 |
Mobiliser
l’histoire pour l’intelligence du présent :
la formulation de l’hypothèse d’un changement de paradigme
sociétal |
Philippe
Destatte, historien, directeur de l'Institut
Jules-Destrée |
Avant de relever les
premiers acquis de ce séminaire consacré à l’histoire économique de la
Wallonie, vous me permettrez deux considérations générales.
 |
Deux considérations générales |
Première considération générale
La première considération
porte sur le titre même de cette rencontre tel que formulé sur le feuillet
d’invitation :
Innovation, savoir-faire, performance, Une histoire économique de la
Wallonie dans le cadre européen.
Certains ont vu,
d’emblée, dans ces concepts, une volonté de marquer positivement les
résultats attendus de la recherche, dans ce qu’ils ont appelé le wishful
thinking régional. Il n’en est rien. Les champs de l’innovation, du
savoir-faire et de la performance ont été choisis comme angles d’attaque par
les historiens qui ont préparé ce colloque : Sven Steffens, d’abord,
coordinateur de la recherche, Paul Delforge, responsable du Pôle Recherche
de l’Institut Jules-Destrée, et Jean-François Potelle, ensuite, Jean-Marie
Duvosquel et moi-même, enfin, parce qu’il nous apparaît que ces champs sont
opératoires, d’une part, pour rendre compte des temps longs de l’évolution
des sociétés et, d’autre part, pour stimuler une lecture de sources
pertinentes pour l’analyse de l’histoire du territoire régional. En aucune
manière il ne nous paraît possible de considérer ces paramètres comme a
priori positivement connotés ou limités à la sphère de la production. En
effet, les innovations peuvent être dérisoires, les savoir-faire dépassés et
les performances médiocres. De même, les innovations peuvent être sociales,
culturelles ou organisationnelles.
Certes, le graphisme du
feuillet d’invitation a-t-il pu tromper par le dynamisme dont il est
porteur. Il s’agit en fait de la superposition de deux images. Celle de
l'arrière-plan peut représenter la recherche puisqu’il s’agit d’un système
de découpe qui était utilisé par le centre de Recherche de Cockerill dans la
dernière décennie. L’image d’avant-plan est une publicité Espérance-Longdoz
basée sur l’agencement des cylindres de cette innovation que fut le laminoir
à froid Sendzimir et représentant son expansion mondiale [1]. La carte du monde
symbolise bien l’espace dont doit tenir compte une recherche d’histoire
économique de la Wallonie dans le cadre européen.
C’est l’économiste Robert
Boyer qui le rappelle : toutes les notions, particulièrement en économie,
ont une origine et une histoire, car elles résultent d’une construction
intellectuelle et sociale [. Comment ont
été déclinés les concepts d’innovations, de savoir-faire, de performances ?
L’innovation a été vue à
la fois comme un processus global et une démarche temporelle qui, dans une
interaction volontaire et stratégique avec le marché et ses acteurs,
mobilisent des connaissances acquises, des apprentissages, des
coopérations, des réseaux, des expériences, des savoir-faire ainsi que des
investissements de différentes natures, en vue de rechercher des produits
nouveaux, de nouveaux procédés, de nouvelles formes d’organisation de
l’entreprise et de l’activité économique en général [3].
Le concept de
savoir-faire a été envisagé comme un ensemble complexe de savoirs pratiques
et techniques dans le sens le plus large du terme. Les savoir-faire sont
inscrits à la fois dans le collectif et dans la durée. Il s’agit bien sûr du
résultat d’expériences multiples et diverses, d’un long travail d’essais et
d’erreurs, de l'acquisition de "tours de mains" dont on sait la difficulté
de l’apprentissage et de la transmission. Si ce savoir-faire – connaissance
empirique souligné par Denis Woronoff –, s’inscrit dans l’intelligence, il
se grave aussi dans la mémoire des mains. On a insisté sur la fonction de la
transmission des savoirs par imitation, préceptorat et compagnonnage ou
encore de manière plus institutionnelle, qu’il s’agisse de l’enseignement
technique et professionnel, de la formation des ingénieurs, etc. Bien
évidemment, comme le souligne ailleurs Pierre Caspar, ces fonctions sont
indissociables de ces autres nécessités que sont le témoignage sur les
origines du savoir et de la connaissance – qui fonde toute civilisation –,
le rassemblement, la capitalisation, la préservation et la diffusion des
savoirs [4].
La question de la mesure
des performances reste aussi difficile que le concept lui-même. L’idée même
de gérer et donc de mesurer la performance plutôt que les ressources est
récente dans la gestion et la décision publiques régionales. L’ingénierie
évaluative des fonds structurels a, du reste, constitué pour la Wallonie un
écolage décisif qui fait choisir aujourd’hui davantage des indicateurs de
résultats et d’impacts plutôt que des indicateurs de ressources et de
réalisations. Suivre ce chemin nous imposerait toutefois de dégager les
stratégies initiales des acteurs, ce qui semble très difficile. La réflexion
de Paul-Marie Boulanger sur le développement durable du Borinage au XIXème
siècle nous a rappelé que la question des indicateurs était fondamentale. En
effet, les interrogations très actuelles du Prix Nobel Amartya Sen sur la
pertinence des indicateurs de développement ne peuvent rester étrangères à
nos propres questionnements [5]. Pour l’historien de
l’économie, c’est la question simple posée par Pierre Lebrun qui révèle
toute sa complexité : comment nos chercheurs vont-ils trouver les variables
du système de socio-histoire qui sera envisagé et les données qui
permettront de les mesurer ?
