Rapport général du
Congrès
Michel
Quévit
Professeur à l'Université
catholique de Louvain, Directeur du RIDER (Centre de Recherche
interdisciplinaire en Développement régional)
Mesdames,
Messieurs,
En tant que rapporteur
général du Congrès "La Wallonie au futur", je ne peux que me réjouir des
résultats de ce congrès. Tout d'abord, permettez-moi de remercier les présidents
des commissions qui pendant plus d'une année ont encadré les travaux de leur
groupe et rendu possible un véritable débat d'idées. Nous nous sommes ainsi
inscrits dans la tradition des différents congrès de la Wallonie au futur qui
ont toujours voulu être un lieu de réflexion ouvert sur une problématique
centrale du devenir de la société en général et de la Wallonie en particulier.
Je veux aussi remercier les membres des commissions qui ont contribué à enrichir
ce débat par la qualité de leur réflexion et le très haut niveau intellectuel
des documents qu'ils nous ont fournis.
Mais si je me réjouis de
l'issue de ce congrès, c'est plus encore parce que nous avons pu tenir un
congrès sur le thème le plus important et le plus difficile qui soit à l'époque
actuelle : "Quelles stratégies pour l'emploi ?"
La problématique de
l'emploi est, certes, au coeur du débat politique mais elle est aussi devenue
une question vitale pour la grande majorité de la population, non seulement des
pays hautement industrialisés mais hélas aussi pour celle des pays en
développement. Jamais dans l'histoire de l'humanité, en raison des mutations
technologiques qui sont au centre du fonctionnement de notre appareil de
production, nous n'avons été aussi "riches" de la diversité et de la quantité
des biens et de services que nous pouvons nous offrir et jamais non plus, nous
n'avons été confrontés en parallèle au spectre du "non travail", et
corrolairement de la paupérisation pour une partie grandissante de nos
populations.
Nous avons aussi tenu un
congrès de réflexion difficile et nous le savions d'emblée tant les divergences
de vue peuvent apparaître dès que l'on doit se prononcer sur le choix de
stratégies concrètes.
Aussi, je voudrais dire
en introduction à ce rapport qu'en centrant nos travaux sur les relations entre
la croissance et la création d'emplois durables, nous avons évité de tomber dans
le double piège du discours sur la compétitivité. D'abord, celui des "chantres"
de la compétitivité avec sa triple litanie : dérégulation, privatisation et
désolidarisation. Au contraire, tous les travaux des commissions ont été
traversés par la remise en valeur de la double fonction de régulation et de
redistribution de l'Etat, fonctions quelque peu oubliées voire même honnies par
les temps qui courent. C'est un des messages centraux de ce Congrès que d'avoir
réhabilité la mission d'intérêt général de l'Etat. Le second message de ce
Congrès, lui aussi en porte à faux avec la litanie de la compétitivité, est
l'affirmation claire de bâtir des stratégies réalistes pour l'emploi en les
fondant sur le principe de la solidarité élémentaire entre ceux qui ont la
chance d'avoir un emploi et ceux qui le recherchent .
Nous n'avons cependant
pas voulu non plus tomber dans l'autre piège qui consisterait à rejeter les
conditions de la croissance dans l'économie de marché qui est la nôtre. Nous
sommes entrés dans ce que les économistes appellent l'ère de la globalisation où
l'intégration des échanges économiques est de plus en plus grande et où la marge
de manoeuvre des Etats-nations est de plus en plus réduite.
En situant nos travaux
dans le cadre du Livre Blanc, nous avons clairement inscrit notre réflexion dans
le champ de la concurrence internationale et les conditions actuelles de la
croissance. Néanmoins, il faut le dire, nous n'avons pas fait du Livre Blanc
notre Bible. Il fut plutôt un référent utile pour une réflexion féconde sur le
devenir de notre région.
Car tel est bien le
second objectif de ce Congrès, à savoir comment une région comme la Wallonie
peut mettre en oeuvre des stratégies d'emploi qui soient à la fois réalistes et
soucieuses de garantir à la population un revenu décent et une possibilité de
s'intégrer dans le marché du travail. Nous sommes, certes, convaincus que la
plupart des pistes dégagées par les travaux des commissions ne trouveront de
solutions durables que dans le cadre d'une Union Européenne qui affirme sa
dimension sociale.
