- Le
pacte social des années 1950-1974
- La crise
- Le
modèle néolibéral mondial
-
Les activités tournées vers le marché
intérieur
-
Les activités liées à la
sous-traitance d'activités mondiales
-
Les activités directement orientées
vers le marché mondial
-
Le domaine européen et mondial
-
Contribuer à une évolution moins néolibérale des
institutions internationales
- Stimuler une politique
européenne en faveur de l'emploi
- Etre présent et actif
dans la Francité
- Opérer un rapprochement avec la France
- Nouer des relations avec d'autres régions d'Europe
-
Le domaine de la Belgique fédérale
-
Mettre un terme à la politique de déflation
- Obtenir une
meilleure répartition des commandes publiques
-
Concrétiser la solidarité avec Bruxelles
- Parer aux
effets négatifs de la loi de financement des Communautés et
des Régions
- Sauvegarder la Sécurité sociale
-
Le domaine de l'économie intérieure
wallonne
-
Valoriser l'épargne wallonne au bénéfice de la Wallonie
-
Ouvrir sur la société l'enseignement supérieur wallon et les
universités wallonnes et bruxelloises francophones
-
Intensifier et diversifier les interventions de la SRIW et
des Invests
- Coupler l'économique et le social, coupler
les entreprises et la formation professionnelle
-
Contribuer à l'emploi et à la consommation par une politique
active de construction de logements et de rénovation urbaine
et rurale
- Développer les potentialités:
- services
et tourisme,
- économie sociale,
-
activités du monde associatif,
-
Fortifier l'identité wallonne

Introduction
Une
stratégie en termes macro-économiques est impossible au niveau
de la Wallonie parce que beaucoup de moyens d'action
macro-économique lui font défaut, soit qu'ils se trouvent à
l'échelon européen, soit qu'ils se trouvent à l'échelon fédéral.
Ce n'est
qu'indirectement que la Wallonie peut agir sur ces moyens et
tenter de les infléchir dans un sens qui lui soit favorable ou
plus favorable.
La seule
stratégie qui lui est donc possible s'articule sur deux niveaux
:
-
d'une
part, s'insérer dans des ensembles ou sous ensembles
économico-politiques plus larges,
-
d'autre part, conduire des politiques micro-économiques,
forcément spécifiques, dans un sens qui lui soit favorable.
Somme
toute, il s'agit d'élaborer une stratégie qui tienne compte
simultanément de l'environnement extérieur et des potentialités
endogènes.
Cela
suppose une autre démarche que la démarche habituelle dans cette
matière. Elle implique les étapes suivantes :
-
analyse de l'entourage économique, politique et social de la
Wallonie,
-
analyse des potentialités immédiatement actives de la
Wallonie, en particulier celles qui peuvent être mises en
relation avec son entourage.
Par le
terme "micro-économique", on entend, en particulier, une
définition fine des cibles des mesures prises par les pouvoirs
publics. A titre d'exemple, il ne suffit pas de "promouvoir la
recherche" ou "associer des entreprises aux centres de recherche
universitaire". Il faut déterminer quels domaines de la
recherche auront le plus de retombées en Wallonie et lesquels en
auront moins, déterminer quelles entreprises doivent être
associées pour obtenir le plus d'effets positifs sur l'ensemble
de l'économie et de la société wallonne.

I.
L'entourage économique, politique et social
Le
pacte social des années 1950-1974
Le pacte
social de l'après-guerre, voulu et accepté par tous les agents
économiques, sociaux et politiques est à la base du modèle
social démocrate. Il a permis un développement considérable
jusqu'en 1974.
