L'initiative
communautaire INTERREG
Les initiatives
communautaires sont un des instruments de la politique structurelle européenne.
Treize programmes spécifiques sont en effet proposés par la Commission
européenne à ses Etats membres pour soutenir des actions qui contribuent à
résoudre des problèmes ayant une incidence particulière au niveau européen.
Citons par exemple la reconversion de bassins charbonniers et sidérurgiques
(initiatives RECHAR et RESIDER), la reconversion de zones fortement dépendantes
du textile (RETEX), ou le renforcement des liens transfrontaliers (INTERREG).
Ces actions interviennent en complément des objectifs de développement (objectif
1, objectif 2, etc.) qui ont été définis par l'Union européenne dans le cadre de
sa politique de renforcement de la cohésion économique et sociale des Etats
membres de l'Union.
Pourquoi une initiative communautaire spécifique à la coopération
transfrontalière ?
Les régions frontalières
de l'Union européenne occupent 15% de son territoire et représentent 10% de sa
population. Ces régions sont bien souvent hétérogènes en termes de densité de
population et de développement économique. On peut cependant remarquer que le
taux de chômage y est généralement supérieur aux autres régions du pays tandis
que les revenus par tête d'habitant sont, eux, généralement inférieurs.
La Commission a, dès
lors, décidé, en 1990, de lancer une initiative spéciale pour promouvoir le
développement économique de ces régions et les aider à tirer profit au mieux de
l'intégration européenne. C'est l'initiative communautaire INTERREG. Une des
particularités de l'initiative INTERREG est que le budget n'est pas alloué aux
Etats membres mais bien aux différentes frontières qui les séparent, ce qui
oblige les gouvernements nationaux ou régionaux à travailler en partenariat lors
de l'élaboration même des programmes transmis à la Commission.

Zones éligibles
Toutes les régions
frontalières internes et externes de l'Union sont éligibles à INTERREG.
Certaines zones éligibles à INTERREG comportent en outre des parties qui ont été
reconnues éligibles à l'un ou l'autre des objectifs de développement. En Région
wallonne, durant INTERREG I, certaines zones étaient éligibles à l'objectif 2,
d'autres à l'objectif 5B. La Commission, suivant une logique de concentration
des fonds, a attribué le plus de moyens aux frontières bordant ces zones. Une
nouveauté importante en ce qui concerne INTERREG II en Région wallonne a été
l'éligibilité du Hainaut à l'Objectif 1, qui a entraîné une augmentation
importante des fonds accordés à sa frontière commune avec la France. Toutefois,
les zones frontalières n'étant pas éligibles à l'un de ces objectifs de
développement peuvent bénéficier d'une aide communautaire au titre de l'article
10 du règlement du FEDER, qui prévoit une intervention communautaire pour les
projets qui présentent un caractère original ou novateur, notamment en matière
de coopération transfrontalière. Le niveau de délimitation administrative retenu
pour cette action est le NUTS III (1), qui
correspond en Belgique aux arrondissements. Certaines zones adjacentes aux zones
frontalières peuvent également bénéficier d'INTERREG dans la mesure où ces
actions impliquent un niveau élevé de coopération transfrontalière et ne
mobilisent pas, en règle générale, plus de 20% de la dépense totale du programme
concerné.
INTERREG est un programme
qui peut bénéficier des différents fonds structurels, en Région wallonne, les
programmes font appel tant au FEDER (Fonds européen de Développement régional),
au FSE (Fonds social européen) qu'au FEOGA (Fonds européen d'Orientation et de
Garantie agricole).
Il faut enfin souligner
qu'INTERREG a souvent permis la formalisation de coopérations pré-existantes,
elles-mêmes parfois financièrement soutenues par l'Union européenne.
