Du triangle au carré. Du
Livre Blanc à la planification
Luc Maréchal
Directeur de l'Aménagement du
Territoire et du Logement au Ministère de la Région wallonne
Infrastructure et relance est un vieux couple du débat économique,
comme bâtiment et relance. Une sorte de débat à la Pénélope, où
l'économie défait la nuit les raisonnements de la veille pour
permettre aux économistes de les reprendre au petit matin.
L'analyste craint donc de reprendre les arguments qui ont été
échangés dans le passé sur les effets bénéfiques ou négatifs de tel
ou tel type d'investissements en infrastructure.
Inquiétude accrue quand
on lit ce qui suit dans les documents émanant du Conseil Informel des Ministres
en charge de l'aménagement du territoire de Leipzig en 1994, à propos de
l'objectif de cohésion économique et sociale et donc des disparités entre
régions : "le "Cinquième rapport périodique sur la situation économique et
sociale et le développement des régions de la Communauté" révèle que ces
disparités se sont creusées en terme d'emplois, alors qu'elles se sont réduites
en terme d'infrastructures et stabilisées en terme de P.I.B. par habitant, avec
toutefois une nette amélioration pour les régions irlandaises, portugaises et
espagnoles". (1)
Des analyses étant
réalisées par ailleurs dans cette commission, je me permettrai donc de ne pas
aborder les investissements infrastructurels au regard de leur caractère
inducteur d'attractivité ou de fuite selon leur nature ou le contexte dans
lequel ils sont réalisés.
Mon propos est d'aller
au-delà des infrastructures en tant que telles pour les situer dans une démarche
plus globale, celle de l'économie spatiale et de l'aménagement du territoire.
Pour ce faire, je
procéderai selon trois axes: à partir de la structure même du Livre Blanc,
ensuite dans les différentes ébauches de planification territoriale européenne,
et enfin, à partir de la notion de capital ou de bien immatériel.
La démarche ne sera pas
théorique, mais procédera par une lecture circonscrite d'une part aux documents
européens et d'autre part au plus près des processus de décision.
En préliminaire, il y a
lieu de rappeler tout l'intérêt du Livre Blanc, les limites de celui- ci
risqueraient d'occulter celui-là. Le fait même que le Livre Blanc trouve son
origine dans le chômage qui est présenté par les auteurs comme la "seule raison"
de ce livre est un élément central, dans une Europe perçue plus sous ses aspects
financiers qu'économiques et sociaux.
Un autre intérêt du Livre
Blanc est qu'il existe
quoiqu'il soit advenu de l'ensemble des propositions qu'il contienne. S'agissant
d'une réflexion globale émise par une instance officielle, le Livre Blanc
offre en effet un "socle" d'analyses, de réflexions, d'options à partir desquels
s'articulent des politiques communautaires (en témoignent les références faites
au Livre Blanc dans des documents européens ultérieurs) ou encore à partir
duquel on peut faire rebondir la réflexion.

Le Livre Blanc
L'objectif fondamental du
Livre Blanc est d'améliorer l'efficacité du triangle "croissance-compétitivité-emploi"
dans une perspective de développement soutenable ou durable, celui-ci
s'exprimant essentiellement au regard de l'environnement qui est considéré comme
surexploité et par une amélioration de la qualité du cadre de vie qui se
caractérise par une détérioration due à cette même surexploitation.
A chacun des sommets du
triangle correspond une série d'actions. Ces actions s'organisent selon deux
registres, d'une part le registre proprement communautaire (partie A du livre)
et d'autre part celui relevant des Etats membres ainsi que des divers Conseils
des Ministres spécialisés (partie B). Le tableau 1 présente une synthèse de ces
actions dans le registre communautaire.
Tableau 1
"Quant à l'action
proprement communautaire, il n'est proposé de lui donner soit un nouvel
élan, soit de nouvelles formes, que dans cinq directions :
-
tirer le maximum
du grand marché ;
-
soutenir le
développement et l'adaptation des petites et moyennes entreprises ;
-
poursuivre le
dialogue social qui a permis, jusqu'à présent, une concertation
fructueuse et des prises de position communes par les partenaires
sociaux, qui ont aidé le travail communautaire ;
-
préparer, sans
retard, et jeter les fondements de la société de l'information.
