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Histoire économique et sociale

Une odyssée économique - (1995)
Première partie - Deuxième partie - Troisième partie
- Quatrième partie

Francis Bismans
Docteur en Sciences économiques,
Directeur du Service des Etudes et de la Statistique,
Professeur à l'Université de Lille II

 

La croissance belge et l'inversion du processus de développement régional

Une phase de croissance lente (1948-1959)

Le tableau 10 permet une comparaison aisée de la croissance belge, entre 1948 et 1959, avec celles de quelques autres pays environnants et la moyenne de la Communauté économique européenne de l'époque (l'Europe des six !).

Tableau 10. Indice de volume du PNB au prix du marché (1953 = 100)

 

1948

1949

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

Belgique

85

88

91

96

96

100

104

108

112

115

113

116

France

-

85

89

95

97

100

105

111

117

123

125

128

Allemagne

-

-

78

86

93

100

107

120

128

135

139

148

Italie

74

78

84

90

93

100

105

112

117

124

130

138

Pays-Bas

78

85

88

90

92

100

107

115

120

124

125

132

CEE

69

77

85

91

95

100

106

114

120

126

129

135

Source : Statistique générale, OECE, 1960, n 1.

De ce tableau, il ressort que la Belgique jouissait d'une position comparative très favorable par rapport aux autres pays en 1948, mais que cette position s'est progressivement détériorée pendant les années cinquante si bien qu'au terme de la période, la situation est tout à fait inversée.

Il y a donc bel et bien un "retard belge", qui se marque dans de nombreux indicateurs : par exemple, le taux de chômage est notablement plus important en Belgique qu'ailleurs; semblablement, si l'on observe la part de l'investissement global dans le total du PNB, on constate qu'elle est de 15,4 % en Belgique contre 17,6 % en France, 20 % en Italie et 21,7 % en Allemagne entre 1954 et 1958. Par contre, la balance des paiements était presque toujours excédentaire (33).

Au total - et ceci confirme le diagnostic posé sur le régime d'accumulation pendant la décennie -, la Belgique connaît donc un moindre développement que la plupart des autres pays européens.

Les spécificités de la Wallonie

Comme on peut le constater à la lecture du tableau 11, les croissances respectives de la Flandre et de la Wallonie entre 1945 et 1960 n'ont pas été très divergentes.

Tableau 11. Croissance du Produit Intérieur Brut par habitat et à prix constant 1948-1959

Belgique

2,4

Flandre

2,3

Wallonie

1,9

Bruxelles

3,5

En 1959, le PIB par habitant reste encore sensiblement plus élevé en Wallonie qu'en Flandre. La conclusion à en tirer est la suivante : ce qui est typique de la période considérée, c'est davantage la faiblesse du taux belge que la dispersion des taux régionaux.

Cependant, le vieillissement de la structure industrielle wallonne est devenu tout à fait apparent dans le courant des années cinquante : en particulier, les difficultés de l'industrie charbonnière wallonne ont montré l'urgence et la nécessité d'une reconversion. En d'autres termes, l'hyperspécialisation de l'industrie s'est encore accentuée pendant la décennie, alors même que le secteur du charbon entrait en crise ouverte.

La différenciation du rythme de développement régional

En 1962, un observateur attentif, N. Nabokoff, faisait remarquer dans la Revue Nouvelle (35, 1, p. 8) que "le taux d'expansion du Produit intérieur brut de la Flandre est un peu plus rapide que celui de la Wallonie. Si ce rythme se maintenait, il faudrait une trentaine d'années pour que la Flandre rattrape la Wallonie, compte tenu de l'écart subsistant en 1959".

