Je voudrais tout d’abord
mettre un point d’interrogation derrière ce titre Le fédéralisme : une
révolution légale. En effet, je me demande jusqu’à quel point il ne nous
conduirait pas quelque part où je n’ai pas nécessairement envie de me rendre.
De toute manière, je
voudrais vous parler de la Belgique. Mais je tiens à vous mettre en garde. Vous
êtes à Liège, en Wallonie, et je vous présenterai une vision du problème belge
telle qu’un francophone, plus ou moins bâtard d’ailleurs, peut la ressentir; il
ne faut pas se leurrer. Si vous aviez en face de vous un de mes collègues
flamands, il ne vous dirait absolument pas la même chose. Nous ne sommes pas
dans un domaine où la vérité est incontestée. Et s’il existait un domaine où la
vérité est incontestée, je préférerais ne pas le savoir, car cela me paraîtrait
vraiment dangereux.
Si nous voulons
comprendre ce qui se passe en Belgique à l’heure actuelle et comment nous sommes
arrivés à cette situation, je crois qu’il faut remonter très loin. C’est un lieu
commun de dire que la Belgique est un Etat artificiel. Mais je me demande
franchement s’il y a des Etats naturels; je n’en ai pas rencontré non plus. On
vous dira donc que la Belgique est un Etat artificiel. Elle a été créée en 1830
à Londres par le fait des grandes puissances. La Belgique n’avait jamais existé
en tant que telle avant. Sans doute avions-nous, depuis environ 1795, partagé un
sort commun : après avoir été vingt ans Français, nous avons été quinze ans
Hollandais. Avant ça, nous avions été Espagnols et Autrichiens. Nous n’avons
jamais été nous-mêmes et ça laisse des traces vraisemblablement pour toujours.
La Belgique est créée à
la suite de mouvements sociaux, dus au prolétariat des villes, et de mouvements
politiques, dus à la grande bourgeoisie, avec l’appui de l’Angleterre qui était
notre seule véritable alliée. Et cette Belgique est fondée sous la forme d’un
Etat unitaire et francophone. Lorsque je dis "francophone", entendons-nous
bien : la majorité des habitants parlent des dialectes flamands. Mais la
bourgeoisie qui dirige le fait en français. Donc, la Belgique est un Etat
unitaire francophone. Cela arrange bien la bourgeoisie et la monarchie, parce
que c’est une façon simple de contrôler tout le territoire d’un pays neuf et
d’unifier ce pays. La Belgique naît en 1830 et la Constitution suit, le 7
février 1831, après avoir été élaborée en trois mois.
La Belgique va être
traversée par quelques clivages. Je commencerai par un clivage sans doute
secondaire par rapport à notre propos, le clivage qui va opposer les partisans
de plus de justice sociale aux partisans de l’ordre établi; le clivage
social / libéral, notamment. Le deuxième clivage oppose ceux qui sont
catholiques à ceux qui ne le sont pas. La Belgique est un pays qui, en terme de
croyants, est composé de 96 % de catholiques. Vous avez quelques dizaines de
milliers d’israélites et quelques dizaines de milliers de protestants, mais le
vrai clivage se situe entre les catholiques et ceux qui ne croient pas à un dieu
ou qui s’en moquent éperdument. Nous avons donc un clivage social, un clivage
religieux, et puis, pour notre propos, un clivage entre ceux qui parlent des
dialectes flamands et ceux qui parlent le français, ou qui vont se rallier au
français. Nous sommes ici devant le clivage le plus important pour la suite de
l’histoire de la Belgique. En effet, ce clivage est le clivage qui va
transcender tous les autres.