Ces deux dernières
actions constituent les clés d'une meilleure compétitivité et nous mettront
en mesure de maîtriser le progrès au service de l'emploi et de
l'amélioration des conditions de vie.
Livre Blanc,
p. 22. |
Concernant l'action proprement communautaire, l'accent est mis sur les réseaux
d'information qui constituent l'axe de développement I et les réseaux
transeuropéens de transport et d'énergie qui constituent l'axe de
développement II.
L'axe de développement II
s'exprime à la fois à travers sept schémas directeurs relatifs à des
infrastructures précises et une série de projets considérés comme prioritaires.
Le Livre Blanc se clôture
par un dernier chapitre de réflexion sur un nouveau modèle de développement pour
la Communauté. Le constat est le suivant : "l'actuel modèle de développement
pour la Communauté conduit à une combinaison sous-optimale de deux de ses
principales ressources, à savoir la main-d'oeuvre et la nature. Ce modèle se
caractérise par une exploitation insuffisante de la main-d'oeuvre et une
surexploitation des ressources naturelles, d'où une détérioration de la qualité
de la vie. La commission doit analyser de quelle manière il est possible de
promouvoir une croissance économique durable mobilisant davantage la
main-d'oeuvre et plus économe sur le plan de la consommation d'énergie et de
ressources naturelles"
(2).
La lecture de ce chapitre
permet de relever toute une série de pistes nouvelles, dont on se doit de
relever, pour certaines, le caractère innovateur voire en rupture par rapport
aux chapitres qui précèdent.
"On peut (donc)
s'interroger sur le point de savoir si une part de plus en plus importante de la
croissance économique mesurée ne correspond pas un progrès économique illusoire
plutôt que réel et si de nombreux concepts économiques traditionnels (par
exemple le P.I.B. tel qu'il est conçu traditionnellement) ne sont pas en train
de perdre toute signification dans l'optique de la politique future"(3).
"Les dégradations
importantes du bien-être (...) devront être éliminées par une révision de la
politique d'investissement et de planification menée dans le domaine des
infrastructures de transport (notamment en zone urbaine). Les instruments
fiscaux et les subventions normalement utilisés dans le passé pourraient être
révisées en profondeur de même que les conceptions qui prévalent aujourd'hui en
matière de zonage et d'urbanisme"(4).
Et enfin dernière
citation : "la transition vers un nouveau modèle de "développement durable"
nécessite la mise en oeuvre d'un ensemble cohérent de mesures d'encouragement.
Elle exige surtout une révision systématique des politiques macro- économiques
et sectorielles actuelles. Celles-ci devront désormais reposer sur le principe
selon lequel les prix du marché doivent intégrer tous les effets externes. En
effet, de nombreuses décisions prises par les pouvoirs publics en matière de
fiscalité, de subvention, de concurrence, d'infrastructure, d'organisation du
travail, d'aménagement du territoire, d'urbanisme, etc. ... ont été mises en
oeuvre de façon progressive et sur une base ad hoc, ou en fonction de
considérations à long terme qui ne correspondent plus à l'objectif du
développement durable"
(5).
On peut considérer
qu'il y a une critique ou à tout le moins une interrogation interne au Livre
Blanc lui-même. On peut donc se demander si cette quatrième composante à savoir
le nouveau modèle de développement est un simple rite de type académique ou une
sorte de dépassement non abouti du triangle, où l'on passerait à une forme de
carré : "croissance-compétitivité-emploi-développement".
Par un parallélisme assez
étonnant on trouve ce type de réflexions qui, sans exprimer pour autant le point
de vue officiel de l'O.C.D.E. (Organisation de Coopération et de Développement
Economique), ont le mérite d'avoir été réalisées au sein d'un programme de cette
organisation. Ainsi dans le cadre du programme d'action et de coopération
concernant le développement économique et la création d'emplois au niveau local
(L.E.E.D.), un séminaire prospectif sur "l'économie plurielle" rassemblant des
spécialistes de divers horizons s'est tenu en 1994.

