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Discours dhommage à Robert Moreau
prononcé à loccasion de la sortie de
son ouvrage
" Pas une de
plus ! "
" Trente années à retenir dans lhistoire du combat wallon "
Monsieur
Jean-Claude Van Cauwenberghe
Ministre-Président
de la Région wallonne |
Madame
Moreau,
Cher Robert,
Mesdames, Messieurs,
Jai aujourdhui la joie de
saluer, en la personne de mon compatriote carolorégien et ami, Robert Moreau, un grand
militant du combat wallon.
Son parcours - que vient
dévoquer le Président de lInstitut Jules Destrée, Jean-Pol
Demacq - est en effet indissociable de celui de la Wallonie en construction ;
une construction à laquelle, pierre après pierre, il a largement contribué.
Comme tant de prédécesseurs illustres,
lhomme daction a été conduit à prendre la plume, pour poursuivre par le
poids des mots, la lutte qui a animé son existence.
Cette démarche, Robert Moreau la
entamée en 1984, en publiant un écrit intitulé " Combat syndical et
conscience wallonne ".
Louvrage quil nous livre
aujourdhui se présente comme une suite ; la suite logique dun engagement
qui a amené lauteur et ses compagnons à quitter le terrain exclusivement syndical,
pour prendre les armes politiques afin douvrir une brèche dans le mur dun
unitarisme dépassé par les faits.
Cette brèche fut luvre de
quelques militants wallons qui, forts de leurs convictions avaient su rassembler autour
deux un capital denthousiasme et de confiance suffisant pour se lancer à
lassaut des murailles, apparemment imprenables, de lhostilité et de
lindifférence.
Ce livre-témoignage souligne ainsi le
rôle moteur joué par certaines personnalités dans le processus politique.
Oh certes, il ne sagit pas de nier
limportance des grandes tendances, des forces productives, des ajustements mondiaux
et des autres mouvements conjoncturels ou structurels, pour en revenir à une conception
de lHistoire fondée sur les hommes illustres et les grandes batailles. Il nen
demeure pas moins que ce sont aussi, les individus - les femmes et les
hommes - qui font l'Histoire, en influant sur le cours dévénements que rien
ne détermine par nécessité.
Le Mouvement wallon, qui fut longtemps
lapanage de visionnaires, est la parfaite illustration de ce phénomène. Le livre
de Robert Moreau nous en offre une nouvelle fois la démonstration, en épinglant
plusieurs de ces grandes destinées.
Jen retiendrai trois.

Le premier, c'est Maurice Bologne.
Incarnation de La Wallonie libre et
indomptée de la Résistance, tenant farouche du socialisme marxiste et théoricien de la
conception wallonne du fédéralisme intégral, lhomme est partout présent, dans
l'action et dans la réflexion.
Figure clef de tous les mouvements wallons
importants de l'Après-Guerre, jusquau Rassemblement wallon, Maurice Bologne
sillustre encore aujourdhui par lactualité de son propos.
Comment en effet ne pas être saisi par la
modernité des paroles quil tint au congrès de mars 1979 et que rappelle Robert
Moreau. Je le cite :
Tout se passe comme si l'accélération
du mouvement de l'univers avait sa répercussion sur l'activité humaine. Il s'agit donc
de s'adapter à ce rythme de plus en plus rapide et qui se répercute dans tous les
domaines de notre vie. Pour cela, il faut faire preuve d'imagination, il faut créer du
neuf et non ressasser de vieilles formules.
On ne saurait mieux dire à laube du
troisième millénaire, où nous avons le devoir d'être créatifs et innovants pour que
les habitants de notre Wallonie tirent avantage de la nouvelle donne internationale.
Saint-Exupéry écrivait :
" Lavenir, tu nas pas à le prévoir, mais à le permettre ".
Lentreprise nest pas aisée
mais une chose est certaine : cest que notre avenir se construira ici et sera
le fruit de nos efforts.
Cest pour cela que des Destrée, des
Bologne ou des Moreau ont combattu pour placer en nos mains expertes de Wallons, les
leviers qui nous rendraient maîtres de notre destinée.

