Préambule
Cette note a pour objet
de sensibiliser les participants du colloque des Pays d'Europe centrale et
orientale (PECO) aux enjeux de la mise en place d'une politique régionale en
particulier dans le cadre des Fonds structurels de l'Union européenne.
La note examinera
successivement :
-
les éléments de
genèse et les principaux déterminants de la politique régionale européenne;
-
les enjeux de la mise
en place d'une politique régionale pour les PECO;
-
quelques prérequis de
base pour la mise en place d'une politique régionale européenne.
Cette contribution
s'appuie sur les travaux réalisés par le Groupe de Recherche interdisciplinaire
en Développement régional de Louvain-la-Neuve et en particulier :
-
Leçons pour les
politiques de restructuration régionale des pays de l'OCDE pour les pays
d'Europe centrale et orientale, rapport général pour le compte de l'OCDE
réalisé par le professeur Michel Quévit (1992);
-
Valeur ajoutée et
ingénierie du développement local, contribution à la publication de la
Commission (1995);
-
Problématique des
Fonds structurels européens dans leur application pour la Région wallonne,
rapport réalisé pour le compte de l'Exécutif régional wallon (1993).
1. Emergence de la Politique régionale européenne
1.1. L'Acte unique
C'est par l'Acte unique
qu'est introduite implicitement en 1986 la politique régionale dans le Traité de
Rome. Jusque là seulement mentionnée dans le préambule, la cohésion économique
et sociale se voit octroyer un chapitre dans le texte du Traité.
Il y est clairement
indiqué que la cohésion économique et sociale de la Communauté doit passer par
la réduction de l'écart entre les diverses régions et le retard des régions les
moins favorisées (art. 130 A). Pour ce faire, l'Acte unique charge la
Commission de mettre en oeuvre une réforme des fonds à finalité structurelle
(art. 130 B).
Le FEDER entre, lui
aussi, dans le Traité en 1986. Il apparaît comme le principal artisan de la
correction des déséquilibres régionaux dans la Communauté par une participation
au développement et à l'ajustement structurel des régions en retard de
développement et à la reconversion des régions industrielles en déclin (art.
130 C). Ces deux objectifs sont donc prioritaires pour l'action des Fonds.
Le FEOGA - Orientation,
le FSE ainsi que la BEI et les autres instruments financiers de la CE doivent
également contribuer à la réalisation de ces buts dans une perspective de plus
grande coordination avec le FEDER (art. 130 D).
Signe de l'urgence, c'est
en février 1988 (soit quatre mois avant l'adoption du règlement-cadre de la
réforme des fonds structurels) que le Conseil européen décide de doubler en
termes réels et à échéance de 1993 les crédits d'engagement pour les Fonds
structurels.

1.2. Les objectifs et les principes de la réforme des Fonds structurels
1.2.1. Les objectifs de
la Réforme des Fonds structurels
Soucieuse d'allouer
efficacement ces nouvelles ressources financières, la Communauté européenne va
les définir dans le règlement - cadre de la réforme des Fonds structurels (1)
L'action structurelle de
la Communauté cherche à :
-
promouvoir le
développement et l'ajustement des régions en retard de développement
objectif n° 1;
-
reconvertir les
régions, régions frontalières ou parties de régions gravement affectées par
le déclin industriel : objectif n° 2;
-
combattre le chômage
de longue durée : objectif n°3;
-
faciliter l'insertion
professionnelle des jeunes : objectif n° 4;
-
dans le cadre de la
réforme de la politique agricole commune;
a. accélérer l'adaptation des structures agricoles : objectif 5 a;
b. promouvoir le développement des zones rurales : objectif 5 b.
Au contraire des
objectifs horizontaux (n° 3, 4 et 5a), les objectifs n° 1, 2 et 5b ne sont
poursuivis que dans un nombre limité de régions rendues éligibles en raison de
leur correspondance à certains critères socio-économiques. C'est pourquoi ces
objectifs seront dénommés, dans la suite, "régionalisés".