Tableau 2
Axe de
développement II. Réseaux transeuropéens de transport et d'énergie.
Remarque : on ne
résume ici que l'aspect transport.
BUT
"Promouvoir des infrastructures
nouvelles ou mieux conçues, accessibles à tous les citoyens, permet :
- de circuler mieux, plus sûrement
et moins cher pour améliorer la compétitivité ;
- d'aménager le territoire européen
pour éviter la concentration des richesses et des populations ;
- de jeter un pont en direction de
l'Europe de l'Est, indispensable pour répondre aux besoins, accroître
les investissements, stimuler les échanges".
Livre Blanc,
p. 29.
SEPT SCHEMAS-DIRECTEURS
(approuvés ou en cours d'approbation)
- train à grande vitesse
- transports combinés
- routes
- voies navigables
- infrastructure ferroviaire
classique
- infrastructure aéroportuaire
- infrastructure portuaire
26 GRANDS PROJETS PRIORITAIRES
"Sur la base des schémas directeurs
déjà approuvés, il est proposé de sélectionner de grands projets
prioritaires et d'intérêt communautaire pour rapprocher tous les pays du
continent européen. Il s'agit :
- de nouvelles liaisons
transfrontalières revêtant un caractère stratégique dans le domaine
ferroviaire (axe du Brenner, Lyon-Turin, Paris-Barcelone-Madrid) ou
autoroutier (Berlin-Varsovie-Moscou) ;
- d'améliorer la combinaison entre
les différents modes de transport (liaison Heathrow-Londres-tunnel sous
la Manche) ;
- d'accroître l'interopérabilité et
l'efficacité des réseaux par la mise en place de systèmes de contrôle du
trafic (air, mer, terre) et de réduire ainsi sensiblement les
nuisances".
Livre Blanc,
p. 31.
FINANCEMENT
Besoins en financement pour le réseau
transport : 220 milliards d'écu dont pour les projets prioritaires 82
milliards. |
La question posée aux experts rassemblés était de savoir si l'on peut admettre
une variété de modes de fonctionnements économique créateurs de richesses et
surtout d'emplois au-delà du modèle dominant dont la logique poussée à l'extrême
comporte de graves menaces pour le tissu social de notre pays.
Des travaux de ces
experts il ressort que l'économie doit davantage prendre en compte l'intangible,
l'immatériel, le qualitatif et c'est dans ce sens là qu'est formulée la
principale critique au Livre Blanc dominé par une approche en termes de grands
travaux. Les experts concluent que ce qui a uni l'ensemble de leurs réflexions
est la nécessaire hybridation entre l'économie, le territoire et la société.

La planification
territoriale continentale
La multiplication des
différentes politiques communautaires notamment à travers les fonds structurels,
et plus particulièrement la diversification de ces interventions et leur
spécialisation, ont amené à la production d'une série de documents successifs
qui en fin de chaîne débouchent tous sur le territoire, soit sur des
configurations de celui-ci (e.g. la ville) soit sur des organisations
programmées de territoire. Situation paradoxale puisque l'aménagement du
territoire n'est pas une matière relevant des compétences de l'Union européenne.
Consultons quatre
documents émis par la Commission ou le(s) Conseil(s)
(6) :
-
le Livre Vert sur
l'environnement urbain (1990)
(7) ;
-
les rapports
successifs Europe 2000 (1991) et Europe 2000+ (1994)
(8) ;
-
le Schéma de
développement de l'espace communautaire (1993, -)
Le Livre Vert sur
l'environnement urbain est un effort de diagnostic des différentes politiques
d'environnement dans le cadre urbain ; il débouche sur la nécessité d'articuler
les politiques autour de la ville et plus particulièrement de la ville
européenne en ce qui la fonde en termes fonctionnel et architectural. Il s'agit
donc bien d'une politique de la ville qui est visée par ce biais
environnemental. Cette politique, du point de vue de l'urbanisme, vise la
promotion de la diversification et l'arrêt de l'extension urbaine, le
réaménagement des friches urbaines, la revitalisation des quartiers existants,
l'esthétique urbaine. Un rapport d'étude
(9) précise
encore plus ces actions en relevant que "les choix architecturaux sont loin
d'être neutres vis-à-vis des problèmes sociaux ; ils peuvent aider à les
résoudre ou ils peuvent les aggraver". Par ailleurs, est rappelé le rôle de la
ville en tant que lieu de citoyenneté, ainsi que la nécessaire
redynamisation de la ville européenne à partie de ses fonctions traditionnelles
(création de richesses, construction de la mémoire collective et de
l'intégration).
