Bruxelles, la Flandre et la
Wallonie |
Een Waal over Brussel :
Brussel, Vlaanderen
en Wallonië |
Débat sur l'avenir de Bruxelles,
organisé par le Masereelfonds,
Bruxelles, le 10 décembre 1998
Intervention de Philippe Destatte
historien, directeur de l'Institut Jules Destrée |
Intervention
publiée
dans Aktief,
mars-avril 1999,
p. 13-17. |
|
Tussenkomst
van Philippe Destatte, historicus en directeur van het Institut Jules Destrée,
tijdens de conferentie over de toekomst van Brussel, georganiseerd door
het Masereelfonds in Brussel op 10 december 1998.
D'abord, il ne me paraît pas possible d'aborder cette intervention que vous
m'avez invité à faire sur la relation entre Bruxelles et la Wallonie,
maintenant et dans le futur, sans souligner trois remarques que je considère
comme particulièrement importantes.
Ensuite, j'aborderais
la question du statut de Bruxelles en rappelant mon analyse politique sur le
rôle de Bruxelles aujourd'hui dans la Belgique et dans l'Europe et en
poursuivant cette analyse sur le plan institutionnel.
Enfin, je relèverai
les repositionnements raisonnables nécessaires dont les composantes fédérées
de la Belgique doivent prendre l'initiative pour décrisper leurs relations
sur la question de Bruxelles et parvenir à un fédéralisme rééquilibré.

1. Trois remarques
importantes
1. 2. Un
fédéralisme de distanciement
La première de ces
remarques porte sur l'avis que je vous donnerai en tant que Wallon. Je ne
suis pas en effet pas habilité à parler au nom des Wallons, ni au titre de
scientifique ou d'intellectuel, ni au titre de représentant d'un centre
d'étude et de prospective créé au sein du mouvement wallon par des militants
wallons, voici soixante ans déjà. En effet - et c'est une donnée nouvelle de
la réforme de l'Etat - la création de gouvernements et de parlements
d'entités fédérées ont enfin mis en place des interlocuteurs
démocratiquement habilités à parler au nom des habitants de ces entités,
même si des représentants de la société civile gardent, au travers du monde
associatif, une représentativité qui est, reconnaissons-le, difficile à
mesurer.
C'est donc mon avis
personnel, d'analyste et de citoyen, que je vous donnerai sur les questions
sur lesquelles - et je vous en remercie - vous m'avez fait l'honneur de
m'interroger. Je vous demanderai donc de prendre mes réponses comme tel et
de ne pas considérer qu'elles seraient représentatives de la pensée de toute
la classe politique wallonne et moins encore de toute la population de la
Wallonie. Il faut d'ailleurs que nous soyons conscients que les questions
dont nous débattons, même sur l'avenir de la Belgique, ne sont pas les
questions les plus importantes qui occupent l'esprit des populations
flamande, bruxelloise et wallonne. Une analyse récente du service des études
de la Région wallonne a d'ailleurs montré que, depuis la fixation solide de
la frontière linguistique au début des années soixante, les habitants de nos
régions ont connu un réel distanciement qui se manifeste dans une baisse de
contacts, d'implantations, de mariages mixtes, etc., Cette situation peut
d'ailleurs apporter des arguments sociologiques à ceux qui considèrent la
frontière linguistique comme une frontière d'Etats. A ces éléments s'ajoute
la croissante méconnaissance réciproque des Wallons et des Flamands qui,
regardant des télévisions différentes, lisant des livres et des journaux
différents qui font peu de place à ce qui se passe dans l'autre région, en
savent de moins en moins les uns sur les autres. Ce constat est fondamental
: trente ans de dynamique de la réforme de l'Etat belge n'a cessé d'écarter
les populations les unes des autres et ont été incapables de créer un
sentiment de projet fédéral commun. Bien au contraire, trente ans de réforme
de l'Etat ont fait naître en Wallonie non seulement un manque d'intérêt pour
la société et la culture de la Flandre, mais aussi une ignorance et une
indifférence pour ce qui s'y passe.
1. 2. Un appel
pour mettre fin à l'image d'une Flandre fasciste
La deuxième remarque
préliminaire me fait entrer dans le vif de notre sujet - l'avenir de
Bruxelles - en vous disant que cette question, pas plus d'ailleurs que celle
de nos propres relations entre Flamands et Wallons, ne peut être réglée sans
aborder de plein fouet la problématique du Vlaams Blok. Il règne aujourd'hui
en Wallonie une incompréhension totale quand on parle de la Flandre, c'est
celle qui touche à une question fondamentale : comment accepter que des
démocrates joignent leur signature à celle du Vlaams Blok, du parti
fascisant du Vlaams Blok, pour revendiquer pour la Flandre le statut d'Etat
en Europe. Et croyez bien que le problème n'est pas celui de
l'indépendance de la Flandre dont la perspective fait naître aujourd'hui
plus de fatalisme que de crainte.
La vérité est que
l'image de la Flandre à l'extérieur de la Flandre est aujourd'hui polluée
par le Vlaams Blok car les démocrates flamands ont jusqu'ici été incapables
de montrer leur volonté de garder leurs distances avec ce parti fascisant,
voire fasciste. Ce terme m'est toujours apparu plus adéquat que de parler de
l'extrême droite car je pense depuis longtemps avec Zeev Sternhell que ce
type de formation politique n'appartient ni à la droite ni à la gauche, ou à
la fois à la droite et à la gauche, ce qui est démontré par les lieux
sociaux de sa mobilisation et la rend particulièrement redoutable (1).
Ainsi, les Wallons
ont-ils désormais une image monolithique de la Flandre, l'image d'une seule
Flandre qui, de Filip Dewinter et Frank Van Hecke à Ludo Abitch - et je suis
à dessein provocateur en citant le nom de ce grand intellectuel de gauche -
serait gangrenée par le fascisme.
Certes, je sais que
cette image n'est pas raisonnable et que la Flandre est multiple. Du reste,
je sais les efforts pour contrer le Blok. Mais je suis persuadé que l'image
que la Flandre donne d'elle résulte du manque de clarté de ses engagements
et plus particulièrement du mouvement flamand à l'égard du Blok.
C'est pourquoi, ce 25
novembre 1998, j'ai lancé - au nom de l'Institut Jules Destrée - un appel
pressant à l'Overlegcentrum van Vlaamse Vereinigingen (OVV), et plus
généralement au mouvement flamand, pour qu'il lève toute ambiguïté sur ses
rapports avec le Vlaams Blok et les thèses proto-fascistes que ce parti
soutient (2). Comme je l'écrivais d'ailleurs à Bernard
Desmet, ce 3 décembre, le Masereelfonds me paraît, idéologiquement et
historiquement, le mieux placé pour susciter cette distinction et ce
distanciement du mouvement flamand avec un parti fascisant.

