Développement local et
régional basé sur l'initiative des PME
Application au bassin industriel sérésien
Méthodologie de SGP Consultants
Jules Gazon
Professeur d'Économie
internationale et interrégionale à l'Université de Liège
INTRODUCTION
Toute action efficiente
de développement d'une région doit se fonder sur les choix stratégiques
prioritaires des entreprises.
Par ailleurs, si les
entreprises
apparaissent comme autant de cas d'espèce, il s'avère, notamment pour les
P.M.E., qu'elles sont confrontées à des problèmes souvent identiques en
matière de gestion quotidienne et parfois à une méthodologie de choix
stratégiques également semblables.
En vue de renforcer le
tissu économique d'une région, il est souhaitable d'aider les entreprises à
exploiter leurs forces propres, à résorber certaines faiblesses, à saisir les
opportunités et à se protéger des menaces de leur environnement économique.
De plus, au-delà des
particularismes propres à chaque entreprise, il est utile de disposer à partir
d'un diagnostic d'entreprises, d'analyses pour la formulation et l'élaboration
de recommandations à émettre, non plus à l'égard d'une entreprise mais à l'égard
des organes encadrants chargés d'initialiser une dynamique de développement
économique dans la région concernée.
Pour rencontrer cet
objectif, le bureau de consultants S.G.P. Consultants
(1) se fonde sur
l'analyse stratégique et opérationnelle d'un échantillon réduit d'entreprises
caractéristiques
susceptibles d'être les moteurs du développement. Ces entreprises sont
analysées individuellement, et bénéficient de recommandations spécifiques de
gestion adaptées au niveau de développement de chacune d'elles par rapport au
portefeuille de produits et de marchés.
Ensuite, dans la mesure
où les entreprises étudiées sont représentatives de la région concernée,
il est possible, par agrégation des résultats, de poser un diagnostic sur le
positionnement stratégique de cette région et d'intégrer son devenir industriel
et économique à partir des choix stratégiques des entreprises.
On dispose ainsi d'une
grille d'analyse pour la formulation et l'élaboration des recommandations à
émettre, non plus à l'égard d'une entreprise, mais à l'égard des organismes
chargés d'initialiser une dynamique de reconversion du tissu industriel de
l'entité géographique considérée.
Dans cet article nous
présentons cette méthode qui a fait l'objet de diverses applications en Région
wallonne, soit pour redéfinir une politique de développement local basé sur le
redéploiement des sous-traitants de l'industrie sidérurgique et de l'industrie
de la défense en régression, soit dans une perspective de coopération
transfrontalière dans l'Euregio Meuse-Rhin.
Dans un premier temps,
nous développons succinctement la méthode de S.G.P. pour établir le diagnostic
opérationnel et stratégique d'une P.M.E. Ensuite, nous montrons comment celui-ci
peut constituer le point de départ pour élaborer le plan directeur des actions à
entreprendre par les encadrants économiques et politiques pour dynamiser le
développement de la région concernée.

1. Le diagnostic
opérationnel et stratégique des P.M.E.
1.1. La sélection des
entreprises caractéristiques
Suivant l'étendue de la
région et sa diversité sectorielle, un certain nombre de P.M.E. dynamiques sont
sélectionnées sur base des informations et des divers contacts que l'encadrant
économique entretient avec les entreprises de la région.
Cet échantillon doit
représenter, autant que faire se peut, non seulement des entreprises sur les
forces desquelles on peut fonder un développement de la région, mais aussi des
entreprises dont il faudrait résorber certaines faiblesses afin qu'elles
puissent s'inscrire dans une dynamique de développement.
Il est important que cet
échantillon caractérise la région tant dans sa diversité sectorielle qu'au
niveau de la maîtrise manageriale de ses entrepreneurs.
En raison des
disponibilités budgétaires du maître d'oeuvre, l'échantillon peut se diviser en
deux parties : la première concerne un ensemble réduit d'entreprises (exemple 10
à 15), dites caractéristiques, qui feront l'objet d'un diagnostic approfondi; la
seconde est composée d'un nombre d'entreprises plus important (exemple 25 à 50)
auxquelles sera appliqué un audit restreint.
D'une manière générale,
il est évidemment souhaitable que les entreprises caractéristiques puissent
devenir les points d'appui du développement régional.