Seconde considération
générale
Ma seconde considération
introductive porte sur le temps et sur le rôle de l’histoire. Certains
intervenants, particulièrement des chercheurs, ont exprimé leur perplexité,
sinon leur méfiance, après l’intervention introductive du ministre Serge
Kubla, en charge à la fois de l’Economie et de la Recherche. De fait, les
préoccupations présentes et prospectives du décideur politique, ainsi que le
rythme du temps qui s’écoule, ne sont pas les mêmes que celles du chercheur.
Notre collègue historien de Cologne, Alfred Reckendrees, s’est même étonné
d’entendre parler de plans d’avenir pour la reconversion de la Région
wallonne, alors que – soulignait-il – les résultats de l’histoire économique
régionale que nous tentons de concevoir ne sont pas encore sur la table. Il
me semble que nous devons davantage nous interroger ‑ nous économistes, nous
historiens, nous sociologues, nous géographes ‑ pour savoir pourquoi cette
histoire n’est pas écrite, plutôt que de demander au ministre d’attendre une
production rétrospective pour s’atteler à sa propre tâche. La fonction du
ministre est politique, la nôtre scientifique, même si l’une et l’autre ne
sont pas indifférentes l’une à l’autre. C’est dans un ouvrage consacré à la
Wallonie, que Robert Halleux a écrit que Réfléchir sur l’histoire, c’est
d’abord échapper au piège de la nostalgie. […] Le politique, astreint
à scruter la brume du futur, attend de l’historien, à défaut de lois ou de
prévisions, du moins le sens des mouvements, des vecteurs orientés, des
lignes de force [6]. De même, ce grand
historien et prospectiviste qu’est Jean Chesneaux rappelle que, affirmer
[ainsi] la solidarité du passé et de l’avenir dans la durée du
temps conduit à retourner en relation de vie la relation de mort, toujours
présente dans la conscience historique [7]. Loin de
nous freiner ou de nuire à l’indépendance intellectuelle des chercheurs,
l’expression des enjeux économiques de la Wallonie, de son Administration et
de ses entreprises, telle que formulée, à court et à long termes, par le
ministre de l’Economie et de la Recherche, me paraît stimuler notre travail
et reconnaître l’importance du rôle du chercheur dans la Cité. Du reste, la
formulation de ses attentes par le ministre sont claires telles que je les
ai notées : des données scientifiques
objectives et des outils de compréhension portant sur les réalités
existantes et sur leurs évolutions.

 |
Quatre axes pour délimiter le travail |
L’effort qui a été
le nôtre, et donc aussi le mien, au cours de cette journée a
consisté à délimiter le système sur lequel nous pourrions être amené
à travailler dans le futur. Pierre Lebrun rappelait que c’est le
sujet qui découpe le réel pour l’analyser et que le système est
le résultat de cette découpe. Celle-ci s’opère progressivement selon
quatre axes :
– les préférences du
sujet conférant dès lors un rôle à l’empathie (le Verstehen);
– les limites et contraintes nées de l’acquisition des connaissances et de
la disponibilité des méthodes à ce moment de la recherche;
– la documentation existante tenant compte de l’exigence de la
coordination des variables du modèle en construction à des
correspondants observables;
– le va et vient entre le modèle qui s’érige à partir des hypothèses du
sujet et les faits observés, nourrissant le modèle et suscitant la
recherche de nouveaux éléments documentaires [8].
 |
1. Les
préférences du sujet
|
 |
1.1. Une
approche interrégionale prenant en compte les pôles de
croissance et les cadres de données |
Le Pôle Recherche
de l’Institut Jules-Destrée a souhaité s’inscrire clairement dans
l’espace régional et dans l’histoire économique de la Wallonie. Pas
par vocation intangible : nous travaillons sur d’autres périmètres,
pays, provinces, interrégional, Etats, Europe ou même sur le champ
mondial. Ce choix spatial est placé d’emblée dans le cadre de
l’empathie sans contester les interrogations dont nous nous sommes,
ensemble, fait l’écho depuis l’intervention de Toni Pierenkemper,
sinon déjà en amont de cette rencontre. Les questions posées ici de
l’hétérogénéité de l’économie et de la société resteront entières
pour la Wallonie, tout comme elles persisteront pour la Belgique, la
France, l’Angleterre et même l’Europe. En effet, en quoi la Belgique
et l’Europe constitueraient-elles des systèmes plus homogènes à
étudier sur le plan économique et social que la Wallonie ? Les
questions de cohésions économiques et structurelles resteront
patentes également [9].
C’est le côté comparatif,
maintes fois appelé de leurs vœux par les participants, qui nous permettra
de sortir du cadre wallon. Les idées d’une approche tri-partite, sur base de
trois régions à la fois diverses et complémentaires, avancée par Toni
Pierenkemper, tout comme celle d’une approche quinta-partite, sur base de
cinq régions, présentée par Gérard Gayot, sont pertinentes. Je retiens
l’idée de travailler en parallèle avec une ou plusieurs régions françaises
ou allemandes, qu’il s’agisse du Nord - Pas-de-Calais ou de la Lorraine, de
la Sarre ou de la Rhénanie-Palatinat, voire d’autres entités régionales.