Pour que mes propos
soient clairs et puissent être décodés par chacun je voudrais préciser que
mon intention n'est pas de me poser en donneur de leçon, position qui m'a
déjà été reprochée en Wallonie même au sujet de la politique wallonne. En
effet, je continue à penser, comme c'était déjà le cas en 1994, que non
seulement le prurit fasciste qui touche aujourd'hui la Flandre n'est pas
spécifique à la Flandre - il suffit pour cela de regarder une carte
électorale de l'Europe -, mais aussi que la Wallonie n'est pas à l'abri
d'une telle poussée. Dans une interview donnée à Filip Rogiers, journaliste
au Morgen, en octobre 1994, je soulignais à ce propos que la Wallonie
n'était pas une île (3). J'en suis aujourd'hui autant persuadé tout
comme je reste convaincu que, pas plus que quiconque, même ceux qui en ont
été les plus victimes, la Wallonie n'est immunisée contre le fascisme.
De même, et au risque
de sacrifier à l'actualité du vote du projet de loi visant à priver les
partis politiques anti-démocratiques de dotation publique, j'ai l'intime
conviction, avec Alain Finkelkraut et contre Pierre Bourdieu, qu'on ne bâtit
pas une politique antifasciste sur l'antifascisme, c'est-à-dire sur un
manichéisme de tous contre une idée, aussi révoltante soit elle. Cela, au
moins, le stalinisme nous l'a-t-il appris. La politique que nous voulons,
nous devons la construire de manière positive, en fuyant ce que Marcel Thiry
appelait le rexisme larvé - quand nous tentons de mener la politique de la
terre brûlée sur le propre terrain du fascisme - mais, au contraire, en
menant une politique conforme à nos aspirations et à notre volonté
d'ouverture et d'humanisme : une vrai politique sociale qui réintègre les
exclus dans la société, une politique qui considère les sans papier comme
nos hôtes, une politique qui considère nos hôtes, de l'Union européenne ou
non, comme des citoyens à part entière.
Dès lors, cessons de
chipoter les normes de notre démocratie pour l'utiliser au détriment d'élus
démocratiquement que nous devons vaincre, non pas en utilisant l'Etat à
notre profit, mais en démontant leurs idées néfastes sur le terrain
politique. L'absentéisme de nos élus et leur impréparation au Parlement font
plus contre la démocratie que la présence, combien combative, des blokistes.
De même, craignons que les artifices inventés pour empêcher à un parti
représenté au Parlement d'accéder à des bâtiments publics - je pense au
Palais des congrès - ne se retournent un jour contre la démocratie !
Notre combat contre
le Front national et contre le Vlaams Blok doit être un travail quotidien,
démocratique, solide, légalement inattaquable, loin d'attitudes qui
pourraient apparaître politiciennes. Ainsi que le disait le professeur Marc
Swyngedouw, le jour où le Blok perdra électoralement, il risque d'éclater
(4).
1. 3. Bruxelles,
troisième larron
Ma troisième remarque
sera aussi brève qu'importante. Elle porte sur notre dialogue entre Flamands
et Wallons quant à la question de Bruxelles. Cette réflexion m'apparaît
bienvenue car il s'agit bien d'une réflexion, c'est-à-dire d'un retour de la
pensée sur elle-même en vue d'examiner plus à fond un problème. Je dis dès
lors clairement que nous ne sommes pas ici en train de poser les bases
philosophiques d'un Yalta wallo-flamand sur la capitale de l'Europe.
Lors de son fameux
tour de Wallonie en 1990, Hugo Schiltz a découvert la vigueur de
l'affirmation wallonne et je me souviens encore de son enthousiasme à
débattre avec des interlocuteurs wallons. Toutefois, à un moment donné, Hugo
Schiltz a estimé que Bruxelles ne devait pas essayer de jouer le
troisième larron à côté de la Flandre et de la Wallonie. Or, qu'on le
veille ou non - et c'est inscrit dans la loi - Bruxelles est le troisième
larron. Les Wallons ne voulant pas de Belgique bicéphale mais de Belgique
tricéphale, rien ne sera fait à Bruxelles sans l'avis des Bruxellois qui,
contrairement à ce qui s'est passé en 1980 n'accepteront plus de passer un
séjour au frigo. On ne met pas un Parlement au frigo.

2. Bruxelles, un
no man's land pour les Flamands et les Wallons
Dans une contribution
récente à la revue Politique, j'ai pu aborder la question qui m'est
posée aujourd'hui d'un statut pour Bruxelles sur un plan politique, sinon
philosophique (5). Je voudrais d'abord rappeler cette analyse
avant de prolonger ma réflexion sur le plan institutionnel.
Ce texte, je l'avais
intitulé Bruxelles : oser être métis, par référence au reproche
adressé à Jules Destrée - et constamment rappelé - d'avoir, à l'instar
d'Albert Mockel, nommé les Bruxellois métis, c'est-à-dire comme il
l'expliquait, hésitants entre Flamands et Wallons, et tirant parti de cette
hésitation. Si l'on fait constamment référence à ce sujet à La Lettre au
roi de 1912, ou à Wallons et Flamands, de 1923, on oublie
d'ailleurs que lors du premier texte cité Destrée travaille dans la capitale
du Royaume et que pour le deuxième il y réside - et il le fera jusqu'à sa
mort, en 1936. De même, les glorieux publicistes qui s'en prennent au député
de Charleroi omettent constamment de citer les conclusions que Destrée
tirait à la fin de son chapitre sur ce sujet en 1924 :
Ainsi, Bruxelles,
dont la prospérité est magnifique, devient pour les idées, ce que sa situation
géographique indiquait, un centre du monde, un point de contact des grandes
civilisations du siècle. [...] La cité des métis devient de cette façon l'ardent
foyer d'une civilisation européenne ; c'est un rôle assez beau pour que nous
puissions beaucoup lui pardonner (6).
L'avenir de Bruxelles
me paraît dès lors devoir être pris en compte par une approche nouvelle qui
consiste à considérer l'ensemble de la population bruxelloise comme
provenant essentiellement de l'immigration, y compris la population wallonne
qui a connu au niveau de sa troisième ou quatrième génération un phénomène
d'intégration classique qui l'a transformée en population belge bruxelloise
ou francophone de Bruxelles. Ce mécanisme d'intégration a d'ailleurs été
facilité par le spectacle offert par une Wallonie en déclin à laquelle
l'ambition sociale n'incitait pas à continuer de s'identifier. S'y est
d'ailleurs ajoutée, plus récemment, l'incompréhension des Bruxellois à
l'égard du choix de Namur comme capitale de la Wallonie. Un de mes amis de
la francité bruxelloise ne se laissait-il pas aller dernièrement à trouver
l'idée d'un parlement régional à Namur ridicule (7).
J'ai pourtant toujours personnellement pensé que, dans ce monde, tout
pouvait être ridicule, mais que les parlements démocratiquement, directement
et séparément élus ne l'étaient jamais.