2. Protocole de
questionnement
Un protocole de
questionnement est établi visant à recueillir des informations précises.
Elles traitent de
l'organisation, des ressources humaines, de l'activité de production, de la
veille technologique et de l'importance de la recherche et du développement, des
segments de marchés occupés, du marketing mix (produit-prix-distribution-promotion)
et de l'action commerciale, des structures et de la capacité financières.
D'autre part est analysé
l'environnement de l'entreprise sous divers aspects humain, technique,
économique, politico-légal, socio-culturel, ...
La passation du
questionnaire se fait en entreprises sur base d'un entretien avec les
responsables principaux.

3. Le diagnostic de
l'entreprise et l'élaboration de la matrice S.W.O.T. (Strength, Weakness,
Opportunities, Threats)
En premier lieu,
l'analyse des entretiens porte sur les différentes fonctions du management, en
faisant ressortir leurs spécificités afin de déceler les besoins et les
potentialités d'un développement.
On pourra ainsi faire
apparaître les axes forces - faiblesses pour chacune d'elles, suivant les thèmes
repris ci-dessous.
1° Organisation de
l'entreprise
- L'organigramme
- Le plan d'affaires
- Le style de gestion
2° Ressources
humaines
- La politique
salariale
- La communication interne
- La motivation du personnel
- La formation du personnel
- La maîtrise des langues
3° Activité de
production
- Les moyens de
production
- L'organisation de la production
- La recherche & développement
- La qualité
- La politique d'investissement
4° Activité
marketing
- L'assortiment des
produits - services
- La politique des prix
- La politique de distribution
- La promotion
- L'organisation commerciale
5° Situation
financière
- L'organisation du
contrôle financier
- L'analyse financière du bilan et du compte de résultat
- Les problèmes de trésorerie
Il serait arbitraire de
considérer une force et une faiblesse de façon dichotonique. Au contraire, l'une
et l'autre se manifestent au sein de l'entreprise avec une plus ou moins grande
intensité. Il convient de faire ressortir cette gradation dans le diagnostic.
Tout comme il est nécessaire de ménager la susceptibilité de l'entrepreneur en
lui faisant comprendre qu'il est normal que son entreprise présente certaines
faiblesses, le paradoxe de la gestion étant de minimiser leurs effets négatifs
sans pouvoir les éliminer toutes car le coût de cette éradication est
généralement tel que l'entreprise ne peut le supporter.
Après avoir poser le
diagnostic, la S.W.O.T. est complétée par les axes opportunités - menaces pour
chaque activité, déterminés sur base de desk researchs, d'interviews d'experts,
de consultation de banque de données, etc.
Cette description de
l'environnement porte notamment sur:
-
les concurrents
-
l'environnement
sectoriel
-
la dépendance des
fournisseurs
-
la dépendance des
clients
-
les perspectives
européennes
-
les produits et
procédés de substitution
-
les normes, les
règlements et les barrières psychologiques
-
l'évolution de la
demande et les exigences des utilisateurs…
L'élaboration de la
matrice S.W.O.T. n'est finalisée qu'après avoir confronté l'analyse avec les
responsables des entreprises concernées.

4. Recherche des remèdes
opérationnels et des pistes d'action stratégique
Cette phase constitue
l'étape la plus originale. Elle doit aboutir, sur base des informations
détectées lors des phases précédentes, à préciser quels sont les besoins réels
des entreprises et leurs potentialités. Elle s'attache à déterminer comment ces
besoins peuvent être rencontrés et dans quelle mesure la résorption de certaines
faiblesses et l'exploitation des forces existantes peuvent contribuer à la
compétitivité et à l'expansion de l'entreprise.
Ce travail sera réalisé
essentiellement au cours de brainstormings auxquels sont associés les
responsables des entreprises ainsi que divers experts et consultants.
4.1. Les stratégies de
croissance
Partant de l'hypothèse
d'une volonté de croissance, et suivant la suggestion d'Igor Ansoff, il faut
définir quelles stratégies sont envisagées en fonction des marchés auxquels les
entreprises s'attaquent ou voudraient s'attaquer (marchés existants ou nouveaux
marchés) et en fonction des produits/services qu'elles souhaitent introduire sur
le marché (produits existants ou produits nouveaux).