Cet espace interrégional
de recherche devra s’articuler avec l’étude des pôles de croissance ou de
décroissance – internes ou externes (je pense bien sûr à Bruxelles ainsi
qu'à Anvers) – mais aussi sur des cadres archivistiques et donc
administratifs pertinents, permettant une collecte des données adéquates.
 |
1.2. Un
mécanisme d’auto-compréhension |
Nos préoccupations
nous portent vers une histoire explicative du présent ; il s’agit
d’un mécanisme d’auto-compréhension, comme le souhaitait ce matin
Jean-Marie Duvosquel. Nous avons fait un court débat de cette idée
de Fernand Braudel selon laquelle les expériences du passé ne
cessent de se prolonger dans la vie présente, de la grossir [10]. Nous
sommes en effet de ces historiens pour qui l’histoire est à la
fois connaissance du passé et du présent, du "devenu" et du
"devenir", distinction dans chaque "temps" historique, qu’il soit
d’hier ou d’aujourd’hui, entre ce qui dure, s’est perpétué, se
perpétuera vigoureusement – et ce qui n’est que provisoire, voire
éphémère. Comme l’ancien titulaire de la Chaire de la
Civilisation moderne au Collège de France, nous dirions volontiers
que c’est toute l’Histoire qu’il faut mobiliser pour
l’intelligence du présent [11].
Tous ceux qui ont une
expérience d’enseignement qui soit un tant soit peu interactive savent qu’il
est impossible d’ignorer les questions sur la relation et l’interaction
entre les mutations systémiques de la ou des Révolutions industrielles et
celles des mutations contemporaines dont les analystes se font régulièrement
l’écho.
De manière claire, et
après de nombreux mois de travail, Sven Steffens a fait l’hypothèse d’un
choix – pour reprendre la formule Paul Servais – à savoir que l’on
puisse envisager l’économie wallonne, son évolution structurelle, son
fonctionnement et ses enjeux, dans la perspective du passage vers une
société de la connaissance. Et, pour localiser son questionnement, le
coordinateur de notre recherche sur l’histoire de l’économie wallonne ajoute
que ce passage s’opère, certes, surtout depuis la seconde moitié du XXème
siècle mais ses antécédents remontent sensiblement plus loin [12].

 |
2. Les limites
et les contraintes nées de l’acquisition des connaissances et de
la disponibilité des méthodes à ce moment de la recherche
|
Au moins deux types
de limites et de contraintes ont été évoquées.
 |
2.1. L’état de
nos connaissances |
Les premières
contraintes sont celles liées à nos connaissances elles-mêmes.
D’abord, bien sûr, la difficulté d’appréhender ce que recouvre
l’idée de la mutation éventuelle menant à la société de la
connaissance. Les concepts d’innovation et de savoir-faire nous ont
permis de toucher ces questions, certes de l’extrême bout des
doigts. On a évoqué l’élément moteur que constitueraient les
technologies de l’information et de la communication. Convenons
toutefois que cet apport nous place loin des temps longs et que
d’autres variables sont certainement plus pertinentes. L’hypothèse
de Micheline Libon de se référer à l’introduction effective de
l’enseignement obligatoire comme un des points de départ de la
société de la connaissance constitue une piste séduisante et, en
tous cas, à creuser. De même, on sait l’importance du secteur
bancaire dans les processus d’acquisition de l’informatique pour un
pays comme la Belgique durant les années 1960 à 1980 [13]. Du
reste, nous soulignions en introduction de cette journée qu’un des
liens les plus manifestes entre l’évolution des savoir-faire et la
société de la connaissance est la tendance à la formalisation, à la
codification et, dans une certaine mesure, à la scolarisation des
nouveaux savoir-faire. Le taylorisme s’est d’ailleurs efforcé, avec
quelques succès, de réduire les savoir-faire à des savoirs [14]. A
côté de l’importance que l’on accorde au système éducatif mais aussi
au système de santé dans la société de la connaissance [15], il
faut relever le rôle particulier de l’entreprise, celui d’une
organisation apprenante au sein de laquelle les connaissances et les
processus d’apprentissage construisent les compétences [16].
Ces points de vue
empiriques rejoignent, en termes de périodisation, les travaux de
l’économiste américain William E. Halal. En effet, dans son analyse de la
force de travail des Etats-Unis, le professeur à la George Washington
University fait remonter le temps long de la société de la connaissance à la
fin du XVIIIème siècle [17].
De même, Isabelle
Cassiers a évoqué le travail très important d’identification des phases
d’accumulation du capital, la nécessité de comprendre la logique d’un
changement structurel. De même, a-t-on évoqué l’étude du processus
d’intégration des progrès de la connaissance (les inventions) dans la sphère
économique (les innovations), en s’appuyant sur l’analyse des systèmes
alternatifs d’innovation (comme le fait Robert Boyer), ainsi que sur les
mécanismes de diversifications d’activités et d’interactions entre les
secteurs, sur les synergies et les liens intersectoriels. Notons, comme l’a
rappelé Denis Woronoff, l’importance de l’agriculture. Ne nous dit-on pas
que le Hainaut – dont l’image est si industrielle – serait la première
province agricole de Belgique ? A vérifier. Par ailleurs, on se souviendra
que Michel Oris a montré, voici quelques années, que, en termes de
démographie, dans toutes les communes de Wallonie, même à Seraing, le
secteur tertiaire est majoritaire [18].
