Dialogue stratégique
Développement
Martine Durez
Professeur à la Faculté Warocqué
des Sciences économiques et sociales de
lUniversité de Mons-Hainaut
Comme vous le savez, les deux journées se sont vu
assigner des objectifs très précis, concrets, la journée d'hier était celle des
constats, des évaluations, des pistes à explorer et, aujourd'hui, nous sommes censés
dépasser les constats, poursuivre dans la démarche d'évaluation que Mme Elisabeth
Dupoirier a esquissée pour aborder l'implémentation des stratégies, comme le dit
l'auteur du rapport, nous devons dépasser l'évaluation pour proposer l'innovation quand
elle est possible ou souhaitable et déboucher sur la prospective, j'ai cité ici le
président de ces journées.
Alors, la compréhension que j'ai eue de cette
journée est donc que, lors des carrefours interdisciplinaires, on s'est demandé si ce
qui avait été proposé lors des précédents congrès était encore d'actualité ou
devait être réorienté. Aujourd'hui, nous devons aller vers la mise en uvre de ces
stratégies, si possible, en les articulant, je crois que c'était aussi un souci
des organisateurs sur un horizon temporel, c'est-à-dire en indiquant ce qui peut
être fait à court terme. On a pris par exemple, d'ici fin 1999; à moyen terme, l'espace
d'une législature et enfin, à long terme, pour la génération suivante.
L'organisation de la séance que je propose est la
suivante : dans un premier temps, je vais demander à MM. Dethier et Vandendorpe, qui
ont travaillé une bonne partie de la nuit si j'ai bien compris, de vous faire une
synthèse des carrefours auxquels ils ont été les témoins privilégiés. En principe,
M. Vandendorpe était le rapporteur de Développement économique, évolution
technologique, ressources humaines. Et M. Dethier était le rapporteur de Infrastructures
structurantes et innovations. Mais je pense qu'ils ont voulu faire un texte commun et
poser des questions communes sur base des enjeux qui ont été énoncés hier. Je
demanderai en plus, ensuite, à M. Destrée, secrétaire général de l'Interrégionale
wallonne de la FGTB, à M. Maystadt, président du PSC, à M. Roland, secrétaire Ecolo et
à M. Van Cauwenberge, ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi et de la Formation de
la Région wallonne, ministre du Budget, des Constructions et de la Promotion sociale de
la Communauté française et à M. Ducarme, de nous indiquer leur vision sur les enjeux
prioritaires pour la Wallonie, sur base des constats de nos témoins et également, sur la
façon dont ils envisagent de mettre en uvre ces constats ou ces enjeux à la fois
à court terme, moyen terme et long terme, si possible en cinq à sept minutes, quitte à
ce qu'on fasse un deuxième tour de table, si cela vous convient par la suite.
Avant de passer la parole aux rapporteurs et en
quelques mots, pour ceux qui n'ont pas pu assister ou qui n'ont pas pu lire le volumineux
rapport très dense et très fouillé qui a servi de base à la préparation des
carrefours, je voudrais dire en six points comme je lis ce rapport du point de vue des
perspectives de développement qui doivent nous occuper aujourd'hui.
De façon synthétique et même un peu
caricaturale, il me semble que, aujourd'hui, il y a six constats qui peuvent guider notre
réflexion.
Le premier, qui s'est retrouvé encore dans les
carrefours d'hier, c'est qu'il semble y avoir un consensus sur le fait que la nouvelle
finalité de développement, pour la Wallonie notamment, doit être de mieux répondre aux
besoins qualitatifs de la population. Donc, il ne s'agit pas d'abandonner le quantitatif
mais peut-être d'accorder plus d'intérêt au qualitatif, peut-être pour donner plus de
sens à la démarche, comme le dit Mme Elisabeth Dupoirier.
2. Si l'on part de l'idée que cet objectif doit
abandonner un peu le quantitatif au profit du qualitatif, cela suppose de faire des
valeurs immatérielles un des enjeux prioritaires et, en particulier de l'éducation, de
la formation, un des défis de demain. Dans le rapport, il y a d'ailleurs un chapitre
entier consacré à l'éducation comme élément moteur de la Wallonie et hier, beaucoup
de participants ont insisté en disant : si on veut donner plus de place au
qualitatif, s'il faut un programme de mutation fondamentale, il est clair que des
éléments ont peu été développés en Wallonie, comme la culture du changement, la
formation au changement, à la gestion de projets un participant a dit : il
faut apprendre en Wallonie à transformer les idées en projets . Donc, c'est le
deuxième constat, pour passer du quantitatif à plus de qualitatif, il faut plus de place
à l'immatériel et en particulier, à cette culture de changement.
3. Pour mettre ceci en uvre, il faut un
programme radical de changement et je crois que le terme programme est important on
va y revenir, cela va faire le lien avec ce qu'on va dire aujourd'hui programme
veut dire des objectifs, un timing, des moyens, des budgets. Donc, il ne s'agit pas
simplement d'énoncer des idées mais de les mettre en uvre, un horizon avec des
moyens déterminés. On reviendra notamment à ce qui a été proposé par M. Wauters en
matière de relations sociales où il disait : il faut une culture, développer en
Wallonie une culture d'utilité des entreprises, d'efficacité de ce qu'on fait et de
communauté d'intérêt entre les différents participants, syndicats, patronat, société
civile.