Le Livre Blanc, au-delà
de la forte dominance infrastructurelle, vise en effet en plusieurs points la
nécessité de la rénovation urbaine, de l'action dans les quartiers défavorisés
(10).
Les rapports Europe 2000
et Europe 2000+ s'inscrivent bien dans la même démarche puisqu'il s'agit de
rendre compte des effets des politiques communautaires sur l'aménagement du
territoire européen.
Europe 2000+ entend
mettre en lumière la nécessité d'une action concertée via l'aménagement du
territoire, au travers d'études sous-continentales (zones de coopération
transnationale avec par exemple l'Eurorégion ou l'arc atlantique), des réseaux
transeuropéens d'infrastructures et des politiques pour des zones spécifiques
(zones rurales, zones urbaines, zones transfrontalières).
Enfin, dernier registre
qui puise sa justification dans la même démarche mais va plus loin dans le sens
d'une programmation, il s'agit de l'effort de la planification territoriale au
niveau du continent européen : à savoir le schéma de développement de l'espace
communautaire (S.D.E.C.) dont le principe a été décidé au Conseil Informel des
Ministres en charge de l'aménagement du territoire à Liège en 1993. Depuis
différents conseils se sont tenus, on s'en tiendra ici à celui de Leipzig qui a
adopté les "principes pour une politique d'aménagement du territoire européen"
(pour une présentation synthétique, voir tableau 3).
Tableau 3
LEIPZIG - Principes
pour une politique d'aménagement du territoire européen
Principes
politiques fondamentaux
Les objectifs fondamentaux
- La cohésion économique et sociale
- Le développement soutenable
- Les objectifs opérationnels de
l'aménagement du territoire
- Renforcer la cohérence du
continent européen
Les champs d'action
- Vers un système urbain plus
équilibré et polycentrique
- Le système urbain
- La relation ville-campagne
- Offrir un accès équivalent aux
infrastructures et aux connaissances
- Des réseaux de transports
compatibles avec l'environnement
- Les "infostructures"
- La périphéricité
- Gérer prudemment et développer le
patrimoine naturel et culturel
- Le patrimoine naturel
- Le patrimoine culturel
Lignes directrices pour la mise en
oeuvre des politiques de développement territorial dans le contexte européen
- Le rôle des Etats membres
- La coopération entre Etats membres
- La coopération avec les pays tiers
- La coordination des politiques
communautaires
- Les conseils informels des
ministres
- L'action transnationale sur le
terrain
Le futur S.D.E.C. sera basé sur
les grands principes qui suivent :
- l'apport de l'aménagement du
territoire à la réalisation de l'objectif de cohésion économique et
sociale peut s'avérer décisif ;
- les compétences actuelles des
institutions en charge des politiques communautaires demeurent
inchangées : le S.D.E.C. peut contribuer aussi à la mise en oeuvres des
politiques communautaires à impact territorial, sans toutefois
contraindre ces institutions lors de l'exercice de leurs compétences ;
- l'objectif central sera la
réalisation d'un développement équilibré et durable ;
- le schéma sera élaboré dans le
respect des institution existantes et ne revêtira pas de caractère
contraignant pour les Etats membres ;
- il respectera le principe de
subsidiarité ;
- pour prendre en compte les
question territoriales européennes dans ses politiques nationales,
chaque Etat membre donnera au Schéma la suite qu'il souhaite".