Ces éléments ne suffisent
certes pas à vérifier notre hypothèse. Même si nous pouvons considérer avec
Françoise Warrant que la spécificité de notre
économie contemporaine est d’être une économie de la connaissance, nous
devons constater avec la collaboratrice du Programme EMERIT que
l’immatérialité des services n’est pas totale [19].
Notre préoccupation
d’aujourd’hui ne consiste pas à décrire le changement possible. Nous savons
toutefois que des personnalités comme Louis Armand, ancien président
d’Euratom, et Michel Drancourt ont pu, dès le début des années 1960, décrire
avec une certaine pertinence les nouvelles mutations et notamment la
dimension structurante de la circulation de l’information à une époque,
d’ailleurs, où celle-ci était encore très limitée par rapport à son volume
et à sa vitesse actuels [20].D’autres
observateurs attentifs les ont suivis, capables de conceptualiser les
changements en cours. Citons, parmi d’autres : Thomas Kuhn [21],
John Naisbitt [22],
Peter Drucker [23],
Thierry Gaudin [24],
James Rosenau [25]
, Manuel Castells [26],
Marc Luyckx Ghisi [27],
Verna Allee [28]
ou très récemment, l’équipe rassemblée autour de Carlo Vercellone [29].
De son côté, l’Institut
Jules-Destrée a pu, notamment grâce aux réseaux
La
Wallonie au futur et à son Conseil
scientifique présidé par Michel Quévit, capitaliser les travaux du Programme
FAST de la Commission européenne, mais aussi de la Conférence internationale
de la Communauté de Travail des Régions européennes de Tradition
industrielle (RETI), du Groupe de Recherche européen sur les Milieux
innovateurs (GREMI) [30],
entre autres.
 |
2.2. La
question des méthodes nous interpelle, elle aussi, sous deux
aspects |
Le premier
constitue une bonne nouvelle. Notamment grâce aux travaux
Histoire quantitative et développement de la Belgique, nous
connaissons aujourd’hui assez bien la Révolution industrielle du
XIXème siècle, en tant que structure de changement de structures et
de reconstitution d’un nouveau système, ainsi que l'implémentation
de cette mutation en Wallonie, sous ses différents aspects
économiques, technologiques, démographiques et sociaux [.
Le second aspect est
celui de la transdisciplinarité, si nécessaire aux approches systémiques. La
difficulté reste immense, pour nos chercheurs, de quitter les grandes
certitudes de leur discipline, de se dépouiller des cuirasses de leur
savoir, afin de partager entre économistes, sociologues, géographes,
historiens, les doutes, les interrogations, les incertitudes et la modestie
indispensables au quotidien des recherches holistiques.

 |
3. La
documentation existante
|
Comment, dans la
collecte des sources, tenir compte de l’exigence de la coordination
des variables du modèle en construction à ce moment de la
recherche ?
Un premier travail
d’heuristique et particulièrement de prospection archivistique mené dans le
cadre de l’actuelle phase de la recherche a permis d’identifier 1.774 fonds
d’archives économiques auprès des entreprises, des communes, des
intercommunales, et des provinces. 146 fonds communaux ont été recensés dans
les communes de Wallonie et pas moins de 591 fonds dans les entreprises
wallonnes elles-mêmes [32].
Du reste, cette étude a confirmé l’état catastrophique de la conservation
des archives en Wallonie, telle qu’elle a été décrite lors de ce séminaire.
Ce que dénonçait René Leboutte en évoquant les archives de Cockerill dans un
colloque organisé par Michel Dumoulin au Parlement belge voici quelques
semaines peut, dramatiquement, être généralisé.
Trois remarques
s’imposent dont les deux premières découlent directement de cette situation.
Prendre la mesure de
l’ampleur du naufrage des archives – notamment industrielles – de la
Wallonie n’oblige pas l’Institut Jules-Destrée à se précipiter pour colmater
toutes les brèches ouvertes sur ce front. Si nous sommes prêts à continuer à
relayer – souvent en vain – ces appels et à prendre en charge notre part de
travail dans le cadre défini, reconnu et donc financé d’un Centre d’Archives
privées, nous ne sommes pas disposés à laisser embourber dans cette bataille
nos efforts de recherche et les moyens qui y sont affectés.
La deuxième remarque
permet, à la suite de Jean-Louis Delaet et de France Debray, de souligner
l’importance de l’histoire orale dans un chantier comme celui-ci. Multiplier
les interviews en posant les questions nécessaires à la vérification de
notre hypothèse sur les indices de passage à la société de la connaissance
pourrait être à la fois innovant et pertinent. Cette manière d’aborder la
question nous précise aussi un des champs chronologiques sur lesquels nous
pourrions être appelés à travailler.
La troisième remarque
porte sur l’identification des variables. On a dit la difficulté de disposer
de données longues et précises relatives à la société industrielle. La
question soulevée par Giuseppe Pagano et par Paul-Marie Boulanger sur les
indicateurs du développement durable constitue déjà un point d’achoppement.