Nous pensons néanmoins
que, par les compétences acquises par le Gouvernement wallon dans le cadre de la
fédéralisation du pays, beaucoup de choses peuvent être réalisées pour favoriser
la création d'emplois durables en Wallonie, en cohérence avec une stratégie
européenne de croissance qui réponde mieux aux besoins vitaux de nos
populations.
Quelles stratégies pour
l'emploi en Wallonie ?
Les présidents des
commissions vous ont présenté les principales conclusions des débats en relation
avec la thématique spécifique qui fut la leur. Je m'en voudrais de répéter ce
qu'ils ont dit, nous perdrions notre temps. Aussi me limiterai-je à dégager, à
la lumière de leurs conclusions, les propositions politiques qui sous-tendent
leur réflexion.
Ces propositions
politiques s'articulent autour de trois enjeux majeurs :
-
Comment concevoir une
répartition du travail qui donne au plus grand nombre une possibilité
d'exercer son droit au travail ?
-
Comment concrétiser
le financement de la solidarité dans une optique qui soit équitable et
faisable ?
-
Quelle politique
économique pour la création d'emplois durables en Wallonie ?
Comment concevoir une
répartition du travail qui donne au plus grand nombre une possibilité d'exercer
son droit au travail ?
Le Livre blanc nous a dit
: Entre 1983 et 1991, la durée hebdomadaire du travail n'a baissé que de 3 %
dans la Communauté, soit d'un peu plus d'une heure. Et aussi : Certains
Etats-membres ont jusqu'ici mieux réussi que d'autres à convertir un volume
donné de travail en emplois, à la fois en réduisant la durée normale du travail
par des moyens divers et en augmentant le nombre des emplois à temps partiel.
Nos intervenants ont
abordé ce problème avec le souci d'une flexibilité suffisante, afin de s'adapter
à la grande variabilité des situations d'entreprises et des réalités familiales,
pour autant que cette flexibilité n'aboutisse cependant à une dualisation du
marché du travail dont l'effet serait que les demandeurs d'emploi les plus
faibles (en particulier les femmes ou les moins qualifiés) aient une durée et un
horaire qui ne seraient pas choisis par eux, mais subis par nécessité. Pour
beaucoup d'intervenants, le temps de travail doit être le fruit, soit d'une
démarche réellement individuelle et libre, soit d'une démarche collective de
négociation entre partenaires sociaux, qui serait à resituer d'ailleurs dans le
contexte d'une négociation globale sur la croissance et l'emploi, excluant le
recul de la consommation et du niveau de vie des salariés.
Certains ont exprimé le
voeu que la négociation du niveau du salaire puisse être intersectorielle et
globale, en laissant aux secteurs et aux entreprises la faculté d'expérimenter
des accords portant sur l'organisation du travail et le nombre d'heures
prestées, dont la réduction devrait s'accompagner alors de recrutements
significatifs. En phase de remontée conjoncturelle, la perspective d'une
utilisation hebdomadaire élargie de l'outil de production peut répartir son coût
sur davantage d'unités produites et aboutir à un coût total par unité qui ne
serait pas alourdi.
Des aménagements de la
législation et des charges sociales pourraient faciliter des accords propres aux
secteurs ou aux entreprises dans lesquels les conditions de succès sont réunies,
sans que leur généralisation doive être envisagée et sans que d'autres pistes
soient négligées.

Comment concrétiser le
financement de la solidarité dans une optique qui soit équitable et faisable ?
La diminution des charges
patronales qui grèvent le coût salarial est envisagée comme un moyen d'accroître
le nombre des emplois. Le financement de cette solidarité serait reportée sur
d'autres facteurs que le travail. Des pistes ont été indiquées (revenus du
capital, énergie et CO2, cotisation générale de solidarité, TVA).
Une étude chiffrée
approfondie a permis de vérifier le bien fondé de ces suggestions européennes.
C'est surtout en ciblant les emplois non qualifiés que des résultats
intéressants paraissent accessibles en nombre d'emplois.