Objectifs
principaux poursuivis par INTERREG (2)
-
aider les zones
frontalières intérieures et extérieures de l'Union européenne à surmonter
les problèmes spécifiques en matière de développement découlant de leur
isolement relatif, dans les économies nationales et dans l'Union européenne
dans son ensemble; dans l'intérêt des populations locales et d'une manière
compatible avec la protection de l'environnement;
-
encourager la
création et le développement de réseaux de coopération de part et d'autre
des frontières intérieures et, le cas échéant, l'établissement de liens
entre ces réseaux et de plus vastes réseaux communautaires, dans le cadre de
l'achèvement du marché intérieur de 1992;
-
favoriser
l'adaptation des zones frontalières extérieures à leur nouveau rôle de zones
frontalières d'un seul marché intégré.
Types d'actions
éligibles dans le cadre de cette initiative :
-
la programmation et
la mise en oeuvre conjointes de programmes transfrontaliers (des exemples
concernant la Région wallonne seront évoqués dans ce présent document);
-
l'introduction de
mesures visant à améliorer les flux d'information de part et d'autre des
frontières et entre les régions frontalières, entre institutions publiques,
organisations privées et organismes volontaires à l'intérieur des zones
concernées;
-
la mise en place de
structures institutionnelles et administratives communes pour soutenir et
encourager la coopération.
Les programmes mis en
oeuvre tendent donc à développer les synergies entre opérateurs économiques,
technologiques, scientifiques et industriels. Mais ils connaissent aussi de
nombreuses applications touchant à la vie des personnes : protection de
l'environnement, aménagement du territoire, tourisme, insertion sociale,
transports,...

INTERREG I en Europe
Depuis 1991, trente et un
programmes ont été approuvés par la Commission, impliquant une contribution
financière communautaire de 1.034 millions d'Ecus pour une période de
programmation s'étendant de 1991 à 1993 (3).
Parmi les pays ayant le plus profité de cette initiative, citons la France, qui
a participé à treize programmes, suivie de l'Allemagne (douze programmes), des
Pays-Bas et de la Belgique (sept programmes), de l'Italie (cinq programmes). Le
Royaume-Uni, le Luxembourg et l'Espagne n'ont participé qu'à deux programmes,
tandis que la Grèce, l'Autriche, le Portugal et l'Irlande n'ont participé eux
qu'à un programme INTERREG.
La Commission a publié,
le 30 juillet 1994, la communication relative à INTERREG II. La période de
programmation a été doublée, elle est maintenant de six ans. J'y reviendrai à la
conclusion de ce document.
Participation de la Région wallonne à INTERREG I
La Wallonie a l'avantage
de disposer de frontières communes avec quatre autres pays de l'Union
européenne : la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. La Région
wallonne a souhaité mettre à profit cette situation géographique privilégiée.
Quatre programmes de coopération transfrontalière ont donc été présentés à la
Commission.
Dans les lignes qui
suivent, je vais brièvement présenter ces différents programmes et développer
certains projets particulièrement significatifs qu'ils ont permis de mettre en
oeuvre. Un retour en arrière sera également effectué afin de présenter l'état de
la coopération entre les différentes régions préalablement à la mise en place de
l'initiative INTERREG. On verra d'ailleurs qu'INTERREG a été largement
tributaire des coopérations pré-existantes, qu'elle a amplifiées et structurées,
mais que lorsqu'aucune habitude d'échange ou de coopération n'existait entre les
régions, le principal mérite d'INTERREG I aura été d'apprendre aux gens à se
connaître et de leur donner, nous l'espérons, l'envie de développer des projets
communs dans le cadre d'INTERREG II.
1. Programme
EUREGIO Meuse-Rhin (EMR)
Couverture géographique :
les provinces de Liège et du Limbourg en Belgique, la région d'Aachen et le Sud
Limbourg hollandais.