Principes pour une
..., p. 73. |

La rubrique
infrastructure de transports y est approchée dans l'option "offrir un accès
équivalent avec infrastructures et aux connaissances". L'accent y est mis plus
nettement que précédemment sur l'interprétation de la politique des transports
dans une politique globale ayant trait aux villes, aux campagnes, à
l'environnement. On notera particulièrement cette position :"(...) les réseaux
transeuropéens sont une condition nécessaire mais non suffisante du
développement des régions périphériques : y attirer les investissements requiert
d'autres moyens".
Le même document
explicite des propositions formulées plus discrètement auparavant, relativement
à la gestion de l'espace.
"Le développement
soutenable implique une utilisation raisonnée du territoire européen.
L'urbanisation sauvage entraîne la perte d'espaces non bâtis et de ressources
naturelles. De ce point de vue, l'urbanisation devrait être concentrée et la
revitalisation des centres urbains existants envisagée avant de décider
l'urbanisation de nouveaux sites. Un système urbain équilibré et polycentrique
ne signifie donc pas l'étalement uniforme de l'urbanisation sur le territoire
européen. Cela implique que les villes, dans les diverses régions de l'Europe,
soient reliées dans des réseaux urbains."(11)
Plus loin parmi les
objectifs relatifs au système urbain :
"éviter l'étalement des villes, la dispersion de l'habitat et les densités
urbaines très faibles, qui augmentent la dépendance à l'égard de l'automobile,
(donc la pollution atmosphérique), exercent une pression sur les zones rurales
et gonflent les dépenses publiques liées aux équipements sociaux et culturels et
à la gestion des infrastructures"
(12).
L'article 1 du Code
Wallon de l'Aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine s'inscrit
tout à fait dans cette perspective avec l'impératif de gestion parcimonieuse du
sol (13).
Ce vaste déplacement
de politiques sectorielles vers une politique globale territoire continentale et
sous-continentale place la Wallonie devant une série de problème à résoudre :
-
sa capacité de
négociation avec les rapports de force intrinsèques à ce type de situation ;
-
la nécessité de
définir elle-même sa politique pour la situer et l'intégrer dans ces
planifications (cfr. le Plan régional d'aménagement du territoire wallon (P.R.A.T.W.)
- voir annexe 1 ;
-
la synergie entre les
options communautaires et régionales ou fédérales. Le dossier chemin de fer
est symptomatique à cet égard.
Le rapport de février
1995 du groupe à haut niveau "Réseau européen de trains à grande vitesse"
(14)
dans les développements relatifs à l'intermodalité dresse une liste des
aéroports européens qui sont ou seront connectés au réseau européen de
trains à grande vitesse. Pour la Belgique et les pays limitrophes, on relève
:
Bruxelles : Zaventem
Allemagne : Cologne, Düsseldorf, Francfort, Berlin
France : Paris-Roissy, Lyon
Hollande : Amsterdam - Schipol
Une simple question :
qu'en est-il de Bierset, le seul lieu potentiel pour une telle intermodalité
en Wallonie ?
Toujours dans le même
rapport à propos du "corridor 6 - Bruxelles-Luxembourg- Metz", on relève un
maillon clé : Bruxelles-Luxembourg.
Il y est proposé le 160 km à l'heure jusque Ciney, le 140 Km entre Poix et
Stockem ou une ligne avec deux sites neufs entre Ciney - Poix et Stockem ;
Luxembourg (300 km/h). Le gain de temps est de 43 minutes dans le cas des
tronçons nouveaux et 80 % de voyageurs en plus.
Le plan S.N.C.B.
répartissant les lignes en 4 types (ABCD), dont le quotidien Le Soir a fait
état les 16 et 17 septembre 1995.
Bruxelles-Ciney fait partie de la catégorie A où les nouveaux
investissements seront concentrés. Ciney - frontière luxembourgeois de la
catégorie B.
Quid du plan ABCD par
rapport aux options du "corridor 6" pour cette ligne, ... et ne parlons pas
du sort fait à la dorsale ferroviaire wallonne ?