L'efficacité des pistes
de refinancement est très variable. Elle ne semble suffisante qu'en ciblant sur
les revenus du capital ou sur l'énergie et le CO2. Cette voie européenne est
donc prometteuse, même s'il faut relativiser les espoirs qu'on peut fonder sur
elle.
Le financement de la
solidarité a été aussi examiné dans une perspective large et de longue durée.
Des problèmes de société assez fondamentaux ont été aperçus à cette occasion.
Quelle politique
économique créatrice d'emploi durable en Wallonie ?
Pas moins de trois
commissions ont consacré leurs travaux à cette thématique. C'est dire combien
l'adoption d'une stratégie de création d'emplois dans le contexte actuel de la
croissance ne signifie pas l'abandon par l'Etat de ses responsabilités mais la
reconnaissance de sa présence sur tous les fronts pour organiser la cohérence
d'une politique économique et sociale centrée sur l'intérêt général.
La grande différence
d'avec l'approche keynésienne qui elle aussi revendiquait le rôle majeur de l'Etat
comme régulateur des échanges économiques réside dans un changement fondamental
de la nature de ses interventions et de ses modalités d'organisation. Sur ce
point, les conclusions des trois commissions convergent unanimement : il ne faut
pas moins d'Etat mais il faut changer l'Etat.
Autre élément de
convergence entre les trois commissions : leurs conclusions se sont d'emblée
inscrites dans le prolongement du paradigme des congrès précédents à savoir la
prédominance de l'immatériel et la priorité à accorder à la valorisation du
capital humain dans la politique économique des pouvoirs publics.
Pour réaliser sa
politique économique, la Région dispose d'instruments classiques tels que les
aides directes en soutien à l'investissement, les aides indirectes visant la
création d'un environnement économique et social favorable au développement de
son tissu productif, la formation et le développement des infrastructures. Ces
différents instruments de politique économique restent des leviers
indispensables pour orienter le comportement des entreprises à condition, comme
on l'a dit, qu'ils soient utilisés en synergie.
Ils ont fait l'objet d'un
examen attentif dans les commissions mais sous un regard nouveau : "en quoi et
comment ces instruments peuvent-ils, dans le contexte actuel, être créateurs
d'emplois durables ?".
Nous vous proposons
d'examiner le changement de perspective qu'appelle l'utilisation de chacun
d'eux.

Tout d'abord, quelle
politique de stimulation des investissements qui soit propice à l'emploi ?
Les aides à
l'investissement restent un levier important des pouvoirs publics pour orienter
la stratégie des entreprises comme l'a montré l'étude du Professeur Mignolet sur
l'investissement direct des sociétés multinationales implantées en Belgique. Il
apparaît sans ambiguïté que l'octroi d'une subvention en capital a un meilleur
rendement en termes d'abaissement du coût du capital que la diminution du taux
d'impôt des société. Constat étonnant quand on sait que c'est surtout la seconde
politique qui a été à l'origine de zones franches !
La Région dispose là d'un
outil qui, s'il est largement utilisé, notamment dans l'utilisation des Fonds
structurels communautaires n'a pas automatiquement un rapport direct sur
l'emploi surtout s'il s'agit, comme c'est souvent le cas, d'une aide à
l'investissement indifférenciée. C'est pourquoi, comme l'a fort bien dégagé la
commission 2, la stimulation de l'investissement, si elle veut être créatrice
d'emplois durables, passe par une sélectivité accrue de leur octroi. Il faut que
les pouvoirs publics soutiennent en priorité les entreprises qui ont une volonté
d'accroître leur valeur ajoutée en innovant leurs produits, et de conquérir de
nouveaux marchés : ces deux éléments sont des prérequis à la création d'emplois
nouveaux.
Quelle politique de
création d'un environnement socio-économique porteur d'emplois durables ?
Les politiques d'aides
dites indirectes qui visent à créer un environnement socio-économique favorable
à la croissance ont toujours été un pivot de la politique économique des
pouvoirs publics et elles doivent le rester car elles ont pour objectif la
croissance, non pas d'une entreprise particulière mais bien celle de l'ensemble
du tissu productif régional. De cette manière, elles contribuent à ancrer les
entreprises sur son territoire.