Ce qui est vrai pour
les Wallons de Bruxelles est vrai pour toutes les populations qui y résident
- et elles sont aujourd'hui aussi diverses que nombreuses. Du reste, en
termes d'identité, ce qui a progressé le plus, ces dernières années à
Bruxelles, c'est l'identité régionale bruxelloise, et y compris - n'en
déplaise à M. Van den Brande - l'identité bruxelloise des Flamands de
Bruxelles. Mon espoir est, dès lors, celui de voir se construire - ou
s'affiner si l'on est optimiste - une forte identité politique régionale
bruxelloise pour une société pluriculturelle qui valorise les expériences et
les potentialités culturelles de ses populations. La ville-frontière en
oublierait le gordel qui l'obsède et abandonnerait le fantasme de son
couloir de Dantzig vers la Wallonie au travers de la forêt de Soigne. Ainsi,
Bruxelles, lieu d'identités multiples, pourrait-elle représenter, en tant
que capitale de l'Europe, les valeurs et les projets de ceux et de celles
qui l'ont faite et font ce qu'elle est : les Flamands, les Marocains, les
Turcs, les Grecs, les Allemands, les Français, les Italiens, les Wallons,
etc.
Pour qu'il en soit
ainsi, il est néanmoins nécessaire de changer la dynamique générale qui
provoque le conflit autour de la question de Bruxelles.
Ce changement
implique que l'on reconnaisse, entre Flamands, Bruxellois et Wallons, un
minimum de volonté de vivre ensemble dans un Etat fédéral ou confédéral (8). Permettez-moi de souligner que la volonté de
vivre ensemble demain entre Flamands, Bruxellois et Wallons n'est
aujourd'hui ni établie, ni démontrée.
Choisissant par
optimisme et par conviction fédéraliste (9)
l'hypothèse de cette volonté, il me paraît que le problème de Bruxelles ne
peut être résolu qu'en sortant de la dynamique d'affrontement entre les
communautés - flamande et francophone - que nous avons connue jusqu'ici.
Cet affrontement est
inscrit dans le terme même de communauté, concept pollué et
rétrograde, qui trouve son origine dans un droit du sang (jus sanguinis)
auquel même les Allemands sont en train de tourner le dos. Ce droit
familial, ethnique, basé sur la langue et la culture a été sans cesse source
d'incompréhension en Belgique. D'une part, du côté flamand, on considère
encore trop généralement que "la langue est tout le peuple" (taal is
gansch het volk). L'aboutissement de cette logique devrait d'ailleurs
nous décider à nous rattacher respectivement aux Pays-Bas et à la France.
D'autre part, du côté
francophone et wallon, on attribue aux Flamands un "droit du sol" en se
parant d'un "droit des gens", alors qu'en réalité, le premier est libérateur
de l'individu car au territoire, conçu comme espace de la démocratie, on
attribue des droits à ceux qui y vivent, si possible sans discrimination.
Jules Destrée se trompait lorsque, de façon méprisante, il reprochait aux
Flamands le droit du sol en évoquant le serf attaché à la glèbe (10).
Il faut, aujourd'hui,
reconstruire la Belgique fédérale sur un régionalisme de citoyenneté, ce
civisme constitutionnel cher à Jürgen Habermas, où la communauté est celle
qui, comme le souligne Dominique Schnapper, réside sur un espace défini.
Comme un texan n'est qu'un habitant du Texas, un Flamand sera un habitant de
la Flandre et un habitant de Bruxelles ne sera plus qu'un Bruxellois.

3. Quatre
repositionnements raisonnables
Ce nouveau paradigme
pour la Belgique implique quatre repositionnements raisonnables :
1. Les francophones
doivent renoncer à la Communauté française qui, contrairement à ce que
disent ses défenseurs ne protège pas les Bruxellois de l'influence flamande
- de la flamandisation diraient les francophones - mais la permet en créant
une concurrence entre les communautés sur le territoire de Bruxelles. Outre
qu'il est coûteux, cet affrontement est inutile et ne porte aucun fruit.
2. Les Flamands
doivent créer une vrai région flamande, comme les Wallons l'ont fait pour la
Wallonie, avec Anvers comme capitale, en la reconquérant au Vlaams Blok.
Ainsi que je l'avais suggéré en août 1995, les Flamands pourraient, en
drainant de toute la Flandre une population politique, administrative et de
services, disputer au Blok - avant qu'il ne soit trop tard - une ville qui,
hier de cultures et de lumières, pourrait devenir demain, la Toulon fasciste
du nord (11). D'ailleurs, si j'en crois la
carte diffusée dans De Standaard pour valoriser les dix vallées
technologiques déterminées par les services du ministre-président Van den
Brande, Bruxelles ne semble plus constituer un enjeu majeur pour le
développement de la Flandre moderne (12).
3. Les Bruxellois
doivent promouvoir une véritable citoyenneté métissée et renoncer à assurer
un leadership sur la Belgique par des alliances économiques avec les uns et
par des solidarités culturelles avec les autres. Il me paraît dès lors que
les Bruxellois doivent assumer leur vocation européenne et internationale en
jouant avec franchise leur rôle de relais avec la Flandre mais également
avec la Wallonie. Ils doivent aussi examiner sans passion exagérée les
statuts spécifiques que leur ville-capitale de l'Europe pourrait s'assigner
tout en conservant ses institutions régionales. L'idée de statut européen ne
peut être jugée indigne voire scandaleuse lorsqu'elle est avancée par le
Flamand Louis Tobback et prise en considération quand elle provient du
Wallon Michel Quévit (13) ou des Bruxellois francophones Renaud
Denuit et Pierre Effratas. Comme l'écrivait cet écrivain et citoyen de
Bruxelles, Bruxelles ne serait plus la capitale d'un Etat divisé, mais la
ville de plusieurs centaines de millions d'Européens (14).
De toute manière, et
en récusant l'idée de tutelle de la Flandre et de la Wallonie sur Bruxelles,
la motivation du projet de Michel Quévit me paraît garder toute sa
pertinence, puisqu'il s'agissait de permettre aux Bruxellois de gérer de
manière autonome leur spécificité propre, à savoir :

- les relations
économiques que Bruxelles entretient avec la Flandre et la Wallonie ;
- la spécificité du développement urbain ;
- l'intégration harmonieuse des Bruxellois de langue néerlandophone dans son
tissu sociologique, notamment en garantissant le droit de ses minorités (15).
On ajoutera, avec Michel Quévit, mais aussi Robert Tollet et Robert
Deschamps, deux motivations supplémentaires pour faire en sorte que
Bruxelles disposent des mêmes institutions, des mêmes compétences et des
même moyens que les deux autres régions:
- la spécificité
culturelle propre qui ne peut s'assimiler ni à la région flamande, ni à la
région wallonne,
- le caractère international qui doit être valorisé et doit profiter au
développement des autres régions du pays (16).
