Christian Druitte
Administrateur délégué de la RTBF
J'ai été un peu décontenancé lorsque j'ai reçu
il y quelques mois déjà, la visite de Fabienne Roberti qui menait son enquête pour
l'établissement du rapport préliminaire à ce congrès. Elle m'avait à la fois
interpellé et effrayé, entrant dans un bureau que je venais à peine de découvrir
depuis quelques semaines. Elle me disait : Qu'est-ce que la RTBF peut faire pour la
Wallonie ? Etait-ce une question, était-ce un reproche, était-ce un
encouragement ? Le temps de respirer quelques secondes, moi qui avais arpenté tous
les chemins de la Wallonie pendant toute ma longue carrière dans ses entreprises, qui
découvrais un monde nouveau et, en tout cas, une responsabilité nouvelle parce qu'exiger
est une chose lorsqu'on est à la périphérie, fédérer est autre chose quand on est au
centre.
J'ai essayé de lui expliquer que, pour moi,
l'audiovisuel public et je ne parlerai pas de l'audiovisuel privé que nous vivons
peut-être en concurrence pour l'instant puisque nous faisons des procès alors que nous
devrions peut-être faire des choses ensemble, faire des additions et non des
soustractions se définissait de différentes façons à partir de trois
questions :
- est-il décideur ?
- est-il acteur ?
- ou est-il accompagnateur ?
En parcourant ce qui s'est dit lors de votre
congrès précédent, je lisais que cet audiovisuel, la RTBF, fruit de l'argent des
contribuables, était un enjeu majeur pour le développement économique, culturel,
artistique et social de la région.
Le législateur l'a bien compris puisque le décret
constitutif de cette nouvelle entreprise publique autonome à caractère culturel
peut-être déjà en réaction avec certaines tendances centrifuges qui auraient pu
s'exprimer antérieurement indique clairement que l'entreprise devait si
même elle restait dans son centre historique pour des raisons dans lesquelles je
n'entrerai pas maintenant , en tout cas, veiller, à l'installation de cinq centres
de production régionaux, les nommer, les définir, leur fixer une mission et des moyens.
Là, on est au cur du débat. Ces centres régionaux étaient déjà dessinés,
c'était Mons, Charleroi, Namur, Liège, donc c'était tout l'axe wallon et aussi le
centre régional bruxellois que l'on confond parfois d'ailleurs avec le mastodonte qui se
trouve au boulevard Reyers.
Ces centres Namur, Liège, Charleroi et
Mons-Hainaut sont une manière de créer et d'activer, au cur de la Wallonie
je ne parlerai pas de Bruxelles pour l'instant, ce n'est pas l'objet quatre
entreprises, quatre PME relativement performantes et regroupant en leur sein un total de
huit cents emplois de qualité. Donc, nous pouvons dire que l'audiovisuel public met à la
disposition de la région huit cents emplois de qualité, cent vingt à Mons, deux cent
vingt à Charleroi, cent vingt à Namur et trois cents à Liège qui allient à la fois la
production radio et la production télévision, Charleroi ne s'occupant pour l'instant que
de télévision, Namur et Mons s'occupant de radio avec des émissions d'informations en
matière de télévision.
Il y a un flux économique au travers de cette
réalité de production, les budgets de fonctionnement et les sommes affectées au
paiement du personnel représentent 1 milliard 647 millions. Ces centres régionaux
génèrent ces flux financiers même s'ils n'ont pas été créés pour cela, mais bien
pour qu'ils soient le reflet de nos régions et le reflet de l'activité qui s'y déroule.