1.2.2. Les moyens de la
Réforme des Fonds structurels
Le FEDER contribue à la
réalisation des objectifs n° 1, 2 et 5b. Le FEOGA - orientation poursuit
essentiellement les objectifs 5a et 5b mais aussi l'objectif n° 1 en complément
du FEDER.
Le FSE, lui, intervient
horizontalement puisqu'il est appelé à soutenir la réalisation de tous les
objectifs, excepté le 5a.
En ce qui concerne les
moyens financiers, la focalisation sur les régions en retard de développement se
traduit par une concentration de 80% des crédits du FEDER sur l'objectif n°1.
La ventilation indicative
par objectif de l'ensemble des fonds confirme le cadre hiérarchique des
objectifs et l'importance, dans cette hiérarchie, de l'objectif n° 1 : pour la
période allant de 1989 à 1993, pas moins de 63,1% de l'ensemble des fonds (soit
37 milliards d'Ecus) lui sont consacrés.
1.3. Les principales missions des Fonds
1.3.1. Le FEDER
L'action du FEDER se
focalise, comme nous l'avons souligné plus haut, sur les trois objectifs
régionalisés mais plus particulièrement sur le développement des régions en
retard puisque 80% de ses crédits y sont consacrés (objectif n°1).
Restent respectivement
15% et 5% pour les objectifs n° 2 et 5b.
Le FEDER contribue au
soutien :
-
d'investissements
productifs;
-
de la création ou de
la modernisation d'infrastructures;
-
d'actions visant à
développer le potentiel endogène des régions concernées.
Il peut également
soutenir des projets pilotes de développement régional communautaire, en
particulier lorsqu'il s'agit d'expériences transfrontalières.

1.3.2. Le Fonds social
européen
Le Fonds social européen
(FSE) participe au financement des actions menées dans le cadre des objectifs
régionalisés quand ces actions visent la formation, l'aide à l'embauche et le
lancement d'activités indépendantes en faveur de chômeurs ou de travailleurs
menacés de chômage.
Dans le cadre de la
poursuite de objectifs n° 3 et 4, le Fonds social européen soutient
particulièrement les catégories de personnes suivantes :
Et ceci sur l'ensemble du
territoire communautaire : il n'existe pas d'éligibilité régionale à ces
objectifs.
1.3.3. Le FEOGA -
Orientation
La section "orientation"
du Fonds européen d'Orientation et de Garantie agricole se voit attribuer les
missions suivantes :
-
renforcer et
réorganiser les structures agricoles;
-
assurer la
reconversion des productions agricoles et promouvoir les activités
complémentaires pour les agriculteurs;
-
assurer un niveau de
vie équitable aux agriculteurs;
-
contribuer au
développement du tissu social des zones rurales dans la perspective d'un
maintien du milieu rural.
Le FEOGA - Orientation
intervient dans la poursuite des objectifs n° 1 (les zones périphériques et
pauvres de la Communauté sont pour la plupart rurales), 5a et 5b.

1.4. L'éligibilité des régions aux objectifs n° 1, 2, et 5b
1.4.1. L'objectif n°1
Les régions d'objectif
n° 1 ont été désignées par le Conseil en application du critère unique suivant :
la région (de niveau NUTS II) doit présenter une productivité (PIB/habitant spa)
inférieure de 25 points à la moyenne EUR 12 fixée à 100.
Et ceci sur base de la
moyenne des trois dernières années.
En application de ce
critère, une première liste de régions d'Objectif n° 1 fut établie pour la
période 1989-1993.
-
pour l'Espagne, les
2/3 de son territoire;
-
pour la Grèce,
l'Irlande et le Portugal, la totalité du pays;
-
pour l'Italie, le
Mezzogiorno;
-
pour la France, les
DOM.
La réglementation
communautaire stipule également que peuvent être rendues éligibles les régions
proches du niveau de PIB/hab = 75% et pour lesquelles il existe des raisons
particulières de les prendre en compte au titre de l'objectif n°1.
C'est ainsi que la Corse
(F), et l'Irlande du Nord (GB) ont pu être rendues éligibles. Nous reviendrons
sur ces exceptions au critère.

