Le renouvellement des
populations de Wallonie :
Un atout pour le financement de la solidarité
André
Lambert
Bureau d'Etudes ADRASS asbl -
Ottignies
Ce texte
prend appui sur un travail effectué dans le cadre de la Convention
du 29 août 1994 conclue avec le Ministre du Développement
technologique et de l'Emploi pour la Région Wallonne et réalisé en
connexion avec la C.O.P.A. (Mr A. Seghin et Mr P. Chaidron).
1. Introduction
Des trois phénomènes
fondamentaux (mortalité, fécondité, migrations) qui gouvernent l'avenir de la
population wallonne, le premier est certainement celui dont l'évolution
influencera le plus l'effectif et la répartition par âge de la population future
de la Wallonie.
La croissance attendue du
nombre des personnes âgées est telle qu'on n'imagine plus de provoquer un
redressement de la fécondité qui puisse contrecarrer la hausse de la part
relative des "vieux". On sait par ailleurs que les mouvements migratoires ne
modifient pas fondamentalement la structure par âge. De toutes les façons, même
si la part relative des âgés pourrait éventuellement être partiellement modifiée
sous l'action de la fécondité et de la migration, il reste que le nombre absolu
d'âgés va croître.
Dans les lignes qui
suivent, on mesurera l'impact du recul de la mortalité sur le développement du
vieillissement démographique et sur la charge en inactifs (jeunes, chômeurs,
âgés) qui repose sur les actifs occupés. On montrera que du point de vue
socio-démographique, il existe des possibilités d'affronter le vieillissement.
Cela ne veut pas dire que
le financement de la solidarité soit garanti (on n'a pas introduit les flux
financiers dans cette approche) mais bien qu'il reste possible si on tire parti
des potentialités qui continueront à exister en termes d'effectifs et de
structures de différents segments de la population de la Région,
particulièrement des actifs occupés.

2. L'impact du recul de
la mortalité sur l'effectif et la répartition par âge de la population de
Wallonie
On a réalisé un scénario
dans lequel on imagine qu'en 50 ans, l'espérance de vie des hommes passe de 71.6
à 83.4 ans et celle des femmes de 79.3 à 88.2 ans, soit un gain de 11.8 ans pour
les hommes et de 8.9 ans pour les femmes.
En moyenne, chaque année,
les hommes gagneraient ainsi 23,6% d'année, les femmes 17.8%. Le rythme de gain
observé depuis 1945 est d'environ un quart d'année par an. L'hypothèse est donc
tout à fait vraisemblable. On compare ce scénario à un autre dans lequel la
mortalité reste à son niveau actuel.
Tableau 1. La
population. Sensibilité à la mortalité. Le premier nombre de la case appartient
au scénario de baisse de la mortalité, le second reflète le maintien du niveau
actuel. (Calculs ADRASS).
|
1995 |
2000 |
2010 |
2020 |
2030 |
2040 |
Total |
3312 |
3350 |
3403 |
3445 |
3461 |
3440 |
(milliers) |
|
3340 |
3337 |
3303 |
3229 |
3089 |
0 - 19 (milliers) |
826 |
816 |
760 |
709 |
685 |
638 |
20 - 59 |
1775 |
1808 |
1843 |
1777 |
1662 |
1593 |
(milliers) |
|
|
1836 |
1762 |
1641 |
1563 |
60 + |
711 |
726 |
800 |
959 |
1114 |
120 |
(milliers) |
|
716 |
741 |
832 |
904 |
890 |
60 + |
21,5 |
21,6 |
23,5 |
27,8 |
32,2 |
35;1 |
(%) |
|
21,0 |
22,2 |
25,2 |
28,0 |
28,8 |
Dans les conditions
d'aujourd'hui, la population wallonne atteindrait son maximum en 2005.
Cependant, son déclin ne se produirait qu'après 2030 si la mortalité continuait
à décliner.