Dans ce
pacte social :
-
l'économique est laissée aux entreprises, celles-ci assurant le
plein-emploi voulu comme tel, des salaires élevés permettant le
développement de la consommation et l'accroissement du
bien-être, un partage des fruits de la productivité et un
financement de la sécurité sociale organisée sur le principe
d'une assurance généralisée;
- la
concertation et les conventions collectives de travail règlent
les salaires, les conditions de travail, la durée du travail et
le partage des fruits de la productivité;
- les
pouvoirs publics prennent en charge la frange minime de
population qui n'est pas couverte par la sécurité sociale et
assurent un rôle régulateur de l'activité économique, surtout
par l'application de politiques keynésiennes de soutien ou de
freinage de la demande: consommation, investissements et
dépenses publiques; ils favorisent aussi le développement
économique principalement par la construction des grandes
infrastructures de communication et de transport et par la prise
en charge de la formation générale, professionnelle et
scientifique; ils assurent enfin la part de solidarité de
l'ensemble de la société au financement de la sécurité sociale.
La
crise
Ce qu'on
appelle "la crise" est en réalité une mutation profonde du
système économique et l'abandon par lui de ce pacte social.
L'objet n'est pas ici de faire l'analyse de ces transformations,
de leurs origines, de leurs processus et de leurs mécanismes
d'évolution.
Les
rapports entre forces économiques, forces sociales et forces
politiques se sont profondément modifiés pour aboutir, en moins
d'une dizaine d'années, à ce qu'on peut appeler le modèle
néolibéral mondial.

Le
modèle néolibéral mondial
Le
système capitaliste dominant est devenu financier et mondial;
seule la rentabilité des capitaux est prise en considération,
marquant une rupture profonde avec le pacte social des années
1950-1974:
-
l'économique n'assure plus ni le plein-emploi, ni la croissance
des salaires, ni le partage des fruits de la productivité et
tend à réduire les charges de sécurité sociale;
- les
ressources de la sécurité sociale ne suffisent plus à assurer
son équilibre financier sans augmentations des cotisations des
travailleurs et restrictions dans les prestations;
- les
pouvoirs publics s'endettent nécessairement, tentant de faire
face à des situations sociales de plus en plus aggravées sous
l'effet d'un chômage croissant et persistant et sous l'effet
d'une paupérisation qui s'amplifie;
- les
privatisations des services publics, du moins les parts les plus
rentables, permettent une extension de la sphère marchande
capitaliste;
- les
organisations syndicales sont démunies dans la bataille en
faveur de l'emploi, acculées à des combats défensifs pour
lesquels elles n'ont pas été préparées puisque leur rôle s'était
limité à la redistribution des revenus;
- la
priorité à la compétitivité, soutenue par les divers Etats, en
principe au profit de leurs entreprises et sous le couvert du
maintien de l'emploi, entraîne un chômage massif et durable, une
faiblesse de la consommation et des investissements des ménages,
un affaiblissement du tissu des PME tournées vers le marché
intérieur: on est entré dans un mécanisme que les économistes
appellent la "déflation compétitive";
- la
spéculation financière atteint des proportions considérables;
par exemple les transactions journalières mondiales sur les
marchés des changes atteignent 35 fois les besoins des échanges
commerciaux de biens et de services;
- cette
spéculation amène les Etats à défendre leurs monnaies par des
politique de taux d'intérêts élevés, ce qui aggrave encore le
processus de déflation et de déprime de la demande intérieure.
En
Europe, soit l'Etat soutient ouvertement le modèle néolibéral
dans les pays à majorité libérale comme le Royaume-Uni, soit l'Etat
continue à se comporter comme dans le modèle social- démocrate:
il soutient les grandes entreprises du système mondial
capitaliste, espérant -inutilement, mais il ne s'en est pas
encore rendu compte- un effet positif sur l'emploi. C'est le cas
des pays à majorité socialiste ou démocrate-chrétienne, seuls ou
en coalition.