Mesdames, Messieurs,
La deuxième personnalité dont Robert
Moreau nous rappelle l'importance et que je veux évoquer aujourd'hui, c'est François
Perin.
Résistant, animateur remarqué de nombreux
congrès wallons depuis 1945, constitutionnaliste reconnu, l'auteur de La démocratie
enrayée et de La Belgique au défi, a incontestablement fait progresser
sensiblement l'idée fédéraliste dans ce pays.
Son action, tant directe quindirecte,
au sein du Mouvement populaire wallon ; aux côtés de socialistes comme Freddy
Terwagne ; au Rassemblement wallon puis comme aiguillon du pôle fédéraliste des
libéraux wallons, fut remarquable.
Remarquable était également sa
clairvoyance et sa capacité à dresser un diagnostic sans concession, du mal dont
souffrait la Wallonie. Comment, là aussi, ne pas méditer sur la lettre ouverte adressée
aux militants du RW en mars 1971.
Il écrivait alors :
" Nous prenons conscience que notre combat est d'abord un combat contre
nous-mêmes. [
]
En Wallonie, tout spécialement, ce
n'est pas une petite affaire : que de conservateurs de tout bord, que de bornés et
d'aveugles, que de sclérose et de vieillissement !
Il faut d'abord faire passer par notre
peuple un souffle créateur ; le danger de l'inertie est pire que le danger flamand.
[
]
L'autonomie est une libération, mais c'est
aussi un moyen de nous mettre nous-mêmes au pied du mur ".
Eh bien, au pied du mur, nous y sommes
aujourdhui.
Nous sommes au pied du mur car nous
lavons voulu !
Quoi quen disent daucuns, le
fédéralisme nest pas subi, mais assumé et revendiqué en Wallonie. Il ny a
que quelques nostalgiques aveugles qui pensent quon était mieux sous le régime
belgo-flamand.
Et si cest au pied du mur quon
reconnaît le maçon, je pense que nous navons sincèrement pas à rougir de notre
travail, lorsquil ne se passe plus une semaine sans quun indicateur ne
témoigne de notre redressement.
La confiance des Wallons reprend de la
vigueur de mois en mois.
Cest à la fois un prodigieux
encouragement et une écrasante responsabilité. Lensemble de léquipe que je
dirige en est consciente.

La troisième personnalité, modestement
discrète mais qui imprègne lensemble de l'ouvrage, cest Robert Moreau
lui-même, qui à linstar de Rousseau - éprouve combien il est
malaisé de rédiger ses " confessions ".
Au moment où la Région wallonne fête ses
vingt ans, en se référant, bien entendu, aux institutions nées de la régionalisation
définitive des lois d'août 1980, on ne peut que saluer l'action ministérielle
pionnière déployée par Robert Moreau, dans le cadre de la régionalisation provisoire.
Avec Alfred Califice, Franz Janssens et
Jean Gol, laction des membres du premier Conseil régional wallon et du Comité
ministériel des Affaires régionales wallonnes - nés de la loi Perin -
Vandekerckhove de 1974 - a joué un rôle méconnu mais pourtant bien réel dans la
préparation du terrain sur lequel la Wallonie institutionnelle devait ensuite
sépanouir.
Robert Moreau l'a fait avec la fougue et la
détermination qu'on lui connaît. Avec courage aussi car tous ces moments ne furent pas
faciles.
Homme du secteur économique et social et
homme de terrain, il a marqué son département de son empreinte et a été un des
premiers dont les Wallonnes et les Wallons ont pu dire : " voilà notre
ministre ".
Pour son combat wallon inlassable et,
au-delà, pour lensemble de son uvre émancipatrice, qu'il soit aujourd'hui
remercié et, avec lui, son épouse et ses compagnons de combats.
La Wallonie vous doit beaucoup !
Sachez quelle ne lignore pas et
que son actuel Président agira pour que ses enfants sen souviennent.
Car votre histoire est déjà notre
Histoire ; lhistoire dune population prête à embrasser lavenir,
forte dune conscience et dune dignité retrouvées.
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