Ces stratégies de
croissance sont synthétisées dans la matrice suivante :
4.2. La matrice
d'analyse des cheminements stratégiques de S.G.P. Consultants
L'analyse des choix et de
l'ordonnancement des stratégies est guidée par le positionnement de l'entreprise
ou de ses activités et par l'évolution de celui-ci dans une matrice appelée
Matrice d'Analyse des Cheminements Stratégiques (M.A.C.S.) représentée
ci-dessous.
La typologie concernant
la conception du produit n'est pas universelle. Elle dépend du secteur et du
métier propre à l'entreprise. Le tableau ci-dessous doit donc être interprété à
titre d'exemple, bien que la typologie retenue, ici, soit la plus fréquente.
En fait, la M.A.C.S. met
en relation la conception des produits/services et la nature de la relation de
l'entreprise avec le marché.
On distingue trois types
de conception du produit/service :
Le produit "sur
mesure"
Le produit est créé
exclusivement en fonction des spécifications (cahier des charges) du client. Ce
produit n'est pas répétitif et est modifié à chaque nouvelle exécution. La
distance entre le producteur et le consommateur est minimum. Le cas limite est
le concept de "prosumer", cas où le consommateur réalise lui-même ses produits.
Ce type de produit
implique :
-
un savoir-faire typé,
allant de l'artisanat au bureau d'étude (la conception peut se faire avec le
consommateur);
-
un bon éveil
technologique pour la réalisation;
-
une souplesse dans
l'organisation et la structure productive (la production peut se faire
auprès du consommateur);
-
une moindre
importance de la distribution;
-
une focalisation sur
la qualité;
-
une valeur tangible
ajoutée au produit/service.

Illustrons ces concepts
dans le secteur de la confection vestimentaire. Un consommateur peut demander à
un tailleur de lui confectionner un costume "sur mesure". Le consommateur
choisit le tissu, spécifie ses desiderata, tandis que le tailleur réalise un
costume unique, aux mesures du client. Le lieu de production, de conception et
de consommation (vente) coïncident.
Un exemple semblable peut
être trouvé dans le secteur des services, tel l'octroi d'un crédit résultant
d'un montage financier conçu par un banquier et son client.
Le produit standard
adaptatif
Une partie, le "noyau" de
produit/service présente un caractère répétitif. Cependant, des éléments
périphériques du produit sont adaptés/créés en fonction des spécifications du
client. Globalement, le produit ne peut être considéré comme figé. La distance
entre le producteur et le consommateur a tendance à s'accroître.
Ce type de produit
implique :
-
un savoir-faire
créatif;
-
un bon éveil
technologique pour la conception et la réalisation;
-
une organisation à la
fois souple et rigoureuse, une structure de production mixte (sur mesure et
répétitive, une partie de la production peut se faire auprès du
consommateur);
-
une capacité de
distribution;
-
une attention à la
qualité du produit;
-
une capacité de
gestion de l'image et de création d'intangibles dans le produit.
Le produit standard
figé
Le produit est standard
et son élaboration correspond à une routine ou un ensemble de procédures
prédéterminées. Néanmoins, ceci n'exclut pas la différenciation des produits. La
distance entre producteur et consommateur est maximale ; la régulation, la
communication se font via le marché.
Ce type de produit
implique :
-
une attention
permanente aux réactions du marché et une bonne connaissance de celui-ci,
-
une capacité de
production et une maîtrise des coûts et de la qualité;
-
une organisation
entrepreneuriale;
-
une politique de
communication bien établie;
-
une parfaite maîtrise
de la distribution;
-
la création
d'intangibles afin de différencier les produits par rapport à ceux de la
concurrence.
Un costume de confection
est un exemple type de produit standard figé. Même si le consommateur a le choix
entre plusieurs modèles, il n'intervient pas directement dans la production du
vêtement. La régulation se fait par la demande.
Dans le domaine du
crédit, il s'agit du prêt personnel octroyé "dans les vingt minutes".
Une autre composante de
la matrice est la nature de la relation qu'entretient l'entreprise avec le
marché, dont on distingue trois types :
La relation
événementielle
L'entreprise répond aux
opportunités qui se présentent à elle. Elle ne gère pas le dépistage de ces
événements. L'entreprise réalise des "coups", qui peuvent à court terme lui être
profitables mais qui s'apparentent quelque peu à la loterie.