-
l'"attérissage des
principes" dans la réalité. La Wallonie, a l'image de beaucoup de régions et
d'états nationaux, est face à cette difficulté. Les options de non-dilution
de l'espace urbanisé sont en lutte à de nombreuses logiques particulières
essentiellement le verrou des situations juridiques engagées avec toute la
problématique des indemnités et l'obstacle culturel du lotissement "urbain"
en périphérie et à la campagne. Or le constat a été fait : il y a par
exemple dans les zones d'habitat des réserves pour des décennies et pourtant
on continue à vouloir construire en dehors de ces zones, ce qui entraîne à
la fois des coûts d'infrastructures et de fonctionnement supplémentaires
(15).
Une estimation sur le "potentiel" que représente à ce jour les zones
d'habitat (rural compris) montre l'importance de ces réserves (annexe 3).

L'immatériel
Par opposition aux biens
matériels, les biens immatériels ouvrent des horizons de discussions quant à
leur définition, à leur typologie, etc. ... Et pourtant l'immatériel est
largement présent ; ainsi le "cadre de vie", comme bien public "consommé" par
les habitants et les visiteurs ou comme facteur de localisation pour les
entreprises.
L'impératif répété en de
nombreux passages dans les documents sur la liaison à établir entre
infrastructure et environnement ne peut signifier uniquement le respect des
éléments abiotiques (géologie, hydrologie, climat, bruit, ...) et biotiques
(végétation, faune, cours d'eau, ...).
L'immatériel, au regard
de l'aménagement du territoire, renvoie à 3 sous-catégories :
-
l'immatériel perçu
comme le savoir-faire, la formation d'une population ;
-
l'immatériel perçu
comme la combinaison d'éléments matériels, ce qui est consommé, utilisé est
plus que la somme des parties, par exemple la ville ;
-
l'immatériel comme
organisation.
La complexité des
problèmes à traiter et la nécessité de décloisonner les matières impliquent une
adaptation de la formation. A ce jour, il y a un décalage entre les compétences
nécessaires des concepteurs et les matières à traiter (urbanisme, paysage). De
même les nouveaux investissements tels que l'aménagement de espaces publics, la
rénovation urbaine, les bâtiments classés exigent une main-d'oeuvre spécialisée,
qui avait largement disparu du marché.
L'aménagement du
territoire fonctionne à partir d'une série de configurations, de formes qui sont
matérielles mais également immatérielles. Concernant l'urbain, les documents
évoquent : ville, périphérie, zones urbaines, etc. ... Le flou du langage est
révélateur de la difficulté de nommer les choses et donc de mettre en oeuvre de
véritables politiques, par exemple de la ville.
Le séminaire sur
l'"économie plurielle" précédemment évoqué insiste sur cette réflexion
conceptuelle.
La gestion parcimonieuse
du sol ne pourra être atteinte sans un ensemble d'outils techniques liés à la
planification, à la fiscalité ou à la politique foncière mais également sans une
réflexion sur les fondements de la ville, comme un bien ou un facteur immatériel
: lieu de citoyenneté, de mixage et de diversité.
La même réflexion doit
également être menée autour du concept de rural. Sinon, il restera toujours
l'espace solde.
Enfin, l'immatériel
renvoie à l'organisation. La planification est, rappelons le, un processus
d'organisation de la société, en ce sens elle est une production immatérielle
générant une diminution de l'incertitude dans la prise de décision, une économie
car facteur de cohérence entre les investissements.
Dans une phase de
déréglementation, il peut être paradoxal de vouloir le développement de la
planification.
Pourtant, on la vu la
planification territoriale de la Région au continent, se développe.
Les conditions pour un
redéploiement de la planification mériteraient une analyse approfondie. Evoquons
quelques pistes : la participation des individus mais surtout des groupes,
associations ainsi que des différents pouvoirs dans leur propre registre, le
recours aux technologies nouvelles des communications et d'informations, un sain
équilibre entre le volet stratégique et le volet réglementaire.
A côté de la
planification, l'ingénierie est également un mode d'organisation, au sens où il
s'agit d'une "capacité de montage d'éléments divers". La rénovation urbaine et
rurale, l'articulation transport-aménagement dans des zones bien précises, etc.