L'Union
européenne elle-même, fondée sur la notion d'un grand marché, à
l'époque contrôlé par les pouvoirs publics, a évolué, selon la
théorie néolibérale largement dominante dans toute la
technocratie des institutions internationales, vers un abandon
progressif de tout contrôle sur les marchés, en particulier sur
les marchés financiers et monétaires, laissés aux mains des
seuls technocrates des multinationales, des systèmes bancaires
et financiers privés et des organismes monétaires et
internationaux. Le contrepoids politique y est
institutionnellement fort faible.
Dans son
état actuel, l'économie mondiale est partagée entre trois pôles:
l'Europe occidentale, les USA et le Japon. Dans les faits entre
trois monnaies: le mark allemand, le dollar américain et le yen
japonais, Londres étant, comme toujours, la plaque tournante
majeure et le centre décisionnel de vastes toiles d'araignée des
mouvements de capitaux entre ces trois pôles.
Politiquement, une situation de conflit économique règne entre
ces trois pôles. Plus exactement, la stratégie des USA consiste
à tenter de rester maître du jeu mondial en maîtrisant les
relations USA-Asie et les relations USA-Europe et en évitant
autant que possible que s'établissent des relations directes
importantes Europe-Asie.
A cet
effet, les USA laissent volontairement des poids économiques à
charge de l'Europe qui ne peut, pour diverses raisons, s'en
débarrasser: les pays de l'Europe de l'Est et l'Afrique. Ils
tentent d'établir des liens directs avec la Chine et d'isoler le
Japon.
Les USA
accusent cependant un retard industriel sur l'Europe et sur le
Japon, dont une des causes tient à la facilité de pénétration
des produits américains sur les marchés en raison de la
faiblesse du dollar, à l'importance du déficit des finances
publiques en raison d'une fiscalité trop faible par rapport à la
plupart des pays développés et à l'acceptation d'une pauvreté
croissante de larges couches de la population.
Dans ces
rapports de forces au niveau mondial, l'Union européenne hésite
entre deux voies:
- soit un
modèle lâche d'union douanière incorporant un grand nombre de
pays, soit presque tous les pays de l'Est et bientôt -peut-être
?- certains pays du Proche-Orient ou de l'Afrique du Nord;
-
soit un modèle intégré d'union économique et monétaire
incorporant seulement un petit nombre de pays et une périphérie
plus vaguement associée.
Une forme
de compatibilité entre ces deux modèles, permettant de les
développer simultanément et d'opérer le passage au coup par coup
des pays de l'Europe lâche vers l'Europe intégrée, n'a pas
encore été ni trouvée, ni forcément approuvée, même si une
tendance semble se préciser vers cette double voie.
De toute
manière, rien ne se fera sans un accord complet de la France et
de l'Allemagne: ni l'union monétaire de Maastricht, ni une
orientation vers l'élargissement, même si celui-ci paraît
inévitable à beaucoup, ni une voie moyenne.
Berceaux
de la démocratie et inventeurs du modèle social-démocrate -le
modèle des années 1950-1974- la plupart des pays européens
tiennent à leurs dispositifs de solidarité, la sécurité sociale,
et à leurs dispositifs culturels et politiques de tolérance, de
respect des minorités et de règles démocratiques aussi bien au
niveau politique que social et même, dans une certaine mesure
économique, impliquant un minimum de citoyenneté et de contrôle
des pouvoirs publics.
L'existence de ces mécanismes de solidarité institutionnalisés a
d'ailleurs préservé jusqu'ici les sociétés européennes d'une
dislocation de leur tissu économique et industriel par le
maintien de la consommation intérieure à un niveau minimum. Les
mécanismes de solidarité n'ont cependant pas suffi à maintenir
la cohésion sociale: précarité, chômage important et permanent,
drogue, violence, quartiers en crise en sont les signes.
Les
pressions du modèle néolibéral sont de plus en plus fortes; la
société est de plus en plus disloquée pour y résister et un
nouveau modèle de société ne se profile donc pas.