L'entreprise :
-
ne gère pas ses
relations avec le marché (éveil marketing faible);
-
ne se positionne pas;
-
adapte sa structure
en fonction des événements;
-
ne possède pas de
systèmes de maîtrise;
-
possède un
portefeuille de clientèle volatile, la fidélité des clients est faible;
-
rêve d'un produit
propre (mais ne l'aura jamais de manière durable).
Cette situation est
viable, parfois inévitable, lors de la création de l'entreprise ou d'une
nouvelle activité, mais doit évoluer. Elle exclut quasiment les produits
standards figés.
Reprenons l'exemple de la
confection. Un tailleur, travaillant chez lui, entretiendrait des relations de
type "événementiel" avec le marché, et ce, surtout dans sa phase de démarrage.
De même, ce type de
relation existe dans le chef d'un employé d'une société d'assurances qui produit
des contrats après journée.
La relation provoquée
L'entreprise suscite des
opportunités ponctuelles sur le marché et tend à fidéliser la clientèle acquise
de manière événementielle.
L'entreprise :
-
commence à gérer ses
relations avec le marché de manière intuitive (outils de relation :
restaurants, cadeaux, éventuellement plaquette publicitaire, ...);
-
le positionnement et
la spécialisation évoluent en fonction des clients avec lesquels des
relations ont tendance à s'établir (positionnement flou);
-
adapte sa structure
en fonction des clients principaux;
-
possède un embryon de
système de maîtrise, centré sur les coûts;
-
rêve de réduire la
dépendance qu'elle-même a créée.
C'est le cas d'une
boutique, dans notre exemple de la confection. C'est aussi le cas d'un agent
d'assurances ayant mis au point un système de prospection.
La relation sélective
L'entreprise détermine
des cibles privilégiées et élabore une stratégie lui permettant de se
positionner durablement sur ces marchés avec rentabilité.
La connaissance du marché
est primordiale et la gestion des relations s'établit avec l'ensemble des
acteurs du marché (consommateur, distributeur, prescripteur, presse économique,
professionnelle, financière, les experts et les "leaders d'opinion").

Le croisement de deux
dimensions stratégiques aboutit à un tableau dénommé “Matrice d'analyse des
cheminements stratégiques en abrégé - M.A.C.S.”
Le positionnement de
l'entreprise se fait en repérant la position occupée dans la M.A.C.S.. On
exploite pour ce faire toute donnée utile issue de la matrice S.W.O.T. relative
aux différentes fonctions du management.
Il est parfaitement
envisageable et souhaitable de positionner dans la M.A.C.S. chacune des
activités de l'entreprise.
Par exemple, un
transporteur peut, d'une part, effectuer des navettes entre deux sites
industriels et, d'autre part, avoir une activité de commerce international; il
s'agit là de deux métiers distincts, plongés dans des environnements différents
et pour lesquels la structure de l'entreprise peut être plus ou moins bien
adaptée.
Le développement
stratégique de l'entreprise est illustré par le passage d'une "position dans la
grille" à une autre. La faisabilité de ce cheminement dans la matrice M.A.C.S.
s'étudie en relation avec le diagnostic interne de l'entreprise et le diagnostic
externe de son environnement fournis par la matrice S.W.O.T.. Elle s'attache à
souligner les choix technologiques, les orientations de l'outil en fonction du
développement du produit, les options commerciales et les contraintes
financières. A cet égard, les renseignements de la matrice S.W.O.T. permettent
de faire ressortir les points faibles qu'il convient de résorber, les points
forts qu'il faut exploiter, les opportunités à saisir et les menaces à éviter.
Le schéma ci-après illustre cette démarche méthodologique.
Relation entre la matrice
M.A.C.S. et la matrice S.W.O.T.
Sur le plan pratique,
l'utilisation simultanée, lors de “brain storming” ou de présentation des
résultats de l'audit aux clients, des deux matrices S.W.O.T. et M.A.C.S. a
montré qu'elles constituaient des outils de visualisation et de communication
fort intéressants.