4. Les Wallons
doivent assumer leur situation économique en comptant davantage sur
eux-mêmes que sur des solidarités forcées et créer, enfin, entre eux, le
projet du plus grand dénominateur et non le consensus du plus petit commun
multiple. Les germanophones pourront, comme l'a souvent répété Robert
Collignon, assumer les compétences régionales qu'ils souhaiteront vouloir
prendre en charge.
Quatre régions égales
en droit, sans stratégies d'alliance particulière ni d'affrontement
déterminé pourraient permettre la décrispation tant attendue depuis le début
de la réforme de l'Etat. Bruxelles, no man's land pour les Flamands
et francophones querelleurs, pourrait enfin se concentrer sur sa tâche de
lien entre tous et chacun, au plan belge comme au plan européen et
intercontinental.
Ainsi, l'horizon de
l'engagement des Flamands comme des francophones et des Wallons dans leur
mouvement citoyen ne sera plus celui d'un combat pour la conquête d'une
hypothétique Jérusalem mais pour que la société n'abandonne plus derrière
elle aucun laissé pour compte, quelles que soient sa langue, son origine et
sa nationalité. C'est en tout cas la leçon qu'auraient du nous apprendre les
droits de l'homme, ceux de 1789 et ceux de 1948, auxquels le monde entier
rend hommage aujourd'hui.
Je ne peux imaginer
que la date de la rencontre de ce soir ait été choisie par hasard.

Notes
(1) Zeev STERNHELL, Ni droite, ni gauche, L'idéologie
fasciste en France, Paris, Seuil, 1983. - Philippe DESTATTE, Socialisme national
et nationalisme social, Deux dimensions essentielles de l'enseignement du
national-socialisme, dans Cahiers de Clio, 93/94, p. 13-70, Université de Liège,
1988.
(2)
Communiqué de presse, Un appel pressant de l'Institut Jules Destrée à l'OVV
: pour que 1999 ne constitue pas le troisième piège dans lequel sombrerait
le mouvement flamand, Namur, Institut Jules Destrée, 25 novembre 1998, 2
p.
(3)
Philippe Destatte : "Wallonië geen eiland", dans De Morgen, 11
octobre 1994.
(4)
Il faut mener une politique plus agressive contre le Blok, dans La
Libre Belgique, 10 décembre 1998, p. 2.
(5)
Philippe DESTATTE, Bruxelles : oser être métis, dans Politique,
Octobre-novembre 1998, p. 40-42.
(6)
Jules DESTREE, Wallons et Flamands, La querelle linguistique en Belgique,
p. 333, Paris, Plon, 1923.
(7)
Emmanuelle JOWA, Cultiver ses racines wallonnes à Bruxelles
[Interview de Jean Bourdon, président de Bruxelles français], dans Le
Matin, 18 septembre 1998, p. 6.
(8)
La différence entre fédéralisme et confédéralisme m'a toujours échappée,
comme elle échappait à Fernand Dehousse - qui était lui un spécialiste -,
parce que cette différence est pure question de définition.
(9)
voire résignation fédéraliste si je me réfère à l'analyse faite lors
du dernier colloque que nous avons organisé à Liège, les 19 et 20 novembre
1998 : L'idée fédéraliste dans les Etats-nations, Regards croisés entre
la Wallonie et le monde, actes à paraître au printemps 1999.
(10)
C'est là une conception du passé, une idée du Moyen Age. Jadis le serf était
attaché à la glèbe. Aujourd'hui la personnalité humaine s'émancipe du sol où
elle est née; elle se conçoit supérieure au territoire et libre de
déterminer les directions de son activité. Le lien à un territoire est un
reste de servitude. Le régionalisme flamand est un régionalisme attardé et
d'esclavage; tandis que le mien est moderne et de liberté. La question des
langues à l'armée, Séance du 22 mai 1913, dans Jules DESTREE,
Discours parlementaires, p. 657, Bruxelles, Lamertin, 1914.
(11)
Philippe DESTATTE, Pratique de la Citoyenneté et identités, Rapport de
synthèse, dans Pratique de la Citoyenneté et identités, Treizième
conférence des Peuples de Lanque française, Liège, 13, 14 et 15 juillet
1995, Actes, p. 179, Charleroi, Centre René Lévesque, 1996.
(12)
Isabel ALBERS, De tien valleitjes volgens Van den Brande, dans De
Standaard, 8 décembre 1998, p. 15.
(13)
Michel QUEVIT, Une confédération belge : Solution institutionnelle
équitable pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, dans Res publica,
n°3, 1984, p. 352-361.
(14)
Pierre EFRATAS, Pour Bruxelles, une ville libre à vocation européenne,
dans La Libre Belgique, 29-30 novembre 1997, p. 15 (Courrier des
lecteurs).
(15)
Michel QUEVIT, op. cit, p. 361.
(16)
Robert DESCHAMPS, Michel QUEVIT, Robert TOLLET, Vers une réforme de type
confédéral de l'Etat belge dans le cadre du maintien de l'unité monétaire,
dans Wallonie 84, Liège, CESW, 2, n° 62, p. 95-111.

Brussel, Vlaanderen en Wallonië
Tussenkomst van Philippe Destatte, historicus en directeur van het
Institut Jules Destrée,
tijdens de conferentie over de toekomst van Brussel,
georganiseerd door het Masereelfonds in Brussel op 10 december 1998.
U hebt me uitgenodigd
om te spreken over de betrekkingen tussen Brussel en Wallonië, nu en in de
toekomst. Het is me echter onmogelijk daar iets over te zeggen zonder vooraf
drie opmerkingen te plaatsen die ik bijzonder belangrijk vind.
Daarna zal ik het
hebben over het statuut van Brussel. Graag herhaal ik daarbij mijn politieke
analyse van de hedendaagse rol van Brussel in België en Europa. Ik zal mijn
analyse daarna ook doortrekken naar het institutionele niveau.
Tot slot zal ik een
aantal redelijke herpositioneringen aanstippen die ik noodzakelijk acht. De
gefedereerde componenten van België moeten daartoe het initiatief nemen om
hun verkrampte houding over de Brusselse kwestie te ontmijnen. Alleen dan is
een evenwichtig federalisme mogelijk.

1. Drie belangrijke
opmerkingen
1.1 Een afstandelijk
federalisme
De eerste opmerking
slaat op de mening die ik u kan geven als Waal. Het is niet aan mij om in
naam van de Walen te spreken, noch als wetenschapper, noch als intellectueel,
noch als vertegenwordiger van een studie- en toekomstgericht centrum dat, nu
al zestig jaar geleden, door Waalse militanten binnen de Waalse beweging
werd opgericht. Een nieuw gegeven van de staatshervorming was inderdaad de
samenstelling van regeringen en parlementen in de gefedereerde entiteiten.