Budget global INTERREG I (4) :
49,94 mécus
Précurseur en la matière,
l'EMR a entamé la coopération transfrontalière dès 1976. Ces premiers échanges
ont conduit, en 1986, à l'établissement et à la publication d'un programme
d'action transfrontalier (PAT), réalisé en partie grâce au soutien financier de
l'Union européenne. Celui-ci servira d'ailleurs de base à l'élaboration du
programme déposé par les parties au titre d'INTERREG I, les thèmes principaux y
étant déjà abordés. Les objectifs du PAT visaient à réaliser la convergence
économique entre les régions : suppression des obstacles dus aux frontières,
amélioration de la position concurrentielle eurégionale, suppression des goulots
d'étranglement en matière d'infrastructure, préservation de l'environnement et
coordination des études urbanistiques.
Exemples de projets
mis en oeuvre dans le cadre de l'EMR :
Les partenaires ont
réalisé une large étude envisageant l'aménagement du territoire dans la zone de
l'Eurégio d'une manière globale. Le projet MHAL (Maatricht, Hasselt, Aachen,
Liège) a en effet permis de dégager de nombreuses pistes en matière
d'aménagement du territoire transfrontalier qui seront ensuite mises en pratique
dans le cadre d'INTERREG II ou des politiques nationales en la matière.
Divers projets ont été
mis en oeuvre dans le cadre du développement du parc naturel transfrontalier
Hautes-Fagnes - Eifel, telle l'adaptation et l'extension d'une série
d'équipements existants en faveur du "tourisme doux", ou l'entretien et
l'embellissement des haies de part et d'autre de la frontière belgo-allemande.
Bien que non privilégiées par la Commission dans le cadre d'INTERREG, certaines
infrastructures ont également été réalisées, ainsi par exemple l'extension d'une
station d'épuration sur le Geer en province de Liège.
Diverses mesures ont
également été prises en matière de transfert de technologies telles
l'organisation d'une bourse de technologie eurégionale, l'organisation de quatre
manifestations technologiques et la publication de brochures s'y référant.
De par la diversité des
partenaires, au nombre de cinq, la Région wallonne et la Communauté germanophone
n'ont pas participé à tous les projets mis en oeuvre dans le cadre de l'EMR,
contrairement à ce qui se fait dans la majorité des autres programmes bi ou
tri-partites.
Particularité de l'EMR
L'EMR est le seul
programme transfrontalier wallon doté d'une structure juridique propre, d'abord
Association de fait et maintenant Fondation de droit néerlandais. Il dispose
d'un bureau permanent localisé à Maastricht chargé du secrétariat, de la
coordination et de l'administration, etc. Il est important de signaler ici que
nos partenaires néerlandais sont partie prenante de sept programmes
transfrontaliers également appelés EUREGIOS et fonctionnant selon ce principe.
Remarquons cependant que la structure mise en place préalablement à
l'introduction d'INTERREG perdure, même si, dans certains cas, elle n'est plus
représentative de l'évolution des pouvoirs décisionnels. C'est ainsi que la
Fondation est présidée collégialement par le Commissaire de la reine de la
province du Limbourg néerlandais, les gouverneurs des provinces belges du
Limbourg et de Liège et le Regierungspräsident
de Cologne, alors que les décisions relatives à l'octroi des fonds INTERREG en
Région wallonne sont assumées par le gouvernement de cette dernière.
En juin 1992, la
Communauté germanophone de Belgique a fait son entrée dans les organes de l'Euregio
en tant que cinquième partenaire, prenant ainsi une certaine indépendance
institutionnelle par rapport à la Région wallonne dont elle fait pourtant
partie. Le ministre-président de la Communauté germanophone est d'ailleurs le
seul ministre intervenant dans le programme INTERREG à siéger au Comité
directeur de la Fondation.
L'Euregio poursuit en
outre sa structuration en parallèle de l'évolution d'Interreg. C'est ainsi qu'un
Conseil provincial eurégional a été constitué en 1994.