Mais, dans ce domaine
aussi, un changement de perspective s'impose car, trop souvent, ces politiques
se sont concentrées sur le développement de grandes infrastructures et non sur
une réelle animation économique. Les travaux des différentes commissions ont mis
ici en évidence deux cibles prioritaires :
Si la Wallonie peut
s'enorgueillir d'être au "hit parade" de la participation aux grands programmes
de Recherche et de Développement européens, elle connaît cette situation
paradoxale d'être la Région du pays qui possède le taux le plus faible de
l'investissement en Recherche et Développement des entreprises privées.
Pour pallier cette
situation, la Région wallonne cohérente avec ce constat, a naguère développé une
politique technologique qui visait la valorisation des résultats de la recherche
et leur transposition industrielle au travers de partenariats entre les
universités et les entreprises ainsi que la création de centres parapublics.
Cette politique a eu peu de résultats sur la création d'emplois en Wallonie car
elle visait quelques grandes firmes, surtout sous capitaux étrangers et des cas
bien répertoriés de "spin off" universitaires. Or, il faut le reconnaître, la
majorité du tissu industriel wallon est composé de trop de PME
sous-dimensionnées en ressources humaines et financières pour entamer une
démarche d'innovation. Les autorités wallonnes semblent l'avoir bien compris
puisque, récemment, elles ont développé un arsenal important d'aides pour les
projets innovants de PME .
Mais ici la priorité a
été donnée à des PME qui possédaient déjà une capacité d'apprentissage de
l'innovation et une ouverture aux impératifs du changement technologique. Or, la
majorité des PME wallonnes sont - permettez-moi l'expression - " sommeillantes"
face à l'innovation.
Il faut dès lors changer
ici aussi de cap et c'est d'autant plus impératif que la plupart des études qui
ont analysé le succès de l'innovation auprès des PME sont arrivées au constat
étonnant que l'origine du processus d'innovation des entreprises ne venait pas
des relations privilégiées avec la recherche et donc de l'offre technologique,
mais de la demande, et plus particulièrement des besoins de ses clients, donc du
marché.
Les implications de cette
démarche nouvelle sont importantes pour la politique technologique de la
Wallonie car elle nécessite un changement de perspective que j'appellerai un
changement "copernicien".
Partir du Marché, en
effet, implique que l'innovation soit perçue comme un processus global et que la
politique technologique s'articule à la politique économique globale de la
Région. En effet, si l'on accepte désormais de privilégier l'approche par le
Marché, des besoins nouveaux apparaissent pour la réussite de l'innovation car
il faut, tout à la fois, connaître son marché potentiel, commercialiser ses
nouveaux produits, financer les risques de l'innovation, accéder à des
compétences nouvelles, gérer et organiser autrement son entreprise.
Partir du Marché a
d'autres implications qu'ont très bien montrées les travaux des commissions :
cela nécessite une approche plus ciblée des interventions des pouvoirs publics
vers la création de supports de proximité en services aux entreprises. En effet,
il faut tout à la fois s'appuyer sur la présence de services tels que les
services financiers, commerciaux, de conseil et de gestion, de formation ainsi
que sur la présence d'une dotation en infrastructures de communication.
Nous percevons mieux
l'effet de synergie entre les différents instruments de politique économique.

Quelle politique de
valorisation des ressources humaines ?
Le Livre blanc nous
révèle une vérité indéniable : nous devons parier sur l'Education et la
Formation tout au long de la vie. Ce n'est certes pas nous qu'il faut convaincre
de cet enjeu puisque nous y avons consacré les travaux de notre dernier Congrès
de "la Wallonie au Futur" et que nous avons organisé à l'intention des autorités
régionales et des partenaires économiques et sociaux une Conférence- consensus
sur ce thème.
A l'avenir, l'obtention
d'un emploi durable passera de plus en plus par l'acquisition de qualifications
nouvelles. Cela est d'autant plus vrai que la concurrence est forte dans ce
domaine où l'on observe, non seulement dans les nouveaux pays industrialisés
mais aussi dans les pays de l'Europe centrale et orientale, des niveaux de
salaires au moins dix fois moindres que les nôtres, à qualifications et niveaux
d'études équivalents.