Notons que le saut de
plusieurs "cases" présente des risques d'échec liés à une exigence d'adaptation
trop importante de la culture et des structures de l'entreprise. Si une position
éloignée paraît éminemment souhaitable, par exemple en vue d'exploiter au mieux
certaines opportunités, les recommandations sont généralement menées en termes
d'étapes successives accompagnées chacune des mesures à prendre; les facteurs
de réussite dans chaque position sont en effet intimement liés à l'adéquation
cohérente des structures organisationnelles et des fonctions du management,
ainsi qu'aux capacités d'efficience dont feront preuve les dirigeants de
l'entreprise.
C'est pourquoi nous
parlerons de “cheminements stratégiques'“ eu égard aux différentes étapes
préconisées dans l'évolution stratégique de l'entreprise.
Ainsi, les risques
inhérents à tout changement sont limités par le choix de stratégies réalistes
: plutôt que de parler d'emblée de diversification, nous donnons la préférence à
une guidance par sauts successifs (market penetration, product development,
market development) qui mèneront in fine à une éventuelle diversification
par rapport à la situation de départ. En outre, cette démarche a l'avantage de
permettre aux entreprises de procéder aux adaptations de structure
indispensables et d'acquérir le complément de formation et/ou de culture qui
leur fait partiellement défaut.
Nous illustrerons
l'utilisation de cette matrice par l'exemple d'un artisan habile dans la
confection des chemises.
Cet artisan reçoit la
visite d'une star quelconque qui lui demande de réaliser quelques chemises
originales, devant contribuer à la construction de son image.
Notre artisan se
positionne au croisement du produit sur mesure et de la relation événementielle
avec son marché.
Fort de son expérience,
il élabore une stratégie de “market development”: il contacte d'autres stars,
obtient des commandes, organise sa production.
Il migre vers la position
produits sur mesure / relations provoquées. Il pense ensuite améliorer son
produit pour pouvoir le produire de manière plus rentable : il le rend
“standard/adaptatif” (stratégie de product development), tout en restant dans
des relations avec son marché de type “provoquées”.

Puis, il souhaite
distribuer ses produits à un public plus vaste, mais sélectionné (ouverture de
boutiques, valorisation de l'image, ...). Il utilise donc une stratégie de
market development pour se positionner dans la case produit standard/adaptatif/
relation sélective.
Ce positionnement étant
rentable, il intensifie sa commercialisation avec une stratégie de market
penetration (réseau de franchisés).
D'autres développements
sont encore possibles, tels que l'extension de la gamme de produits (product
development) ou, plus risqué, la création d'un produit standard figé (nouveau
produit) distribué dans les grandes surfaces (nouveau marché). Il s'agirait
alors d'une stratégie de diversification.
Cet exemple schématisé
sur la matrice M.A.C.S. ci-dessous, illustre aussi les impacts des stratégies
adoptées sur les problèmes de production, de commercialisation, de distribution,
de communication, d'organisation et de structures.
Matrice M.A.C.S. de
synthèse
La M.A.C.S. proposée par
S.G.P. Consultants pour le développement stratégique d'une P.M.E. n'exclut pas
l'application d'autres méthodes connues, telles :
-
le modèle L.C.A.G. de
Harvard (Learned, Chistemen, Andrew et Guth) que la S.W.O.T. et la M.A.C.S.
recouvrent largement,
-
les modèles d'analyse
stratégique des principaux cabinets de conseil en management américains : le
Boston Consulting Group (B.C.G.), Arthur D. Little et Mac Kinsey,
-
le modèle développé
par M.E. PORTER,
-
le modèle P.I.M.S.
(Profit Impact of Marketing Strategies) de la General Electric.

5. De l'analyse
stratégique des entreprises au développement local endogène
5.1. La M.A.C.S.
régionale
L'audit des entreprises
caractéristiques comprend, après la définition du positionnement de chacune
d'elles, l'émission de recommandations stratégiques visualisées dans la matrice
M.A.C.S. par un cheminement au sein de celle-ci.
Bien que ces
recommandations soient à chaque fois adaptées aux spécificités de l'entreprise
et apparaissent donc comme autant de cas d'espèce, il s'est avéré que des lignes
directrices générales sous-tendent toutes ces propositions.
Et si ces lignes
directrices peuvent, au-delà des particularismes, s'exprimer d'une manière
systématique, on dispose du même coup d'une grille d'analyse pour la formulation
et l'élaboration des recommandations à émettre non plus à l'égard d'une
entreprise, mais à l'égard des organismes chargés d'initialiser une dynamique de
reconversion du tissu industriel d'une entité géographique.