2. Le Pôle
européen de Développement (PED)
Qualifié par Jacques
Delors de Laboratoire au millième de l'Europe, il est impossible
d'aborder le sujet de la coopération transfrontalière en Wallonie sans parler du
Pôle européen de Développement. Celui-ci a cependant été créé bien avant
l'initiative communautaire INTERREG.
Les actions entreprises
dès 1985 avaient un objectif prioritaire : répondre à un problème crucial qui
frappait en même temps les bassins sidérurgiques de Longwy (France), Athus
(Belgique) et Rodange (Luxembourg), à savoir la perte de près de 30.000 emplois.
Des aides européennes très importantes ont dès lors été attribuées à cette
petite zone frontalière tandis que les trois Etats membres adoptaient une
déclaration commune, se fixant le but de créer 8.000 emplois en 10 ans. Divers
projets ont été adoptés dans ce but, projets qui ont évolué en parallèle avec
l'évolution des dispositifs mis en place par la Commission (Programmes nationaux
d'intérêt communautaire, programmes opérationnels d'Objectif 2 et, en 1990,
programme opérationnel INTERREG I).
Couverture géographique :
les arrondissements d'Arlon, Neufchâteau, Virton et Bastogne en Belgique, les
cantons de Capellen et d'Esch sur Alzette au Luxembourg, la Meuse du Nord,
Longwy, Thionville et le bassin houiller en France.
Budget général INTERREG
I : 50,87 mécus.
Exemples de projets :
Centrés au départ
uniquement sur l'économique, par la création d'un Parc international
d'Activités : aides aux entreprises, assainissement de friches industrielles,
créations de halls-relais, formation...; ces projets se sont ensuite diversifiés
afin de mettre à profit les nouveaux types d'actions proposées par la
Commission. Je citerai ici divers exemples, dont certains ont toutefois été
initiés préalablement à INTERREG I.
Le collège européen de
technologies (CET). Ce collège, est organisé au départ de trois groupes
nationaux fédérés par une convention trilatérale. Ces groupes sont eux-mêmes des
fédérations d'organismes et d'institutions de formation, d'enseignement et de
recherche, qui sont opérateurs de projets initiés au sein du CET. L'équipe de
celui-ci intervient principalement en tant que catalyseur, intermédiaire entre
les différents acteurs, garant de l'homogénéité de la démarche. Depuis le début
d'INTERREG I, le CET forme environ 1.600 stagiaires par an.
Projet d'agglomération
transfrontalière : entrepris dans le cadre d'INTERREG I et poursuivi dans le
programme INTERREG II qui est pour l'instant examiné par la Commission
européenne, ce projet vise à réussir la greffe du Parc international d'Activités
dans une agglomération transfrontalière dynamique et attrayante par une
recomposition urbaine, sociale et économique simultanément. La difficulté
majeure tient à la triple organisation rencontrée sur le terrain, où chacun des
Etats dispose de bases démocratiques propres. Une large étude de l'aménagement
du territoire a été entreprise durant INTERREG I, portant sur les communes de
Longwy (F), Aubange et Musson (B), Differdange et Bascharage (L). En parallèle à
cette étude, certains projets concrets constituent déjà des jalons dans cette
voie, telle par exemple l'acquisition d'un équipement de sécurité (lutte contre
le feu), qui améliorera le réseau intégré déjà mis en place sur un plan
transfrontalier, surtout du point de vue des risques industriels.

3. Le Programme
PACTE (Wallonie / Nord-Pas-de-Calais)
Couverture géographique :
le programme PACTE couvre la province du Hainaut (à l'exception de
l'arrondissement de Soignies) et les arrondissements français de Lille, Roubaix,
Tourcoing, Valenciennes, Cambrai et Avesne (Nord-Pas-de-Calais).
Budget global INTERREG
I : 32 mécus
Ici aussi, la coopération
transfrontalière avait été initiée dès 1989, déjà avec le soutien de la
Commission. Sans s'être dotée d'une structure comme c'est le cas pour l'Euregio,
le programme "PACTE 89" avait cependant permis d'initier divers types d'actions
transfrontalières.