A court et moyen terme,
le déclin de la mortalité est un facteur appréciable de croissance (lente) des
effectifs. Ce n'est que dans un petit demi-siècle que le non renouvellement
potentiel de la population (du fait de la faiblesse de la fécondité) cesse
d'être camouflé par le recul de la mortalité.
Les effectifs de
population de moins de 20 ans ne cessent de décroître. Par rapport à 1995, on
est à l'indice 97 en 2000, à l'indice 92 en 2010, 85 en 2020 et 77 en 2040.
Comme par ailleurs dans l'hypothèse de mortalité variable, la population totale
ne cesse de croître qu'après 2030, la part relative des moins de vingt ans
décline rapidement.
A supposer que les
conditions d'aujourd'hui se répètent constamment, la population de Wallonie
comprendrait finalement un pourcentage constant de 20,6% de jeunes. Dans le
scénario de déclin de la mortalité, on aurait à terme environ 18% de moins de
vingt ans... soit une diminution d'un tiers, par rapport à la situation de 1995.
A court et moyen terme
(jusqu'en 2010), le stock des potentiellement actifs de Wallonie augmentera
d'environ 80 000 personnes et leur poids relatif dans la population totale
croîtra. Mais à partir de 2015, cette population décroîtra régulièrement.
Dire "Dans 5 ans, nous
travaillerons plus, et plus longtemps" (La Libre Belgique, 13-03- 1995, à propos
d'une étude de Mr. C. Vandenbroeke, historien-démographe à l'université de Gand)
et justifier cette déclaration par des considérations démographiques n'a pas de
sens, du moins pour la Wallonie. La région a en effet un répit de...vingt ans!
L'avenir est aux
retraités, que ce soit en termes absolus ou relatifs. Même si la mortalité ne
reculait pas!
Dans 25 ans, la
probabilité est grande de constater une croissance de 250 000 personnes de
soixante ans et plus, soit presque un tiers de l'effectif de départ ! La
question est : saurons-nous affronter ce défi en sauvegardant la solidarité ?
Deux vagues creuses
parcourent les âgés: vers 2000, les 80 ans et plus déclinent en valeur absolue.
Entre 2005 et 2010, les 60-79 ans déclinent à leur tour. L'écho de ce déclin se
marque autour de 2020 chez les 80 ans et plus. Dès les premières années du
siècle prochain, les 80 ans et plus se mettent à augmenter, suivis des 60-79
ans. Selon toute vraisemblance jusqu'au milieu du siècle prochain.

Mais la définition des
personnes âgées à partir d'une limite d'âge à priori (par exemple 60 ou 80 ans)
n'est pas toujours heureuse, surtout dans le contexte d'une baisse rapide de la
mortalité. On risque alors de déformer progressivement la réalité, en
considérant comme vieilles des personnes par ailleurs en excellente santé
physique et mentale.
Pour remédier à cet
inconvénient, on a mesuré dans les deux scénarios les évolutions (en valeurs
absolues et relatives) des nombres de personnes auxquelles on peut attribuer une
espérance de vie qui ne dépasse pas dix ans (tableau 2).
Tableau 2. Evolutions
des effectifs de population ayant une espérance de vie de moins de 10 ans.
(Calculs ADRASS).
année |
mortalité constante |
milliers pour mille |
mortalité variable |
milliers pour mille |
|
321 |
97 |
321 |
97 |
1995 |
330 |
100 |
330 |
100 |
2000 |
367 |
110 |
343 |
103 |
2005 |
378 |
114 |
333 |
99 |
2010 |
370 |
112 |
330 |
98 |
2020 |
378 |
115 |
300 |
88 |
2030 |
447 |
141 |
331 |
97 |
2040 |
478 |
158 |
390 |
116 |
CONCLUSIONS :
-
Même mesuré en termes
dynamiques et adaptés à l'évolution, le vieillissement est inéluctable.