II. Le
tissu économique et politique de la Wallonie
Il
convient d'examiner la structure économique dans trois grandes
catégories d'activités:
-
les
activités tournées vers le marché intérieur, principalement
wallon, mais aussi en direction des régions immédiatement
voisines;
-
les
activités liées à des sous-traitances ou des coopérations
avec des activités du marché européen et mondial;
-
les
activités situées sur le marché européen et mondial.
1.- Les
activités tournées vers le marché intérieur
Ces
activités sont de trois ordres:
- les PME
du secteur privé productrices de biens et/ou de services et les
entreprises publiques (biens et services, comme les TEC, la SWDE,..),
- les associations et organismes publics, habituellement rangés
dans le "secteur non-marchand", comme l'enseignement ou les
soins de santé, les services sociaux,
- les administrations
des divers niveaux.
Ces trois
catégories sont profondément impliquées dans un développement
économique, nécessairement endogène: c'est aux Wallons seuls à
se soucier de leur propre avenir, il ne faudrait pas l'oublier.
Le
logement, la rénovation urbaine et rurale, la qualité de
l'environnement, l'aménagement du territoire, les transports de
personnes et de marchandises sont sans doute des éléments
importants.
Mais
l'enseignement, la formation, la recherche, la santé et la
culture sont sans doute aussi fondamentaux, même si on a pris
l'habitude de les oublier dans l'approche économique. C'est sans
doute d'autant plus vrai dans une société mondiale où
l'information, dans un sens large du mot, a pris une place
considérable et devient elle-même un objet de transactions
économiques et source de profits.
En
première approche, la plupart des PME (moins de 50 travailleurs)
et quasi toutes les petites entreprises (moins de 20
travailleurs) sont uniquement liées à des marchés locaux. C'est
aussi le cas de la très grande majorité des entreprises du
secteur de la construction, quelle que soit leur taille.
Or, les
établissements de moins de 50 travailleurs représentent à eux
seuls la moitié de l'emploi total du secteur privé, soit 260.000
travailleurs.
Le
secteur public, qui comprend les administrations, les services
publics non-marchands (enseignement, soins de santé notamment)
et les entreprises publiques occupe 305.000 travailleurs, tous
liés à l'activité intérieure et non pas aux activités
d'exportation.
Ces deux
seuls domaines occupent donc environ 565.000 travailleurs sur un
total de 830.000, soit plus des deux-tiers de tous les emplois.
Le marché
intérieur est donc pour la Wallonie d'une importance beaucoup
plus considérable que celle qui lui est généralement accordée.
Il est
difficile d'évaluer les potentialités de développement des PME
et les potentialités de naissance de nouvelles PME, mais il faut
constater que, ces dernières années, le nombre d'indépendants
est en croissance lente et que seul l'ensemble des PME de moins
de 50 travailleurs a connu, malgré les faillites, une légère
croissance de l'emploi, alors que les secteurs des grandes
entreprises ont perdu beaucoup d'emplois.
Le
développement général du tourisme et de l'attractivité des
villes comme lieux culturels, sportifs et de rencontres est sans
doute un élément à exploiter au profit des PME principalement.

2.- Les
activités liées à la sous-traitance d'activités mondiales
Il s'agit
généralement d'entreprises de moyennes dimensions se situant
dans la zone des 200 à 600 travailleurs, à la fois trop
importantes pour se satisfaire d'un marché local ou régional et
trop petites pour jouer un rôle significatif au plan mondial. Il
n'existe que quelques rares cas d'entreprises fabriquant un
produit tout-à-fait spécifique -cas d'un monopole technique
toujours fragile- mais ces cas ne peuvent pas être généralisés
(cas du Val-Saint-lambert par exemple).
La
Wallonie dispose de potentialités de sous-traitance de haute
valeur. Par exemple, les entreprises de l'aéronautique, un
certain nombre d'entreprises de la mécanique, de l'électronique,
de l'électrotechnique ou de l'alimentation. Il s'agit soit de
sous-traitances comme partenaires de groupes industriels
multinationaux, soit d'associations à des consortiums
internationaux (le programme Airbus ou Ariane-Espace par
exemple).
