Wallonie 2020 : une offre de réflexion citoyenne
Lancement des travaux - Namur, lundi 26 novembre 2001La prospective en marche
Fabienne Goux-Baudiment
directeur de proGective,
co-gérant d'euroProspectiveBonsoir. Je suis ravie dêtre parmi vous ce soir parce que la démarche que vous allez entreprendre me tient particulièrement à cur et cela pour deux raisons. La première est que cette manifestation montre que la prospective est capable de sortir de la France (elle nest donc pas une autre de nos exceptions françaises !). La seconde raison, un peu moins égoïste, réside dans le fait que la prospective est aujourdhui, je pense, le seul moyen dont dispose un territoire de faire face à ses responsabilités; aussi, le fait de voir un territoire, surtout cousin, capable dassumer cette responsabilité et de se mettre en situation de lassumer vis-à-vis des générations futures, est un grand plaisir.
Jaimerais vous indiquer quelle est la manière dont on peut interpréter lensemble de lexercice "Wallonie au Futur" depuis le début. En effet, si on regarde avec un regard un peu distancié ce qui sest passé, on voit quen 1987 un premier congrès de la Wallonie au Futur a eu lieu, intitulé "Vers un nouveau paradigme"; en lui-même, il constituait le lancement de la démarche. Bien sûr, ce nétait pas, en tant que tel, un exercice de prospective, mais cétait une première étape car une société sinterrogeait sur sa capacité à réunir les acteurs, à les mobiliser. Le second congrès, en 1991, consacré aux "défis de léducation", puis le troisième en 1995, consacré aux "stratégies pour lemploi" ont montré plutôt un approfondissement de la démarche, une capacité à essayer de se penser en tant que Wallonie et une capacité surtout à poser un diagnostic partagé sur un certain nombre de points qui nétaient pas forcément agréables à évoquer, sachant que lemploi est, pour lensemble de nos territoires, et notamment le Nord de la France et la Wallonie, une question délicate. En 1998, un quatrième congrès marque un tournant. Il sagit à ce moment-là de se passer de ce qui avait été jusquà présent assez "facile", cest-à-dire la construction de la démarche, le fait dappréhender un certain nombre denjeux. Le virage se situe dans la volonté daller plus loin, de passer à lacte. En ce sens, on sent vraiment samorcer ce que nous qualifions de prospective opérationnelle, cest-à-dire une réflexion qui est capable de sincarner dans laction. Effectivement, elle sincarnera en mai 1999 avec une première journée détude sur la contractualisation face à la puissance publique; puis, en mars 2000 avec une seconde journée détude consacrée à lévaluation et, le même mois, une dernière journée consacrée à la prospective. Cest cette dernière qui va permettre denclencher le processus qui nous réunit ici aujourdhui, un processus qui va sincarner en un exercice un peu particulier. Cet exercice va prendre du temps puisquen réalité, il va être étalé de 2001 à 2003. Ce ne sera pas simplement un congrès à un moment donné, mais la mise en route dun processus de réflexion partagée qui va amener les Wallons à penser le futur en germe, non seulement dans ses difficultés quotidiennes que vous connaissez bien, mais aussi dans la définition que vous pourriez porter de ce quil serait en tant que futur souhaitable pour vous.
Il sagit-là dune sorte de retour au sens. En effet, non seulement la société dacteurs a su montrer quelle existait, notamment dans le congrès de 1998, mais va devoir montrer quelle peut penser collectivement. La participation, jespère nombreuse, des Wallons à cet exercice montrera que lensemble des acteurs - cest-à-dire ceux qui se jugent acteurs de leur futur mais aussi acteurs du futur commun des Wallons - vont être capables dembrayer sur un nouveau mode de pensée, cest-à-dire se concevoir en tant que Wallonie et se projeter comme tels dans lavenir.
Certes, on peut peut-être considérer ce genre dexercice comme un gadget ni forcément utile ni forcément opérationnel. En réalité, il est beaucoup plus opérationnel quon ne peut limaginer dans la mesure où cette maîtrise du futur est à la fois un acte de liberté et un devoir de responsabilité. Cest, je crois, ce qui nous réunit ce soir : cette volonté non seulement dassumer nos responsabilités vis-à-vis des générations futures - ce que nous apprend le développement durable - mais encore vis-à-vis du présent grâce à la capacité de faire face aux problèmes et de décider de les affronter dans une vision de long terme. Cela nécessite de réfléchir aux impacts à long terme des décisions et, à partir de ces impacts, de repenser ce que nous sommes en train de construire, jour après jour, à travers nos décisions.
Je crois quil faut tenir compte aujourdhui, et cest sans doute ce que va montrer cet exercice, que la légitimité a changé de bord. Elle nappartient plus forcément à ceux qui ont la compétence de faire mais elle est aussi - et peut-être dabord - à ceux qui font, que ces gens soient ou non compétents pour cela. Cela pose un véritable problème parce quà partir du moment où on se donne le pouvoir dagir, le devoir de compétence est tout aussi essentiel que le devoir de responsabilité. Etre compétent, cela signifie, en matière de prospective, comme en matière de pensée politique (au sens noble de ce terme), être capable de regarder le futur à la fois en comprenant les mutations, en mobilisant les acteurs autour de soi - eux qui sont capables de porter réellement un devenir différent - et, enfin, en étant capable de vraiment dessiner un futur. Et croyez-moi, cest bien le plus difficile. Le risque est grand de se limiter à la critique, à lutopie, ou encore à du non-choix, cest-à-dire un refus de regarder là où des espaces de liberté sont possibles et où lon peut créer tout un éventail de possibles. Lorsque, à un moment donné, il faut choisir, ce choix peut être extrêmement difficile parce quil est lexpression la plus totale de notre responsabilité. Il faut ensuite assumer ce choix et faire en sorte quil soit une réussite et non pas un échec.
Cest à cette responsabilité que va conduire lexercice de prospective qui est lancé aujourdhui et que vous allez mener à partir du mois de janvier. Je voudrais vous accompagner de tous mes vux pour la réussite de cet exercice, pour la qualité de votre discernement, pour un avenir wallon qui soit partagé et porteur davenir. Il vous faudra donc uvrer à cette subtile différence qui fait passer du futur à lavenir, dans le sens spécifique de ce terme illustré par le fait que si chacun a un futur, chacun na pas forcément davenir. Je vous accompagne donc de tous mes vux pour réussir à donner un avenir à ce territoire wallon.
La Wallonie au Futur : Index des congrès 1987-1998 Publications des actes des congrès I à IV
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Page mise à jour le 07-04-2017 |
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