On met ainsi en évidence
le canevas pour un plan directeur des actions à entreprendre en vue d'une telle
reconversion, au travers d'une agrégation des cheminements stratégiques dégagés
pour chacune des entreprises cartactéristiques.
L'idée de départ est
simple : un cheminement stratégique, pour une entreprise donnée, consistant en
une succession d'étapes, il suffit de voir quels sont les mouvements d'ensemble
observés au sein de la M.A.C.S. pour toutes les activités de toutes les
entreprises caractéristiques. En d'autres termes, l'outil utilisé sera une
globalisation de la matrice M.A.C.S. reprenant le pourcentage d'activités se
situant dans chaque position de la grille à un moment donné.
Ce qui précède ne repose
nullement sur l'idée que les diverses étapes se déroulent simultanément, quels
que soient le type d'activité et l'entreprise. Mais on fait ressortir de la
sorte des ensembles de besoins communs à des entreprises situées à un même stade
de développement stratégique.
Il en résulte une matrice
M.A.C.S. de départ qui évolue suivant la mise en pratique des recommandations
aux entreprises et à l'organe encadrant.
M.A.C.S. régionale de
départ et / ou d'arrivée
Dans chaque case on
reprend le pourcentage des entreprises concernées par les caractéristiques de
cette case.
Pour appréhender le
développement de la région concernée dans son ensemble, sur base des
recommandations stratégiques et opérationnelles faites aux entreprises, il faut
rechercher différents dénominateurs communs à ces recommandations. En fait,
ceux-ci résultent généralement des phases de développement des entreprises
elles-mêmes.
S.G.P. Consultants
distingue quatre phases de développement d'une P.M.E., à savoir, les phases d'Initiation,
de Structuration, de Rénovation et de Maîtrise, les
deuxième et troisième phases étant parfois fusionnées.
A chaque phase
correspondent des recommandations stratégiques qui induisent à leur tour la
nécessité pour les dirigeants des entreprises de mener des actions internes
de consultance et de formation et, pour l'organe encadrant des actions
externes à la P.M.E., adaptées à son niveau de développement et en vue de
déterminer le chemin optimal de l'entreprise au sein de la M.A.C.S.
En définitive,
l'extrapolation de la M.A.C.S. au développement régional ou local, constitue une
démarche originale car elle fonde ce développement sur la mise en application
des recommandations concrètes faites à chaque entreprise caractéristique. En ce
sens, le développement régional mené par l'organe encadrant est directement
tributaire des décisions des entrepreneurs.
La méthode indique donc
quelles décisions doivent être prises par les acteurs économiques de la région
en vue de mieux positionner les entreprises par rapport au produit/service et au
marché.
Afin d'interpréter
correctement les états successifs, il faut garder à l'esprit deux hypothèses
sous-jacentes :
-
la réussite de chaque
passage (on suppose donc que l'entreprise a procédé aux adaptations de
structure nécessaires),
-
l'absence de
nouvelles impulsions dans le système (l'intervention d'autres activités ou
acteurs).

6. L'application au
Bassin sérésien (2)
L'application de cette
méthode au bassin sérésien a abouti à la matrice M.A.C.S. de départ suivante :
Matrice M.A.C.S. de
départ (Sur base des activités
des entreprises caractéristiques)
La structure de cette
matrice met en évidence la concentration des activités dans la position
événementielle/sur mesure : plus du tiers des activités s'y trouvent.
Cette position est
considérée comme dangereuse par son caractère précaire et aléatoire ; cette
assertion est confirmée par la disparité des "ratings" (coin supérieur gauche de
chaque case).
L'examen des
distributions marginales souligne le manque d'élaboration des relations que
l'entreprise établit avec le marché : près de la moitié des activités sont
engendrées par des relations de nature "événementielle" tandis que seulement 16%
proviennent de relations sélectives. Des informations complémentaires
permettront d'épingler que lorsqu'une entreprise est dans une logique sélective,
ses performances apparaissent meilleures.
La prépondérance des
produits de conception "sur mesure" est significative : 56% des activités sont
basées sur ce type de produit.