Quel est alors le moteur
de l’évolution de la Belgique ? Pour moi, le moteur de l’évolution est assez
facile à discerner : c’est la petite bourgeoisie flamande. Attention, il faut
bien distinguer pour ne pas faire d’amalgame : vous aviez en Flandre une grande
bourgeoisie qui parlait le français, et cette grande bourgeoisie a été contestée
sur son territoire par une bourgeoi sie plus pauvre, plus rurale, qui parlait le
flamand. Et cette petite bourgeoisie entendait prendre le pouvoir. Elle l’a
fait, non pas au nom d’une lutte à l’intérieur de la classe bourgeoise, mais en
trouvant un point de ralliement autour de la lutte pour la langue flamande. Elle
va alors rallier le clergé et la paysannerie. Cette petite bourgeoisie est le
moteur de l’histoire de la Belgique. Elle va petit à petit – en une centaine
d’années – arriver à supplanter la grande bourgeoisie et, à la fin, arriver à
diriger la Belgique.
Par rapport au thème qui
nous intéresse, il faut maintenant se demander quels sont les différents groupes
qui composent la Belgique. J’y reviendrai un peu plus en détail, mais il faut en
tout cas se demander qui est minoritaire en Belgique. Il y a évidemment une
catégorie que nous pouvons ranger tout de suite et sans contestation parmi les
minoritaires : les Belges qui parlent l’allemand. La Belgique compte environ
neuf millions de Belges sur dix millions d’habitants dont septante mille
germanophones. Ce sont des Belges de fraîche date, en quelque sorte. Ils ont été
intégrés, contre leur gré, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ils sont
aujourd’hui une minorité ultra protégée, il n’existe aucune autre minorité au
monde qui est aussi bien protégée que nos germanophones. D’ailleurs, ce sont les
seuls vrais Belges, c’est bien compris chez nous.

Une deuxième minorité
qui, elle, est déjà contestable, ce sont les francophones. En terme de nombre,
il est évident que nous, francophones, sommes une minorité. Nous sommes environ
quatre millions et demi, et les Flamands sont un bon million de plus. Mais,
étant donné que ce sont "des" francophones – pas "les" francophones – qui ont
dirigé la Belgique, les francophones ne sont pas une minorité dans l’imaginaire
et dans le souvenir de beaucoup de gens. Ici la perception bascule : auparavant,
on parlait en terme de pouvoir et maintenant nous parlons en terme de nombre. Il
est vrai que quarante mille ou cinquante mille bourgeois de sexe masculin et
parlant le français ont dirigé la Belgique pendant le XIXème siècle, et que la
concurrence a mis jusqu’à environ 1960 pour les évacuer et les remplacer. En
conclusion, les francophones sont en terme de nombre une minorité. En terme de
pouvoir, ils sont à l’heure actuelle une minorité. Mais dans l’imaginaire, dans
le souvenir des Flamands, ils sont une majorité.
D’où un problème : les
Flamands qui parlent le flamand étaient une minorité en terme politique, mais
pas en terme démographique. Ceci n’est certainement plus vrai depuis environ
1962, cela change beaucoup et très vite. Mais pendant longtemps, le comportement
de beaucoup de dirigeants flamands a été un comportement de minoritaires, un
comportement de dominés. Se pose alors la question de savoir qui est
minoritaire : celui qui est ou celui qui se sent minoritaire ?
Alors, quelles ont été
les grandes étapes du changement, de la fédéralisation de la Belgique, et qui
fut le moteur dans ces grandes étapes ? Je reviens au titre que les
organisateurs m’ont imposé : Le fédéralisme, une révolution légale. Je
conteste ce point de vue : on est plutôt passé d’une révolution silencieuse à un
coup d’Etat légal, effectué par le personnel politique en place. Le personnel
politique qui prend les décisions est démocratiquement désigné, cela ne fait pas
l’ombre d’un doute. Les élections sont honnêtes, libres, secrètes, elles se
déroulent selon les règles habituelles de la démocratie occidentale. Mais les
décisions prises par le personnel politique ne sont pas nécessairement des
décisions qui rencontrent le sentiment, la demande des citoyens. En Belgique,
beaucoup de citoyens ont le sentiment que les choses se déroulent en dehors de
leur contrôle.
