Conférence - Consensus
La Wallonie au Futur
Namur - 1994

Où en est et où va
le système éducatif en Wallonie ?
Comment le savoir ?

Institut Jules Destrée, Congrès La Wallonie au futur, retour à l'index La situation en Communauté française
Du contrôle du niveau des études à
l’animation pédagogique dans les classes
Synthèse du second débat

En introduction, Philippe Destatte reprend quelques lignes de la contribution écrite du Secrétaire général Jean Magy, car elles posent bien le problème auquel nous avons à répondre  :

Notre communauté n’a pas de tradition en matière de pilotage, elle n’a d’ailleurs pas, formellement parlant, de politique d’enseignement. Par exemple le Conseil de la Communauté française ne s’est jamais penché sur les objectifs généraux de l’enseignement établis, après de longs et fructueux travaux, par le Conseil de l’Education et de la Formation. Quelques essais de pilotage souvent peu structurés, pratiqués toujours sans plan d’ensemble éclosent ça et là, dans les réseaux, chez certains pouvoirs organisateurs, dans l’administration. En fait, tout est à construire. Mais avant, il faut que les francophones de Belgique répondent à une question : voulons-nous que notre enseignement soit piloté ou estimons-nous plus sage de faire confiance au libre jeu des initiatives, à la richesse des réalités multiples et d’ailleurs complémentaires de notre système d’éducation et de formation ?

 

Le débat porte aussi sur l’attribution à des enseignants de charges de cours dont ils ne possèdent pas la matière, sur le constat de carence dans l’organisation de base de l’enseignement, de ses réseaux, de la formation, sur la difficile situation financière de la Communauté française face à la nécessaire amélioration de l’enseignement ainsi que sur les continuels changements de ministre.

 

André Krupa estime qu’il serait utile de repréciser la fonction d’un ministre de l’Education, chargé d’un important budget à répartir équitablement entre les différents réseaux d’enseignement, et se demande si l’impulsion des réformes ne devrait pas venir de responsables permanents issus des différents pouvoirs organisateurs : il est clair que le changement de ministre contribue à créer un climat difficile à vivre pour les enseignants comme pour les responsables des pouvoirs organisateurs.

Jean Magy évoque la durée de fonction d’un ministre qui, depuis de nombreuses années, ne dépasse pas souvent les neuf mois qui lui permettent à peine de mettre en place une nouvelle réforme et témoigne de l’effort réel de l’inspection des études qui tente de prendre la meilleure part de ces changements pour l’appliquer dans les écoles. De là, découle la nécessité d'un pilotage, la nécessité de déterminer des objectifs clairs, de donner des informations générales et précises, en fixant les paramètres avec une grande sincérité et une précision toute scientifique, en ne se retranchant pas derrière des problèmes de concurrence entre écoles et de fausse pudeur entre réseaux. Avec les moyens dont on dispose, il faut pouvoir faire mieux.

André Krupa réfléchit au pilotage qui exige davantage de transparence entre les réseaux concurrents. Il évoque une diminution des réseaux, une école pluraliste mais envisage les nombreuses pertes d’emplois qui en résulteraient. Un des résultats des grèves dans l’enseignement a été de rapprocher des enseignants qui ne se connaissaient pas et ont découvert que, d’une école à l’autre, d’un réseau à l’autre, les problèmes étaient les mêmes. Le pilotage transparence signifie qu’il faudra avoir pour chaque établissement scolaire une identification socioculturelle, comme on l'a fait au Québec, parce que les établissements ne sont pas les mêmes et n'ont pas le même public.

Quant à la question des branches apparentées, André Krupa estime que l’effort est à faire. Dans le privé, les jeunes sont formés à changer de métier très souvent. Les enseignants doivent s’adapter, évoluer et ne pas rester figés dans leur formation de base sans quoi ils vont, vis-à-vis de la société civile, dénoncer cette non-volonté d'adaptation. Puisque les enseignants forment leurs étudiants à devoir changer de métier plusieurs fois au cours de leur vie, ils doivent pouvoir donner d'autres cours que ceux auxquels ils étaient destinés au départ. Le problème des branches apparentées pose celui de la formation et des moyens : à partir du moment où un ministre décide, avec toute une administration, qu’il faut assimiler les branches apparentées pour telle ou telle raison, il faut aussi assurer un suivi concret à ces décisions.