4. Quatrième constat et je me réfère
encore à ce que Mme Elisabeth Dupoirier a dit . C'est vrai que les auteurs des
rapports ou les participants aux rapports reconnaissent qu'il y a des difficultés en
Wallonie mais qu'il y a aussi des atouts régionaux importants. Parmi les difficultés le
plus souvent citées, nous avons encore un élément dont vous avez parlé mais qui n'est
pas une réelle difficulté, c'est : qu'est-ce que la Wallonie ? comment
faut-il définir ce concept ? faut-il intégrer Bruxelles ou des hinterlands ?
Mais, comme vous l'avez dit, il y a moyen de définir des stratégies de complémentarité
ou de coopération, donc ce n'est sans doute pas une difficulté majeure; l'autre
difficulté souvent citée et bien connue, c'est la faiblesse d'autonomie financière de
la Wallonie et la troisième, la disparité de développement entre l'axe Bruxelles,
Louvain-la-Neuve, Namur, Luxembourg, par rapport à la région dans laquelle nous sommes
Mons, Borinage, Centre et certains voient cette faiblesse de développement jusqu'à
Charleroi. Mais des atouts, vous en avez cités, des culturels, patrimoniaux, etc. Des
atouts économiques également sont mis en avant par les participants, par exemple des
secteurs, comme l'acier, le papier, le verre, qui constituent encore des points forts et
d'autres secteurs, qui selon les participants devraient davantage développer tourisme,
culture, eau, environnement et là, il y a plus de controverses apparemment sur le secteur
des transports. Faut-il axer davantage la politique de la Wallonie sur les
transports ?
Un projet, des difficultés, des atouts et une
panoplie de moyens qui ont été cités, tant dans le rapport d'hier, moyens un peu
disparates parfois. Certains, bien connus, disent : il faut des guichets uniques, une
simplification administrative; il faut changer la politique d'aide; elle n'est pas
suffisamment stimulante. Certains disent : il faut alléger le poids des charges du
travail avec un financement alternatif. Mais des moyens aussi plus récents, cités dans
le rapport et qui rejoignent un peu tous l'idée du maillage de la société, maillage
notamment entre universités pourquoi ne pas les organiser en réseaux, je
ne voudrais pas faire ici de polémique mais pourquoi ne pas concevoir une autre
organisation de nos universités régionales dans un plus grand maillage, une
fédération, quelque chose à trouver ? Comment développer les inferfaces
entreprises, universités, sociétés civiles ? Pourquoi ne pas développer en
Wallonie des clusters, c'est-à-dire des groupes de PME qui s'associent pour
prendre en compte ensemble toute la maîtrise d'un produit et donc, de son marché et ne
pas dépendre des grandes entreprises, notamment pour la recherche et le développement.
Donc, je crois que jusque maintenant, le conseil qui est assez positif et j'en viens à la
journée d'aujourd'hui, parce que ce qui m'a semblé à la lecture du rapport, mais
évidemment c'est une lecture personnelle, c'est le fait que les participants déplorent
l'absence de méthodologie pour finaliser tous ces enjeux.
En particulier, le rapport relève 3 choses :
1. absence de hiérarchisation dans les priorités;
certains ont encore rappelé hier : est-ce qu'il faut soutenir les entreprises
existantes, est-ce qu'il ne faut pas se spécialiser dans certains secteurs, etc. ?
2. manque de calendrier idéal des propositions à
mettre en uvre;
3. insuffisante mobilisation des citoyens, de la
société civile, déficit de communication, certains parlent de l'incapacité pour la
Wallonie de se vendre.
Alors, je crois qu'on retrouve là un ensemble de
problématiques qui sont fréquentes dans les entreprises qui veulent se repositionner.
Souvent, ces entreprises font appel à des consultants stratégiques pour définir
davantage la mission, priorité d'action, calendrier, etc. communication des enjeux. Une
des questions qui pourrait être adressée à nos invités, c'est : est-ce que la
Wallonie ne peut pas mettre en place une démarche de ce type ? ou deux, à l'instar
de ce que M. Jospin a mis en place en France où il a invité les principaux experts, une
quarantaine d'économistes qui faisaient autorité dans ces domaines, à remettre des
rapports sur toutes les problématiques (l'émigration, l'économie, le développement
régional, l'administration, etc.) mais des rapports le journal Le Monde
dit : ils sont là pour agir et pas pour enterrer c'est-à-dire des
rapports orientés vers l'action, vers des propositions concrètes, vers l'analyse de leur
faisabilité et donc, c'est peut-être une des questions qui pourrait venir dans le
débat : est-ce que la Wallonie n'a pas intérêt à mettre en uvre, pour la
méthodologie, ce type de proposition ?
Je vais céder la parole à M. Vandendorpe qui
commence et M. Dethier ensuite, pour nous synthétiser leur vision des carrefours d'hier.
|