En réalité, le processus devait être infiniment plus rapide puisqu'en 1965, le PIB par habitant était quasiment identique au Nord et au Sud de la Belgique. En 1966, la Flandre rejoint la Wallonie. Par la suite, les taux d'accroissement du PIB par habitant sont les suivants entre 1966 et 1971 : 5,5 % pour la Flandre et 3,9 % pour la Wallonie. Au terme de cette période, c'est-à-dire en 1971, le PIB par habitant, exprimé en prix de 1963, est de 88,9 milliers de francs en Flandre contre 80,1 en Wallonie.

Ce constat est encore renforcé lorsqu'on examine l'évolution du secteur manufacturier. Le tableau 12 indique à suffisance l'étonnante progression de l'industrie flamande pendant la période de référence.

Tableau 12. Parts régionales dans le PIB manufacturier

Année

Flandre

Wallonie

Bruxelles

1966

55,3 %

32,6 %

12,1 %

1971

60,7 %

30,5 %

8,8 %

Source : INS

De même, à un niveau plus désagrégé, l'observation du taux de croissance de la valeur ajoutée brute entre 1966 et 1971 fait voir à une exception près, que la comparaison est défavorable à la Wallonie, tout spécialement dans des secteurs comme la sidérurgie, les fabrications métalliques, la chimie.

Tableau 13. Taux d'accroissement moyen de la valeur ajoutée brute au coût des facteurs et à prix constants de 1966 à 1971

 

Royaume

Wallonie

Flandre

Bruxelles

Denrées alimentaires, boissons, tabac

4,7

3,3

5,3

4,1

Textile

1,7

-0,1

2,7

-9,3

Vêtements, chaussures

1,0

3,2

3,2

-7,9

Bois et meubles

5,7

4,9

6,4

1,2

Papier, impression, édition

4,9

5,4

7,2

1,6

Industrie chimique et connexes

11,8

6,2

14,4

7,2

Terre cuite, céramique, verre, ciment

7,2

9,2

4,7

8,1

Sidérurgie, non-ferreux

9,5

5,6

22,2

5,2

Fabrications métalliques

5,9

4,0

9,3

-5,4

Garages

5,0

4,1

6,0

3,3

Autres industries

12,2

11,4

13,3

5,9

Les facteurs d'explication

Comme on l'imagine aisément, le schéma explicatif des différenciations régionales est forcément complexe. C'est pourquoi on se contentera d'en esquisser les grandes articulations. Pour la Wallonie, il faut prendre deux éléments principaux en considération : d'une part, le caractère vétuste de sa structure industrielle et son hyperspécialisation dans la sidérurgie; d'autre part, la faible rentabilité, comparativement à la Flandre, de ses industries de base. Le premier point a déjà été suffisamment développé, le second, par contre, mérite quelques explications.

La Wallonie a connu une concentration économique et industrielle fort précoce. Cette caractéristique remonte à la révolution industrielle et s'est maintenue par la suite : ainsi, en 1969, les entreprises occupant plus de 1000 personnes représentaient 43 % de l'emploi total manufacturier de la Wallonie contre seulement 29 % en Flandre. Or, précisément, des estimations économétriques (34) ont montré que la rentabilité - définie comme le rapport du bénéfice net aux fonds propres - des entreprises industrielles dont les capitaux permanents dépassent le milliard était nettement inférieure en Wallonie par rapport à la Flandre ou par rapport à celle des entreprises multinationales établies en Belgique.

En réalité, ce à quoi on a assisté durant ces années en fonction de la rentabilité différentielle de la Wallonie et de la Flandre, c'est à un double mouvement dans les flux financiers et d'investissement :

1. les principaux groupes financiers se sont progressivement désengagés de l'industrie wallonne dont la profitabilité était par trop faible; l'évolution du portefeuille - titres de la Société générale, telle qu'elle figure au tableau 14, en constitue un exemple éloquent.

