"Wallonie 2020", Cinquième congrès "La Wallonie au futur" -  Institut Jules Destrée - 2001-2003

 

Wallonie 2020 - Troisième phase - Séminaires : Leçons et débats sur le futur

Avons-nous les moyens de vieillir ?

Pierre Pestieau
docteur en économie, professeur à l’Université de Liège,
président du CREPP (Centre de recherch en Economie publique et de la Population),
membre du CORE (Center for Operations Research and Econometrics) de l’UCL,
membre associé du DELTA (Département et laboratoire d’Economie théorique et appliquée – CNRS – ENS – EFESS à Paris)
 et du CEPR (Centre for Economic Policy Reseaerch à Londres)
30 juin 2003

Qu’est-ce que ça veut dire vieillir, qu’est-ce que ça veut dire les moyens ? Quand on dit : avons-nous les moyens de vieillir ?, beaucoup de gens se disent : il n’y a aucun problème. Parce que, malheureusement, dans ces domaines, comme dans beaucoup d’autres domaines, on a tendance à penser à soi ou à sa famille. Quand on parle de : avons-nous les moyens ?, naturellement on veut parler de tout le monde et notamment des plus défavorisés et quand on parle des moyens, ce n’est pas seulement financiers. Vieillir, qu’est-ce que cela veut dire, vieillir ? C’est un terme qui est un peu galvaudé. Je reviens d’un colloque au Danemark sur le vieillissement et on continue à dire que le vieillissement est mesuré par le pourcentage de gens au-dessus de 65 ans. Et c’est étonnant, parce que, quand vous allez dans un autre colloque tenu par des psychologues, des gériatriciens, ils vous disent qu’aujourd’hui, quelqu’un qui a 65 ans, ça n’a aucune comparaison avec quelqu’un qui avait 65 ans il y a 40 ans. Donc, c’est étonnant de voir qu’on continue à garder les mêmes jalons pour mesurer la vieillesse alors que, par ailleurs, beaucoup de gens vous disent que les normes ont beaucoup changé.

En fait, je voudrais faire d’abord l’état des lieux et parler de ce qu’on appelle parfois de façon un peu abusive, l’âge d’or de la retraite. Puis, je parlerai de la loi d’airain, de la répartition qui est le système de base, le système sur lequel repose le système de retraite en Belgique. Puis, on parlera de démographie. On verra si le vieillissement est un problème démographique. Je dirai un mot sur l’âge de la retraite qui est quand même un élément extrêmement clé dans le problème des retraites, le chômage des jeunes, puis les prédictions du Bureau du Plan. Si j’ai le temps, je parlerai de l’assurance-dépendance. C’est l’assurance qui touche les personnes très âgées qui sont en perte d’autonomie. C’est souvent associé avec l’Alzheimer ou d’autres maladies de ce type. Puis, on verra que faire. C’est un programme extrêmement ambitieux.

Quand on parle de l’âge d’or des personnes âgées, il faut être prudent mais ce qu’on peut dire, c’est que, par rapport à ce qu’on a connu il y a 40 ans et certainement, il y a un siècle, les personnes âgées aujourd’hui ont une situation qui est relativement bonne. Je ne dis pas que toutes les personnes âgées ont une situation bonne mais en moyenne. Par exemple, le taux de pauvreté est beaucoup plus bas qu’il ne l’a jamais été. Il est aussi bas, même plus bas que dans d’autres catégories d’âge. Autant on pouvait dire il y a 40 ans que le pauvre, c’était un vieux. Aujourd’hui, le pauvre, ce n’est plus un vieux. Le pauvre typique, c’est plutôt la fille célibataire, la mère célibataire.