Cela a tout d’abord été
une révolution silencieuse, il est évident que le mouvement flamand a œuvré à
cela dès les débuts de la Belgique. Il a œuvré de façon pacifique et
relativement calme pendant un certain nombre d’années, dans une phase que je
qualifie – dans une typologie valable pour tout mouvement nationalitaire – de
folklorique : quelques petits curés, quelques intellectuels agitent la question
flamande. Puis, nous passons à une phase parlementaire : le débat est porté au
Parlement, toujours de façon pacifique. Là, l’aspect silencieux disparaît
quelque peu, mais cette révolution se fait dans le calme avec le respect de
toutes les règles légales, et avec la légitimité des hommes politiques.
Puis, si nous voulons
deux ou trois dates, je prendrai tout d’abord 1898. C’est l’année de la "loi
d’égalité". Elle est symboliquement très importante parce que c’est à partir de
là que les textes juridiques existeront en français et en néerlandais, et que
les deux textes auront la même valeur. Il n’y aura pas de priorité du texte
français sur le texte néerlandais. C’est donc la reconnaissance que le
néerlandais a une place entière en Belgique.
La deuxième grande date,
c’est celle du suffrage universel, parce qu’elle donne le poids politique à la
majorité flamande. Avec le suffrage universel pur et simple en 1919 – parce que
nous avions inventé une autre forme de suffrage universel avant –, il faut donc
compter avec le poids du nombre flamand, selon la règle démocratique : un homme,
une voix (les femmes ne votent pas en ce temps-là). Cela veut dire qu’à partir
de ce moment-là, plus rien ne peut se faire contre l’avis des Flamands.
L'année 1932 est marquée
par la création de la frontière linguistique. Nous avons donc en Belgique une
frontière intérieure qui fixe le territoire où telle langue sera utilisée.
L’administration doit utiliser le français dans telle commune et le néerlandais
dans telle autre commune. En 1932 on crée donc cette frontière est-ouest qui
coupe la Belgique en deux. C’est à l’époque une frontière modulable : tous les
dix ans, les citoyens sont appelés à donner leur avis. Ils ne le feront qu'une
seule fois. La frontière sera fixée définitivement trente ans plus tard. Elle ne
bougera plus et, avec les étapes ultérieures de la fédéralisation, on ne fera
que renforcer cette frontière pour en arriver à ce qu’elle soit quasiment – en
tous cas du côté flamand – perçue comme une frontière d’Etat. Pour les Flamands,
la frontière linguistique a la même force, la même valeur que la frontière entre
la Belgique et les Pays-Bas, ou entre la Belgique et l’Allemagne. Donc, une
frontière qui était purement administrative au départ s’est transformée en
trente ans en une frontière d’Etat.
L'année 1970 verra la
mise en place des Communautés et, dix ans plus tard, celle des deux grandes
Régions : la Région wallonne et la Région flamande.
En 1993, la Belgique
devient fédérale. L’article premier de la Constitution le dit clairement :
La Belgique est un Etat fédéral. Pourtant, on ne crée pas un système
fédéral uniquement en le décrétant, parce qu’un législateur fait une loi ou
qu’un Parlement la vote. Il faut donc examiner si le système belge est vraiment
fédéral.
Si la Belgique est
fédérale, c’est en tous cas un fédéralisme atypique. Si vous étudiez les
Etats-Unis, la Suisse et l’Allemagne, que vous en tirez des règles générales du
fédéralisme, puis que vous comparez ces règles à la Belgique, vous verrez que
beaucoup seront violées. Donc, le fédéralisme belge n’est pas un fédéralisme
traditionnel. C’est un fédéralisme atypique, sui generis.
Quel est le processus
d’évolution de ce fédéralisme ? Le processus est toujours le même depuis 1860.
Les Flamands – ou "des" Flamands – prennent une initiative, viennent avec une
demande. Et la réaction wallonne est toujours une crispation, qui tente de
freiner ou de bloquer le processus. Puis, il faut bien négocier. On arrive alors
à un compromis, dont les Wallons pensent qu’ils y ont vraiment laissé les
dernières concessions possibles. Les Flamands considèrent par contre qu’ils
n’ont eu que ce qui était tout à fait normal de leur donner, et que ce n’était
au fond que l’amorce de leur prochaine revendication. Le compromis laisse donc
tout le monde insatisfait. Les Wallons pensent qu’ils sont déjà allés trop loin
mais qu’il le fallait bien, et les Flamands pensent qu’ils n’ont eu que ce à
quoi ils avaient droit et que, cela étant engrangé, ils vont travailler à des
revendications sur un autre terrain tout aussi légitime à leurs yeux. Donc,
c’est un système sans fin. Notre Premier ministre actuel, M. Dehaene, a dit que
notre Constitution était évolutive, qu’il fallait constamment la réviser pour
aller dans le sens des demandes.