1.4.2. L'objectif n° 2
Les zones gravement
touchées par le déclin industriel sont sélectionnées sur base d'un triple
critère :
-
taux de chômage
supérieur à la moyenne EUR 12;
-
part de l'emploi
industriel supérieur à la moyenne EUR 12;
-
déclin constaté
depuis 1975 de l'emploi industriel.
Il s'agit de régions de
niveau NUTS III ou inférieur. Au total, les régions d'objectif n°2 représentent
16 % de la population communautaire et à peu près la même proportion en terme
territorial, répondant ainsi au principe de concentration présenté plus loin. Il
importe de noter à ce stade de l'analyse que les régions d'objectif 2 se voient
progressivement écartées du bénéfice des Fonds structurels alors que la plupart
d'entre elles n'ont pas encore réussi leur propre reconversion. La situation est
particulièrement préoccupante pour la Wallonie comparée, par exemple, au
Nord-Pas-de-Calais. Le principal bénéficiaire de ces objectifs est le
Royaume-Uni suivi de loin par l'Espagne, la France, l'Allemagne, l'Italie et la
Belgique.
Si c'est le Conseil qui
désigne les régions d'Objectif n° 1 après avis de la Commission, c'est cette
dernière qui sélectionne les régions d'Objectif n°2.

1.4.3. L'objectif n° 5 b
L'hétérogénéité des
situations et des problèmes vécus par les zones rurales explique le caractère
flou des critères d'éligibilité : la sélection des zones s'évalue en fonction du
degré de ruralité qui tient compte du nombre de personnes occupées dans
l'agriculture, de leur niveau de développement économique, de leur
périphéricité, ainsi que de leur sensibilité à l'évolution du secteur agricole,
en particulier dans la perspective de la réforme de la PAC (2).
Les zones éligibles sont de niveau NUTS III ou inférieur.
Ces critères signifient
que l'éligibilité à cet objectif n°5 b est surtout question de négociation et
que chaque cas sera examiné en particulier.
La liste établie dans le
cadre de l'objectif 5b pour la période 1989-1992 ne concerne que 5% de la
population communautaire.
Les principaux
bénéficiaires de cet objectif sont la France, l'Allemagne, l'Italie et le
Royaume-Uni.

1.5. Les taux d'intervention
L'analyse des taux
d'intervention illustre également le caractère prioritaire du rattrapage des
régions en retard de développement.
Les taux du concours
communautaire accordés au titre des fonds sont soumis aux limites suivantes
(art. 13 du règlement 2052/88) :
-
75% au plus du coût
total mais 50% au moins des dépenses publiques dans les régions d'Objectif
n°1;
-
50% au plus du coût
total mais 25% au moins des dépenses publiques dans le cadre des autres
objectifs.
La modulation
différenciée de ces taux explique l'importante part des fonds alloués à
l'objectif n° 1. Elle indique par ailleurs l'intérêt stratégique et financier
qu'a une région d'être rendue éligible à l'objectif prioritaire : d'un objectif
à l'autre, le taux minimal de financement communautaire passe du simple au
double.