Daardoor werden eindelijk gesprekspartners ten tonele gevoerd die op
democratische wijze gemachtigd zijn om in naam van de inwoners van die
entiteiten te spreken. Eerlijkheidshalve geef ik grif toe dat de
vertegenwoordigers van de civiele samenleving, door de wereld van de
verenigingen heen, een representativiteit belichamen die moeilijk te meten
valt.
U krijgt dus mijn
persoonlijke mening te horen van analist en staatsburger over de
aangelegenheden waarvoor u me uitgenodigd hebt. Ik dank u voor die eer. Mag
ik u verzoeken mijn antwoorden als persoonlijk te beschouwen en er niet van
uit te gaan dat ze representatief zouden zijn voor de gedachten van heel de
Waalse politieke klasse en nog veel minder van heel de bevolking van
Wallonië. We moeten er ons trouwens bewust van zijn dat de vragen die we
zullen aansnijden, zelfs over de toekomst van België, niet de
hoofdbekommernis vormen van de Vlaamse, Brusselse of Waalse bevolking. Een
recente analyse van de studiedienst van het Waalse Gewest heeft uitgewezen
dat, sinds de vergrendeling van de taalgrens in het begin van de jaren
zestig, de inwoners van onze gewesten uit elkaar zijn gegroeid (21). Dat komt tot uiting in een
vermindering van het aantal contacten, vestigingen, gemengde huwelijken enz.
Die toestand kan sociologische argumenten aanreiken aan hen die de taalgrens
als een staatsgrens beschouwen. Bij die elementen komt nog het groeiende
wederzijdse onbegrip tussen Walen en Vlamingen die naar verschillende
televisie-omroepen kijken en verschillende kranten en boeken lezen. Daarin
wordt bitter weinig ruimte gelaten voor wat er in het andere gewest gebeurt.
Daardoor weten we steeds minder over elkaar. Deze vaststelling is van
fundamenteel belang: dertig jaar dynamiek van Belgische staatshervorming
heeft de bevolkingsgroepen steeds verder uit elkaar doen drijven. Die
dynamiek is er niet in geslaagd om een gevoel van gemeenschappelijk federaal
project te scheppen. Integendeel. Dertig jaar staatshervorming hebben in
Wallonië niet alleen een gebrek aan belangstelling voor de Vlaamse cultuur
en samenleving doen ontstaan, maar ook een complete onwetendheid en
onverschilligheid voor wat er zich werkelijk afspeelt.
1.2 Weg met het
imago van een fascistisch Vlaanderen
Met de tweede
voorafgaandelijke opmerking wil ik doordringen tot de kern van de zaak: de
toekomst van Brussel. Deze kwestie kan, evenmin trouwens als die van de
betrekkingen tussen Vlamingen en Walen, geregeld worden zonder onomwonden de
problematiek van het Vlaams Blok aan te pakken. Momenteel heerst in Wallonië
een volkomen onbegrip als er over Vlaanderen wordt gesproken. Dat onbegrip
stoelt op een fundamentele vraag : hoe kan worden aanvaard dat democraten
hun handtekening zetten naast die van het fascistoïde Vlaams Blok om voor
Vlaanderen de status van staat in Europa op te eisen. En u mag van mij
aannemen dat niet de onafhankelijkheid van Vlaanderen het probleem is: dat
vooruitzicht leidt in Wallonië eerder tot fatalisme dan tot angst.
De waarheid is dat het
imago van Vlaanderen buiten Vlaanderen momenteel bezoedeld wordt door het
Vlaams Blok omdat de Vlaamse democraten tot nu toe niet bij machte zijn
geweest om uiting te geven aan hun wil afstand te bewaren ten opzichte van
deze fascistoïde of ronduit fascistische partij. Het heeft me altijd
passender geleken die term te gebruiken dan te spreken over extreem rechts
omdat ik er, samen met Zeev Sternhell, van overtuigd ben dat dit type
politieke organisatie noch aan de linker- noch aan de rechterzijde toehoort,
of tegelijk aan de twee. Dat wordt aangetoond door de sociale spreiding van
zijn aanhang, wat de partij des te gevaarlijker maakt
(22).
De Walen hebben zich
een monolithisch beeld gevormd van Vlaanderen en keren Filip Dewinter, Frank
Van Hecke en Ludo Abicht over één kam. Met opzet teken ik het beeld op die
manier door de naam van deze grote linkse intellectueel te noemen. Dat is
immers de manier waarop de Walen Vlaanderen beschouwen: sterk aangetast door
het fascisme.
Ik weet wel dat dit
geen redelijk beeld is en dat Vlaanderen meerde facetten heeft. Ik weet ook
wel welke inspanningen er worden geleverd om het Vlaams Blok in te dijken.
Maar ik ben ervan overtuigd dat het beeld dat Vlaanderen van zichzelf geeft,
het resultaat is van een gebrek aan klaarheid in zijn verbintenissen en meer
in het bijzonder van die van de Vlaamse beweging ten opzichte van het Vlaams
Blok.
Daarom heb ik op 25
november 1998, in naam van het Institut Jules Destrée, een dringende oproep
gericht aan het Overlegcentrum van Vlaamse Verenigingen (OVV) en aan de
Vlaamse beweging in het algemeen om alle dubbelzinnigheid op te heffen over
de verhoudingen met het Vlaams Blok en de proto-fascistische thesen van deze
partij (23). Zoals ik trouwens op 3 december geschreven
heb aan Bernard Desmet, lijkt het Masereelfonds me, ideologisch en
historisch gezien, het best geplaatst om dit onderscheid en deze
distanciëring van de Vlaamse beweging ten opzichte van een fasciserende
partij te bewerkstelligen.
Om mijn voorstellen zo
helder mogelijk te houden en ze voor eenieder toegankelijk te maken, wil ik
er nog aan toevoegen dat het niet mijn bedoeling is iemand de les te lezen.
Dat is me al eerder verweten in Wallonië zelf binnen de Waalse politiek. Ik
blijf er immers van overtuigd, zoals dat reeds in 1994 het geval was, dat de
fascistische jeuk die momenteel Vlaanderen teistert geen specifiek Vlaamse
aandoening is: het volstaat een blik te werpen op de electorale kaart van
Europa. In een interview dat Filip Rogiers, journalist van De Morgen,
in oktober 1994 van me heeft afgenomen, onderstreepte ik het feit dat
Wallonië op dat niveau zeker geen eiland is (24).
Daar ben ik nog altijd van overtuigd. Net zoals ik ervan overtuigd ben dat
Wallonië, niet meer dan om het even wie - zelfs niet zij die er het grootste
slachtoffer van zijn geweest - voor het fascisme immuun is.