Aujourd’hui, en Belgique, les gens connaissent une période de retraite extrêmement longue. Pour l’instant, on est en train de se battre pour préserver cette possibilité de prendre sa retraite tôt. C’est un peu plus de 57 ans pour les hommes. C’est dû à la protection sociale. Donc, ce ne sont pas des retraites privées qui conduisent à cela. C’est la protection sociale et tout le monde se dit satisfait et quand on fait des enquêtes, tout le monde semble content. Alors, comme je l’écris, le seul bémol qu’on peut apporter à cela, c’est qu’il y a quand même parmi les personnes âgées, des gens qui sont pauvres, surtout les très âgés. Les femmes surtout ont des problèmes. Autre bémol, : est-ce que cette situation est durable ? En Wallonie,  pour des classes d’âges, on donne un peu les différentes mesures de taux de pauvreté. Si on dit, par exemple, que dans la population totale, la pauvreté monétaire est de 4,7, cela veut dire qu’il y a 4,7 % des ménages qui ont un revenu qui est inférieur à 50 % du revenu médian. Et vous voyez que les personnes âgées, donc de 70 à 80 ans, ont un taux de pauvreté de 4,4. Ce n’est pas plus élevé que les autres classes d’âges.

Maintenant, tous ces chiffres sont discutables mais n’ont pas été choisis pour prouver l’argument que je voudrais défendre. D’autres statistiques qui sont françaises  montrent que les personnes âgées, en moyenne, il s’agit bien de moyennes, ne sont pas défavorisées par rapport aux autres classes. Je ne suis pas en train de dire que nous vivons au Pérou mais que les personnes âgées sont sans doute, alors que dans le temps, les chiffres ont été très différents. Ici, on a l’évolution des taux de pauvreté et on s’aperçoit que les salariés connaissent une situation stable. Quant aux personnes âgées, elles se trouvent maintenant avec un taux de pauvreté plus bas encore que le reste de la population.

Ces chiffres montrent que pour l’instant, ça va mais qu’il y a beaucoup de chances que ça ne dure pas longtemps. Nous vivons, en Belgique, selon ou dans un régime de la répartition. C’est que le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport qu’il y a entre la retraite, la pension qu’on reçoit et le salaire ; ça dépend de toute une série d’éléments qui sont liés au taux de croissance de l’économie, à l’âge de la retraite, à l’espérance de vie et aux taux de cotisations, naturellement. Donc, il y a une sorte de quadrature du cercle. On ne peut pas sortir de cette règle.

En fait, le taux de remplacement, qui est quand même crucial, est en moyenne en Belgique est de l’ordre de 65 – 70 % en moyenne ; la pension de quelqu’un correspond à peu près à 70 % de son salaire, je dis bien en moyenne. Si on veut ce montant, il dépend du taux de taxation, donc du taux de cotisation sociale, de prélèvement obligatoire, de la productivité, du taux de croissance démographique, de l’âge de la retraite et de l’espérance de vie.

Par exemple, si l’espérance de vie augmente, c’est la générosité du système qui va baisser. Si l’âge de la retraite baisse, ça va être catastrophique. Si la croissance démographique augmente, c’est une bonne chose. Si la productivité augmente, c’est une bonne chose. Si le taux de cotisations augmente, c’est une bonne chose. Mais c’est normal tout ça. La loi d’airain apparaît ici :  si jamais vous avez un terme exogène qui augmente, par exemple la longévité ou bien la croissance démographique, - elle a plutôt tendance à baisser en Belgique et la longévité a tendance à augmenter -, dans ces cas, il y a des ajustements nécessaires. Et ce que les études montrent, c’est que ces ajustements relèvent du gouvernement ; on peut les faire faire à tout moment mais il y a 3 ajustements majeurs : soit on relève l’âge de la retraite, soit on réduit les prestations, donc on réduit les pensions, soit on augmente les cotisations.

Et ce qu’un article récent de l’Observateur montre,  c’est : étant donné que, en France, le nombre de personnes, le nombre de retraités par rapport au nombre de travailleurs va doubler ou le taux de dépendance va doubler, la Belgique est un peu dans les mêmes conditions, et bien, ce qui va se produire, si on relâche un des leviers, c’est que l’âge de la retraite doit augmenter de 7 ans, les prestations vont baisser de 40 %, les cotisations doivent augmenter de 60 %. Donc, ça montre ce qui se passe si on ne fait rien d’autre.

On peut dire que c’est catastrophique mais c’est quand même intéressant de voir qu’on est un peu coincé dans cette espèce de carcan. On voit tout de suite, si on est raisonnable, que ce qu’il faut faire, ce n’est pas jouer sur un levier mais jouer sur tous les leviers. Eventuellement, il faut quand même toujours songer, si on parle de réduire les prestations, qu’on ne peut pas toucher aux prestations les plus basses. Il y a matière à réflexion.