Ce
secteur et celui des activités mondiales qu'on verra ci-après
représentent ensemble un peu plus de 25 % du total des emplois.
On peut estimer, sans qu'il existe d'études à ce sujet mais
seuls les ordres de grandeur sont utiles ici, que chacune des
deux catégories représentent entre 10 et 15 % de l'emploi wallon
total.
3.- Les
activités directement orientées vers le marché mondial
Il existe
peu d'entreprises directement branchées sur les marchés mondiaux
si on excepte une partie des institutions bancaires et
financières, encore ne sont-elles pas spécifiquement wallonnes.
Dans le
domaine industriel, on trouve la sidérurgie, la chimie lourde
(pétrochimie), l'industrie des médicaments, la fabrication
d'engins de terrassements (ou l'automobile, absente en Wallonie)
la cimenterie et la verrerie. Soit, de manière générale les
industries traditionnelles de la Wallonie.
Ces
secteurs multinationaux sont soumis à de perpétuelles
restructurations et sont souvent menacés de délocalisation, au
contraire des deux catégories précédentes. La taille des
entreprises est souvent au delà de 1.000 travailleurs même si
les productions sont fortement automatisées, robotisées et
informatisées. L'emploi est très peu faible par rapport au
chiffre d'affaires mais il est de haute qualification à tous les
niveaux.
Ces
secteurs, parvenus aux meilleures relations avec les pouvoirs
publics, profitent très largement des aides publiques, directes
et indirectes.
Les
potentialités d'innovations et de développement sont sans doute
grandes mais ne sont pas exploitées en fonction d'un
développement régional mais bien en fonction de la stratégie et
des intérêts du groupe multinational dans lequel ces activités
sont intégrées.
On ne
peut pas compter sur elles dans une stratégie de développement
de la Wallonie. Certainement pas comme moteur de ce
développement, ce qu'on a encore trop souvent tendance à croire.

III.
Eléments d'une stratégie de développement de la Wallonie
Les axes
stratégiques proposés sont formulés dans le cadre des structures
institutionnelles actuelles: la Belgique fédérale et la
Communauté européenne, chacune avec leurs compétences et
structures organisationnelles.
Dès lors
dans la double perspective décrite: développer les potentialités
endogènes liées au marché intérieur et articuler au mieux les
activités tournées vers l'extérieur sur des ensembles
industriels ou de services porteurs, une stratégie de
développement doit comporter des actions cohérentes dans trois
domaines: le domaine européen et mondial, le domaine de l'Etat
fédéral et le domaine de l'économie intérieure wallonne.
1.- Le
domaine européen et mondial
Au niveau
mondial, la Wallonie ne représente rien, elle est même le plus
souvent inconnue. L'action wallonne à ce niveau va donc se
situer comme acteur direct là où la Wallonie peut être présente
comme telle.
Contribuer à une évolution moins néolibérale des
institutions internationales
Depuis
vingt ans, les institutions internationales comme le FMI, la
Banque mondiale, l'OCDE et même l'Union européenne sont guidés
par la seule logique néolibérale et cette tendance n'est pas
mise en question.
La
Wallonie, avec d'autres régions ou pays, devrait dénoncer cette
dérive qui ne lui convient pas au plan économique, parce que la
logique néolibérale renforce toujours les plus forts au
détriment des plus faibles, des plus grands au détriment des
plus petits.
Quelques
axes essentiels d'une politique alternative méritent d'être
développés parce qu'ils peuvent rencontrer une adhésion
progressive et peuvent agir comme leviers de changement:
-
la
réinstallation étape par étape d'un contrôle international
et européen des mouvements de capitaux et l'instauration
d'une taxe sur les transactions financières;
-
la
suppression des paradis fiscaux européens -il en existe plus
de dix - et des zones d'exonération, ports francs, centres
de coordination ou dispositions équivalentes;
-
le
rétablissement d'un contrôle politique sur les banques
centrales nationales et l'établissement d'un contrôle
politique sur le futur Institut monétaire européen.