1.6. Les principes de la réforme des Fonds structurels
La conception et la mise
en oeuvre de la réforme des Fonds structurels sont guidées par un certain nombre
de principes qui se présentent en rupture avec la politique régionale menée
jusqu'en 1988 par la Communauté européenne.
Un bref tour d'horizon de
ces principes n'est pas inutile dans le cadre de notre étude car ils sont autant
de guides pour la politique régionale menée actuellement par les instances
européennes.
a. La concentration des
fonds manifeste la volonté de ne plus éparpiller les crédits de la politique
régionale. Et si la part de la population résidant des zones éligibles aux
trois objectifs régionaux reste importante (40% de la population
communautaire), il y a à l'intérieur de ces zones aidées une nette
réallocation en faveur des régions en retard de développement. Par ailleurs,
on a veillé à ce que les objectifs n° 2 et 5b puissent concentrer leurs plus
faibles crédits dans les régions industrielles et rurales les plus touchées.
b. Le partenariat
demande la concertation entre la Commission, l'Etat-membre et les autorités
régionales ou locales, et ceci à tous les stades de la procédure aboutissant
aux versements communautaires. Ce partenariat doit déjà exister au niveau de
la procédure de sélection des zones éligibles aux objectifs régionaux. Les
Etats membres aident la Commission à analyser l'acuité des problèmes
socio-économiques que connaissent leurs régions.
c. La complémentarité
et l'additionnalité : il est exclu que la politique régionale communautaire
se substitue aux politiques régionales menées par les Etats-membres. C'est
pourquoi l'intervention de la CE est toujours calculée en proportion des
dépenses publiques consenties par les Etats-membres et/ou les autorités
régionales.
d. La subsidiarité est
d'application dans le cadre de la politique régionale : la Communauté
n'intervient qu'à titre subsidiaire, ce qui signifie que les Etats-membres
et/ou les autorités régionales gardent la maîtrise des actions à mener sur
leur territoire en faveur du développement des régions.
e. La programmation :
ce principe, introduit dans la politique régionale européenne dès 1984, est
confirmé et devient la règle de fonctionnement des Fonds structurels. Ce ne
sont plus des projets ponctuels mais des programmes opérationnels
pluriannuels qui sont susceptibles de bénéficier d'un financement
communautaire.

1.7. Les changements d'articulation de la politique régionale communautaire
dans les années 80
La Communauté, tirant les
leçons du passé, tente par ailleurs d'orienter les politiques régionales des
Etats-membres vers une meilleure prise en compte des mutations économiques et
technologiques des systèmes productifs des pays hautement industrialisés.
Auparavant, durant les
années 70, les instruments de la politique régionale étaient principalement
utilisés pour le développement de grandes infrastructures, conformément à la
théorie dite de croissance polarisée (Perroux) selon laquelle ce type
d'investissement générait automatiquement une croissance régionale forte par
l'attraction des investisseurs extérieurs. Le déclin économique des régions de
tradition industrielle qui avaient fondé leur approche du développement sur ce
modèle pendant plusieurs décennies a montré qu'il fallait revoir la politique
régionale en se recentrant plus sur la valorisation du potentiel endogène des
régions, de leurs capacités entrepreneuriales et de leurs ressources humaines.
Dès lors, le règlement du
FEDER avait rendu possible le soutien à ce type d'activité (ch. II du Règlement)
mais la plupart des Etats-membres n'en ont pas moins continué à concentrer les
aides du FEDER sur le financement des infrastructures.
Dès les années 80, il est
apparu évidemment que le système productif fonctionnait sur un nouveau
paradigme : le paradigme technologique fondé sur la valorisation des facteurs
immatériels : création et innovation technologique, formation et qualification
professionnelle, accès à l'information et aux télécommunications, etc. Il était
donc impératif d'opérer un changement de perspective dans l'approche des
problèmes économiques régionaux dans le cadre des politiques européennes.
2. Enjeux de la mise en place d'une politique régionale pour les Pays d'Europe
centrale et orientale (PECO)
2.1. Evolution récente des pays de l'OCDE
Les politiques de
restructuration régionales de la plupart des pays de l'OCDE se sont réalisées
dans un contexte de transition d'une économie centrée sur la transformation
technique de facteurs matériels où dominaient de grands secteurs industriels
(charbon, acier, chimie, etc.) vers une économie plus orientée vers
l'utilisation des facteurs immatériels issus des rapports Science et
Technologie.
Les politiques de
restructuration régionale ont donc connu deux phases importantes :
-
une phase de
restructuration des grands secteurs industriels pour faire face aux
nouvelles contraintes de la concurrence mondiale (choc pétrolier, nouveaux
pays industrialisés, etc.) : cette phase qui s'est réalisée au cours des
années 70 a été caractérisée par la mise en oeuvre de politiques
sectorielles régionales adaptées à la spécialisation industrielle des
économies régionales.
-
une phase de
reconversion des tissus productifs régionaux qui s'est imposée
principalement au cours des années 80 par les mutations technologiques et
économiques récentes sous la pression de la globalisation de l'économie et
qui s'est caractérisée par la mise en oeuvre de politiques régionales
"intégrées" dont l'objectif visait principalement la diversification et
l'adaptation technologique des systèmes productifs régionaux.
Une réflexion
fondamentale sur les politiques de restructuration régionales adaptées aux
spécificités économiques des pays de l'Europe centrale et orientale se doit de
tenir compte du fait que les pays de l'OCDE ont pu s'adapter progressivement au
contexte nouveau qui caractérise les échanges économiques mondiaux à savoir,
l'impact du phénomène de la globalisation de l'économie.
L'évolution économique
récente est, en effet, marquée par l'émergence de facteurs immatériels comme
élément moteur de la croissance que l'on peut regrouper autour de deux
processus :
-
la mondialisation
des échanges économiques et les coopérations inter-firmes qui
complexifient les relations entre les niveaux de décisions économiques
internationaux, nationaux et régionaux, notamment par le développement de
marchés mondiaux régis par des normes et des standards mondialisés;
-
la rupture du
système techno-industriel fondé sur les rapports entre la science, la
technologie et la production qui modifie considérablement les modes de
fonctionnement de l'économie comme :
-
l'intersectorialité
croissante des relations inter-firmes due au caractère transversal des
domaines technologiques : ex. technologie de l'information, biotechnologie,
informatisation, etc.;
-
la prédominance des
facteurs immatériels (ressources humaines, matière grise, formation,
ingénierie, etc.) sur les facteurs matériels (accès aux matières premières,
approvisionnement énergétique, etc.) dans les processus de production;
-
la diversification
croissante des tissus productifs au détriment des économies dépendantes de
fortes spécialisations industrielles;
-
l'interaction
grandissante entre le développement industriel et les services productifs.