Evidemment, on pourrait ne rien faire du tout. Si on ne fait rien, on s’endette. On pourrait très bien financer tout cela par un accroissement de la dette publique mais la dette publique belge est déjà tellement énorme qu’il est difficile de miser là-dessus. On se rend bien compte que relever les cotisations pose un problème dans une Europe de plus en plus concurrentielle. Et une des raisons pour laquelle même les partis de gauche parfois acceptent que pour les revenus les plus élevés, il y ait un régime de fonds de pension, disons la loi Vandenbroucke, c’est parce qu’on se rend bien compte qu’on pourrait faire cela en augmentant les cotisations et en permettant comme cela de maintenir le niveau de vie des travailleurs de revenus moyens et supérieurs. Mais le problème, c’est que ça nuit à la concurrence. On n’est pas, je ne vais pas prendre la Corée du Nord, on en a assez parlé, mais on n’est pas en Albanie, l’Albanie d’il y a 30 ans.

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Société des loisirs

Ce que je voudrais essayer d’indiquer, c’est qu’une des difficultés du système des retraites aujourd’hui, vient du fait que la vie s’allonge. On peut se réjouir que la vie s’allonge : tous les 4 ans, elle s’allonge d’un an. On peut se réjouir de vivre dans une société où on a reculé les frontières de la vie ou de la mort, on se rapproche de Mathusalem, mais ça pose un problème. Au moment même où, grâce aux progrès de la médecine, aux progrès de l’alimentation, on ne cesse de voir la longévité augmenter, les populations décident, parce qu’on l’a décidé, de prendre la retraite de plus en plus tôt. On s’aperçoit alors que le problème n’est pas uniquement démographique, il est politique au sens noble du terme ; en même temps que l’espérance de vie augmente, l’âge de la retraite baisse. C’est très bien de vivre dans une société de loisirs mais il faut toujours s’interroger sur la faisabilité ou la durabilité d’un tel régime parce qu’on n’est quand même pas des gens aussi remarquables que cela. J’ai l’impression que les Vietnamiens, les Yougoslaves, les Américains pour prendre quelques exemples, quand ils sont formés comme les jeunes belges, ils sont aussi bons. Il ne faut pas avoir cette arrogance de croire que nous sommes beaucoup plus productifs. Bien sûr, on avance des chiffres mais tout le monde sait que la productivité chiffrée des travailleurs n’est pas liée au fait qu’un travailleur est méritant ou pas, c’est souvent dû au fait qu’on a un taux d’inactivité extrêmement élevé. C’est le principe disons des rendements décroissants. Il est évident que si vous mettez sur un terrain de 20 hectares, vous mettez un seul agriculteur, il produira moins que 20 agriculteurs mais sa productivité sera beaucoup plus élevée. C’est un peu la raison pour laquelle la Belgique a une productivité extrêmement élevée. C’est que contrairement à ce qu’on pense parfois, ce n’est pas nécessairement dû à notre capital humain.

Comment se fait-il que nous avons cessé de travailler progressivement ? Cela ne vient pas du fait qu’il y a un âge de la retraite imposé. Après tout, la Belgique a un âge de la retraite dit légal, de 65 ans pour les hommes. Pour les femmes, ça commence à converger vers 65 ans mais c’est certainement beaucoup plus que l’âge de la retraite des femmes en Belgique qui est de 54 ans en moyenne, effectif. Donc, ce qui se passe c’est qu’il existe une panoplie de mesures qui permettent aux travailleurs belges de partir et je dis bien, ce n’est pas toujours volontaire, c’est parfois même souvent involontaire, mais qui les amènent à quitter le marché du travail. Et dès l’âge de 50 ans, parfois. Chaque pays a sa manière de quitter le marché du travail. Par exemple, les Hollandais ont eu très longtemps la possibilité de quitter le marché du travail par les assurances invalidité. La Belgique, elle, le fait plutôt par le chômage et par tous les régimes de pré-pensions, qui sont parfois plus ou moins organisés. On voit bien dans la fonction publique ou dans les banques. Vous savez que dans les banques, il n’y a pratiquement pas un seul banquier, disons employé de banque, qui a plus de 60 ans. Ils sont poussés dehors et alors la manière dont on est poussé dehors, parfois c’est plus ou moins glorieux, et ça varie au cours du temps. Vous avez peut-être, dans vos relations, des gens qui sont partis avec un pactole, enfin quand on dit un pactole.