Fait tout aussi
remarquable, 32% des activités proviennent de produits "standards figés". Or ce
type de produit exige une structure d'entreprise plus sophistiquée, des qualités
de management plus affirmées et une maîtrise plus importante des aspects
marketing. Ce sont précisément les qualités qui font le plus défaut lors de
l'examen des faiblesses. Ce n'est donc pas par hasard que les performances des
entreprises y localisées sont pour le moins médiocres.
En toute logique, les
recommandations stratégiques devront aller dans le sens d'une amélioration des
relations avec le marché et d'une focalisation sur des produits standards,
adaptatifs d'abord, éventuellement figés ensuite.
6.1. Analyse globalisée
des cheminements stratégiques recommandés
PREMIERE PHASE : PHASE D'INITIATION
L'implémentation de
l'ensemble des recommandations stratégiques pour les entreprises en phase
d'initiation influence l'état des activités des entreprises, et, dès lors, la
matrice M.A.C.S. comme suit :
Matrice M.A.C.S. première
phase
La position
"provoquée/sur mesure" prend plus d'importance.
En termes de
distributions marginales, la qualité des relations avec le marché s'est
sensiblement améliorée : on observe un retrait des relations événementielles et
un renforcement des relations provoquées et sélectives.
D'autre part, si les
produits de conception "sur mesure" demeurent prépondérants, un glissement
s'opère des produits standards figés vers les produits standards adaptatifs.
La bonne réalisation de
cette phase passe plus par une prise de conscience de l'importance de la
composante "relations avec le marché" que par le développement de produits.
L'aide principale à apporter aux entreprises consiste donc en un apport de
formation (au sens large) et un support commercial.
La moitié des
recommandations sont des stratégies de "market penetration", visant à asseoir la
position des entreprises sur des marchés existants. Ces stratégies requièrent
essentiellement une systématisation de l'exploitation de forces observées, et
ont un impact organisationnel limité.
Viennent ensuite les
stratégies de "market development", représentant le tiers des recommandations,
qui demandent un effort de prospection et qui s'appuyent davantage sur des
opportunités existantes. Cette démarche entraîne la valorisation d'une fonction
commerciale.
Enfin, le sixième restant
des recommandations se situe dans le "product development". Ici, la fonction R &
D doit exister, au moins à l'état embryonnaire.
Le nom donné à cette
première phase doit s'entendre tant comme reflétant un aspect d'apprentissage
que comme exprimant une idée de démarrage d'un processus.

DEUXIEME PHASE : PHASE DE
STRUCTURATION
Matrice M.A.C.S. deuxième
phase
L'état de la matrice, et
de ce qu'elle représente, s'assainit : on constate la réduction à leur plus
simple expression des positions à haut risque (les relations événementielles en
général et la position provoquée/standard figé en particulier).
La prépondérance se situe
dans les relations provoquées et produits standards adaptatifs de même que dans
les relations sélectives jumelées avec des produits sur mesure ou standards
figés.
Globalement, les
relations avec le marché prennent une orientation volontariste (prépondérance
des relations sélectives) et les produits conçus sur mesure diminuent au profit
de produits standards adaptatifs.
L'impact de cette
évolution sur les structures est double :
-
les fonctions de
management et de marketing doivent se formaliser,
-
la fonction de R & D
doit être présente.
Les aides aux entreprises
doivent alors aller dans ce sens.
En effet, les stratégies
préconisées à ce stade consistent essentiellement en du "market development" et
du "product development".
TROISIEME PHASE : PHASE
DE RENOVATION
Matrice M.A.C.S.
troisième phase
Cette étape se
caractérise par une focalisation sur les produits standards adaptatifs et les
relations sélectives. Les produits conçus sur mesure sont arrivés à leur "steady
state".
Au terme de cette phase,
les adaptations structurelles doivent être assimilées et le portefeuille de
produits enrichi.
Les aides dont les
entreprises ont besoin ressortissent aux domaines de l'organisation et du
développement de produits (R & D) qui prend toute son importance.
Nos avis stratégiques
sont des recommandations de "product development" et de "market development".
QUATRIEME PHASE : PHASE
DE MAITRISE
Matrice M.A.C.S.
quatrième phase ou M.A.C.S. finale
C'est à ce niveau que les
entreprises peuvent penser aux produits standards figés : la structure est
adéquate, les produits peuvent être généralisés.
