Christine Mahy
est née en 1960 à Marloie (province de Luxembourg).
Elle vit et
grandit dans une agréable famille de milieu moyen, dans une région qui
connaît peu la lutte sociale et collective. La conscience politique est
plus que faible et les engagements dans la sphère collective peut
valorisés.
Elle fréquente
l’Institut de la Sainte-Famille à Jemelle (humanités scientifiques), ce
qui lui permet d’ouvrir les yeux sur des réalités de l’organisation de la
société qu’elle ne soupçonne pas :
‑ prendre le
train vers Jemelle lui ouvre les yeux sur le monde ouvrier
organisé/syndicalisé, les très nombreux travailleurs de la province de
Luxembourg qui rentrent chez eux de leur travail de nuit effectué à
Bruxelles…
‑ fréquenter un
petit établissement scolaire où seules deux sections se côtoient
(humanités scientifiques et la section professionnelle) font apparaître
les différences valorisées ou non et l’existence de classes sociales…
‑ aller vers
Jemelle plutôt que vers Marche-en-Famenne, c’etait se rapprocher d’ un
monde prolétaire …plutôt que vers les classes montantes composés des
métiers de "robes" et des services…
‑ rencontrer la
première personne qui va orienter ses choix à l’avenir : Ywan Moxhet qui
souhaite développer un modèle "d’école participative" et qui ouvre les
étudiants à la culture. Tout cela est totalement nouveau pour elle.
Ces éléments
furent déterminants par rapport à ses choix futurs.
En 1978,
Christine Mahy s’oriente vers les études d’assistante sociale avec la
conviction de pouvoir changer le monde.
Si la formation
intellectuelle reçue est de qualité, par contre un forte déception quant
aux missions et aux pratiques des assistants sociaux se confirme dans sa
tête :
‑ l’assistance
est plus qu’à l’œuvre…
‑ il s’agit de
ramener les personnes dans le droit chemin…celui des citoyens
‑ les modes de
vie, la culture des personnes et l’analyse de l’organisation et du
fonctionnement de la société sont très peu présents.
Cette
découverte provoque pour elle la certitude de devoir développer des
projets de développements communautaires dans sa région en milieu rural,
démarche totalement inexistante à l’époque. Durant l’année académique
1981-1982 elle a l’audace de créer un tel projet dans le cadre de son
stage de troisième année d’assistante sociale, s’autorisant une forme de
"désobéissance citoyenne"…il n’y a à cet endroit aucun cadre de stage
digne de ce nom, pas de "chef de stage" ! C’est de cette façon que naîtra
l’asbl "La chenille", une maison de quartier qui existera durant une
vingtaine d’année dans une cité d’habitation sociale de Marche-en-Famenne.
Les projets de
formation et d’émancipation des adultes par l’alphabétisation, la mise
dans la rue de la littérature pour l’enfance et la jeunesse, la conception
de l’animation collective prennent racines à partir de cette maison de
quartier pour se développer de plus en plus.
Les rencontres
humaines sont de nouveau déterminantes pour la suite de ses engagements
dans le cadre privé, professionnel et dans la société civile. En
particulier les rencontres très fréquentes avec la population de la
communauté turque de Marche et avec des populations très fragiles de ce
quartier l’éclairent sur l’évidence que les personnes ont le désir d’une
existence culturelle, économique, sociale, qui puisse être réelle dans la
collectivité locale et régionale.
Une certitude
se construit dans sa tête, qui à sa mesure constitue une révolution pour
elle : culture et social sont indissociables, l’éducation permanente
constitue la clef de voûte d’un travail pertinent, les rapports de force
sont à l’œuvre dans l’organisation de la société car un modèle
"intégrateur" est bien en action.
En 1984
la rencontre avec Daniel Seret, artiste peintre né et vivant à Durbuy, lui
permet de débattre et pratiquer ce lien étroit entre Culture et Social.
Très vite le courant passe et une action socioculturelle commune est
développée au sein de la maison de quartier.
Cette même
année, Christine Mahy est engagée au jeune Centre Culturel Local de
Marche-en-Famenne. Elle y travaillera 14 ans. Durant 7 ans elle y portera
les actions d’éducation permanente et durant 7 ans elle en fut la
directrice.
Durant toute
cette période de direction de l’institution, Christine Mahy orienta toutes
les actions et le fonctionnement de l’institution dans une perspective de
démocratie culturelle et dans une démarche globale d’éducation permanente.