Tableau 14. Répartition du portefeuille de la Société générale

 

 

1954

1965

1973

 

 

% des activités des belges

Wallonie dont

 

36,1

33,2

31,0

 

Mons/borinage

5,7

5,3

3,5

 

Centre

1,0

0,9

1,6

 

Charleroi

6,8

5,3

4,4

 

Liège

17,9

13,4

13,3

 

Divers

4,7

8,2

8,2

Bruxelles

 

12,4

13,3

11,0

Flandre dont

 

51,5

53,5

58,0

 

Antwerpen

22,7

19,6

23,2

 

Gent

10,7

15,5

20,1

 

Limburg

10,6

9,4

7,5

 

Divers

7,5

9,1

6,9

Source : SORTIA, J.R. Wallonie 86, p. 144.

2. un afflux de capitaux neufs en Flandre provenant de trois sources :

  • les investissements étrangers (en 1968, 70 % des emplois nouveaux créés par des firmes multinationales l'avaient été en Flandre contre 20 % seulement en Wallonie);

  • la réaffectation des capitaux neufs des groupes financiers au bénéfice de la Flandre : c'est déjà ce que montrait le tableau 14;

  • l'expansion d'un capital spécifiquement flamand fait de petites et moyennes entreprises et arcbouté à la Kredietbank et à son holding financier (35), notamment en Flandre occidentale.

Ajoutons la circonstance aggravante que le rapport entre investissements nouveaux et valeur ajoutée - le coefficient de capital - est nettement plus important en Wallonie qu'en Flandre, ce qui signifie qu'il faut y investir plus par unité de valeur ajoutée et l'on aura compris que la différenciation des taux de croissance régionaux résulte en bonne partie de la faiblesse de l'investissement en Wallonie pendant une période (1961-1973) où l'effort aurait dû être spécialement intense à cet égard.

La mutation ouverte en 1974

On devra se contenter d'un constat suivi d'une courte explication. A partir de 1974, le régime d'accumulation intensive fondé sur la consommation de masse entre en crise. Ce régime s'est en fait "grippé" par suite de la conjonction de plusieurs facteurs :

  • la baisse générale de la profitabilité;

  • la diminution des gains de productivité;

  • la dislocation du système monétaire international instauré à Bretton Woods en 1944 et la mise en place concomitante de taux de change flottants incontrôlés;

  • l'inflexion des politiques économiques dans le sens de l'abandon de la régulation keynésienne.

L'occasion de la rupture dans le mode de développement intensif a été fournie par le quadruplement du prix de pétrole en 1974. Sa signification profonde est la suivante : l'augmentation du prix du pétrole se traduit par une hausse de la rente pétrolière qui, elle- même, entraîne une nouvelle réallocation de la masse de la plus-value au bénéfice des pays producteurs, alors même que le régime d'accumulation intensive ne permet plus d'accroître cette plus-value.

On peut alors schématiquement distinguer trois grandes sous-périodes après 1974 :

1. De 1974 au deuxième choc pétrolier

Après la très grave récession de 1974-1975, l'ensemble des gouvernements des pays industrialisés cherche à relancer la machine économique en utilisant les recettes keynésiennes classiques, à savoir le déficit budgétaire et des taux d'intérêt bas et stables : l'inflation, selon l'indicateur synthétique dressé par la Kredietbank pour les cinq plus grands pays, passe de 15 % au 4ème trimestre de 1974 à 6,5 % au deuxième trimestre de 1978, pour remonter rapidement après cette date.

2. Du deuxième choc pétrolier à la récession

En 1979, survient le deuxième choc pétrolier. La priorité est maintenant donnée, non plus à la relance de la demande, mais à la lutte contre l'inflation. Les Etats-Unis font subir à leur politique monétaire un tournant radical : la volonté de contrôler strictement l'évolution du volume de la masse monétaire se conjugue avec l'absence de tout objectif en matière de taux d'intérêt. Le taux d'inflation, après avoir atteint 13 % en 1980, toujours selon l'indicateur synthétique retenu, décroît continûment. La combinaison de politiques budgétaire et monétaire restrictives conduit à une grave récession en 1980-1982, accompagnée de taux d'intérêt élevés, ce qui fait surgir le problème de l'endettement des pays du Tiers Monde.