Nous aurions certes pu
reprendre les conclusions de nos travaux antérieurs. L'intérêt de la réflexion
du Congrès d'aujourd'hui est qu'il a examiné en priorité un mode de formation
directement concerné par la problématique de la création d'emplois durables, à
savoir : la formation professionnelle initiale des jeunes.
Nous ne pourrions que
faire nôtre ce constat que la formation technique et professionnelle est en
crise. Certes, les causes en sont multiples mais nous voulons en relever une qui
nous paraît primordiale pour notre propos : il s'agit non pas de l'inadéquation
tant renchérie de ce type de formation face aux besoins des entreprises mais de
l'écart qui existe entre ce type d'enseignement et la réalité du monde
économique, écart qui s'élargit avec l'éloignement de ces jeunes de la culture
du travail renforcée par l'absence d'alternative à l'école jusque 20 ans pour la
plupart des étudiants de ce réseau.
Une réforme de cet
enseignement devient prioritaire tant au niveau du contenu que de son
organisation.
Au niveau du contenu, il
serait plus juste de parler de compétences plutôt que de qualification,
compétences autour desquelles se constitueraient une formation commune autour de
familles de métiers.
Au niveau de son
organisation, nous devons jeter les passerelles entre l'école technique et
professionnelle, et les entreprises. L'école aurait obligatoirement en charge la
formation aux compétences génériques de nature interdisciplinaire mais pourrait
négocier avec les entreprises la prise en charge par ces dernières de la
formation spécifique aux compétences nécessaires à la maîtrise professionnelle.
Dans cette optique, des
partenariats entre le monde éducatif et le monde économique devraient être mis
en oeuvre par des formules de formation en alternance.
Si nous insistons autant
sur une meilleure articulation entre l'enseignement professionnel et
l'entreprise, c'est aussi dû au constat que la réinsertion des jeunes dans le
circuit du travail semble plus favorable pour ceux qui, en plus d'une formation
d'insertion, peuvent coupler une bonne connaissance de l'entreprise et un
minimum d'expérience professionnelle.

Quelle politique
infrastructurelle ?
La part grandissante des
facteurs immatériels dans la croissance actuelle ne signifie pas pour autant que
les investissements infrastructurels ont perdu de leur importance pour un
développement durable. Toutefois, parler de création d'infrastructures en
Wallonie est toujours un peu problématique tant elle a constitué le champs
privilégié de la politique économique des deux dernières décennies. L'idée
qu'une Région fortement dotée en infrastructures de tout genre possède un
avantage comparatif absolu dans la concurrence est une conviction encore bien
ancrée dans l'imaginaire de certains de nos responsables politiques et
économiques.
Revoir nos choix
infrastructurels est un impératif et, comme le signale la commission qui s'est
penchée sur cette question, il nous faut privilégier ce que nous appelons les
infrastructures "structurantes" du développement à savoir celles qui ont une
relation directe avec le développement de l'immatériel.
Mais, pour la Wallonie,
qu'est-ce que des infrastructures structurantes du développement ? En d'autres
termes, où sont les priorités de nos choix infrastructurels ?
Les travaux de la
Commission en ont relevé trois types que je me plais de mentionner :
Tout d'abord, les
infrastructures liées aux besoins des entreprises de se connecter au global
c'est-à-dire celles qui permettent non seulement une meilleure accessibilité aux
échanges intracommunautaires, en ce compris les PECO mais aussi celles qui
donnent accès à l'information et à la connaissance de l'état de la technologie
qui est par nature mobile et mondialisée : il s'agit bien entendu des
infrastructures de communication, de télécommunication et d'information.
Dans cette catégorie,
nous ne pouvons passer sous silence l'importance non pas de la quantité de
dotation d'infrastructures mais de leur qualité et de leur rapidité. Dans cette
perspective, puisque nous sommes à Liège, nous nous devons de poser le problème
de la connexion des autres villes wallonnes ainsi des zones rurales plus
périphériques au réseau de TGV en voie de réalisation.