2.2. Implications pour les PECO
Les implications de ces
mutations économiques et technologiques sur les politiques de restructuration
régionale de ces pays se situent à deux niveaux :
-
au niveau des
performances structurelles des économies nationales et de leur impact sur la
gravité des problèmes régionaux;
-
au niveau de la mise
en oeuvre des structures institutionnelles et organisationnelles capables de
maîtriser les processus de changements et d'adaptation aux mécanismes de
l'économie de marché.

2.2.1. Impact des
politiques structurelles des économies nationales sur les problèmes régionaux
Sous l'effet des
performances structurelles de leur pays respectif, la plupart des régions des
pays de l'OCDE s'orientent vers des politiques d'ajustement structurel qui les
positionnent plus favorablement face à la globalisation de l'économie, à savoir
la mise en oeuvre de modes de développement caractérisés par :
-
une diversification
grandissante de leur tissu productif;
-
un développement de
secteurs à haute intensité de capital et à haute teneur technologique;
-
une insertion dans
les partenariats inter-firmes mondialisés.
La plupart des PECO
s'inscrivent dans des modes de développement déterminés par la prédominance :
-
de fortes
spécialisations régionales autour de mono-industries traditionnelles;
-
des secteurs à haute
densité de main-d'oeuvre et/ou à haute intensité de capital comportant un
faible degré de Recherche et Développement;
-
des échanges
commerciaux fortement orientés vers le marché domestique ou la zone COMECOM
totalement déstructurée en terme de marchés ou d'approvisionnement en
matières premières.
Les politiques de
restructuration régionale dans ces pays sont donc confrontées à un double
impératif de développement, à savoir la réussite de politiques d'ajustement
structurel qui visent à la fois la réalisation des performances structurelles
d'une économie de type interindustriel (politique de restructuration
sectorielle) et le passage progressif à une économie de type intra-industriel
(politique de reconversion et de diversification).
Une des grandes
différences avec les pays de l'OCDE est que ces derniers ont pu réaliser ces
ajustements en plusieurs décennies tandis que les pays d'Europe centrale et
orientale doivent simultanément répondre aux impératifs de ces deux scénarios.
Ils se trouvent donc en face d'un processus de transition accélérée dans
un contexte économique national relativement dégradé.