3. De la reprise à la récession

Le "policymix" dominant combine, avant même la reprise qui survient, selon les pays, de 1983 à 1986, une relance prudente de la demande (très souvent par réduction des taux d'imposition et sans financement monétaire du déficit budgétaire) et une action à la baisse des taux d'intérêt. Cependant, très rapidement, les politiques économiques se différencient entre les Etats-Unis d'un côté et le Japon et l'Europe de l'autre côté :

  • les premiers, tout en bridant la politique monétaire, ont recouru à l'arme du déficit budgétaire pour susciter une croissance soutenue qui se maintiendra jusqu'à la fin des années quatre-vingt;

  • le Japon et l'Europe ont, par contre, entrepris d'assainir leurs finances publiques pendant la récession et ont ainsi mené une politique budgétaire restrictive, ce qui explique que la reprise se soit manifestée plus tardivement qu'aux Etats-Unis (en gros 1985-86 contre 1983 aux Etats-Unis).

Telle est la base de la désynchronisation des cycles observée durant ces années-là. Vers 1988-1989, les Etats-Unis se rapprochent du plein emploi. La Réserve fédérale durcit sa politique monétaire et rend le crédit plus cher. Ceci contribue à renforcer la crise des caisses d'épargne américaines (Savings and Loans Associations) ainsi que du système bancaire en général. L'endettement généralisé, couplé à la crise financière et au resserrement des politiques budgétaire et monétaire, précipite l'économie des Etats-Unis dans la récession dès le deuxième semestre de 1990. Au même moment, le Japon et l'Europe connaissent encore une prospérité marquée. La seconde bénéficie des retombées positives de la réunification allemande, qui s'est traduite par d'énormes transferts de l'ouest vers l'est du pays - en d'autres termes par une politique budgétaire très expansionniste. En conséquence, la divergence des conjonctures est maximale entre les Etats-Unis et l'Europe/Japon lors de la période 1990-1991 : récession dans un cas; forte croissance dans l'autre.

Cependant, dès 1982, le mouvement des ciseaux s'inverse. Les Etats-Unis sortent progressivement de la récession, tandis que l'Europe et le Japon vont y entrer au deuxième trimestre de 1992.

La politique économique de la Belgique (1974-1979)

Compte tenu de la périodisation internationale qui vient d'être développée, on peut différencier la politique économique en fonction de la date-charnière de 1979 : avant, le mélange est constitué par la relance et une politique de franc fort; après, c'est une politique d'austérité et de rigueur moyennant l'intermède de la dévaluation du franc de 1982.

Parmi les caractéristiques belges pour la période envisagée, il faut citer :

  • un taux de croissance du PIB (à prix constant) fort semblable à la moyenne de la CEE,

  • un taux d'inflation plus faible que la moyenne de la CEE,

  • un taux de chômage plus important,

  • un taux d'accroissement des salaires plus élevé, en partie à cause de la liaison des salaires à l'index, en partie à cause d'un rapport de forces favorable aux travailleurs pendant la première moitié des années septante,

  • une forte détérioration de la balance commerciale et des payements.

Voyons comment tous ces éléments interagissent. En premier lieu, il faut signaler que la politique de change, fortement influencée par la Banque Nationale, a consisté à maintenir à tout prix la parité nominale du franc par rapport aux autres monnaies européennes. L'idée sous-jacente - outre la stabilité du franc - était qu'une monnaie surévaluée entraîne des effets positifs pour la restructuraiton des processus de production. En fait, la politique du franc cher a eu comme effets principaux :

  • de réduire le taux d'inflation en opérant une pression à la baisse sur les prix des biens importés et en freinant la hausse des prix des exportations;

  • de diminuer la rentabilité des industries exportatrices, rentabilité prise en tenailles entre l'accroissement des coûts salariaux et l'impossibilité d'augmenter les prix par suite de la concurrence internationale et de la hausse de la valeur moyenne du franc;

  • de détériorer, au total, la balance commerciale.