Mais, il est une autre
forme d'infrastructures qui fait grandement défaut en Wallonie : nous pensons
aux infrastructures d'accueil et d'équipement qui consolideraient une offre de
services aux entreprises nécessaire tant dans les zones rurales que dans
certaines villes wallonnes;
Enfin, nous nous devons
de mentionner l'importance, pour une région de tradition industrielle, de
l'amélioration du cadre de vie et de l'environnement qui concerne autant le
milieu urbain que le milieu rural.
Dans une optique de
création d'emplois durables, c'est moins la création d'emplois immédiats que
peut engendrer la réalisation de ces infrastructures qui importe que la création
nette d'emplois qu'elles sécrètent si nous les concevons comme les germes d'une
base productive : les exemples du Nord-Rhein- Wesphalie dans la reconversion des
sites industriels ou du Bade-Wurtemberg dans la valorisation de l'environnement
rural sont des initiatives intéressantes à suivre.

Quel rôle pour les
villes wallonnes pour un développement durable ?
Tenant nos assises dans
l'une des grandes villes wallonnes, je ne peux passer sous silence le rôle
nouveau que pourraient jouer les villes wallonnes pour un développement durable.
En effet, la particularité des villes de Wallonie est qu'elles sont de dimension
moyenne et qu'elles doivent irradier sur un hinterland
économique plus large si elles veulent tirer profit des économies
d'agglomération qu'elles sont susceptibles de générer.
Les villes wallonnes se
sont trop souvent conçues et organisées par rapport à elles-mêmes et cela
résulte du développement industriel qui a façonné cette forte intégration entre
le tissu urbain et le tissu industriel.
A l'ère de la
globalisation de l'économie, un nouvel équilibre s'établit, partout en Europe là
où il y a des villes moyennes, entre les armatures urbaines de proximité et le
développement territorial. De nouvelles fonctions urbaines apparaissent :
-
fonction de support à
une offre de services financiers, commerciaux, conseil, etc.;
-
fonction d'innovation
dans les domaines de la formation et des transferts de technologie;
-
fonction de
communication visant à accrocher l'espace local et régional aux réseaux
mondialisés d'échanges;
-
fonction
d'environnement et de cadre de vie à la fois social et culturel;
Toutes ces fonctions sont
indispensables pour soutenir un développement local et régional et seules les
agglomérations urbaines peuvent réaliser les masses critiques nécessaires à la
rentabilisation de ces équipements.
J'irai même plus loin :
ne faudrait-il réfléchir à la mise en réseaux de certaines villes wallonnes en
fonction de leur complémentarité et de leur spécialisation, et cela notamment
dans une optique transfrontalière ?
De la nécessité d'une
stratégie de développement régional organisée et concertée.
L'articulation de ces
différents aspects de la politique économique de la Région ne sera réellement
efficace que si elle s'inscrit dans une stratégie régionale qui, comme l'ont
mentionné les divers rapporteurs des commissions, respecte une triple démarche :
-
une démarche
bottom-up qui part de la réalité des entreprises locales et de la
valorisation des ressources endogènes;
-
une approche intégrée
qui crée des synergies entre les différents domaines de l'intervention des
pouvoirs publics : infrastructures, services aux entreprises, valorisation
des ressources humaines, etc.;
-
une démarche
partenariale qui encourage les coopérations concertées entre les acteurs
économiques, sociaux, éducatifs et politiques sur des projets concrets.
En conclusion de nos
travaux, nous voudrions interpeller ici les autorités régionales sur un souhait
largement exprimé dans la plupart des commissions, à savoir, l'établissement
d'une réelle concertation durable et formelle entre les autorités régionales et
les acteurs représentatifs des forces vives de la région.
Une telle concertation
inclurait non seulement les divers aspects de la politique économique de la
Région mais aussi la prise en considération de problèmes sociaux aussi
fondamentaux que ceux de la répartition du temps du travail et des formes de
solidarité.
C'est donc tout
naturellement que je me tourne vers les représentants du Gouvernement wallon et
vers son Ministre-Président Robert Collignon pour leur transmettre à la fois les
fruits de nos réflexions et les propositions d'orientation de politiques de nos
travaux.

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