Ik wil niet te veel
inspelen op de actualiteit van het wetsontwerp over het stopzetten van
openbare toelagen aan antidemocratische partijen. Toch wil ik even kwijt dat
ik er, samen met Alain Finkelkraut en tegen Pierre Bourdieu in, heilig van
overtuigd ben dat een antifascistisch beleid niet op antifascisme mag
steunen. Ik bedoel daarmee dat een soort manicheïsme van allen tegen één
idee, hoe afzichtelijk ook, geen zoden aan de dijk zet. Dat heeft het
stalinisme ons ten minste geleerd. Het beleid dat we willen, moeten we op
een positieve wijze opbouwen. We moeten het verkapte rexisme, zoals Marcel
Thiry het noemde, uit de weg gaan. We moeten geen pogingen ondernemen om een
politiek van verschroeide aarde op het eigen terrein van het fascisme te
voeren. Integendeel. In plaats van de meest egoïstische reflexen van onze
samenleving mooi te praten, moeten we een beleid voeren dat overeenstemt met
onze verzuchtingen en onze drang naar openheid en humanisme: een echt
sociaal beleid dat de uitgeslotenen weer opneemt in de samenleving, een
beleid dat de papierlozen als onze gasten beschouwt, een beleid dat onze
gasten, al dan niet afkomstig uit de Europese Unie, als volwaardige
medeburgers beschouwt.
Laat ons daarom
ophouden aan de normen van onze democratie te prutsen om die te gebruiken
als hefboom tegen democratisch verkozen volksvertegenwoordigers. Die moeten
we wel overwinnen, maar niet door de staat voor eigen profijt te gebruiken.
We moeten wel hun rampzalig gedachtengoed op het politieke terrein
ontzenuwen. Het absenteïsme van onze verkozenen en hun onvoorbereidheid in
het parlement ondermijnen de democratie meer dan de aanwezigheid van een
aantal Blokkers, hoe strijdlustig die ook mogen zijn. Bovendien is de vrees
niet ongegrond dat de lapmiddelen waarmee getracht moet worden een
parlementaire partij de toegang tot de openbare gebouwen te ontzeggen, ooit
zelf tegen de democratie gekeerd kunnen worden!
Onze strijd tegen het
Front National en het Vlaams Blok moet dag aan dag gevoerd worden, op een
democratische, stevige, wettelijk onaanvechtbare wijze, wars van elke
kortzichtige of bekrompen houding. Zoals professor Marc Swyngedouw zei:
wanneer het Vlaams Blok stemmen verliest, maakt het kans uit elkaar te
spatten (25).
1.3 Brussel, de
derde dief
Mijn derde opmerking is
even kort als belangrijk. Het betreft de dialoog tussen Vlamingen en Walen
over de kwestie Brussel. Die gedachte schijnt me welgekomen omdat het er wel
degelijk om gaat het probleem ten gronde te kunnen onderzoeken. Daarom zeg
ik duidelijk dat we hier niet zijn samengekomen om het filosofische stramien
uit te tekenen van een Waals-Vlaams Yalta over de hoofdstad van Europa.
Tijdens zijn beruchte
rondreis door Wallonië in 1990, maakte Hugo Schiltz kennis met de kracht van
de Waalse identiteit. Ik herinner me nog het enthousiasme waarmee hij een
debat met zijn Waalse gesprekspartners aanging. Op een gegeven ogenblik
echter was Hugo Schiltz van oordeel dat Brussel niet moest proberen om de
derde dief te spelen naast Vlaanderen en Wallonië. Welnu, hoe men het ook
draait of keert, Brussel is wel degelijk de derde dief, het is een realiteit
die vastgelegd is in wetteksten. De Walen willen geen tweekoppig maar een
driekoppig België. In Brussel zal er niets ondernomen worden zonder inspraak
van de Brusselaars die, in tegenstelling tot wat zich in 1980 heeft
voorgedaan, niet meer zullen aanvaarden om een tijdje in de koelkast gestopt
te worden. Een parlement stop je niet in een koelkast.

2. Brussel, een
no man’s land voor Vlamingen en Walen
In een recente bijdrage
voor het tijdschrift "Politique", kreeg ik de gelegenheid om een
vraag aan te snijden die me vandaag opnieuw wordt gesteld over een statuut
voor Brussel op politiek, zoniet filosofisch niveau. Eerst wil ik deze
analyse even herhalen vooraleer mijn overwegingen ook tot de instellingen
uit te breiden (26) .
De tekst had ik de
titel gegeven "Bruxelles: oser être métis". Daarmee verwees ik naar
een verwijt dat Jules Destrée herhaaldelijk werd gemaakt. In navolging van
Albert Mockel had deze de Brusselaars "métis" (mestiezen) genoemd. Ze
konden immers niet beslissen Vlaming of Waal te zijn en verkozen van beide
walletjes te eten. Er wordt overvloedig verwezen naar "Lettre au Roi"
van 1912, of naar "Wallons et Flamands" van 1923, maar men vergeet
dat Destrée ten tijde van de eerste tekst in de hoofdstad van het koninkrijk
werkte en dat hij er ten tijde van de tweede woonachtig was ... en dat bleef
tot zijn dood in 1936. De roemrijke paparazzi die het op de
volksvertegenwoordiger van Charleroi gemunt hebben, vergeten steevast de
conclusies die Jules Destrée in 1924 trok op het einde van het hoofdstuk
over dit onderwerp:
Ainsi,
Bruxelles, dont la prospérité est magnifique, devient pour les idées, ce
que sa situation géographique indiquait, un centre du monde, un point de
contact des grandes civilisations du siècle. (...) La cité des métis
devient de cette façon l’ardent foyer d’une civilisation européenne,
c’est un rôle assez beau pour que nous puissions beaucoup lui pardonner
(27).
De toekomst van Brussel
schijnen we dan ook vanuit een andere hoek te moeten benaderen. We dienen
het geheel van de Brusselse bevolking te beschouwen als afstammelingen van
immigranten, ook het Waalse deel ervan. Dat Waalse deel heeft in de derde of
vierde generatie een klassieke integratie ondergaan waardoor het Brusselse
Belgen of Franstalige Brusselaars werden. Dit integratiemechanisme werd
trouwens in de hand gewerkt door het schouwspel van een aftakelend Wallonië
waarmee niemand zich vanuit sociaal standpunt nog graag identificeerde.
Daarbij is onlangs nog de voor Brusselaars onbegrijpelijke keuze gekomen van
Namen als hoofdstad van Wallonië. Eén van mijn Franstalige Brusselse
vrienden wond er geen doekjes om. Hij noemde het idee van een parlement
régional à Namur ridicule (28). Persoonlijk ben ik nochtans altijd de mening
toegedaan geweest dat in deze wereld alles ridicuul kan zijn, maar dat
democratisch, rechtstreeks en afzonderlijk verkozen parlementen dat nooit
zijn.