-
Le vieillissement
étant relié au niveau d'espérance de vie, l'élévation de celle-ci n'entraîne
pas une accélération automatique du nombre ou du pourcentage de personnes
séniles.
-
Les hypothèses
introduites en ce qui concerne le recul de la mortalité contrebalancent les
effets de structure et induisent un ralentissement du processus de
vieillissement.
-
Mais il ne faudrait
pas perdre de vue que si le nombre et la part relative des âgés augmentera à
coup sûr, les populations en âge d'école et pré-scolaires formeront jusqu'en
2010 un effectif sensiblement égal aux personnes de soixante ans et plus. Si
on entreprend une réflexion relative au développement des services à la
population, il ne faudrait pas se focaliser uniquement sur les troisième et
quatrième âges.

3. L'impact des
migrations.
A supposer que le solde
migratoire s'annule, voire devienne négatif, le renouvellement de la population
d'âge actif ne serait plus assuré, même à court terme.
Par ailleurs, on pourrait
souhaiter que le stock démographique des potentiellement actifs n'en arrive pas
à diminuer. Dans le cadre du scénario de mortalité en déclin, on a donc relevé
progressivement le flux d'immigration de telle sorte que la population des 20-59
ans ne diminue pas à partir de 2006.
Le tableau 3 compare
quelques résultats d'une simulation dans laquelle l'immigration s'accroît
légèrement entre 1997 et 2007 (+ 3000 personnes en 2007) puis plus fortement
entre 2007 et 2017 (+ 10 000 personnes en 2017 par rapport aux conditions
initiales.). Ces accroissements sont nécessaires pour que la population d'âge
actif ne décroisse que de quelques milliers de personnes entre 2017 et 2020.
Tableau 3: Comparaison
de quelques indicateurs issus d'un scénario de hausse des migrations (en
italiques) par rapport au scénario de constance des migrations, de déclin de la
mortalité et de constance de la fécondité (calculs ADRASS).
|
1994 |
2000 |
2005 |
2010 |
2020 |
Population totale |
3444 |
3350
3369 |
3380
3421 |
3403
3475 |
3445
3635 |
% 0 - 19 |
25,1 |
24,4
24,4 |
23,6
23,5 |
22,3
22,4 |
20,6
20,7 |
% 20 - 59 |
53,5 |
54,0
54,0 |
54,8
55,0 |
54,2
54,4 |
51,6
52,3 |
% 60 et plus |
21,4 |
21,6
21,6 |
21,6
21,5 |
23,5
23,2 |
27,8
27,0 |
Charge démographique |
87 |
85
85 |
83
82 |
85
84 |
94
91 |
Un accroissement des
mouvements d'immigration pour contrer le déclin de la population d'âge actif
produit en 25 ans un accroissement de presque 200 000 personnes mais ne modifie
quasiment pas la répartition de la population en grands groupes d'âge, ni la
charge démographique (le rapport des moins de 20 ans et des 60 ans et plus aux
20-59 ans).
Après 2020, il serait
nécessaire d'augmenter encore l'immigration pour contrer le déséquilibre
structurel de la pyramide des âges. Mais on pourrait coupler une politique de
croissance de l'immigration avec un encouragement à une fécondité plus élevée.
On a simulé les effets de l'accroissement migratoire décrit ci-dessus avec le
scénario de relèvement de la fécondité jusqu'au niveau de 2,5 enfants par
femmes.
Tableau 4: les
principaux indicateurs à l'horizon 2020 selon trois scénarios : migration
constante, immigration en hausse, immigration et fécondité en hausse. (Calculs
ADRASS).
|
migration
constante |
immigration
en hausse |
immigration et
fécondité en hausse |
Population totale |
3445 |
3635 |
3965 |
% 0 - 19 ans |
20,6 |
20,7 |
26,9 |
% 20 - 59 ans |
51,6 |
52,3 |
48,4 |
% 60 ans et + |
27,8 |
27,0 |
24,7 |
Charge démographique |
94 |
91 |
107 |
Un relèvement substantiel
de l'immigration permet de conserver le stock de population potentiellement
active au niveau actuel pendant une vingtaine d'années. Par la suite, il
faudrait relever continuellement l'importance du flux migratoire pour conserver
le stock désiré. Si l'on y adjoint un relèvement de la fécondité, on se trouve
très vite débordé dans l'autre sens: la charge démographique s'accroît très
vite, le volume de la population aussi.