Dans le
domaine du commerce et des relations entre les pays développés
et les pays en voie de développement de nouveaux rapports sont à
établir. Il est devenu clair que le la politique néolibérale du
FMI et de la Banque mondiale conduit les pays du Sud à
l'impasse, à la régression de la santé, de l'éducation, de la
démocratie.
L'action
de l'Organisation mondiale du travail devrait être mieux connue
et appuyée en vue d'assurer un développement social en
accompagnement du développement économique dans les pays en voie
d'industrialisation.
Il est
devenu banal de rappeler la nécessité de construire aussi une
Europe sociale, souvent présente dans les discours, rarement
dans les actes. Pourtant les décisions européennes dépendent des
Gouvernements des Etats membres.

Stimuler une politique européenne en faveur de l'emploi
Le Livre
blanc de Jacques DELORS voulait amorcer une politique européenne
en faveur de l'emploi et de la compétitivité. Malheureusement,
les pays européens ont refusé jusqu'ici de s'engager dans le
volet "emploi" et ils continuent à privilégier nettement le
volet "compétitivité".
Les
objectifs du Livre blanc sont ainsi biaisés au point qu'il faut
désormais considérer ce projet comme dépassé et qu'il faut
aborder les choses autrement, sans coupler emploi et
compétitivité parce que ce sont deux objectifs différents même
s'ils ne sont pas en eux-mêmes antagonistes.
La
compétitivité des entreprises tournées vers la grande
exportation (hors Europe) n'a plus à être soutenue par des
apports ou des politiques qui la concernent. Ce secteur devenu
entièrement multinational est tout-à-fait capable de se défendre
seul, sans aides publiques. D'ailleurs, il n'offre aucune
certitude ni quant à l'emploi, ni quant au risque de
délocalisations.
Par
contre, les entreprises du marché intérieur européen,
spécialement les PME (jusqu'à 200 travailleurs selon le critère
européen), méritent aujourd'hui un appui européen spécifique.
Cet appui peut être de divers ordres: ancrage dans la recherche
appliquée, recherche de complémentarités et d'accords de
coopération ou de coproduction, développement de projets
européens communs, politiques actives de sous-traitance à long
terme, etc.
En
présence du chômage massif et durable qui sévit en Europe, la
seule voie de changement est une réduction de la durée
hebdomadaire de travail d'environ 38 à 39 heures par semaine
actuellement à 35 heures dans un premier temps et 32 heures
ensuite.
La charge
d'une telle réduction est à répartir sur les entreprises -qui la
supporteront grâce aux gains de productivité découlant de la
réduction du temps de travail elle-même-, sur la Sécurité
sociale ou les pouvoirs publics - qui la récupéreront par des
charges moindres et des rentrées de cotisations et d'impôts
supplémentaires et sur les travailleurs -qui disposeront d'un
temps libre supplémentaire qui peut être mis à profit dans des
activités personnelles-.
Des
mesures d'accompagnement sont évidemment nécessaires pour
faciliter la transition, spécialement pour les secteurs à forte
intensité d'emplois, notamment par un allégement de leurs
charges patronales de sécurité sociale compensé par un
alourdissement de ces charges pour les entreprises à forte
intensité en capital, également par des programmes de formation
et de retour à l'emploi des chômeurs.
Etre présent et actif dans la Francité
Aux yeux
de beaucoup, la Francité, le groupement de tous les pays et
régions de langue française, n'existe qu'en raison des échanges
culturels qu'elle peut amplifier.
La
Wallonie y est trop peu présente de manière active alors qu'il
s'agit d'une communauté mondiale de 460 millions d'habitants
répartis en 44 pays ou régions.