Comment procéder, dès lors qu’il est nécessaire d’intégrer des variables
portant sur des actifs immatériels – comme cela serait le cas pour une
société de la connaissance ou une société apprenante [33] ? On peut
d’ailleurs considérer, avec l’économiste Philippe Moati, que l’économie de
la connaissance tend à "dématérialiser" les ressources productives des
entreprises et donc que, afin d’améliorer leur capacité d’apprentissage
et d’innovation, les entreprises sont de plus en plus amenées à redéfinir
leur activité par rapport à des "blocs de savoirs", à des ensembles
cohérents de compétences, plutôt que sur la base de produits ou de
techniques de production [34]. Le même
type de question était posé par Christian Vandermotten lorsqu’il
s’interrogeait sur les indicateurs pertinents de capital social.

 |
4. Le
va-et-vient entre le modèle et les faits observés
|
L'organisation
répétée d’un séminaire comme celui-ci peut constituer le lieu de
production entre le modèle qui s’érige à partir des hypothèses du
sujet et les faits observés, nourrissant le modèle et suscitant la
recherche de nouveaux éléments documentaires.
Peter Scholliers évoquait
le nécessaire travail d’écoute de l’historien et du chercheur, permettant de
comprendre comment les acteurs ont vécu les changements. C’est Joseph
Schumpeter qui, partant des mutations technologiques, soulignait que la
croissance est discontinue et ne se réalise que dans des accélérations et
dans des ruptures. Pour l’auteur de Business Cycles, ces révolutions
ne sont pas incessantes, même si elles se réalisent par poussées disjointes,
séparées par des périodes de calme relatif. Néanmoins, ajoutait-il, le
processus dans son ensemble agit sans interruption, en ce sens qu’à tout
moment ou bien une révolution se produit ou bien les résultats d’une
révolution sont assimilés [35].
Ainsi, en tant
qu'historien, j’ai toujours été frappé par la capacité d’observation de
chercheurs qui décelaient, par l’acuité de leurs observations et par
l’organisation de leurs données, les périodes de passage à un autre type de
société, et parvenaient à en construire des descriptions scientifiques
précises. Que l’on songe au travail de Natalis Briavoinne [36] ou, bien
sûr, aux Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations de Adam Smith [37], ou encore aux textes de
Friedrich Engels [38] ou le Livre I du
Capital de Karl Marx [. On sait
pourtant la difficulté de perception et d’analyse, en temps réel, d’un
changement structurel [.
La piste que trace
aujourd’hui l’Institut Jules-Destrée est celle d’une analyse historique
rigoureuse et indépendante des changements structurels qui affectent la
Wallonie et quelques-unes parmi les régions qui l’entourent, intégrant la
vérification de l’hypothèse de l’existence d’une mutation comparable, par
son ampleur, à la Révolution industrielle de la première moitié du XIXème
siècle (périodisation courte). Ainsi, la création d’un Centre international
de recherche sur les changements de paradigmes sociétaux, des mutations
structurelles qui nous affectent, est à l’ordre du jour
[.
Bien qu’ouverte sur le
présent, l'analyse historique envisagée ici n’est pas de l’histoire
immédiate. Le concept d’histoire immédiate n’est pas pertinent lorsqu’on
s’inscrit dans les temps longs [42]. Natalis
Briavoinne ne fait pas d’histoire immédiate puisque nous savons que, dans le
temps long, la mutation qu’il perçoit va puiser ses origines aux XIème et
XVIème siècles.
Du reste, ce faisant,
nous partons à la recherche des discontinuités sociales, des
ruptures structurelles, des cassures en profondeurs à la quête
desquelles Fernand Braudel nous engageait. L’auteur de Civilisation
matérielle et capitalisme [43] nous
rappelait d’ailleurs qu’on naît avec un état du social (c’est-à-dire,
tout à la fois, une mentalité, des cadres, une civilisation et notamment une
civilisation économique) que plusieurs générations ont connu avant nous,
mais tout peut s’écrouler avant que se termine notre vie. Fernand
Braudel ajoutait que ce passage d’un monde à un autre est le très grand
drame humain sur lequel nous voudrions des lumières. L’attente du grand
historien était bien celle de la recherche des ruptures et il interpellait
ses collègues : mais justement, de ces continuités structurales, même au
prix d’hypothèses, les économistes n’ont-ils rien à dire ? [44]
Le débat méthodologique
ouvert aujourd’hui pour découper le système sur lequel nous souhaitons
travailler ne se terminera qu’à l’issue du travail entamé. Ainsi, les
limites définitives ne seront réellement fixées qu’en fin de parcours
lorsque le champ des variables aura été exploré, lorsque les frontières
fixées par la dynamique et le processus des chercheurs dans leur quête de
vérification de l’hypothèse que nous avons formulée auront été établis.
L’étendue du champ
d’investigations, le nombre d’interrogations méthodologiques, l’état des
connaissances actuelles et celui des sources sont autant de signes d’un
chantier qui se présente comme un défi captivant, à la recherche d’un
changement de paradigme sociétal. L’intelligence du présent mérite bien que
l’on mobilise l’Histoire.

 |
Notes |
[1]
L. WILLEM, 450 ans d’Espérance, La SA métallurgique d’Espérance
– Longdoz de 1519 à 1969, Liège, Editions du Perron, 1990.