Les Islandais travaillent en moyenne jusqu’à 69 ans. Les Luxembourgeois, les Hollandais, les Belges, eux, c’est entre 57 et 59 ans. Les Japonais vont jusqu’à 67 ans. Vous voyez, il y a des âges de retraite très différents. Cela s’explique souvent par le fait que, dans les pays où les gens travaillent beaucoup plus tard, il n’y a pas possibilité de partir à la retraite. Si quelqu’un a 55 ou 60 ans et perd sa place, il n’a pas droit à une retraite. Il est encore jeune à 60 ans. Donc, qu’est-ce qu’il va faire ? Ou bien, il a fait des économies et il vivra de ses économies ou bien, il va demander, on lui trouvera en général un autre poste et il sera peut-être portier de sa société ou bien il travaillera à la bibliothèque. Je doute qu’on fasse ça en Belgique très rapidement. La Belgique est en tête avec un taux d’inactivité de plus de 60 % et vous avez la taxe implicite. Le Japon, les Etats Unis, la Suède, le Canada, même l’Allemagne n’ont pas des programmes de prépensionnements, des possibilités d’accession aux allocations de chômage sans limite et donc, on a un peu cette situation.

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Phénomène Canada dry

 

Pourquoi fait-on ça ? La plupart des gens n’ont pas le choix d’une part et d’autre part, si on les force, on les pousse en dehors du travail, bénéficiant bien sûr de différents programmes, c’est pour libérer des emplois. Alors, là, je crois qu’il est important et c’est là qu’il est important de bien lire ce qui se passe dans la réalité. Il y a actuellement unanimité chez les économistes et ils ne sont pas tous de droite, pour reconnaître que mettre à la retraite anticipée des travailleurs âgés, ça ne crée pas des emplois pour les jeunes. C’est une fiction. On n’arrête pas de répandre cela comme idée. Plusieurs études ont été faites.

Pourquoi est-ce que l’on pousse les personnes âgées hors du marché du travail ? Il y a plusieurs raisons. La crise économique incontestablement. Nous vivons quand même dans un pays où le taux de chômage est très élevé, particulièrement en Wallonie et à Bruxelles.

D’autre part, dans beaucoup d’entreprises, plus les travailleurs sont âgés, plus ils sont rémunérés ; c’est vrai en Belgique, en France et en Italie. Je dis bien que c’est une moyenne. Pour un employeur, le travailleur âgé coûte relativement cher. Pour s’en débarrasser, il essaye de créer des conditions et c’est ainsi que vous avez ce fameux Canada Dry. C’est une pratique de certaines entreprises, que je caricature : à un travailleur de 50 ans, on dit : écoutez, vous me coûtez un peu cher, trop cher, on va s’arranger. Je vous mets au chômage. Je vous licencie. Je vous mets au chômage. Vous touchez l’allocation de chômage le reste de votre vie active, vous allez donc continuer quand même à accumuler certains droits à la retraite et par rapport à ce que vous auriez connu si vous étiez resté dans l’entreprise, vous allez perdre évidemment. Donc, on va mesurer ce montant et c’est une somme et cette somme, on la négocie avec le travailleur, parfois avec certains groupes de travailleurs et cette somme est donnée de façon forfaitaire aux travailleurs. Et on dit Canada Dry. Pourquoi ? Je n’ai jamais bu de Canada Dry ; il paraît que ce n’est pas de la bière mais que cela lui ressemble. Ici, ce n’est pas une retraite mais ça lui ressemble. Parce qu’en fait, c’est une allocation de chômage. Mais souvent, c’est un peu voilé quand même.

Il y a un problème certainement avec l’activité, l’âge de la retraite effectif. Je me rends bien compte que si on relève l’âge de la retraite, le problème du chômage ne sera pas résolu mais il ne faut pas croire non plus qu’en le maintenant comme il est, on résout le problème du chômage. Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est quand on parle de l’avenir des retraites.