... requièrent une ingénierie qui correspond peu au découpage administratif et
nécessite de plus en plus de liaisons transversales.
En conclusion,
infrastructure et relance, oui, s'il y a une planification véritablement
discriminante, s'il y a la prise en compte de l'immatériel à produire, s'il y a
l'adaptation des formations
Annexes
Annexe 1 :
Planification régionale
Annexe 2 : Résolution
du Parlement européen sur le document de la Commission intitulé Europe 2000 +
(29.06.95)
Annexe 3 : Les zones
d'habitat
Annexe 4 : Conseil européen d'Essen (décembre 1994)

Notes
1.
Principes pour une politique d'aménagement du territoire, Bonn :
Bundesministerium für Raumordnung, Bauwesen und Städtebau, 1995 p. 79.
2. Livre Blanc, p. 169.
3. Ibid., p. 170.
4. Ibid., p. 174.
5. Ibid., p. 176.
6. Nous n'examinerons pas ici la démarche du Conseil de
l'Europe, avec la Conférence Européenne des Ministres responsables de
l'aménagement du territoire (CEMAT). Pour rappel, celle-ci a adopté un schéma
européen d'aménagement en 1991, dont la réactualisation a été décidé. Egalement
nous n'aborderons pas les planifications sous-continentales : Benelux (avec la
deuxième esquisse de structure Benelux en cours d'élaboration ; voir Benelux.
Deuxième esquisse de structure globale. Info-Esquisse n 2, septembre 95.),
l'espace Eurorégion (Nord-Pas-de-Calais, Kent, Flandre, Bruxelles, Wallonie).
7. Commission des Communautés Européennes, Livre Vert sur
l'Environnement urbain, 1990, 82 p.
8. Commission Européenne, Europe 2000+. Coopération pour
l'aménagement du territoire européen, 1994, 247 p.
9. L'Union Européenne, les villes et la globalisation :
quel rôle pour une autorité régionale, 1994, 13 p.
10. "Par ailleurs, le Livre Blanc sur la Croissance, la
Compétitivité et l'Emploi (chapitre 10) fait explicitement référence aux zones
urbaines. Il souligne la nécessité d'y améliorer la qualité de la vie notamment
grâce à une meilleure intégration des nouvelles constructions et des
infrastructures de transport dans les centres historiques urbains, et grâce à
l'aménagement de parcs et d'espaces verts dans les zones urbaines".
(Marina Alberti,), (Environnement urbain et développement durable)
Bruxelles : Centre de Conférence Albert Borschette, novembre 1994, p. 4.
11. Principes pour une ..., p. 83.
12. Ibid., p. 84.
13. L'aménagement du Territoire de la Région wallonne est
fixé par des plans, des schémas et des règlements. Cet aménagement est conçu
tant au point de vue économique, social et esthétique que dans le but d'assurer
la gestion parcimonieuse du sol ainsi que la conservation et le développement du
patrimoine culturel et naturel de la région wallonne.
14. Commission Européenne : Groupe à haut niveau "Réseau
européen de trains à grande vitesse", l'Europe à grande vitesse,
Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés Européennes,
1995, 168 p.
15. Marina Alberti, op. cit., p. 9 : "Il est
communément admis que la structure d'une ville et son organisation spatiale
influent sur la qualité et les performances de son environnement. On estime en
général qu'un tissu urbain dense et une utilisation mixte des sols procurent le
meilleur rendement énergétique. Des villes plus compactes permettraient de
réduire les besoins de mobilité et offriraient de grandes possibilités au
secteur des transports publics. La planification urbanistique est un instrument
essentiel si l'on veut améliorer la qualité de l'air et résoudre les problèmes
de bruit et d'engorgement du trafic. Toutefois, l'évolution récente des villes
européennes montre que l'on n'a pas pleinement exploité les possibilités de
s'engager sur la voie d'un développement durable et respectueux de
l'environnement. La plupart des villes européennes enregistrent un départ de la
population hors du centre et une spécialisation grandissante de l'affectation
des sols. Ces deux phénomènes modifient les schémas de mobilité et entraînent
une utilisation croissante de l'automobile".

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