De 1974 à 1979, le franc belge s'est apprécié en moyenne de plus de 15 % par rapport aux autres monnaies (passant de l'indice 98,4 à l'indice 114,5). Les effets précités se sont fait sentir : en particulier, les industries exportatrices, i.e. celles du secteur exposé à la concurrence internationale, devant la baisse de leur rentabilité, ont rationalisé leur processus de production en substituant le capital au travail et donc en réduisant l'emploi ou bien ont purement et simplement disparu.

Ceci explique que l'emploi, spécialement industriel, ait été fortement touché. Par ailleurs, les gouvernements successifs, tout en laissant le franc belge se surévaluer, ont tenté de soutenir la demande et donc l'emploi au travers des transferts sociaux (allocations de chômage) et de l'embauche dans le secteur public. Pour ce faire, ils ont dû accroître les dépenses publiques, alors que les recettes ne suivaient pas en raison du ralentissement de la croissance. Il en est alors résulté un déficit budgétaire croissant : ainsi, le besoin net de financement des pouvoirs publics est passé de 4,1 % du PNB en 1974 à 8,8 % en 1979.

Le tournant de l'austérité (1979-1986)

Dès 1979-1980, i.e. sous des gouvernements chrétiens/socialistes, la relance par la demande a été progressivement abandonnée et a fait place, au contraire, à une politique de freinage puis de diminution des revenus salariaux. Cependant, le pas essentiel a été l'oeuvre du gouvernement Martens V, coalition entre les sociaux-chrétiens et les libéraux. Parmi les mesures prises, il faut citer :

  • la dévaluation du franc belge d'un montant de 8,5 % intervient le dimanche 21 février 1982; elle s'accompagne d'une suspension de l'indexation pour une période de trois mois et d'un blocage du prix des biens et services durant le même laps de temps, ce qui aboutit à un transfert de revenus des salariés vers les entreprises; l'opération de dévaluation permet de ramener le taux de change réel du franc à l'indice 98,1, soit à peu près à son niveau de 1974;

  • les tentatives de réduction du déficit public via les trois sauts d'index (2 % par an), les diminutions des transferts sociaux et des investissements publics, les opérations de rééchelonnement de la dette, etc.

La logique économique du Gouvernement Martens, du moins jusqu'en 1985, consistait à miser sur une reprise économique induite par le relèvement des profits censé engendrer une hausse des investissements, puis de la production et de l'emploi. Dans l'intervalle, la dévaluation devait donner un coup de fouet aux exportations et "tirer" ainsi la demande globale, fortement déprimée par suite de la baisse des revenus internes et de la diminution des dépenses publiques.

Que faut-il penser, avec le recul, de la politique mise en oeuvre ?

1. Incontestablement, elle a réussi à restaurer la rentabilité du capital : pour use limiter au seul indicateur de la rentabilité nette des fonds propres de l'industrie; on fera remarquer que cet indicateur avait été négatif en 1981 et qu'il grimpe à 13,3 % en 1985. Bien entendu, cette progression du revenu des entreprises s'est faite essentiellement au détriment du secteur des particuliers ainsi qu'en témoigne le tableau 15.

Tableau 15. Revenu disponible des grands secteurs (en pour cent du PNB)

 

1981

1982

1983

1984

1985

1986

Particuliers

81,2

79,8

80,6

79,1

78,0

76,8

Sociétés

6,6

7,4

8,0

8,5

9,2

11,5

Pouvoirs publics

11,1

11,7

10,4

11,5

12,2

11,0

Source : BNB, Rapports 1986

2. Le PIB à prix constants a connu une croissance moins importante que la moyenne de la CEE à l'exception de 1982.

Tableau 16. Taux de croissance comparés (à prix constants)

 

Belgique

CEE

1981

-1,4

-0,2

1982

+1,5

+0,5

1983

-0,1

+1,2

1984

+1,6

+2,3

1985

+1,5

+2,4

Source : Banque Nationale de Belgique

3. Le solde des échanges extérieurs est redevenu positif; par contre, pour ce qui concerne l'autre déséquilibre majeur, celui des finances publiques, il n'y a pas de changement majeur puisque le problème reste entier et continue à se poser de manière lancinante.