Les problèmes qui se
posent sont le développement d'outils de maîtrise (tableaux de bord dynamiques,
systèmes prévisionnels, ...), la réduction du déficit informationnel, le passage
à l'internationalisation.
Les aides à prévoir se
situent dans ce domaine : aides au développement d'outils de contrôle, aux
études de marché, à la recherche de partenaires, à l'exportation, au
financement.
Cette matrice M.A.C.S.
représente le bassin sérésien tel qu'il serait si toutes les recommandations
appropriées à chaque stade de développement des P.M.E. prises individuellement,
sont effectivement mises en application.
6.2. Synthèse du
cheminement global
Nous présentons une
matrice M.A.C.S. qui synthétise le cheminement global des entreprises
caractéristiques ainsi que les stratégies dominantes à chaque stade.
Matrice M.A.C.S. de
synthèse
Il ne faudrait pas
conclure hâtivement, à la lecture de ce tableau, que la phase de maîtrise
coïncide avec la position "sélectif/figé". De fait, une entreprise peut
parfaitement être en phase de maîtrise dans une autre position, par exemple en
"sélectif/sur mesure", ce qui se voit concrétisé par l'apparition d'une flèche
circulaire.

7. CONCLUSIONS
D'aucuns pourraient
s'inquiéter de la validité d'une extrapolation de ces enseignements à l'ensemble
des entreprises du bassin sérésien.
Précisons d'abord que
d'un point de vue quantitatif, les entreprises caractéristiques retenues sont
représentatives de l'ensemble des P.M.E. du bassin sérésien dès lors que l'on
stratifie cette population selon divers critères.
Mais ce n'est pas tant
l'aspect quantitatif de ces conclusions que leur aspect qualitatif qui importe
ici : les difficultés rencontrées par une entreprise sont in fine
semblables à celles que n'importe quelle autre entreprise pourrait rencontrer
dans la définition de son positionnement stratégique, dès lors que ces
difficultés sont exprimées en les expurgeant de tout élément contingent. En
d'autres termes, l'intérêt qu'il y a d'auditer plusieurs entreprises réside
davantage dans le fait de multiplier les situations que dans le respect d'une
éventuelle représentativité d'échantillonnage. Et cette diversité des situations
est assurée dans le cas présent par la diversité des métiers, des clients, des
techniques, ...
La diversité des
situations permet d'adapter la politique de développement local soit à des cas
singuliers, soit à des sous-ensembles sectoriels sachant toutefois que cette
politique se fondera sur des constantes en termes de besoins à rencontrer.
Ces besoins d'assistance,
de formation, de conseil, d'infrastructure, d'apport en capital à risque, ...
évoluent toutefois suivant les phases de développement des P.M.E. et leur
cheminement stratégique dans la M.A.C.S.
En définitive,
l'extrapolation de la M.A.C.S. au développement régional ou local, constitue une
démarche originale car elle fonde ce développement sur la mise en application
des recommandations concrètes faites à chaque entreprise du bassin. En ce sens,
le développement régional est directement tributaire des décisions des
entrepreneurs.
De plus, l'étude débouche
sur des recommandations générales qui devraient intégrer la politique des
organes et institutions chargés plus précisément du développement régional.
Contrairement aux autres
approches qui s'efforcent de lier l'évolution de la valeur ajoutée régionale à
des paramètres économiques dont la fiabilité est souvent contestable, la méthode
S.G.P. indique quelles décisions doivent être prises par les acteurs économiques
de la région en vue de mieux positionner les entreprises par rapport au
produit/service et au marché.
Ce faisant, on augmente
assurément la valeur ajoutée de la région mais, de plus, on assure à celle-ci
une stabilité économique accrue et un potentiel nettement renforcé. Certes la
méthode ne chiffre pas quelle sera l'évolution de la valeur ajoutée régionale
mais l'interpellation de la réalité n'implique-t-elle pas davantage une aide à
la décision qui garantit une croissance que l'on pourra toujours mesurer à
posteriori, qu'une prévision qui, en tout état de cause, reste souvent
incertaine malgré l'amélioration de l'outil économétrique !
Notes
1.
S.G.P. Consultants est un bureau belge spécialisé dans les études économiques et
les conseil aux entreprises.
2. Le bassin sérésien est situé en région liégeoise et est
dominé par l’activité sidérurgique qui a subit une restructuration profonde

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