"L’infrastructure" (espace-temps, espace-lieu, ressources en personnel)
fut accessible/utilisée par l’ensemble des classes sociales ou groupes
sociaux. C’est donc possible.
A son actif de
façon particulière dans ce cadre professionnel :
‑ l’affiliation
de 11 communes rurales au Centre Culturel Régional et la pratique réelle
de la "décentralisation" par la mise en place d’outils et de méthodes de
travail spécifiques
‑ l’ouverture
importante, qui permit son extension par la suite en province de
Luxembourg, au Théâtre-Action
‑ le
développement de projets socioculturels qui "agissent" le
social/l’organisation de la société et s’éloigner de la culture
"monstration" et/ou "illustration"
‑ l’intérêt
pour la culture anthropologique, les pratiques et souhaits culturels
collectifs locaux et régionaux, pour faire émerger des processus
créateur-porteur de "mobilité" culturelle et sociale
‑ le
développement de méthode et processus qui permettent aux populations non
seulement d’accéder à la culture mais surtout de créer/produire de la
culture
‑ l’ouverture à
l’expression des jeunes et à la place qu’ils "n’occupaient pas" par la
mise en place d’un processus de maison de jeunes/projets de jeunes « hors
les murs ». Avec d’autres, elle fut aussi à l’initiative de la création du
Point-Relais Infor-Jeunes installé à Marche.
Christine Mahy
se nourrira et sera influencée dans ses choix professionnels et
engagements dans la société par les réflexions, recherches, analyses et
démarches de terrain de Daniel Seret, Yvette Lecomte, Emile Hesbois et
Jean-Pierre Nossent.
Parallèlement à
cette fonction professionnelle, Christine Mahy continue à développer les
actions et projets au sein de la maison de quartier "La Chenille".
C’est ainsi
qu’en 1986, avec Daniel Seret et la communauté turque de Marche créent une
vaste exposition-création "Portraits et Paysages turcs" qui fut une réelle
mise en pratique de l’animation-création.
En 1987, les
mêmes personnes associées à Alain Genin conçoivent et mette en œuvre un
projet de développement socioculturel ambulant : "Le colporteur de savoirs
et d’expression" (atelier peinture, lecture de jeunesse et informatique
ambulants).
En 1995,
l’asbl "La chenille" se dissout pour donner vie à deux associations, l’AMO
"Mic-ados" service d’aide aux jeunes localisé à Marche-en-Famenne ayant
pour mission d’agir sur le nord de l’arrondissement de Marche, et le
Miroir Vagabond asbl localisée à Bourdon (Hotton) ayant pour mission de
développer ses projets en milieu rural, essentiellement dans le nord de la
province de Luxembourg.
Elle
accompagnera Jacky Adam pendant quelques années dans la mise en œuvre
d’actions liées à la récolte de la mémoire vivante au travers de l’asbl
"Mémoire de l’Ourthe".
C’est dans le
courant de l’année 2000-2001 que son engagement militant rejoint
son engagement professionnel. En effet, c’est au sein de l’asbl "Miroir
Vagabond" que celle-ci poursuit sa vie professionnelle jusqu’à ce jour.
Elle formalise
au sein de cette asbl un projet de développement socioculturel intitulé
"Contrat de Pays Ourthe-Salm" sur le territoire de 6 communes du nord de
la province de Luxembourg.
Les questions
d’identité, de territoire, de circulation des populations, de
participation des populations à la vie de la cité prennent toujours
d’avantage d’importance dans les démarches qu’elle promeut. Celles-ci
mettent en avant les pratiques collectives de participation.
Des postes de
travail sont créés, des personnes souhaitent rejoindre la philosophie de
travail du Miroir Vagabond, des jeunes veulent s’investir dans ce sens en
région rurale. C’est une équipe pluridisciplinaire ( 25 personnes dont les
compétences vont du travail artistique à l’interprétariat social) qui
porte, active et concrétise les projets.
Convaincue
qu’il est indispensable de faire évoluer la société vers plus d’équité,
pour enrayer les phénomènes de pauvreté, en faveur d’une société plus
collective et consciente de l’enrichissement des différences, et de
l’importance de la prise en compte des minorités, Christine Mahy
s’investit dans l’asbl Centre de Médiation des Gens du Voyage en Wallonie,
et dans le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté dont elle vient de
prendre la présidence.
Par ailleurs
dans des contextes formels et informels, elle tend à
réfléchir/influencer/construire des liens/actions/processus de travail
entre le secteur associatif et le secteur public dans un lien avec les
populations.