[3]
Margrit Müller,
Béatrice Veyrassat,
Introduction, dans Hans-Jörg Gilomen, Rudolf Jaun, Margrit Müller, Béatrice Veyrassat
(dir.), Innovations. Incitations et résistances, Des sources de
l’innovation à ses effets, p. 14, Zurich, 2001. –
Michel QUEVIT, Introduction : Evaluation, innovation,
prospective, dans La Wallonie au futur, Sortir du XXème
siècle, Evaluation, innovation, prospective, p. 89-90,
Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1999. – Claire NAUWELAERT,
Quelle politique pour l’innovation technologie en Wallonie ?
dans La Wallonie au futur, Quelles stratégies pour l’emploi ?,
p. 147-160, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1996 – Michel
QUEVIT et Pascale VAN DOREN, Cadre méthodologique pour une
approche de la dynamique urbaine en termes de milieux
innovateurs, dans Olivier CREVOISIER et Roberto CAMAGNI éd.,
Les milieux urbains : innovation, systèmes de production et
ancrage, p. 103-114, Neuchâtel, Institut de Recherches
économiques et régionales, 2000.
[4]
Pierre CASPAR, L’accès au savoir : permanences et mutations,
dans Yves MICHAUD, Qu’est-ce que les technologies ?,
Université de tous les savoirs, t. 5, p. 19 , Paris, Odile
Jacob, 2001.
[5]
Voir Yves de WASSEIGE, Les mécanismes de l’économie politique,
p. 253, Bruxelles, Vie ouvrière, 1994. – Jean BANETH, Les
indicateurs synthétiques de développement, dans
Futuribles, n°231, Mai 1998, p. 5-27. – Jean GADREY, De
la croissance au développement, A la recherche d’indicateurs
alternatifs, dans
Futuribles, n° 281, Décembre 2002, p. 39-71.
[6]
Robert HALLEUX et Anne-Catherine BERNES, L’Evolution des
sciences et des techniques en Wallonie, dans Wallonie,
atouts et références d’une Région, p. 226, Namur,
Gouvernement wallon, 1995.
[7]
Jean CHESNEAUX, Habiter le temps, Passé, présent, futur,
Esquisse d’un dialogue politique, p. 170 , Paris, Bayard,
1996.
[8]
Pierre LEBRUN, Contribution à l’ordonnancement du savoir
scientifique et à l’évaluation du rôle qu’y assurent les
sciences humaines, dans Cahiers marxistes, n°212,
juillet 1999, p. 128.
[9]
Notons que, dans article de septembre 1968, Paul Romus, chargé de
cours à l’Institut d’études européennes de l’ULB précisait la
délimitation régionale de sa recherche sur l’évolution
économique régionale de la Belgique de 1958 à 1968 de la manière
suivante :
Dans la
présente étude, le territoire de la Belgique est ventilé en
trois régions : région flamande, région wallonne et région
bruxelloise.
Le choix d’une délimitation régionale est le problème qui, par
excellence, peut donner lieu à d’interminables discussions. Il
convient donc d’exposer brièvement pourquoi la délimitation de
la Belgique en trois régions a été adoptée.
Essentiellement, cette délimitation régionale a été retenue parce
que des statistiques sont disponibles pour les différents
indicateurs relatifs à ces régions, d’une part, et, d’autre
part, parce que les régions ainsi délimitées présentes une très
grande et une croissante homogénéité économique et sociale.
Paul ROMUS, L’évolution économique régionale en Belgique
depuis la création du Marché commun (1958-1968), extrait de
la
Revue des Sciences économiques, Septembre 1968, 48 p.
Notons également que le Congrès des Economistes de Langue
française de 1998 s’est penché sur cette question, notamment
celle de savoir si les régions respectives de Bruxelles et de
Wallonie avaient une réalité économique suffisante pour que
les choix économiques qu’on y fait aient une réelle portée.
Dans sa synthèse, Marcel Gérard propose comme seuil de
réalité économique suffisante le regroupement au sein d’un même
territoire des aires d’influence de tous les services publics,
de manière à former des collectivités territoriales appelées
aires métropolitaines, qui offrent la totalité de ces biens tout
en assurant leur financement local.
Marcel Gérard considérait que Bruxelles ne satisfaisait pas à ces
critères tandis que, en Wallonie, deux pôles _ Charleroi et
Liège _ semblaient seuls capables de servir de base à une
nouvelle croissance, à condition d’être ouverts vers les régions
voisines et d’indispensables coopérations interrégionales ou
internationales . Marcel GERARD, Synthèse, dans
Treizième congrès des Economistes belges de Langue française,
Wallonie et Bruxelles : Evolutions et perspectives, Actes, 1998,
p. 195-196, Charleroi, Cifop, 2000.
[10]
Fernand BRAUDEL, La dynamique du capitalisme, p. 51, Paris,
Arthaud, 1985.
[11]
Fernand BRAUDEL, Ecrits sur l’histoire, p. 255, Paris,
Flammarion, 1969.
[12]
Sven STEFFENS, Contexte et objectif du séminaire, dans
Feuillet de la Wallonie, Innovation, savoir-faire, performance,
Une histoire économique de la Wallonie dans le cadre européen,
Février 2003, p. 2.
[13]
L’innovation texhnologique, Facteur de changement (XIXème – XXème
siècles), Etudes rassemblées par Ginette KURGAN-VAN
HENTENRYK et Jean STENGERS, p. 257, Bruxelles, Editions de
l’Université de Bruxelles, 1986.
[14]
Thierry GAUDIN,
Introduction à l’Economie cognitive, p. 90-91, La Tour
d’Aigues, L’Aube, 1997.