2.2.2. Transition vers
une économie de marché et contraintes organisationnelles
Autre différence
significative de la mise en oeuvre des politiques de restructuration régionales
entre les pays de l'OCDE et les pays de l'Europe centrale et orientale :
l'existence des structures institutionnelles adaptées aux spécificités
régionales.
Les pays de l'OCDE ont
affronté leurs problèmes régionaux dans le cadre d'une économie de marché dotée
de structures institutionnelles démocratiques et décentralisées. Il n'en est pas
de même des pays de l'Europe centrale et orientale qui doivent répondre à un
double impératif organisationnel :
-
se doter d'une
nouvelle forme d'organisation de l'économie (la privatisation) et mettre en
place de nouvelles règles du jeu des rapports économiques et sociaux ainsi
que de nouveaux modes de gestion de la production;
-
se doter de nouvelles
structures institutionnelles démocratiques (décentralisation) capables de
maîtriser les problèmes régionaux et de mettre en oeuvre des politiques de
restructuration et de reconversion régionales spécifiques.
De l'avis de la plupart
des intervenants de ces pays, il apparaît que l'entrée dans l'économie de marché
aura des conséquences négatives sur le développement de certaines régions et
accroîtra dans un premier temps au moins les disparités régionales déjà grandes
dans la mesure où il faudra éliminer les multiples protections de l'économie
planifiée sur de nombreux secteurs industriels non compétitifs. Les politiques
régionales de restructuration seront donc au centre du débat économique de ces
pays et leur réussite une condition indispensable de légitimité des nouvelles
structures démocratiques.

3. Prérequis pour la mise en place d'une politique régionale dans les PECO
3.1. De la nécessité d'une complémentarité entre politiques de
restructuration sectorielle et politiques de reconversion régionale et
locale
Il est bon de rappeler
que les politiques de restructuration régionales de pays de l'OCDE se sont
réalisées dans trois directions :
-
des politiques
sectorielles de restructuration dans des secteurs en déclin tels que les
charbonnages, la sidérurgie, la construction navale ou le textile;
-
des politiques
d'accompagnement social dû aux pertes d'emplois dans le but d'éviter
l'explosion sociale dans ces régions;
-
des programmes
d'aides plus ciblés aux régions les plus défavorisés.
Ainsi que nous le
soulignions précédemment, la plupart des pays de l'OCDE ont réajusté leurs
politiques régionales vers des objectifs de diversification des tissus
productifs régionaux notamment après avoir réalisé la restructuration des
secteurs industriels en difficulté.
Dans les pays de l'Europe
centrale et orientale, la forte concentration des tissus régionaux et autour de
mono-industries locales implique la mise en oeuvre de politiques sectorielles
nationales couplées de politiques de reconversion au niveau régional et local
dont le but est de prémunir des effets négatifs des restructurations sur le plan
social (création d'un chômage structurel important, mouvements migratoires et
désertification industrielle) et de régénérer une nouvelle capacité
entrepreneuriale.