La difficulté est grande
de maîtriser un relèvement de la fécondité ou une augmentation du flux
migratoire. Comme le renouvellement démographique des 20-59 ans est plus
qu'assuré d'ici 2006, on retiendra donc qu'il n'existe pas aujourd'hui de
nécessité d'entreprendre une politique volontariste dans le domaine
démographique strict. A plus long terme, une telle politique reste difficile et
délicate et ne devrait être envisagée qu'après analyse des autres paramètres:
scolarisation, prise de retraite ou taux d'occupation.

4. L'impact de la
déscolarisation et de la prise de retraite.
Les variations
démographiques ne forment cependant qu'un paramètre de l'évolution des
potentiellement actifs. En fait, les potentiellement actifs ne sont approchés
qu'imparfaitement à partir de l'observation des 20-59 ans. Dans les lignes qui
suivent, on considère que les personnes qui forment les potentiellement actifs
sont alimentées par les déscolarisés de l'année, et réduites par les personnes
mises à la retraite, compte tenu par ailleurs de la dynamique démographique.
Le tableau 5 présente
l'évolution des potentiellement actifs sous les hypothèses suivantes :
- mortalité en déclin.
- fécondité constante (1.6).
- migration constante.
- déscolarisation constante.
- prise de retraite constante.
Tableau 5: Evolution
des potentiellement actifs sous la constance des mouvements ,sauf la mortalité
(calculs ADRASS).
an |
potentiellment
actifs |
sortie
école |
entrée
retrait |
différence |
mouvement
démographique |
solde
total |
1995 |
1728236 |
42912 |
54603 |
-11690 |
-2570 |
-14260 |
1996 |
1713967 |
43104 |
47767 |
-4662 |
-2315 |
-6977 |
1997 |
1706999 |
41425 |
43825 |
-2400 |
-2142 |
-4542 |
1998 |
1702457 |
41360 |
42378 |
-1019 |
-2022 |
-3041 |
1999 |
1699416 |
40949 |
40345 |
604 |
-1930 |
-1325 |
2000 |
1698091 |
40575 |
39159 |
1416 |
-1873 |
-457 |
2001 |
1697634 |
40654 |
38710 |
1943 |
-1828 |
115 |
2002 |
1697748 |
40533 |
38826 |
1706 |
-1796 |
-90 |
2003 |
1697658 |
40658 |
39132 |
1525 |
-1769 |
-244 |
2004 |
1697414 |
40972 |
39940 |
1031 |
-1752 |
-720 |
2005 |
1696694 |
41743 |
40778 |
695 |
-1736 |
-1041 |
2006 |
1695653 |
41756 |
41911 |
-155 |
-1720 |
-1875 |
2007 |
1693778 |
42208 |
42639 |
-431 |
-1703 |
-2134 |
2008 |
1691644 |
42739 |
43513 |
-775 |
-1683 |
-2457 |
2009 |
1689187 |
43176 |
44074 |
-898 |
-1656 |
-2554 |
2010 |
1686632 |
43667 |
44453 |
-786 |
-1623 |
-2409 |
2011 |
1684223 |
43794 |
45317 |
-1522 |
-1586 |
-3108 |
2012 |
1681115 |
43538 |
45987 |
-2449 |
-1530 |
-3979 |
2013 |
1677136 |
43132 |
46317 |
-3185 |
-1466 |
-4651 |
2014 |
1672484 |
42539 |
46773 |
-4234 |
-1397 |
-5631 |
2015 |
1666854 |
41826 |
47287 |
-5461 |
-1320 |
-6781 |
2016 |
1660073 |
41069 |
47449 |
-6380 |
-1237 |
-7617 |
2017 |
1652456 |
40386 |
47440 |
-7053 |
-1153 |
-8206 |
2018 |
1644250 |
39700 |
47570 |
-7871 |
-1066 |
-8937 |
2019 |
1635314 |
39103 |
47550 |
-8447 |
-978 |
-9425 |
2020 |
1625889 |
38663 |
47445 |
-8781 |
-890 |
-9671 |
On constatera que dans la
situation de constance de tous les mouvements (sauf la mortalité), la population
potentiellement active s'érode très lentement.