[15]
B.A. LUNDVALL, The Learning Economy, Implications for Knowledge
Base of Health and Education Systems, Séminaire Production,
Mediation and Use of Knowledge in the Education and Health
Systems, Paris, OCDE, 14 et 15 mai 1998.
[16]
Christian LE BAS et Fabienne PICARD, Intelligence économique,
analyse stratégique évolutionniste et compétences de
l’organisation, dans Bernard GUILHON et Jean-Louis LEVET,
De l’intelligence économique à l’économie de la connaissance,
p. 15, Paris, Economica, 2003.
[17]
William HALAL, The New Management, Democracy and enterprise
are transforming organizations, p. 136,
San Francisco, Berrett-Koehler, 1996.
[18]
Michel ORIS, Dualisation ou homogénéisation de l’espace
wallon ? Un premier éclairage socio-économique, Plan d’Appui à
une Politique de Développement durable, SSTC, Programme
Leviers,
Working Paper n°9, mars 1998, 28 p.
[19]
Françoise WARRANT, Favoriser l’innovation dans les services, Un
rôle pour les services publics, p. 13-18,
Paris-Montréal, L’Harmattan, 2001.
[20]
Louis ARMAND et Michel DRANCOURT, Plaidoyer pour l’avenir,
p. 181, Paris, Calmann-Lévy, 1961. Louis Armand
formulait dès 1961 l’idée que si la première révolution de la
technique avait
fait bouger une partie du monde, une partie de la pensée, et a
créé une sorte de monde à part, se greffant sur l’ancien sans
pour autant le coiffer, […] la seconde englobe tout. Elle
ne laisse rien dans l’ombre ou dans la stabilité. Elle touche
même la manière de penser. De même, l’ancien président
d’Euratom notait dès 1961 que personne ne pourra penser
acquérir pendant l’adolescence la masse des connaissances
nécessaires sa vie durant.
[21]
Thomas S. KUHN,
La structure des révolutions scientifiques [1962 & 1970],
Paris, Flammarion, 1983.
[22]
John NAISBITT, Megatrends, New York, Warner Books, 1982. –
John NAISBITT & Patricia ABURDENE, Megatrends 2000, New
York, William Morrow, 1989.
[23]
Peter DRUCKER,
Post Capitalist Society, New-York, Harper Collins, 1993.
[24]
Thierry GAUDIN, Introduction à l’économie cognitive, La
Tour d’Aigues, L’Aube, 1997. – Th. GAUDIN, L’Avenir de
l’esprit, Prospectives, Entretiens avec François L’Yvonnet,
Paris, Albin Michel, 2001.
[25]
James N. ROSENAU, Along the Domestic-Foreign Frontier,
Exploring Governance in a Turbulent World, Cambridge
University Press, 1997. – James N. ROSENAU et J. P. SINGH éd.,
Information Technologies and Global Politics, The Changing Scope
of Power and Governance, New York, State University of New
York Press, 2002. –
[26]
Manuel Castells considère qu’il y a coïncidence historique,
dans les années 1968-1975, de trois processus indépendants : la
révolution informatique, les crises parallèles du capitalisme et
de l’étatisme, avec les restructurations qu’elles ont
entraînées, l’essor de mouvements culturels et sociaux
(revendications libertaires, féminisme, écologie, défense des
droits de l’homme). Comme Manuel Castells l’indique plus
loin, une société peut être dite nouvelle quand il y a eu
transformation structurelle dans les relations de production,
dans les relations de pouvoir, dans les relations entre
personnes. Ces transformations entraînent une modification
également notable de la spatialité et de la temporalité
sociales, et l’apparition d’une nouvelle culture. Manuel
CASTELLS, L’ère de l’information, t. 3, Fin de
Millénaire, p. 398 et 403, Paris, Fayard, 1999. Dans sa
préface du premier tome de ce travail, Alain Touraine met en
évidence un des apports majeurs de Manuel Castells, c’est qu’on
ne doit pas confondre un type de société, qu’il s’agisse de la
société industrielle ou de la société d’information, avec ses
formes et ses modes de modernisation. Alain Touraine
rappelle que nous avons appris à distinguer la société
industrielle, type sociétal, du processus capitaliste (ou
socialiste) d’industrialisation, malgré la confusion que
l’analyse a souvent entretenue entre ces deux termes. Il faut,
de la même manière, distinguer la société d’information, qui est
un type sociétal, et la globalisation, qui est avant tout une
nouvelle révolution capitaliste créant de nouvelles polarités,
des inégalités et des formes d’exclusion que Manuel Castells
explore en profondeur. Alain TOURAINE, Préface, dans
Manuel CASTELLS, L’ère de l’information, t. 1, La société en
réseaux, p. 9, Paris, Fayard, 2001.
[27] Marc
LUYCKX GHISI, Au delà de la modernité, du patriarcat et du
capitalisme, La société réenchantée ?, [Préface de
Ilya Prigogine], Paris-Montréal, L’Harmattan, 2001.
[28]
Verna ALLEE, The Knowledge Evolution,
Expanding Organizational Intelligence,
Boston, Butterworth-Heinemann, 1997. – V. ALLEE, The Future
of Knowledge, Increasing Prosperity Through Value Networks,
San Fancisco, Elsevier Science, 2003.
[29]
Carlo VERCELLONE dir. , Sommes-nous sortis du capitalisme
industriel ? Paris, La Dispute, 2003.