Exemples de projets :
Afin de travailler, au
niveau transfrontalier, en complémentarité avec ce qui se faisait dans le
programme d'objectif 2, un des accents du programme INTERREG a été mis sur le
soutien à la création et au développement économique et technologique des PME.
Dans ce cadre, l'un des projets vise la création d'un pôle de compétence
européen en matière de néo-céramique par le renforcement du potentiel de deux
centres de recherche existant de part et d'autre de la frontière regroupés au
sein d'un centre commun : le CETT CERAM. Cette intervention comporte plusieurs
volets qui vont de l'assistance technique directe aux PME-PMI sous forme
d'essais, de tests de produits, de résolution de problèmes techniques, à la mise
à disposition des entreprises d'un laboratoire d'analyses multiples utilisant
les compétences et le matériel des deux institutions transfrontalières, le
transfert technologique par la formation spécifique du personnel des
entreprises. Une opération similaire a d'ailleurs été menée dans le secteur du
bois.
Un bureau de
rapprochement des entreprises (BDTE) a été créé. Son objectif est d'offrir une
assistance aux entreprises et aux chefs de petites entreprises par
l'accomplissement, pour leur compte, de l'ensemble des formalités nécessaires à
l'exercice de leur profession de part et d'autre de la frontière, de proposer
des séances de formation et d'information sur les marchés transfrontaliers...
D'autres projets sont
également mis en oeuvre, tels par exemple la création d'un parc naturel
transfrontalier entre la plaine de la Scarpe et de l'Escaut et le Sud Hainaut
occidental, (supports de communication, animations coordonnées sur le tourisme
fluvial, mise en valeur du patrimoine). Dans le domaine touristique, on peut
encore citer la réalisation d'un programme pluriannuel d'actions de valorisation
économique et touristique des sites situés le long de la voie dite "Brunehaut"
sur base de diverses actions : création d'une cellule d'assistance technique au
développement du potentiel local, développement de services touristiques
transfrontaliers, etc.
4. Le programme
Wallonie-Champagne-Ardennes
Couverture géographique :
les arrondissements de Charleroi, Thuin, Namur, Philippeville, Dinant, Virton,
Neufchâteau en Belgique et le département des Ardennes françaises.
Budget global INTERREG
I : 14,7 mécus
Le programme
Wallonie-Champagne-Ardennes a été le plus difficile à mettre en oeuvre. En
effet, aucune communication n'existait entre les populations de part et d'autre
de la frontière. Celles-ci ont toujours vécu dos à dos, notamment à cause de la
bande forestière qui les sépare. Au niveau institutionnel également, les
contacts qui ont été pris lors de la mise en oeuvre de programme étaient, en
général, de premiers contacts entre institutions qui ne se connaissaient pas.
Dès lors, le seul fait que la mise en oeuvre du programme ait initié un
processus de relations et de coopérations jusque là inexistantes peut déjà être
considéré comme un point positif. Le programme INTERREG I a dû apprendre aux
populations à se connaître.
Exemples de projets :
Quatre études ont été
réalisées concernant les flux de transport de part et d'autre de la frontière.
L'une d'entre elles a notamment permis de déterminer un "effet frontière" de
l'ordre de 25 à 50 kilomètres selon que l'on traverse la frontière
occasionnellement ou régulièrement. Cette étude prouve donc bien un certain
degré d'imperméabilité de la frontière et le cantonnement des populations
locales sur leurs versants respectifs alors qu'elles pourraient profiter de
services de proximité beaucoup plus proches de leurs domiciles, en traversant la
frontière.