A supposer que la
scolarité soit réellement totale jusqu'à 18 ans et qu'après cet âge, la
propension à la déscolarisation reste constante comme dans le scénario
précédent, on obtiendrait une réduction de la population des potentiellement
actifs d'environ 47 000 personnes en 2020. Mais ce scénario est absolument
théorique, compte tenu de l'existence d'une fraction de la population souffrant
de handicaps divers face à l'école.
Il est plus intéressant
de tester ce que donnerait un allongement de la scolarité. Alors qu'entre 1991
et 1994, on observe dans la table construite à cet effet que 65% des hommes et
64% des femmes sont encore scolarisés à 20 ans, on imagine qu'à partir de l'an
2000, ces pourcentages atteindront 80%.
Par ailleurs, on pourrait
imaginer que la propension à quitter la vie potentiellement active en direction
de la retraite soit freinée. à l'âge de 65 ans le pourcentage de retraités
serait maintenu, mais on le réduirait de 66% à 24% pour les hommes à 60 ans et
de 76% à 38% pour les femmes à cet âge. Cela revient à reculer d'environ 5 ans
le passage à la retraite.
Tableau 6: Effectifs
de potentiellement actifs selon le scénario initial (constance), selon le
scénario de scolarité renforcée, selon le scénario de retardement de la prise de
retraite et selon les deux derniers scénarios ensemble. (Calculs ADRASS).
année |
constance (1) |
scolarité renforcée (2) |
retraite retardée (3) |
(2) + (3) |
2000 |
1698091 |
1684704 |
1736371 |
1722984 |
2005 |
1696694 |
1670635 |
1798829 |
1772770 |
2010 |
1686632 |
1656251 |
1827527 |
1797146 |
2015 |
1666854 |
1636635 |
1815616 |
1785397 |
2020 |
1625889 |
1597996 |
1778634 |
1750741 |
Un
prolongement important du processus de scolarisation n'a finalement
que peu d'effets sur la population potentiellement active. Le fait
de passer de 65% de scolarisés à 20 ans à 80% dès l'an 2000 ne
génère qu'un "manque à gagner" de 30 000 personnes dès le moment où
l'effet de l'hypothèse joue à plein. Il est donc fort illusoire de
penser que le prolongement de la période de scolarisation pourrait
avoir un impact important sur l'occupation ou le chômage.
Par contre, un
retardement de l'âge de la prise de retraite pourrait générer un stock
supplémentaire d'environ 100 000 personnes en dix ans, et de 150 000 lorsque
l'hypothèse joue complètement.
A supposer donc que pour
des raisons internes à la formation scolaire, celle-ci soit prolongée, il n'en
résulte qu'une faible diminution des potentiellement actifs, qu'on pourrait
aisément compenser par une politique de relèvement de l'âge moyen de prise de
retraite. Ce relèvement ne devrait même pas atteindre les niveaux proposés dans
le scénario ci-dessus, qui est cependant modéré puisque la plupart des prises de
retraite se feraient entre 60 et 64 ans.

5. Est-il possible, du
seul point de vue socio-démographique, d'augmenter la part des actifs occupés
dans la population ?