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Fonds de pensions ?

 

Ce que je propose, on est dans le domaine des propositions ici, c’est qu’il faut relever progressivement l’âge de la retraite. Mais il faut s’entendre quand je dis relever l’âge de la retraite. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut que les gens travaillent plus longtemps de façon militaire. Ce que je dis, c’est qu’il faut peut-être les encourager à partir plus tard à la retraite mais tout en préservant la possibilité pour ceux qui ont une vie extrêmement active et pénible et des occupations pénibles ou qui sont en mauvaise santé, à partir plus tôt. Le gros problème, c’est d’essayer de permettre à ceux qui sont en mauvaise santé ou qui ont eu un travail pénible de partir assez rapidement mais d’amener les autres à travailler plus longtemps et cela, c’est en réduisant une partie des occasions qui leur sont offertes aujourd’hui de partir. En faisant ça, on parvient à résoudre une partie du problème des retraites et cela se fait au profit de ce que j’appelle les catégories des retraités les plus pauvres. Ce qui m’intéresse c’est toujours de voir ce qui va arriver aux travailleurs qui ont eu des salaires très bas ou qui ont eu des carrières imparfaites. C’est toujours eux qui sont les victimes de ce genre de système. Il est important de leur assurer un premier pilier avec une retraite qui soit certainement au niveau du SMIG comme base du premier pilier de retraite, en tout cas pour les plus bas.

Alors, la question évidemment, c’est : faut-il développer les autres piliers ? Je pense que beaucoup de partis de gauche ont toujours dit : non, nous ne voulons pas des fonds de pensions. La question, c’est : quelle est l’alternative ? Moi, je préfère sauver ce que j’appellerai l’avenir des retraites pour les bas salaires, quitte à introduire un peu d’oxygène au travers des fonds de pension à la Vandenbroucke que de dire : on ne touche à rien avec les conséquences que l’on peut craindre. Ce qui me semble assez important, c’est aussi d’introduire ce qu’on appelle parfois une certaine possibilité de flexibilité.

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Une assurance invalidité mieux contrôlée

 

Quand je regarde un peu le fonctionnement de l’état providence, je m’aperçois que le principal ennemi de l’état providence, c’est l’abus qui en est fait. Dans de nombreux pays, les gens touchent le minimex ou bien des assurances chômage alors qu’ils sont en parfaite santé, parfaitement capables de trouver du travail. Je suis effrayé par cette dimension et dans toutes sortes de domaines d’assurance-invalidité. Ce n’est pas tellement le cas de la Belgique mais aux Pays-Bas, en Allemagne, au Luxembourg, vous avez des gens qui se disent invalides grâce à des médecins complaisants et le problème, c’est que, à partir du moment, où ces programmes qui sont là pour aider des gens qui en ont besoin, sont abusés, on est obligé d’en réduire la générosité et donc, les principales victimes, ce sont les vrais chômeurs, les vrais invalides ou les vrais pauvres. Le problème, c’est que nous avons beaucoup de difficultés à sévir. On trouve toujours que imposer des contrôles n’est pas humaniste. Malheureusement, quand on prend le problème trop tard, on fait de la surenchère. On le voit. Beaucoup de partis de gauche sont parfois maintenant amenés, pour essayer de racler une partie de l’électorat qu’ils ont perdu, à faire de la surenchère sécuritaire et c’est parfois très gênant. Donc, je pense qu’il y a moyen, je dirais d’une façon raisonnable, de demander que la loi soit appliquée. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas appliquer la loi dans le domaine de l’assurance-invalidité, dans le domaine de l’assurance chômage et dans ce qu’on pourrait appeler la protection sociale.

Quelques autres problèmes sont urgents, selon moi. La régionalisation de la sécurité sociale et les retraites des fonctionnaires. Ce sont deux brûlots sur lesquels le gouvernement actuel est certainement assis. La régionalisation, on ne peut pas faire grand chose. On a calculé que si jamais la sécurité sociale était régionalisée du jour au lendemain, les Wallons perdraient en terme de niveau de pension, si c’est une réduction homogène, à cotisations constantes, à peu près 25 %. C’est quand même énorme de penser à cela. Et cela explique peut-être pourquoi les politiques wallons et bruxellois sont de plus en plus dociles. C’est un peu dommage. Il y a une sorte d’arbitrage entre, on est docile parce qu’on sait ce qu’on risque de perdre ou bien on se révolte et alors, ça c’est une question importante.