Ce qui me paraît important, dans la mission
parfois austère du service public, c'est que nous devons être à l'écoute et rendre
compte. Nous aurons demain un débat pour savoir si nous diffusons, oui ou non, pour
encore 4 ans, le grand prix de Francorchamps. C'est un débat majeur parce que
Francorchamps est une image importante, pratiquement envoyée en Mondovision de la
Wallonie, mais le marasme financier dans lequel nous nous trouvons nous amènera à voir
ce débat crucial. Si nous ne dégageons pas demain un partenariat, soit avec la Région,
soit avec d'autres, nous devrons peut-être sacrifier sur l'autel d'une restructuration
budgétaire un moment aussi majeur que le Grand Prix de Formule 1 de Francorchamps qui
coûte, pour une journée, 20 millions. Il était important aussi, et ce fut un débat
pour nous, de diffuser le Grand Prix Cycliste de Wallonie. Tout le monde peut hausser les
épaules mais que quatre télévisions européennes achètent les images en direct du
Grand Prix de Wallonie, images qui se terminent sur la capitale de la Région wallonne,
dans un site enchanteur, c'est important, c'est la mise en valeur d'une activité ou d'une
image de la Wallonie. Au travers de la culture par exemple, il est important que
l'audiovisuel public puisse répercuter, par des accords de partenariat, un certain nombre
d'activités générées en Région wallonne. Je pense notamment à ce qui se fait autour
de l'Opéra royal de Wallonie à Liège, à ce qui se fait autour des deux orchestres
wallons, l'Orchestre de Musique de Chambre et l'Orchestre symphonique de Liège. Nous
avons pour mission de les mettre en valeur, de les illustrer, de les capter et
incontestablement, nous faisons là ce qu'une chaîne privée et commerciale ne ferait pas
ou ferait payer.

Grâce à des accords de partenariat, nous mettons
en évidence, au travers de spots promotionnels, une campagne de promotion à une
activité wallonne, par exemple lorsque nous entrons en partenariat avec l'ORPAH. L'ORPAH
nous aide mais nous pouvons apporter une visibilité majeure à l'ORPAH.
Donc, je pense que la présence d'un audiovisuel
public, qui soit contractuellement lié, contribue à la mise en évidence de tout ce qui
sera, tout ce qui est activités de la région wallonne. Ce n'est pas un satisfecit
parce que je sais que vous me direz dans le débat que ce n'est pas assez. Je pense que
nous devons aussi, pour l'instant, faire une sorte de mea culpa. On ne guide pas
des rédactions de journalistes, mais c'est clair que nous devons tout doucement leur
demander d'être attentifs à mettre en évidence ce qui est porteur pour autant qu'on ne
les emprisonne pas dans leur déontologie. Je m'explique. Nous avons mis fin à un
magazine économique qui s'appelait Turbulences le magazine des malheurs de
la Région wallonne qui, un jour, a résumé le problème du logement en Wallonie
par les quelque dizaines de personnes qui vivaient dans des caravanes dans des terrains de
camping, alors qu'on venait d'inaugurer le cent millième logement social dans la région
du Centre. Le problème du logement, ce n'est pas le camping-caravaning, c'est le logement
social qu'on a créé et c'est le logement moyen.
Nous avons, dans notre projet, un magazine qui
s'appellerait le magazine des innovants, dans lequel les journalistes
seraient libérés de leurs contraintes déontologiques puisque le but serait d'expliquer
comment certains porteurs de projets, comment certains responsables d'entreprises ont pu
évoluer dans le maquis des procédures, dans le maquis de tout ce qui fait la difficulté
d'entreprendre. Le but est de montrer que des gens peuvent réussir. Il y a des espaces
pour dire les choses. Notre rôle n'est pas de les occulter, mais de retrouver demain des
espaces pour dire aussi, pour autant qu'on ait défini le coût précis de ce que nous
voulons faire, ce qui est porteur, ce qui est nouveau, ce qui est innovant.
Un dernier point. Est-ce que l'audiovisuel
public est porteur d'un message militant ? Je crois que nous devons avoir une prise
de conscience, que l'audiovisuel public doit être acteur. Nous voulons être les
témoins, le reflet de toute marche en avant, le reflet des succès, le reflet des
insuccès mais nous ne pouvons pas, pour autant, nous transformer en porte-drapeau actif
d'une cause à défendre.
|