L'occupation est très
inégalement répartie au sein de la l'Union européenne. A titre d'exemple, on a
résumé pour la Wallonie, la Flandre et le Danemark les courbes d'occupation par
âge en un indice synthétique faisant abstraction des structures de population
auxquelles ces séries de taux s'appliquent. On obtient un coefficient d'emploi
pour 1000 personnes potentiellement actives (tableau 7).
Tableau 7: Indice
synthétique d'occupation par sexe pour mille personnes potentiellement actives
(calculs ADRASS).
|
Hommes |
Femmes |
Danemark - 1991 |
718 |
627 |
Flandre - 1994 |
607 |
400 |
Wallonie - 1994 |
555 |
361 |
Les
quatre graphiques
ci-dessous présentent les courbes d'occupation en comparant pour chaque sexe la
Wallonie soit à la Flandre, soit au Danemark.
Au tableau 8, on admet
d'une part que la scolarisation sera encore prolongée: l'hypothèse est que 80%
des personnes de 20 ans seront encore scolarisées en l'an 2000 au lieu de 65%
actuellement. D'autre part, on simule l'adoption progressive des taux
d'occupation flamands ou danois par les jeunes générations sortant de l'école.
Enfin, le passage à la retraite, très précoce en Wallonie, n'a pas été modifié.
Tableau 8: La
population occupée et la charge en nombre de personnes par occupé en cas de
maintien des taux wallons ou de l'adoption progressive de taux flamands ou
danois à tous les âges avec interférence de l'école et de la retraite, la
scolarisation étant prolongée. (Calculs ADRASS).
année |
Taux wallons |
Taux flamands |
Taux danois |
|
occupés |
charge |
occupés |
charge |
occupés |
charge |
1994 |
1127643 |
1,93 |
1127643 |
1,93 |
1127643 |
1,93 |
1995 |
1134621 |
1,92 |
1138940 |
1,91 |
1150089 |
1,88 |
2000 |
1154846 |
1,90 |
1179653 |
1,84 |
1236452 |
1,71 |
2005 |
1151031 |
1,94 |
1190906 |
1,84 |
1276619 |
1,65 |
2010 |
1138907 |
1,99 |
1194329 |
1,87 |
1314352 |
1,59 |
2015 |
1120887 |
2,06 |
1193393 |
1,87 |
1338884 |
1,56 |
2020 |
1092913 |
2,15 |
1175860 |
1,92 |
1339875 |
1,57 |
Même en tenant compte de
l'impact d'une scolarisation prolongée,
on constate que
l'adoption progressive de taux d'occupation flamands permettraient de ne pas
augmenter la charge des actifs occupés. Dans le cas de l'adoption de taux
danois, le changement est radical puisqu'en un peu plus de vingt ans, la charge
des occupés serait réduite de presque 20% malgré le vieillissement!

6. Démographie et vie
sociale: Comment s'interroger sur l'avenir de notre population ?
Les
trois graphiques
suivants présentent l'évolution de la charge démographique ("d",les moins de 20
ans et les 60 ans et plus rapportés aux personnes de 20-59 ans) et de la charge
des occupés ("s",tous les non-occupés rapportés aux occupés).
L'écart entre les courbes
démographique et sociale relativise l'impact des seules considérations
démographiques.
Ici, les taux d'occupation wallons ont été conservés, dans le cadre d'une
mortalité déclinante.
Avant de promouvoir des
changements de comportements démographiques, il est intéressant de tester
l'impact de changements sociaux dans le cadre démographique et scolaire donné.
Ici,l'introduction de taux danois, dans le cadre d'une mortalité déclinante et
avec interférence de l'école.
Cependant, des variations
démographiques ne sont pas anodines.
Ici, la mortalité a été supposée constante en même temps que les taux
d'occupation wallons.
Conclusion:
Les questions sociales
sont toutes imbriquées les unes dans les autres. Il serait absurde de mettre en
évidence d'éventuels périls démographiques, sociaux ou économiques sans tenir
compte de l'intrication continuelle de tous les paramètres.