La Région wallonne a fait faire des travaux, et on se rend bien compte maintenant de la réalité de cette dépendance, qui est une dépendance qui est tout à fait naturelle, c’est dû à des phénomènes démographiques, historiques, de la même façon qu’il est normal que quelqu’un qui vient d’avoir un accident de voiture soit indemnisé par sa compagnie d’assurances même si ce qu’elle va recevoir cette personne, c’est beaucoup plus que les primes qu’elle a versées. J’ai l’impression parfois que des hauts responsables politiques wallons me semblent, vis-à-vis de nos partenaires flamands, extrêmement courtois. Ils ont sans doute raison de l’être, je ne les critique pas ici mais je dis qu’ils savent très bien, que si jamais il y avait une rupture radicale entre les deux régions, ça pourrait être difficile. Vous connaissez la différence du taux de chômage, ne fût-ce que ça, entre les deux régions.

L’autre problème, c’est la viabilité du système de la fonction publique. Vous savez bien les écarts qu’il y a entre le système des pensions des fonctionnaires et le système des pensions du secteur privé. Là aussi, il y a certainement des harmonisations à trouver. Ce qui est important, c’est d’agir très vite et de modifier les attentes. Parce que, ce qui est intéressant, c’est quand on voit les enquêtes où on demande à des jeunes qui ont maintenant 20 ans, à quel âge voulez-vous arrêter de travailler ? En général, ils répondent : à 55 ans. Et, l’interrogateur leur dit : mais, savez-vous que - ils ont 20 ans - savez-vous que votre espérance de vie est de 85 ans et aux filles de 90 ans. Ils continuent et disent : oui, 55 ans. Alors, c’est quand même un problème. Evidemment, s’ils sont en mauvaise santé ou s’ils sentent qu’ils vont être malades, je comprends qu’ils le disent mais ce n’est pas à 20 ans que l’on sent qu’on sera malade à 55 ans. Il y a là quand même un problème.

Ce qui me frappe toujours quand on parle des retraites, c’est qu’on ne se rend pas compte de ce dont on parle. Nous entrons dans le domaine de la retraite, c’est nouveau, ce phénomène. Et quand je pense à quelqu’un qui quitte le travail à 57 ans ou à 60 ans, au début, il est content, il est tout feu, tout flamme, mais que va-t-il se passer dans 20 ans ? Cette personne aura 80 ans et puis, 85, 90 ans. On peut être très heureux à cet âge-là et j’espère qu’on le sera. Mais du point de vue politique, est-ce que ça va être stable comme situation ? Pour l’instant, on peut dire que le jeu politique n’est pas trop défavorable aux personnes âgées. Mais, il y a beaucoup de fragilité là-dedans. Je ne dis pas qu’on va avoir une révolte des jeunes mais on ne sait pas. Et donc, ce qui m’inquiète dans cette démission rapide d’une bonne partie de la population belge du marché du travail, c’est que, d’une certaine manière, elle perd un levier important, parce que, c’est au travers du marché du travail que souvent on exerce son pouvoir politique.

Encore un dernier mot. Quand on regarde les chiffres pour la Belgique, non seulement, nous sommes les recordmen, pratiquement du monde, en terme de cessation d’activités mais aussi on commence tôt. Aujourd’hui, les Belges commencent à travailler beaucoup plus tard avec des études qui se prolongent, une scolarité qui est une façon de ne pas travailler, une scolarité gratuite. A l’université, on voit quand même ce qu’on appelle les bisseurs et les trisseurs professionnels. On commence donc à travailler à 22 - 23 ans. Alors, vous voyez bien l’écart qui reste pour la durée du travail.