3.2. De la nécessité d'une approche "intégrée" des politiques régionales
La réussite d'une
complémentarité entre politique sectorielle et politique régionale de
reconversion nécessite des actions coordonnées entre diverses politiques qui
touchent aux domaines économique, social et culturel. Il faut dépasser le
cloisonnement des interventions des pouvoirs publics dans un but d'efficience et
de synergie des moyens budgétaires. Les politiques de reconversion doivent se
combiner entre elles : politiques de création d'emplois, politiques d'innovation
technologique, politiques de formation et d'éducation, politiques
d'infrastructure et de logement, etc.
Sur le plan économique,
les politiques de restructuration doivent combiner des actions en faveur :
-
de l'amélioration
des infrastructures de transports et de communication (réseau routier et
ferroviaire principalement);
-
de l'aménagement
du territoire : création de parcs industriels et du parc de logements;
-
de l'innovation
technologique des entreprises : transferts technologiques, financement
de la Recherche et Développement, coopération avec les laboratoires de
recherche, etc.
-
de la valorisation
des ressources humaines : formation scolaire et professionnelle,
formations continuée et recyclage en entreprises, etc.
-
du développement des
services aux entreprises;
-
de l'accès au capital
financier des entreprises : crédit, actionnariat, aides à l'investissement,
etc.
-
de la coopération
inter-firmes, notamment au travers de partenariat avec des entreprises
étrangères.
3.3. Des politiques de développement diversifiées et sélectives
Les expériences de
restructuration et de reconversion industrielle des pays de l'OCDE ont montré
qu'il existe une pluralité de trajectoires de développement régional dues à la
nature très différente de systèmes productifs régionaux. Les pouvoirs publics
ont, dès lors, conçu des stratégies de développement mieux adaptées aux
spécificités des différentes régions.
Il en sera de même pour
les PECO.
Pour discerner les
trajectoires de développement des régions particulières, dans les PECO, il est
essentiel que les autorités publiques aient une bonne connaissance des réalités
régionales de leur pays et qu'ils se définissent des objectifs appropriés de
politiques de développement régional. Cela implique comme l'ont montré les
expériences allemandes et espagnoles une élaboration de "programmes de
développement" qui s'appuient sur un diagnostic socio-économique de la région
concernée et qui soient conçus selon une démarche pluriannuelle contenant
notamment :
-
une analyse
économique et sociale et une identification des problèmes structurels de
la région en liaison avec l'évolution des performances structurelles de
l'économie nationale;
-
la définition des
axes d'actions prioritaires ainsi que des méthodes et des moyens de les
réaliser en tenant compte des politiques macro-économiques nationales;
-
l'évaluation des
besoins de financement et l'estimation des enveloppes financières
ventilées par programme en concordance avec les prévisions budgétaires des
administrations publiques concernées (nationale, régionale et locale).
L'acquisition d'une
capacité d'action stratégique et d'une approche réellement sélective des
trajectoires régionales nécessite donc au préalable une connaissance très fine
de la situation socio-économique des différentes régions qui requiert la mise en
place d'un système d'informations statistiques régionales (banques de
données, instruments de mesures, méthodologie d'analyse économique, etc.). Un
tel système d'informations régionales n'existe pratiquement pas dans la plupart
des pays concernés. La création d'un tel système constitue donc une action
prioritaire pour les pouvoirs publics s'ils veulent se donner les moyens de
concevoir des politiques régionales judicieuses.