 Retour haut de page

La question est posée du rôle que devrait jouer l’administration sur le moyen terme dans la mesure où le passage d’un ministre se fait sur le court terme, ainsi que celle de l’inévitable lien entre l’économique et l’enseignement : les écoles dépendant, pour leurs subsides, du nombre d’élèves inscrits, les professeurs sont pénalisés et démotivés face aux parents qui menacent de changer leurs enfants d’école. Les quotas d’élèves devraient avoir moins d’importance que la qualité de l’enseignement.

Une autre question s’attarde sur les termes employés dans le cadre du pilotage. Il s’agit de savoir quelle place est laissée à la créativité s’il faut par ailleurs piloter et structurer, mais aussi de prendre garde au danger qu’engendre l’éventuel reconditionnement de la société qui a été évoqué.

Les branches apparentées sont à nouveau évoquée en liaison directe avec les objectifs budgétaires qui y contraignent. La nécessité d’une spécialisation est estimée davantage nécessaire face à la situation sociale actuelle.

 

Rappelant que le pilotage en système scolaire est très positif s’il existe une loi d'orientation, André Krupa signale que, au niveau du Conseil de l'Education et de la Formation, dans un consensus difficile mais atteint, un Conseil d'avis a été défini, précisant les grands objectifs de l'enseignement ainsi que les objectifs particuliers des différents degrés de l'enseignement.

La question soulevée au sujet de l'organisation des subsides par établissements qui engendrent la course à l'élève est un problème fondamental. Les pouvoirs organisateurs sont confrontés au manque de stabilité des équipes éducatives. Il est évident que le système du nombre d'heures organisables qui change d'année en année et différents arrêtés font que les équipes qui travaillent sont déstabilisées, les enseignant sont souvent désignés loin de chez eux. Le problème dépasse celui des subventions. Il serait important, dans notre système éducatif, de stabiliser les équipes.

En ce qui concerne l’administration, confirmant la constatation de André Krupa selon laquelle il est vrai que certains ministres collaborent avec elle alors que d’autres l’ignorent, Jean Magy explique que, si un ministre ne prend pas une initiative, l’administration peut le faire elle-même. Ainsi, le Secrétaire général a installé une cellule de pilotage de l'enseignement en mobilisant tous les inspecteurs généraux : des activités de pilotage et d'évaluation qui viennent de l’administration sont mises en route avec le plus de sérieux possible. En ce qui concerne le subventionnement, il est possible de trouver des modalités qui permettent de ne pas nuire sans cesse à l’enseignement en fonction de l'unité-élève, à partir du moment où l'on rassemble les subventionnements de plusieurs établissements dans un même ensemble : c’est une piste intéressante.

A propos des réseaux, Jean Magy s’affirme très respectueux de la réalité belge, à savoir que l'enseignement est libre. La constitution elle-même va jusqu'à indiquer que toute mesure préventive est interdite. C'est très démocratique. De plus, une grande partie de la population s’y intéresse et donne son avis. C'est sans doute lié au fait de cette décentralisation et de cette multiplicité de l'initiative à tous les niveaux : c’est quelque chose qu'il faut préserver. Le rapport de l'OCDE s'étonne de trouver un tel consensus pédagogique dans la Communauté française où réside un tel morcellement de pouvoir organisateur. Mais il est vrai qu'il n'y a eu ni de débat politique, ni de débat démocratique sur les objectifs généraux définis par le Conseil de l'Education et de la formation que les ministres ont adoptés depuis quelques années.

A propos du mot conditionnement, Gilbert de Landsheere explique qu’il ne s’agit pas de conditionner la société mais bien de la rénover, afin de passer d'un système où il y aurait des gagnants et des perdants (et qui conduirait vite à la révolution) à un système de haute solidarité. L’administration doit effectivement assurer la continuité face à tous les changements, politiques ou autres. Quant à l’augmentation des moyens, elle reste utopique. Sans créer de nouvelles institutions, il faut utiliser ce qui existe - l’administration, les laboratoires universitaires - en coordination productive.

(Mars 1994)

Retour haut de page

Wallonie-en-ligne, portail interactif de l'Institut Jules-Destrée, Centre d'étude et de recherche non gouvernemental en Wallonie

Page mise à jour le 23-08-2004

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

Institut Jules-Destrée : Pôle Recherche, Pôle Information, Pôle Citoyenneté, Pôle Prospective

Tous droits réservés © Institut Jules-Destrée