Que peut-on tirer comme
conclusion de ce processus ? Le système auquel nous avons abouti est un système
extrêmement compliqué, qui nécessite, pour être compris, quarante ou cinquante
heures d’explication. Cela veut dire que les citoyens ne comprennent plus le
système, ce qui est dangereux pour la démocratie. C’est un système largement
incompris et un système en évolution permanente, ce qui rend la compréhension
encore plus difficile.
Le résultat concret en
est qu’en Belgique, à part quelques petits accidents, il n’y a pas de violence
politique. De temps en temps, on crie dans les rues mais on n’a jamais tué
personne. Peut-être ce système tellement compliqué est-il le prix à payer ?
C’est ce que dit notre Premier ministre : Grâce à ces complications qui
donnent finalement un peu satisfaction à tout le monde, on ne se tire pas dessus
en Belgique !
Alors, le fédéralisme
est-il une révolution légale ? Oui, si vous prenez révolution dans le sens
astronomique, comme un changement. C’est une révolution dans le sens d’un
bouleversement légal, constitutionnel. Mais je crois que le citoyen le perçoit
peu, si ce n’est que l’observateur se rend compte qu’il y a création à
l’intérieur du royaume de Belgique de deux nations qui sont en train de
s’éloigner l’une de l’autre.
De ce point de vue, on ne
sait pas beaucoup ce qui se passe de l’autre côté. Quand un belge francophone
allume sa télévision, il regarde indifféremment le journal télévisé belge
francophone ou un journal télévisé français. Il ne sait guère ce qui se passe de
l’autre côté du pays. Personnellement, je sais beaucoup plus de la politique
française que de la politique intérieure flamande, je connais mieux les faits
divers français que les faits divers qui se passent en Flandre, sans parler de
la culture.
Lorsqu’on analyse la
dernière transformation constitutionnelle en date – la sixième –, on trouve un
élément qui pourrait paraître inquiétant pour ceux qui sont attachés à la
Belgique : désormais le personnel politique va être spécialisé. Vous aurez un
personnel politique qui siégera dans les institutions flamandes et un personnel
politique qui siégera dans les institutions francophones, mais très peu nombreux
seront ceux qui s’occuperont des affaires fédérales importantes. La Belgique,
c’est comme une banane trop mûre. Vous vous appuyez au milieu et ça sort par
au-dessus et par au-dessous. Ça file par au-dessous vers les Régions et vers les
Communautés. Beaucoup de compétences sont maintenant du ressort exclusif des
Régions et des Communautés. Et vers le dessus, c’est l’Union européenne qui a
pris ou qui va prendre, à travers la politique monétaire, les grandes décisions
économiques concernant la Belgique. Ensuite, si vous ajoutez l’Union de l’Europe
occidentale, du côté de l’Union européenne, et l’OTAN du côté atlantique, vous
constatez que les grandes décisions militaires nous échappent elles aussi. La
politique étrangère sera un jour décidée au niveau de l’Union européenne, dans
ses grandes orientations en tous cas.

Que reste-t-il alors de
typiquement belge, au sens de la Belgique fédérale ? La coercition, c’est-à-dire
l’impôt, les tribunaux, la police, la gendarmerie et, en partie, l’armée. Donc,
la coercition reste belge; encore que, depuis 1988, les principes du droit pénal
peuvent être différents au nord et au sud. Il reste aussi ce qui touche à la
famille – le mariage, la filiation, les héritages – encore que les conceptions
des magistrats dans l’application du droit sont différentes d’un côté à l’autre
du pays. Voilà ce qui reste de réellement belge.