Le retour de la croissance

L'année 1988 voit la Belgique, de même que tous les autres pays de l'Union européenne, renouver avec une croissance forte. Au même moment, le Parti socialiste revient au gouvernement en coalition avec les sociaux-chrétiens. L'augmentation du Produit National Brut est comparable à celle des Golden Sixties : +4,9 % en termes réels pour 1988 et 3,8 % l'année suivante.

Cependant, la politique économique mise en oeuvre ne connaît pas de modifications significatives par rapport à la période antérieure :

  • la priorité continue à être donnée à la réduction du déficit public, malgré une réforme fiscale qui diminue les recettes de l'Etat et conduit ainsi à poursuivre les diminutions des dépenses publiques;

  • le maintien de la parité du franc est un point cardinal de l'action gouvernementale : c'est d'ailleurs l'objectif avoué de la loi sur la compétitivité, votée le 6 janvier 1989 et qui vise à sauvegarder la "position concurrentielle des entreprises"; par ailleurs, le choix est fait dès 1989-1990 d'arrimer le franc au mark allemand en n'utilisant même pas les marges de fluctuations autorisées par le Système Monétaire Européen (2,25 % de part et d'autre des parités centrales); à partir de juin 1990, la Banque Nationale de Belgique s'efforce de maintenir la parité du franc tout près du cours-pivot de 20,6255 FB pour un mark.

Lorsque la récession se manifeste au tournant de 1992 et 1993, des choix plus draconiens seront faits : ce sera le plan global, encore présent dans toutes les mémoires.

Restructurations et emploi en Wallonie

Le ralentissement de la croissance après 1974 s'est répercuté fortement sur l'emploi wallon. De plus, la surévaluation du franc a handicapé les industries exportatrices wallonnes, déjà moins robustes que leurs correspondants flamands. Au total, il en est résulté des pertes d'emploi très importantes et corrélativement un gonflement du taux de chômage ainsi que l'indique le tableau 17 (pour l'interprétation, il faut tenir compte de ce que la première colonne mesure le rapport chômeurs complets indemnisés/population affiliée à l'INAMI et la seconde de taux harmonisé établi après l'enquête sur les forces de travail).

Tableau 17. Taux de chômage wallon (1972-1993)

1971

5,1

1983

13,7

1973

5,4

1984

13,3

1974

5,9

1985

13,3

1975

8,8

1986

13,1

1976

11,1

1987

14,1

1977

12,5

1988

13,1

1978

13,2

1989

11,2

1979

13,4

1990

10,5

1980

14,4

1991

10,0

1981

17,2

1992

11,2

1982

19,5

1993

13,0

Sources : ONEM, enquêtes force de travail

On remarquera que le chômage progresse par paliers : lorsque la reprise survient comme en 1987-1988, le taux de chômage diminue, mais pas au point de faire disparaître l'accroissement intervenu lors de la récession.

Parallèlement, la forte croissance de la fin des années quatre-vingt a été précédée d'une restructuration en profondeur du tissu productif wallon, dans le sens d'un meilleur équilibre entre les grands secteurs industriels.

Considérons, dans le tableau 18, la répartition du chiffre d'affaires au sein du secteur manufacturier. On note le repli marqué de la métallurgie, dont la part relative du chiffre d'affaires passe de 24,9% en 1980 à 15,8% en 1992. Par conséquent, le secteur des fabrications métalliques et électriques est désormais - et de loin- le premier contributeur au chiffre d'affaires manufacturier (bien que sa part relative se soit maintenue approximativement constante en 1980 et 1992). Enfin, il faut tout spécialement noter la progression des secteurs de la chimie et de l'agro-alimentaire.