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Fraude fiscale

Votre serviteur est sans doute avec Max Franck, qui est un bon ami, un de ceux qui ont écrit le plus sur la fraude fiscale. Oui, bien sûr. Le problème, vous voyez, avec la fraude fiscale, c’est que, il faut voir vraiment de quoi on parle. J’ai un ami qui a écrit un article il n’y a pas longtemps dans Le Monde et qui expliquait que dire qu’on va financer les retraites par la lutte contre la fraude fiscale, c’est tromper le public. Pourquoi ? C’est évident que moi, personnelle­ment, c’est ma conviction politique, je serai pour une lutte beaucoup plus sévère de la fraude fiscale, je serai aussi disons pour une imposition plus radicale des droits de succession et du capital. Mais on sait que pratiquement, il n’y a pas un seul gouvernement, même un gouvernement qui serait à majorité de gauche sans aucune coalition, qui pourra réaliser cela. On a trop d’expérience. C’est-à-dire qu’on vit dans un monde, on peut le regretter, on doit sans doute le regretter, c’est un monde qui est quand même toujours régi par ce qu’on pourrait appeler le capitalisme et ces gens connaissent parfaitement toutes les ficelles.

Il y a une grosse difficulté dans le problème de la récupération de cette fraude fiscale parce que c’est même un jeu. C’est un jeu extrêmement frustrant parce qu’on voit très bien ce qui se passe, on a dénoncé une série de grandes fraudes, notamment au travers des grandes banques et le gouvernement n’est pas dupe. Tous les ministres de finances, que ça soit, maintenant c’est Reynders, avant c’était Maystadt, enfin, ils prennent tous des airs vertueux, ils aiment beaucoup dire qu’ils luttent contre la fraude fiscale. Mais, enfin, c’est de la blague, de la rigolade. Ils savent très bien ce qui se passe mais il n’y a pas de volonté réelle. Donc, ce que je veux dire, c’est que les incantations quant à la fraude fiscale me paraissent toujours extrêmement dangereuses parce qu’on met toujours, on a toujours dans les programmes la ligne "fraude fiscale : autant". Oui, c’est vraiment rigolo, ça et chaque année, c’est la même chose ou à peu près tous les 4 ans.

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Formation

 

Il y a vraiment un effort de civisme à faire dans ce domaine-là et il me semble qu’on devrait prendre les choses en main en insistant, en essayant de sensibiliser la population avec tous les moyens à disposition aujourd’hui. La population n’a pas l’air de concevoir les dysfonctionnements majeurs qui frappent notre enseignement. Je crois que beaucoup de gens sont encore à la mentalité de travailler à partir de 13 ou 14 ans et n’a pas l’air de concevoir qu’il faut absolument acquérir une formation plus importante pour trouver du travail.

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Débat

 

Un intervenant

L’idée qu’il ne devrait pas y avoir de pensions en dessous du SMIG et si possible, elles devraient être légèrement au-dessus, permettrait d’envisager plus de liberté pour le gens de travailler plus tard. C’est-à-dire de ne pas relever l’âge de la pension, obliger les gens à travailler jusqu’à tel moment, mais leur permettre éventuellement de mieux vivre en continuant des activités, des activités rémunérées. Je crois qu’il y a une recherche à faire. Je suis d’accord avec l’idée, mais dire qu’on va relever l’âge de la pension obligatoire ne paraît pas une bonne formule. - ça on ne l’a jamais utilisée -. Je ne dis pas que vous l’avez utilisée, non plus à comprendre comme ça mais créer les conditions pour que les gens qui sont en forme, je vais dire, aussi bien morale que physique, peuvent travailler jusqu’à ce qu’ils aient envie de ne plus travailler, quitte à ce que, même quand ils continuent de travailler, une partie de leurs revenus serait un revenu payé par le Fonds des Pensions. Je ne suis pas compétent pour cela mais je crois qu’il faut encourager les gens à travailler le plus longtemps possible, volontairement et en même temps prémunir les gens qui ont une carrière très difficile d’une perte de revenus moyens, de revenus minimum en tout cas. Notez qu’il faut bien se rendre compte que l’activité, qu’elle soit professionnelle ou bien qu’elle soit bénévole, c’est ce qui maintient les gens jeunes. Je crois que le retraité qui décide de se caler le derrière dans le fauteuil et de regarder les programmes de télévision, il ne va pas vivre très longtemps en bonne santé. Donc, c’est, de toute façon, il faut absolument qu’on prolonge l’activité de différentes manières.

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