Les
aspects culturels, scientifiques, éducatifs et d'échanges, y
compris le tourisme, tiennent une place de plus en plus
importante dans l'économie, aussi bien en termes d'innovation
que de production et de commercialisation.
Le poids
du marché francophone n'est pas négligeable: le PIB des pays
francophones atteint 2.500 milliards de dollars (1993), leur
production représente 11% de la production mondiale et leur part
dans le commerce international est de 17 % tant du côté des
importations que des exportations.
Les pays
de langue française devraient faire l'objet de relations suivies
de la part de la Wallonie dans une démarche commune pour son
compte et pour le compte de la Communauté française s'il y a
lieu.
Outre les
activités culturelles, elles-mêmes souvent produits économiques,
le développement des industries culturelles -l'édition, la BD,
le disque, la production de films, notamment de films pour la
TV, les échanges entre organes de presse, etc-est aujourd'hui
une composante du développement économique. De plus, ces
activités contribuent aisément à faire connaître la Wallonie, la
culture et l'économie wallonne.

Opérer un rapprochement avec la France
Quels que
soient les rythmes de développement que prendra l'Union
européenne, on est sûr de deux grandes orientations: un
renforcement d'un noyau restreint autour de l'union monétaire et
une extension plus lâche à un plus grand nombre de pays.
Rien ne
se fera en Europe sans un accord entre l'Allemagne et la France
ou bien il n'y a plus d'Europe et les pays européens se
trouveront isolément confrontés au marché mondial, en
concurrence directe et violente les uns avec les autres, ce
qu'aucun pays européen ne souhaite.
Quel que
soit l'avenir, la Wallonie a tout intérêt à accrocher son wagon
à une locomotive. Dès lors, elle n'a pas d'autre choix que la
France. Les tendances actuelles y concourent d'ailleurs déjà:
participations importantes de firmes françaises dans des
entreprises wallonnes de valeur, courant d'échanges commerciaux
importants avec le marché français, parité monétaire stable
entre franc belge et franc français, inflation faible
comparable.
Outre
l'adhésion à une même culture générale qui tire ses principes de
la Révolution française et d'une langue commune, la Wallonie a
également une proximité politique avec la France: même structure
administrative (communes-province-région équivalent à
municipalités- département-région), même architecture du droit
(droit civil, droit commercial notamment) et des structures
judiciaires, mêmes organisations sociales: syndicats, patronat,
classes moyennes.
Si les
mouvements centrifuges de la Flandre à l'égard de l'Etat belge
continuent à se développer -ce que tout porte à croire- la
Wallonie devra nécessairement opérer une alliance avec un grand
pays, en fait la France.
Tout
porte donc à opérer dès à présent dans le domaine politique,
scientifique et social un rapprochement qui existe déjà dans le
domaine économique et industriel, ainsi que dans le domaine
culturel.
Cela
n'implique évidemment pas un soutien à toute politique de la
France, notamment dans sa politique de reprises des essais
nucléaires militaires. Il est temps pour la Wallonie de se
distancer nettement et systématiquement de l'intolérance rabique
de certains milieux flamands à l'égard des initiatives des
entreprises françaises.
Ce
rapprochement n'obère évidemment pas les relations
transfrontalières de proximité, comme l'EUREGIO (Liège,
Maastricht, Aix-la-Chapelle), les Lorraines (Luxembourg, Grand-
duché et Lorraine française) ou celles de la province de Hainaut
avec la Région Nord-Pas de Calais ou d'autres encore. Bien au
contraire, ces échanges de proximité pourraient s'en trouver
renforcés.
Nouer des relations avec d'autres régions d'Europe
Il est
vain et d'ailleurs impossible de nouer des relations économiques
avec toutes les autres régions d'Europe,ce serait d'ailleurs
impossible. Il importe de choisir deux ou trois régions sur base
de potentiels de complémentarité et de taille entre entreprises,
institutions de recherche et de formation et entreprises
publiques.