Tableau 18 - Reconfiguration du système industriel wallon
Parts en % du chiffre d'affaires manufacturier

 

1980

1985

1992

Fabrications métalliques

28,4

27,8

29,0

Métallurgie

24,9

22,2

15,8

Agro-alimentaire

12,4

13,7

15,2

Chimie

12,0

15,9

17,8

Matériaux de construction

9,8

8,0

9,6

Papier

5,8

6,3

9,0

Source : INS.

En termes de tendances de moyen et de long terme, le bilan des dix dernières années se solde donc par une structure plus équilibrée du secteur industriel wallon. Le résultat a certes été partiellement acquis au prix de l'important repli de la métallurgie de base et de la première transformation des métaux mais également, pour l'autre part, par la performance intrinsèque de croissance des secteurs bénéficiaires.

Etant donné que 70 % du chiffre d'affaires du secteur manufacturier est réalisée à l'exportation, il convient de soumettre la structure sectorielle de l'activité exportatrice à un examen similaire. A cet effet, considérons le tableau 19.

Tableau 19. Part dans les exportations du secteur manufacturier (en %)

 

1980

1985

1992

Fabrications métalliques

30,49

31,09

29,42

Métallurgie

31,00

27,70

20,98

Agro-alimentaire

6,50

7,20

9,90

Chimie

13,60

17,00

21,60

Matériaux de construction

7,40

6,23

7,51

Papier

5,38

5,74

6,06

Source : INS - TVA.

La modification structurelle est encore plus sensible qu'en termes de chiffre d'affaires. En effet, en 1980, la métallurgie réalisait 31 % des exportations du secteur manufacturier. En 1992, la part du secteur est tombée à 20 %. La métallurgie n'occupe donc plus que la troisième place au classement des principaux secteurs exportateurs wallons. Elle est précédée, dans l'ordre, par les fabrications métalliques et électriques, qui, ici aussi, maintiennent entre 1980 et 1992 leur part quasiment inchangée, autour de 30%, et la chimie, dont la part dans les exportations a crû nettement plus rapidement que la part dans le chiffre d'affaires total, pour passer de 13,6 % en 1980 à 21,6 % en 1992.

Comme pour le chiffre d'affaires, c'est ainsi à un rééquilibrage entre les principaux secteurs industriels wallons, effectué au détriment de la métallurgie, que l'évolution en matière d'exportation conduit à long terme.

En conclusion, on retiendra que l'industrie wallonne présente une configuration plus équilibrée, l'un des facteurs qui devraient renforcer la faculté d'adaptation aux aléas de la conjoncture mondiale.

 

Orientation bibliographique

33. D'après Lamfalussy, le surplus cumulé de la Belgique sur la période 1948-1957 atteint 33 milliards de francs rien que pour les opértions sur biens et services. Voir LAMFALUSSY, A., "Essai sur la Croissance économique et la Balance des Paiements de la Belgique : 1948-1957", Bulletin de l'Institut de Recherches économiques et sociales, 25 (1), 1959, p. 44.
34. BINAME, J.P. et A. JACQUEMIN., "Structure Industrielle des Régions Belges et Grandes Entreprises : Quelques Eléments d'Analyse", Recherches Economiques de Louvain, 4, 1973, pp. 449-450.
35. C'est un point sur lequel a fortement insisté Ch. Vandermotten. Voir VANDERMOTTEN, C., Ebauche d'une Macrogéographie de l'Industrie en Belgique. 1846-1970, thèse, ULB, Bruxelles, 1978, 2 tomes.

 

Francis Bismans, Une odyssée économique, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région, (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.


 

 

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