3.4. Equilibre entre le développement des potentialités endogènes et les
apports économiques exogènes
Les expériences de
restructuration des pays de l'OCDE apportent un éclairage intéressant sur les
relations entre les capacités endogènes de développement et le recours à des
investissements extérieurs à la région. En effet, peu de régions ont réussi à
convertir leur système productif en s'appuyant uniquement soit sur leurs propres
ressources, soit sur l'apport exclusif de capitaux extérieurs. De nombreuses
régions en Europe occidentale qui ont connu des problèmes de restructuration
d'industries traditionnelles ont, dans un premier temps, misé sur l'implantation
d'entreprises étrangères (notamment américaines et japonaises) en développant
des politiques ciblées d'attraction des investissements étrangers. Sans
minimiser l'apport que représente la localisation de telles entreprises pour
leur économie, l'expérience des ces régions démontre que de telles politiques ne
suffisent pas à assurer une reconversion industrielle si elles ne s'accompagnent
pas aussi d'une valorisation du potentiel endogène régional, notamment au
travers d'actions de soutien aux entreprises locales et la constitution de
milieux locaux ouverts à l'innovation et au changement.
Ces régions ont donc
couplé des politiques d'aides aux investissements étrangers à des politiques de
soutien aux entreprises locales existantes. Notons, cependant, que dans d'autres
régions plus marquées par la présence de réseaux d'entreprises familiales de
petite et moyenne dimension, les actions de reconversion ont été orientées plus
directement sur la consolidation de ces réseaux et l'innovation technologique
des entreprises locales faute d'existence d'avantages comparatifs susceptibles
d'attirer des investisseurs étrangers.
Il ressort, dès lors, de
ces expériences qu'un enjeu important des politiques de restructuration et de
reconversion régionales est la constitution de réseaux d'entreprises locales et
de firmes exogènes sur une base partenariale. De telles coopérations peuvent
prendre des formes très diverses selon la nature des problèmes à surmonter :
-
coopérations entre
grandes entreprises et PME dans les relations de sous-traitance;
-
coopérations entre
entreprises dans des relations de complémentarités fonctionnelles pour la
réalisation de produits et/ou dans la conquête de marchés extérieurs;
-
coopération
inter-firmes multilatérales avec des centres de recherche dans un domaine
technologique (accès et unilatérale de technologie adaptées), etc.
3.5. Organisation du contexte institutionnel
D'une manière générale,
il est rare que les pays de l'OCDE ne se soient pas dotés de structures
institutionnelles décentralisées surtout pour réaliser leurs politiques de
reconversion, les politiques sectorielles étant généralement le fait des
autorités nationales dans les pays non fédéralisés.
Il paraît indéniable que
l'existence de structures institutionnelles démocratiques et décentralisées a
joué un rôle de catalyseur dans la réussite des politiques de restructuration
régionale dans la plupart des pays de l'OCDE. L'expérience de l'Espagne est de
ce point de vue tout particulièrement appropriée à la situation des pays de
l'Europe centrale et orientale dans la mesure où la mise en place de nouvelles
structures démocratiques s'est accompagnée de la création d'entités régionales
(les Communautés autonomes) dotées de compétences, de structures de décisions et
de capacités budgétaires. La démocratisation et la décentralisation des
structures politiques avec l'entrée dans la Communauté européenne ont joué un
rôle positif sur la croissance de l'économie nationale et de la plupart des
économies régionales du pays si l'on compare leurs récentes performances
structurelles avec la situation avant l'instauration de la démocratie. Les
leçons à tirer de l'expérience espagnole sont d'autant plus significatives que
l'économie de ce pays dans un passé récent était encore fortement dominée par un
mode de développement de type interindustriel assez proche de celui des pays de
l'Europe centrale et orientale.
Les pays de l'Europe
centrale et orientale sont donc confrontés à un grand défi institutionnel :
celui de se doter de règles de fonctionnement démocratique et d'institutions
politiques nouvelles tant au niveau local et régional que national. Les formes
que peuvent prendre ces nouveaux arrangements institutionnels peuvent être
multiples et il est très vraisemblable qu'elles dépendront des contextes
historiques et politiques de chacun des pays.
Des leçons que l'on peut
tirer des expériences de décentralisation dans les pays de l'OCDE, nous pouvons
toutefois retenir qu'elles ont été conçues en fonction de deux grands principes
généraux :
-
le principe de l'additionnalité
qui postule une contribution conjointe entre le niveau national et le niveau
régional, voire local. L'application de ce principe nécessite la mise en
place de structures formelles de coopération dans le respect des compétences
de chacun des partenaires.
-
le principe de la
subsidiarité qui consiste à ne pas faire réaliser des actions par un
niveau de décision supérieur chaque fois qu'il est démontré que ces actions
peuvent être mieux réalisées par le niveau inférieur. L'application de ce
principe implique une définition claire des responsabilités et des tâches de
chacun et la mise en place de mécanismes de coordination entre les
différents niveaux de pouvoir.

Notes
(1)
Règlement CEE n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 JOCE n° I. 185.
(2) Règlement CEE n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 JOCE
n° L 185.
Pascale Van Doren,
Importance d'une politique régionale pour les Pays d'Europe centrale et
orientale, dans La Wallonie, une
région en Europe, CIFE-IJD, 1997