[30]
Michel QUEVIT, Mutations industrielles et changement culturel,
Troisième Conférence internationale de la Communauté de Travail
des Régions européennes de Tradition industrielle (RETI), Mars
1987. – L’Europe des services : un virage à réussir, Synthèse
des résultats des recherches FAST sur la mutations des services
et nouvelles technologies, Bruxelles, FAST, 1987. –
Philippe AYDELOT éd., Milieux innovateurs en Europe,
Paris, Gremi, 1986. – Michel QUEVIT, Jean HOUARD, Stéphan BODSON
et Alain DANGOISSE, Impact régional 1992, Les Régions
de tradition industrielle, Bruxelles, Rider-IRES-De Boeck
Université, 1991. – Une nouvelle Europe, Visions et actions,
Actes d’Europrospective II, Namur, Presses universitaires de
Namur, 1993. – La Wallonie au futur, Vers un nouveau
paradigme, Actes du congrès, Charleroi, Institut
Jules-Destrée, 1989.
[32]
Paul DELFORGE, Jean-François POTELLE, Sven STEFFENS, L’économie
wallonne, de la Révolution industrielle à la fin du XXème
siècle, Identification des gisements d’archives, Charleroi,
Institut Jules-Destrée, 12 mars 2003, 11 pages + 3 annexes.
[33]
pour reprendre
la formule, peut-être plus fondée, de Bengt-Ake Lundwall, de
l’Université d’Aalborg. Le concept d’économie apprenante est
peut-être plus facile à manier que celui de l’économie du
savoir. De fait, on ne saurait dire avec certitude si le stock
de connaissances disponible au niveau de l’économie ou
nécessaire pour gérer une organisation s’est accru. Les
dernières décennies se sont caractérisées par de vastes
mouvements de destruction et de création de connaissances qui
ont rendu obsolètes maintes qualifications et compétences. Ce
qui importe, c’est moins de posséder une connaissance spécifique
que d’être apte à apprendre et à oublier. Tant les produits que
les compétences ont aujourd’hui un cycle de vie plus court.
Bengt-Ake LUNDWALL, exposé au Forum de haut niveau Gestion du
savoir et des connaissances : apprendre en comparant les
expériences des entreprises du secteur privé et des
organisations du secteur public, Copenhague, 8-9 février
2001, p. 9, OCDE, Programme PUMA, 12 juin 2001.
[34]
Philippe MOATI, La redéfinition du métier de banquier des
entreprises dans une économie fondée sur la connaissance,
dans Christian LE BAS et Fabienne PICARD, Intelligence
économique…, p. 100.
[35]
Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme et démocratie,
p. 164n, Paris, Payot, 1951.
[36]
Natalis BRIAVOINNE, De l’industrie en Belgique, Sa situation
actuelle, Causes de décadence et de prospérité, Bruxelles,
E. Dubois, 1839. Voir en particulier, t. 1, p. 185-186,
notamment cet extrait.
Dans la seconde
moitié du siècle dernier, une marche plus rapide fut imprimée à
l’esprit humain ; les connaissances reçurent une direction
tout à la fois plus vive et plus pratique. Phénomène
remarquable ! A l’époque même où toutes les classes et presque
tous les peuples en Europe se précipitaient avec furie les uns
contre les autres, accumulant d’immenses efforts pour
s’entre-détruire, partout en même temps, on se montra saisi d’un
plus ardent désir d’améliorer. Cette passion prit alors un si
grand empire parmi les hommes ; elle les doua de ressources si
fécondes, qu’une guerre de vingt-cinq ans, accompagnée de
convulsions intérieures, ne put arrêter le progrès dans toutes
les brancches de l’organisation matérielle de la société. C’est
qu’au milieu de cet immense désordre, la sphère du travail
s’agrandissait ; les moyens d’exécution allaient en se
multipliant et en se simplifiant chaque jour davantage. L’on vit
en conséquence la population s’accroître par la diminution des
chances de la mortalité. Les trésors que la terre renferme
furent mieux et plus abondamment exploités ; l’homme produisit
et consomma davantage ; il devint plus riche. Tous ces
changements constituent la révolution industrielle.
[37]
Adam SMITH, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth
of Nations (1776), New-York, The Modern Library, 1937.
Notamment les
p. 48-49 de cette édition.
[38]
On pense à cet extrait de 1845 : L’histoire de la classe
ouvrière en Angleterre commence dans la seconde moitié du siècle
passé, avec l’invention de la machine à vapeur et des machines
destinées au travail du coton. On sait que ces inventions
déclenchèrent une révolution industrielle qui, simultanément,
transforma la société bourgeoise dans son ensemble et dont on
commence seulement maintenant à saisir l’importance dans
l’histoire du monde. L’Angleterre est la terre classique de
cette révolution. Fr. ENGELS, Situation de la classe
laborieuse en Angleterre, p. 35, Paris, Ed. sociales, 1960.
[42]
La lecture d’un ouvrage comme celui de Benoît VERHAEGEN,
Introduction à l’histoire immédiate, Gembloux, Duculot, 1974,
permet de mesurer la distance qui nous sépare de cette
conception.
[43]
Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle et capitalisme, XVème
– XVIIème siècle, Paris, Armand Colin, 1967.
[44]
Fernand BRAUDEL, Ecrits sur l’histoire, p. 132, Paris,
Flammarion, 1969.

|