7. Un scénario
démo-socio-professionnel à partir des données des Enquêtes sur les Forces de
Travail.
Le scénario présenté
ci-dessous est tiré d'un modèle dynamique par âge et sexe des populations
socio-profesionnelles de Wallonie (mis au point par l'ADRASS) et contient les
(principales) hypothèses suivantes:
- dans le domaine
strictement démographique:
-
constance de la
fécondité au niveau de 1,6 enfants/femme.
-
déclin de la
mortalité au rythme observé au cours du dernier demi-siècle.
-
constance des taux de
migration.
- dans le domaine de la
vie sociale:
-dans le domaine de la
vie professionnelle:
-
maintien du
pourcentage de déscolarisés s'orientant directe ment vers l'inactivité.
-
égalité des chances
(ou des risques) selon le sexe dans le fait de trouver ou de perdre un
emploi.
-
maintien du stock net
de personnes résidentes en Wallonie mais occupées à l'extérieur.
-
orientation vers la
retraite plutôt que vers le chômage des personnes de 60 ans et plus qui ont
perdu leur emploi.
-
maintien de la
propension selon l'âge des chômeurs à retrouver un emploi.
-
maintien des
pourcentages de déscolarisés entrant directement dans l'activité
indépendante.
-
égalité des chances
des déscolarisés et des chômeurs qui se présentent effectivement sur le
marché du travail.
-
maintien des taux par
âge et sexe des mouvements entre:
+ le salariat public
et l'activité indépendante (et vice-versa).
+ le salariat privé et l'activité indépendante.
+ l'activité indépendante et le salariat privé.
+ le salariat privé et le salariat public (et vice-versa).
+ l'activité indépendante et l'inactivité.
+ le salariat du secteur privé et l'inactivité.
+ le salariat du secteur public et l'inactivité.
+ le chômage et l'inactivité.
+ le chômage et l'activité indépendante.
+ l'inactivité et le salariat du privé.
Les flux entre le chômage
et l'occupation salariée sont gouvernés d'une part par les hypothèses concernant
l'évolution du nombre d'emplois (compte tenu du temps partiel, etc...) et
d'autre part du nombre de chômeurs et de leur propension au travail.
Toutes ces hypothèses
sont "de travail". Elles ne sont en aucune mesure des paris sur l'avenir. Des
variantes du scénario présenté ci-dessous sont donc possibles et (pour la
plupart d'entre elles) peuvent être réalisées rapidement.
On veut savoir s'il est
possible à la population de pourvoir des postes de travail à raison de leur
croissance de 4% par période décennale (trend constaté ces dix dernières années)
alors que le nombre de personnes désirant travailler à temps partiel
augmenterait. En d'autres termes, à supposer que les conditions économiques le
permettent, la population de Wallonie peut-elle répondre à une création
d'emplois, y compris en développant le travail à temps partiel et sans remettre
en cause la scolarisation ou le passage à la retraite?
Dans le tableau 9, on
imagine qu'à partir de 2004, 26% de personnes travailleraient à mi-temps (13% en
1994).

Tableau 9. Les grandes
catégories socio-professionnelles en cas de croissance de l'emploi de 4% par
période décennale et du doublement du nombre de travailleurs à temps partiel. En
milliers. (Calculs ADRASS).
|
1994 |
1995 |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2020 |
SAL |
667 |
667 |
685 |
748 |
755 |
776 |
793 |
PUB |
265 |
265 |
271 |
294 |
298 |
307 |
314 |
IND |
200 |
192 |
186 |
195 |
201 |
204 |
207 |
CHO |
228 |
203 |
116 |
93 |
92 |
82 |
82 |
INA |
391 |
398 |
427 |
397 |
398 |
361 |
318 |
RET |
614 |
652 |
754 |
769 |
816 |
892 |
952 |
Char. |
1,88 |
1,91 |
1,91 |
1,72 |
1,71 |
1,66 |
1,62 |
Tx oc |
4580 |
4480 |
4422 |
4850 |
4978 |
5181 |
5412 |
On observe une faible
réduction de l'inactivité et une augmentation du nombre des retraités plus
faible que lorsque l'emploi offert reste constant (car il y a moins de
licenciements, y compris aux âges élevés, orientés directement vers la retraite
plutôt que le chômage).