Maintenant, quels sont
les grands problèmes qui séparent les Belges ? Le problème qui est le plus
visible dans les discussions politiques aujourd’hui est ce qui touche à la
sécurité sociale : chômage, maladie - invalidité, pensions. La sécurité sociale
est encore belge, mais on trouve, du côté flamand, un certain nombre
d’observateurs ou de décideurs politiques qui demandent sa fédéralisation,
c’est-à-dire le transfert de la sécurité sociale aux Régions ou aux Communautés.
Du côté francophone, on considère qu’il s’agit d’un mécanisme de solidarité et
que, si les Flamands veulent la fin de cette solidarité, ce sera la fin de la
Belgique. Donc, la sécurité sociale est toujours belge mais est un enjeu de
discussions important.
Le deuxième point de
discussion concerne la dette publique. Celle-ci est extrêmement élevée. Elle
représente dix mille milliards de francs belges, donc un million de francs
belges par tête d’habitant. Elle est une cause de contestation, car certains
Flamands disent que les Wallons dépensent trop et veulent qu’au moins le service
de la dette soit régionalisé. C’est un élément purement politique car il est
évidemment impossible de déterminer l’usage de l’emprunt et sa localisation. De
plus, jusqu’où faudrait-il remonter dans le temps ? Si on remonte en 1830, on va
voir ce que la Flandre a coûté à la Wallonie, quand cette dernière a accueilli
des villages entiers, curé en tête, pour venir exploiter nos beaux charbonnages.
Je voudrais évoquer un
troisième point qui est plus symbolique et qui, la plupart du temps, couve –
c’est-à-dire qu’il dort et qu’il se réveille de temps en temps –, c’est
l’amnistie. Au cours des deux guerres, des Flamands ont collaboré avec
l’occupant allemand. Ils disent que cette collaboration visait essentiellement à
obtenir de l’occupant ce que les autorités belges ne voulaient pas leur donner
et qui était pourtant leur droit. Ils considèrent donc qu’ils n’ont pas
collaboré dans un intérêt personnel mais dans l’intérêt de la Flandre. Ces gens,
qui ont été condamnés par les tribunaux après la guerre, demandent donc à
bénéficier d’un effacement des peines, une amnistie, puisqu’ils n’agissaient pas
dans un intérêt personnel. Les Wallons considèrent que ces arguments ne sont pas
valables, que la collaboration est honteuse et qu’elle doit être punie. C’est un
point qui est latent en Belgique et qui revient de temps en temps. Le dernier
discours du roi Baudouin, peu avant sa mort, parlait de cela, et le premier
discours de son frère qui lui a succédé est revenu sur la question. L’amnistie
reste un point
conflictuel, sur un plan
purement symbolique évidemment. Cela montre bien que le passé de 1945, donc il y
a cinquante ans, n’est jamais mort, qu’il revient continuellement et qu’à la
moindre étincelle cette question renaît.
Voilà quelques points,
quelques repères dans l’histoire de la Belgique qui permettent de comprendre
rapidement comment on est passé de l’Etat unitaire de 1831 à un Etat
officiellement fédéral en 1993, et quelles sont les forces qui ont animé cela.
De plus, ces repères peuvent nous permettre d’imaginer pourquoi cela s’est passé
de façon relativement calme. Je crois qu’un élément de ce calme que j’aurais dû
mentionner, est aussi la volonté de beaucoup d’hommes politiques d’éviter que
des gens violents puissent accéder à des niveaux de responsabilité dans les
partis politiques. A l’intérieur des partis, beaucoup d’hommes politiques, même
parmi les plus engagés sur le plan linguistique, ont toujours veillé à ce que
les violents n’aient pas accès au pouvoir. Je pense que c’est une contrainte qui
a été très longtemps respectée. Maintenant, nous voyons naître un parti
extrémiste flamand, le Vlaams Blok, qui déroge à cette tradition.
Jean Beaufays, Le
fédéralisme, une révolution légale, dans
La Wallonie, une région en Europe,
CIFE-IJD, 1997