de victimes - parmi lesquels des Juifs originaires de l'ex-URSS
-, la Justice et le gouvernement allemand de Gerhard Schröder ont décidé de frapper
durement la peste brune qui renaît en Allemagne.
Les mesures prises, mises à
l'étude ou déjà inscrites dans la procédure législative allemande méritent, de la
part de tous les citoyens et décideurs politiques européens, une attention soutenue. Ne
devrait-on pas, en effet, non seulement étendre ces mesures à chacun de nos pays, mais
encore leur donner un caractère communautaire européen qui scelle définitivement
le sort de tous ceux qui, depuis trop longtemps, cultivent la haine de l'autre,
simplement pour la couleur de sa peau, de sa religion, de sa langue ou de ses
idées ? Ce cadre général européen permettrait, dans le même temps, de
constituer, pour les partis politiques et pour les gouvernements, une nouvelle
déontologie : elle clarifierait les relations avec les Etats déjà gangrenés dans
leurs structures internes en raison des idées xénophobes ou antisémites. Que l'on songe
aujourd'hui à l'Autriche ou même à la Suisse...
La nouvelle fermeté du
gouvernement allemand a ainsi de quoi nous réjouir. Peut-être est-il révolu ce temps
où Jules Destrée c'était dans Le Soir du 7 septembre 1935 pouvait
écrire son indignation quant au sort réservé aux Juifs en Allemagne : des
hommes, des femmes, des vieillards sont boycottés, ridiculisés, insultés, frappés,
poursuivis, traqués parce que Juifs. [
] Chose étrange : dans ce peuple
germanique, dont on ne contestera pas la civilisation, pas une voix ne s'élève pour
protester et rappeler les règles d'humanité et de liberté ?
Aujourd'hui, l'exemple du rejet de
la haine et des haineux nous vient notamment d'Allemagne. Chez nous aussi, nous devons
nous inspirer de ce renouveau pour balayer devant notre propre porte les adeptes de toutes
les idéologies néo-fascistes. A Anvers, bien sûr, vers laquelle nous avons tous
aujourd'hui les yeux tournés mais aussi à Bruxelles ainsi qu'à Liège et à
Charleroi. Tous les "fronts" dits nationaux, tous les "blocs"
affirmés flamands ou pseudo-wallons doivent être rejetés et contraints au
silence. Parce que la Justice et la Démocratie ne peuvent pas se permettre la moindre
faiblesse face au mépris, qu'il vise la personne humaine de l'enfant, de la femme, du
vieillard et de l'homme.
Alors que la Wallonie prépare sa
fête de l'an 2000, l'heure est décidément aux questions politiques parce que les orages
grondent de toutes parts dans les profondeurs d'un ciel communautaire que d'aucuns
persistent à considérer comme serein. Aux menaces et revendications du Nord qui, à
nouveau s'agite, la Wallonie mais aussi Bruxelles n'ont d'autre alternative que de
répondre par le sang-froid, par la dignité et par la volonté.
Le sang-froid de Wallons et de
Bruxellois résistant à toute culpabilité à l'idée que des transferts financiers ou
budgétaires ont pu avoir lieu ou ont encore lieu entre la Flandre et la Wallonie. Si la
Wallonie n'a pas le cur de regretter tant de flux d'argent wallon vers le Nord
pendant toutes ces décennies qui ont suivi notre Révolution industrielle, elle n'a
aucunement l'intention, aujourd'hui, d'accepter sans coup férir que l'on sacrifie les
pensions et les indemnités en soins de santé de nos anciens sidérurgistes, de nos
anciens mineurs et de nos anciens verriers wallons, qu'ils soient d'origines
carolorégienne, napolitaine ou limbourgeoise. Ne l'oublions jamais, de Waterschei à
Zelzate, c'est la Wallonie, ses capitaux, ses ingénieurs et ses ouvriers qui ont permis
le redressement flamand. Dans un fédéralisme bien compris, même la Flandre pourrait
condescendre, aujourd'hui enfin, à avoir la reconnaissance du ventre, sans nausée ni
aigreurs.
Cependant, ici, devant Arille
Carlier, avec en mémoire Maurice Bologne et Aimée Lemaire, quelques minutes avant
d'aller déposer notre hommage à Jules Destrée, nous ne nous permettrons pas d'être
naïfs. Tous ici, nous savons que d'autres logiques président au fonctionnement de l'Etat
belgique que la logique de la loyauté fédérale. Dès lors, face aux menaces et
revendications du Nord, les Wallonnes et les Wallons n'accepteront pas de se départir de
leur dignité, la dignité de citoyens ne pouvant être qualifiés de demandeurs. Quel
regret toutefois de constater que certains mendient encore ! Comment en effet,
pourrait-on imaginer se satisfaire des miettes d'une négociation où la Wallonie serait
cataloguée comme demandant une "rawette" alors que, en réalité, elle serait
amenée à céder l'essentiel de son capital en matière de fiscalité des entités
fédérées. Et cette précaution ne signifie pas que l'autonomie fiscale serait à nos
yeux inacceptable : nous avons retenu les leçons de fédéralisme de Georges
Truffaut et de Fernand Dehousse. Mais nous devons faire savoir clairement que le type
d'autonomie proposé ne nous satisfera que s'il est bon et adéquat, pour la Wallonie et
surtout pour ses habitants.
Enfin, face aux menaces et
revendications du Nord, la Wallonie affirme sa volonté. Car, avec les fédéralistes
flamands honnêtes et attachés à la loyauté fédérale, il en est beaucoup, avec
lesquels nous avons des contacts constructifs -, nous pouvons entamer ces chantiers
nécessaires à l'achèvement de la réforme de l'Etat et nous mettre, enfin, au travail
dans le domaine de la citoyenneté responsable. Songeons à cette loi spéciale permettant
de dresser la liste des compétences strictement dévolues au fédéral, ou encore au
rapatriement de la loi communale et provinciale. Je dis bien rapatriement, car nous
ne pouvons continuer à ignorer dix siècles de chartes et de franchises de nos villes, de
nos communes et de nos provinces wallonnes. Notre souveraineté et notre liberté locales
doivent nous être restituées. Flamands et Wallons ensemble peuvent les obtenir. Ils
l'obtiendront.
Ainsi, mes amis, sang-froid,
dignité et volonté nous aideront à sublimer nos vieilles peurs. Car, en douteriez-vous,
ce ciel que nous, Gaulois, craignons de recevoir sur la tête, ce ciel n'est que l'ombre
de notre image. Ombres de nos fastes passés, ombres des fondations bâties aujourd'hui,
ombres des constructions futures qui seront autant de symboles de notre renouveau.
Ajustons notre éclairage : ces peurs de nous-mêmes, Wallonnes et Wallons, si nous
continuons à nous affirmer ensemble, ne nous tarauderont plus.
Bonne fête de Wallonie !
Vive la Wallonie !
Vive la Francité !