Wat geldt voor de Walen
van Brussel, geldt ook voor alle bevolkingsgroepen die er wonen, en die zijn
momenteel heel talrijk en heel uiteenlopend. Wat de identiteit betreft, is
de grootste vooruitgang in Brussel zeker geboekt door de identiteit van het
Brusselse gewest, met inbegrip van - de Heer Van den Brande ten spijt - de
Brusselse identiteit van de Brusselse Vlamingen. Ik hoop dan ook dat er een
sterke gewestelijke politieke Brusselse identiteit opgebouwd - optimisten
kunnen het over "aanscherpen" hebben - kan worden voor een pluriculturele
samenleving die de culturele mogelijkheden en ervaringen van die
bevolkingsgroepen kan valoriseren. De grensstad kan dan abstractie maken van
de "Gordel", waardoor ze geobsedeerd wordt, en kan afstand nemen van de
corridor van Danzig naar Wallonië die door het Zoniënwoud voert. Brussel,
een plek met meervoudige identiteiten, zou op die manier, als hoofdstad van
Europa, de waarden en projecten kunnen vertegenwoordigen van zij die haar
gevormd hebben tot wat ze is: Vlamingen, Marokkanen, Turken, Grieken,
Duitsers, Fransen, Italianen, Walen enz.
Om dat te bereiken, is
het nochtans noordzakelijk de algemene dynamiek te wijzigen die het conflict
rond het Brusselse vraagstuk veroorzaakt.
Die wijziging
veronderstelt dat Vlamingen, Brusselaars en Walen een minimum aan bereidheid
aan de dag leggen om samen te leven in een federale of confederale staat.
Mag ik zo vrij zijn te onderstrepen dat die wil tot samenleven tussen
Vlamingen, Brusselaars en Walen niet vaststaat noch bewezen is.
Uit optimisme en uit
federalistische overtuiging opteer ik voor die bereidheid. Ik denk dat het
probleem Brussel slechts opgelost kan worden wanneer afstand wordt genomen
van het confrontatieklimaat dat heerst tussen de Vlaamse en Franstalige
gemeenschappen.
Die
confrontatiegedachte blijkt al uit de term "communauté" (gemeenschap)
zelf. Het is een beladen en ouderwets begrip dat afkomstig is van het recht
des bloeds (jus sanguinis) waar zelfs de Duitsers afkerig van geworden zijn.
Dit familiale, etnische recht, gebaseerd op taal en cultuur, is in België
onophoudelijk een bron van onbegrip gebleken. Aan Vlaamse zijde klinkt al te
gemakkelijk de stelling: "taal is gansch het volk". Met een minimum aan
rechtlijnigheid zou die positie ons respectievelijk de aanhechting bij
Nederland en Frankrijk moeten opleveren.
Franstaligen en Walen
kennen de Vlamingen dan weer een "recht van de bodem" toe terwijl ze zelf
beslag leggen op het "volkenrecht". In werkelijkheid werkt de eerste
rechtsvorm bevrijdend voor het individu want aan het territorium, opgezet
als een democratische ruimte, worden rechten toegekend aan diegenen die er
leven, zo mogelijk zonder discriminatie. Jules Destrée vergiste zich toen
hij de Vlamingen misprijzend het "recht van de bodem" aanwreef toen hij het
beeld opriep van de lijfeigene die aan de grond van zijn heer verbonden is
(29)
.
Het federale België
moet vandaag worden opgebouwd op een regionalisme van het staatsburgerschap.
We moeten uitgaan van de grondwettelijke burgerzin waar Jürgen Habermas
zoveel van houdt, waarbij gesteld wordt dat de gemeenschap, zoals Dominique
Schnapper het onderstreept, in een afgebakende ruimte leeft. Net zoals een
Texaan een bewoner van Texas is, is een Vlaming een inwoner van Vlaanderen
... en een inwoner van Brussel is in de eerste plaats een Brusselaar.

3. Vier redelijke
herpositioneringen
Dit nieuwe paradigma
voor België impliceert vier redelijke herpositioneringen:
3.1. De Franstaligen
moeten verzaken aan de Franse Gemeenschap die, in tegenstelling tot wat haar
pleitbezorgers ook mogen beweren, de Brusselaars niet beschermt tegen de
Vlaamse invloed - de vervlaamsing of
flamandisation zoals de Franstaligen zouden zeggen. Het werkt die
vervlaamsing precies in de hand door een concurrentie uit te lokken tussen
de twee gemeenschappen op het grondgebied van Brussel. Naast het feit dat
zo’n confrontatie duur is, is zij volslagen nutteloos en steriel.
3.2. De Vlamingen
moeten een echt Vlaams Gewest oprichten, zoals de Walen dat met Wallonië
hebben gedaan, met Antwerpen als hoofdstad. Deze stad moeten ze heroveren op
het Vlaams Blok. Zoals ik dat in augustus 1995 al had gesuggereerd, zouden
de Vlamingen, vóór het te laat is, in heel Vlaanderen politieke,
administratieve en dienstenverlenende bevolkingsgroepen moeten mobiliseren,
om van het Vlaams Blok een stad terug te eisen die ooit een centrum van
cultuur en verlichting was en die weldra het Toulon van het noorden dreigt
te worden (30). Als ik bovendien de kaart mag geloven die
De Standaard heeft verspreid met de tien technologische valleien
aangestipt door de diensten van Minister-President Van den Brande, dan
schijnt voor Brussel geen bijzondere rol weggelegd in de ontwikkeling van
het moderne Vlaanderen(31).
3.3. De Brusselaars
moeten een heus staatsburgerschap voor zogenaamde "mestiezen" bevorderen,
d.w.z. een gemengde samenleving waarin iedereen thuishoort. Ze moeten
verzaken aan het leiderschap over België door economische allianties met de
ene en culturele solidariteit met de andere. De Brusselaars moeten hun
Europese en internationale roeping waarmaken en vrank hun rol van brug met
Vlaanderen én Wallonië blijven spelen. Zonder buitenmatige passies moeten ze
er ook naar streven de specifieke statuten van hun stad, terwijl ze
hoofdstad van Europa is, te vrijwaren met behoud van de regionale
instellingen. De idee van een Europees statuut wordt slechts als onwaardig
of zelfs schandalig afgedaan, voor zover het van de Vlaming Louis Tobback
afkomstig is, maar er wordt met waardering over gekeuveld als de Waal Michel
Quévit (32)
of de Franstalige Brusselaars Fenaud Denuit et Pierre Effratas ermee komen
aandraven. Of zoals de schrijver en inwoner van Brussel het schreef :
Bruxelles ne serait plus la capitale d’un Etat divisé, mais la ville de
plusieurs centaines de millions d’Européens (33).
In ieder geval wraken
we de overweging van een Vlaams-Waals voogdijschap over Brussel. De
motivering van het project van Michel Quévit schijnt me volkomen pertinent
te zijn. Het zou de Brusselaars de gelegenheid bieden om gérer de manière
autonome leur spécificité propre, à savoir:
- les relations économiques que
Bruxelles entretient avec la Flandre et la Wallonie;
- la spécificité du développement
urbain;
- l’intégration harmonieuse des
Bruxellois de langue néerlandophone dans son tissu sociologique, notamment
en garantissant le droit de ses minorités
(34).