Mais ce programme a
également permis des réalisations concrètes, notamment en termes de
développement des ressources humaines. La gamme des formations transfrontalières
élaborées dans le cadre de ce programme s'étendait des formations classiques (ardoisiers-couvreurs)
jusqu'aux formations de pointe (formation aux outils de recherche en matériaux
nouveaux) en passant par des formations mettant en valeur les ressources de la
zone (formation en "travaux de la forêt"). De part les particularités de la
zone, ces formations qui répondaient à des besoins réels, ont connu un grand
succès et se sont caractérisées par un taux de placement particulièrement élevé
des stagiaires à l'issue de leur formation.
La zone transfrontalière
compte de nombreux atouts sur le plan des ressources naturelles et des richesses
patrimoniales. Un axe "tourisme" a dès lors été développé en axant la promotion
sur des pôles touristiques transfrontaliers homogènes ou sur des thèmes
spécifiques mettant en valeur les ressources potentielles. Citons par exemple la
création, en Wallonie, d'un centre d'hébergement et d'animation axé sur la
sensibilisation à la flore-faune, à la géologie, en collaboration avec des
activités du jour organisées par l'Office national de la Forêt en France, ou
encore la mise en place de dispositifs transfrontaliers de surveillance des eaux
de la Meuse et de ses affluents (laboratoire d'analyse, station de mesure...).
Nous touchons ici un point parfois ambigu qu'est la définition d'un projet
transfrontalier. Si la Commission préfère soutenir des projets disposant d'un
opérateur de chaque côté de la frontière, elle accepte cependant certains
projets localisés d'un seul côté, mais entraînant des retombées sur l'ensemble
de la zone visée.

Evaluation d'INTERREG I
Il est encore difficile,
à l'heure actuelle d'évaluer les retombées concrètes d'INTERREG I. En effet, de
par le délai entre la publication des textes relatifs à INTERREG I et les
décisions de la Commission relatives aux différents programmes (souvent plus
d'un an), peu de projets ont réellement disposé du laps de temps initialement
proposé. Certains opérateurs, préalablement sensibilisés, ont d'ailleurs
entièrement dû refaire leur projet. La majorité des projets n'a généralement
débuté qu'en 1994 et la plupart d'entre eux sont encore en cours.
La Région wallonne a
cependant demandé à un groupe interuniversitaire de consultants de réaliser une
évaluation intermédiaire des programmes INTERREG I PACTE et
Wallonie-Champagne-Ardennes pour disposer d'une première base lors de
l'élaboration des programmes INTERREG II. Celle-ci a permis de dégager les axes
à privilégier dans le cadre d'INTERREG II, et a fourni de nombreuses
recommandations quant à la gestion administrative de ce type de programme (5).
INTERREG II (1994-1999) par rapport à INTERREG I
La période de
programmation a été doublée, elle est maintenant de six ans. Il faut cependant
remarquer que la Commission n'a publié la Communication relative à INTERREG II
qu'à la fin du mois de juillet 94. Les diverses autorités parties prenantes du
programme ont ensuite dû élaborer leurs programmes communs. C'est ainsi que les
programmes wallons ont été déposés à la Commission en novembre 94 (EMR),
décembre 94 (programmes franco-wallons) et janvier 95 (PED). Nous avons reçu les
remarques de la Commission relatives à ces différents programmes (entre mars et
juillet 95), avons dû y répondre (en partenariat transfrontalier), et ne
disposons à l'heure actuelle que de la décision relative à l'EUREGIO. Compte
tenu du fait que, suite à l'approbation des programmes, les projets doivent
encore être sélectionnés par le Comité de suivi, on peut dire qu'INTERREG II
94-99 ne commencera, dans bien des cas, qu'en 1996.
De nouvelles mesures
éligibles ont été ajoutées, étendant encore le champ, déjà vaste, d'application
d'INTERREG. Celles-ci sont proposées dans des domaines tels que l'éducation, la
culture, la santé, les services multimédia, la formation linguistique et la
planification spatiale. Le budget affecté à INTERREG II pour l'ensemble des
zones frontalières de l'Union européenne se monte à 2.400 millions d'écus, dont
75% seront versés aux régions d'objectif 1 selon la logique de concentration des
fonds de la Commission.