Il faut cependant
attendre 10 ans pour constater un déclin de la charge, sensible par la suite, du
moins du point de vue de l'intégration sociale. Du point de vue financier,
l'allégement
pourrait être moindre
dans la mesure où les nouveaux emplois à temps partiel interviendraient peu dans
le financement des allocations.
Les
cinq graphiques suivants
décrivent les évolutions des populations avant, pendant et hors de l'occupation
sous ces hypothèses et présentent les taux d'occupation de la période.
Les taux masculins
évoluent peu, à peine plus aux premiers âges d'activité.
Par contre, les taux
féminins augmentent sensiblement à tous les âges.
En 1994, les taux
féminins sont considérablement plus faibles que les taux masculins.
Au terme du processus, un
écart entre sexe subsiste, mais il est considérablement réduit.
On constate incidemment
la capacité du modèle à recréer "naturellement" des courbes d'occupation
régulières à partir d'un nombre considérables de paramètres et sans
l'introduction de taux d'occupation, ni totaux ni ventilés selon l'âge et/ou le
sexe.
DIX PROPOSITIONS A
RETENIR !
-
Le vieillissement est
inéluctable: même si la mortalité restait constante, la part des "vieux"
croîtrait malgré tout.
-
La Wallonie ne
connaît de croissance démographique que par la croissance des "60 ans et
plus" qui surcompense le déclin des populations plus jeunes.
-
La fécondité est
basse, mais pas anormalement en comparaison des pays voisins. Il n'est pas
interdit de désirer plus d'enfants, mais il apparaît absurde d'invoquer un
risque de pénurie de main d'oeuvre ou une nécessité de diminuer la charge
démographique car la hausse de la fécondité amène des effets
contre-productifs: la charge est accrue par le plus grand nombre d'enfants
et il faut continuer éternellement le processus car les
enfants...vieillissent aussi !
-
Les mouvements
migratoires confortent temporairement le stock de population potentiellement
active. Mais comme les enfants, les migrants vieillissent aussi.
-
Les processus actuels
de déscolarisation ou de passage à la retraite garantissent un
renouvellement de la population d'âge actif jusqu'en 2010. Un prolongement
de la scolarité serait plus que compensé par un recul modéré de l'âge de
prise de retraite.
-
Il existe d'ici 2020,
parmi les potentiellement actifs, des gisements d'emploi considérables même
si la scolarité est prolongée et la prise de retraite aussi précoce
qu'aujourd'hui. Il faudrait cependant viser l'obtention, d'ici 2020, de taux
d'occupation qui soient au moins ceux des Flamands d'aujourd'hui, si l'on
veut - toutes autres choses égales par ailleurs - que la charge n'augmente
pas trop.
-
Les tendances
actuelles observées dans les EFT de 1991-1994 indiquent une tendance à la
détérioration de l'occupation masculine, heureusement partiellement
compensée par une plus grande occupation féminine.
-
Il devrait être
possible de contrer le déclin de l'occupation par des mesures diverses de
soutien ou d'aide à l'emploi: 100 000 postes en 20 ans ramènent la charge de
2.35 à 2.01 (1.88 en 1994).
-
Il est possible de
pourvoir les éventuels postes nouveaux de travail issus d'une croissance
semblable à celle du passé, en plus du développement du temps partiel et
tout en sauvegardant les habitudes de prise de retraite, contrairement à ce
que l'OCDE recommande!
-
Mais tout n'est pas
possible: on ne peut en plus réduire le temps de travail moyen à 32 heures
semaine sans risquer une pénurie de main d'oeuvre !

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