Met Michel Quévit, maar
ook Robert Tollet en Robert Deschamps, kunnen we er twee aanvullende
argumenten aan toevoegen om ervoor te zorgen dat Brussel over dezelfde
instellingen, dezelfde bevoegdheden en dezelfde middelen zou beschikken als
de twee andere gewesten:
- de eigen culturele specificiteit die
noch met het Vlaamse, noch met het Waalse gewest geassimileerd kan worden;
- de internationale aard die
gevaloriseerd moet worden en die moet bijdragen tot de ontwikkeling van de
andere gewesten van het land (35).
3.4. De Walen moeten
hun verantwoordelijkheid opnemen voor de economische toestand waarin ze zich
bevinden en meer op zichzelf rekenen dan op gedwongen solidariteit. Onder
hen moeten ze het project met de grootste gemene deler creëren en niet de
consensus van het kleinste gemeen veelvoud. Al heel lang zeg ik, in eigen
naam, dat wanneer men grenzen trekt, men moet kunnen aanvaarden dat de
politiek, maar ook de levensstandaard aan de twee kanten van de grens
verschillend is. Het lijkt me normaal dat er een verschil in economische
ontwikkeling of fiscaliteit bestaat in de twee gewesten. Uiteraard moet er
via globale onderhandelingen gewerkt worden: als de sociale zekerheid
geregionaliseerd wordt, dan dient ook de openbare schuld verdeeld te worden,
volgens af te spreken verhoudingen (36).
In een federalisme met
vier gewesten zouden ook de Duitstaligen, zoals Robert Collignon het al zo
vaak heeft herhaald, de regionale bevoegdheden kunnen uitoefenen die ze
graag op zich zouden nemen.
Vier gewesten die
gelijk zijn in rechten, zonder strategieën van bijzondere bondgenootschappen
of confrontaties, zouden het mogelijk maken de spanningen weg te nemen die
sinds het begin van de staatshervorming op het politieke landschap drukken.
Brussel als no man’s land voor Vlamingen, Walen en twistzieke
Franstaligen, zou zich eindelijk kunnen toeleggen op zijn functie van
koppelteken tussen iedereen, op Belgisch niveau, maar ook op Europees en
zelfs intercontinentaal niveau.
De vooruitzichten van
Vlamingen en Franstaligen en Walen in hun beweging voor staatsburgerschap
zullen niet langer die zijn van een strijd voor de verovering van een
hypothetisch Jeruzalem. Voor de samenleving wordt het de bereidheid om
niemand uit te sluiten, ongeacht taal, oorsprong en nationaliteit. Dat is in
ieder geval de les die we hadden kunnen trekken uit de rechten van de mens,
die van 1789 en die van 1948, waaraan heel de wereld dezer dagen hulde
brengt.
Ik kan me niet
inbeelden dat de datum van deze ontmoeting op 10 december een zuiver toeval
is geweest.

(21) Marc DEBUISSON, Thierry EGGERICKX, Michel POULAIN,
Perspectives démographiques de la Wallonie, 1995-2050, in Tendances
économiques, Analyses et prévisions conjoncturelles, n° 12, Avril 1997,
2ème partie, p. 7.
(22) Zeev STERNHELL, Ni droite, ni gauche, L'idéologie fasciste en
France, Paris, Seuil, 1983. - Philippe DESTATTE, Socialisme national
et nationalisme social, Deux dimensions essentielles de l'enseignement du
national-socialisme, in Cahiers de Clio, 93/94, p. 13-70,
Université de Liège, 1988.
(23) Communiqué de presse, Un appel pressant de l'Institut Jules
Destrée à l'OVV : pour que 1999 ne constitue pas le troisième piège dans
lequel sombrerait le mouvement flamand, Namur, Institut Jules Destrée,
25 novembre 1998, 2 p.
(24) Philippe Destatte : "Wallonië geen eiland", in De Morgen,
11 octobre 1994.
(25) Il faut mener une politique plus agressive contre le Blok,
in La Libre Belgique, 10 décembre 1998, p. 2.
(26) Philippe DESTATTE, Bruxelles : oser être métis, in
Politique, Octobre-novembre 1998, p. 40-42.
(27) Jules DESTREE, Wallons et Flamands, La querelle linguistique en
Belgique, p. 333, Paris, Plon, 1923.
(28) Emmanuelle JOWA, Cultiver ses racines wallonnes à Bruxelles,
in Le Matin, 18 septembre 1998, p. 6 [Interview van Jean Bourdon].
(29) C'est là une conception du passé, une idée du Moyen Age. Jadis le
serf était attaché à la glèbe. Aujourd'hui la personnalité humaine
s'émancipe du sol où elle est née; elle se conçoit supérieure au territoire
et libre de déterminer les directions de son activité. Le lien à un
territoire est un reste de servitude. Le régionalisme flamand est un
régionalisme attardé et d'esclavage; tandis que le mien est moderne et de
liberté. La question des langues à l'armée, Séance du 22 mai 1913, in Jules
DESTREE, Discours parlementaires, p. 657, Bruxelles, Lamertin, 1914. - ook :
Hervé HASQUIN, Bruxelles, ville-frontière, le point de vue d'un historien
francophone, in Joël KOTEK, e.a. , L'Europe et ses villes frontières,
p. 213-214, Bruxelles, Complexe, 1996.- V.d.W., Beaufays (ULg) : "Le
droit du sol, une notion inerte", in La Libre Belgique, 5 février
1998, p. 3.
(30) Philippe DESTATTE, Pratique de la Citoyenneté et identités,
Rapport de synthèse, dans Pratique de la Citoyenneté et identités,
Treizième conférence des Peuples de Lanque française, Liège, 13, 14 et 15
juillet 1995, Actes, p. 179, Charleroi, Centre René Lévesque, 1996.
(31) Isabel ALBERS, De tien valleitjes volgens Van den Brande, in
De Standaard, 8 décembre 1998, p. 15.
(32) Michel QUEVIT, Une confédération belge : Solution
institutionnelle équitable pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles,
dans Res publica, n°3, 1984, p. 352-361.
(33) Pierre EFRATAS, Pour Bruxelles, une ville libre à vocation
européenne, in La Libre Belgique, 29-30 novembre 1997, p. 15.
(34) Michel QUEVIT, op. cit, p. 361.
(35) Robert DESCHAMPS, Michel QUEVIT, Robert TOLLET, Vers une réforme
de type confédéral de l'Etat belge dans le cadre du maintien de l'unité
monétaire, in Wallonie 84, Liège, CESW, 2, n° 62, p. 95-111.
(36) Filip ROGIERS, Waalse beweging laakt "konstant njet" van PS,
[Interview van Philippe Destatte], in
De Morgen, 8 août 1996, p. 5.
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