La Région wallonne a
réintroduit quatre programmes de coopération transfrontalière, en prolongement
aux actions entamées dans INTERREG I. L'éligiblité des régions wallonnes aux
différents objectifs a été grandement modifiée entre INTERREG I et INTERREG II,
la province du Hainaut étant maintenant éligible à l'objectif 1. Ceci a entraîné
une grande disproportion dans la répartition des fonds attribués aux différentes
frontières wallonnes. C'est ainsi que la Région bénéficie d'un cofinancement
communautaire de près de deux milliards de francs belges, dont près de la moitié
est affectée au programme Hainaut - Nord-Pas-de-Calais, étendu maintenant à la
Picardie française.
La Région wallonne a
également tenu compte des priorités déterminées dans le cadre des programmes
d'objectif afin qu'INTERREG puisse agir en complément de ces derniers. Les
programmes ont également été adaptés aux caractéristiques de la zone, tant au
niveau de ses besoins (formation,...) que de ses potentialités (tourisme,
environnement).

Conclusion
La coopération
transfrontalière est certainement un bon révélateur de l'état d'avancement du
processus engagé par l'Union européenne. Elle facilite en effet des coopérations
préexistantes, les dotant de moyens financiers propres. Lorsqu'aucune
collaboration n'a été entamée préalablement, elle nous permet par contre
d'observer la difficulté de l'établissement de coopérations, surtout
institutionnelles et administratives, de part et d'autre des frontières. Il est
par contre réconfortant de constater que, même lors de nouvelles coopérations,
la volonté existe chez de nombreux opérateurs potentiels, de tenter cette
expérience de travail en commun.
Une des faiblesses de la
plupart des programmes transfrontaliers est de rarement aboutir à la création de
structures juridiques communes, ne serait-ce que pour la gestion de ces
programmes. Le fait est que le droit européen ne propose qu'un modèle, le
Groupement européen d'Intérêt économique, qui est difficilement accepté par
certains Etats membres, qui y voient une perte de leur contrôle, voire de leur
souveraineté nationale. C'est pourquoi le seul programme disposant d'une
structure juridique propre est le programme EUREGIO, de par la souplesse offerte
par le droit néerlandais. Dans ce sens également, il sera intéressant d'observer
les programmes déposés par les différents Etats membres dans le cadre d'INTERREG
II.
INTERREG peut être vu
comme un "laboratoire" qui permet indéniablement de dégager certaines pistes de
coopération et de travailler à la résolution de certains problèmes communs par
la réalisation de projets concrets dont j'ai cité quelques exemples.
INTERREG est cependant
tributaire de l'attitude de l'Etat membre par rapport au processus d'unification
entamé par l'Union européenne. En ce sens, l'engagement de la Région wallonne
dans le processus européen dès l'émergence de celui-ci et son rôle d'impulsion
dans certains domaines ne pouvaient que favoriser notre prise de conscience de
l'importance de la coopération transfrontalière, et donc motiver notre
participation à cette initiative communautaire.

Notes
(1)
NUTS : Nomenclature statistique des Unités territoriales, utilisée dans la
classification communautaire normalisée.
(2) JO n° C180 du 1.7.1994, p.35.
(3) Les actions entreprises pouvant se dérouler, selon
qu'elles émargent au FSE ou au FEDER, jusqu'à fin 1994 ou fin 1995.
(4) Ce budget comprend la contribution communautaire mais
aussi la contribution des Etats membres.
(5) Programmes opérationnels INTERREG PACTE et
Wallonie-Champagne-Ardennes, évaluation et prospective, SGP consultants,
novembre 1994.
Barbara Destrée, La
coopération transfrontalière, dans
La Wallonie, une région en Europe,
CIFE-IJD, 1997