Il doit
donc s'agir des régions soit offrant directement des débouchés à
des produits ou services wallons, soit permettant la création de
coopération entre entreprises ou, à tout le moins, des contrats
de sous-traitance à long terme.
En dehors
de telles possibilités ou de possibilités analogues, mieux vaut
ne pas se lancer dans ce genre d'opérations qui deviendraient
coûteuses sans retombées pour la Wallonie.

2. Le
domaine de la Belgique fédérale
La
politique économique, monétaire, budgétaire et sociale conduite
par le Gouvernement fédéral n'est pas neutre à l'égard du
développement de la Wallonie.
Mettre un terme à la politique de déflation
Depuis
1982, à l'exception légère des années 1988-1990, la politique
économique du pouvoir fédéral est axée uniquement sur la
trilogie "franc fort-austérité budgétaire-compétitivité".
Cette
politique entraîne nécessairement une pression déflationniste
sur l'activité économique, les chiffres comparés des taux de
croissance réels entre la moyenne européenne et la Belgique sont
clairs, même s'ils peuvent en partie s'expliquer par une
sensibilité plus grande de l'économie belge à la conjoncture
internationale en raison de son éventail de produits et de sa
traditionnelle souplesse d'adaptation aux variations des
marchés.
Cette
politique provoque nécessairement des pertes d'emplois, elle
entretient et développe un chômage important et permanent,elle
freine les salaires, les rémunérations du travail et les
allocations sociales tout en augmentant les charges d'impôts ou
de cotisations. Elle entraîne donc une stagnation grave de la
consommation et la dégradation de la situation de la plupart des
PME, par ailleurs gravement touchées par des taux d'intérêts
réels anormalement élevés et par les exigences des banques en
terme de garanties.
Cette
politique nuit à la Wallonie qui doit opérer un redéploiement de
ses activités économiques (la reconversion) et un remaillage du
tissu des PME, politiques évidemment rendues beaucoup plus
difficiles lorsque les taux de croissance de la consommation et
des investissements des particuliers et des PME sont faibles.
Par les
dégâts sociaux qu'elle provoque, cette politique de déflation
induit des charges supplémentaires sur le budget wallon et
communautaire: charge des minimex, charges de santé, lutte
contre les assuétudes, sécurité dans les villes, lutte contre
les diverses formes d'exclusion sociale, etc.
Sans
compromettre ni la stabilité du franc, ni la compétitivité des
grandes entreprises tournées vers le marché mondial, bien au
contraire, ni la nécessaire maîtrise progressive des dépenses
publiques, il est possible de suivre une autre politique qu'on
peut définir par la trilogie "franc stable - rigueur budgétaire
- soutien de la demande intérieure" au lieu de la trilogie qui
prévaut actuellement "franc fort - contractions budgétaires -
compétitivité".
Certes
cette politique est plus délicate à conduire, il faut jouer à la
fois de l'accélérateur et du frein selon l'état de la route au
lieu de jouer uniquement du frein à fond.
Obtenir une meilleure répartition des commandes publiques
Dans les
années précédant la fédéralisation de l'Etat, il était patent
que l'Etat à dominance flamande -on a souvent parler de l'Etat-CVP-
a souvent considérer la Wallonie comme une colonie au service de
la Flandre et que la Wallonie n'avait pas sa juste part des
investissements publics de l'Etat ou des grandes entreprises
publiques (SNCB, Régie des voies aériennes, Poste, Téléphones).
Aujourd'hui encore, l'écart en défaveur de la Wallonie subsiste
dans les commandes publiques, même si on en parle moins. Le
Sénat qui désormais est une chambre fédérale devrait rapidement
faire la lumière sur cette situation et suivre cette question de
près.
Dans la
même perspective, la politique des grandes entreprises publiques
-SNCB, BELGACOM, Poste, Régie des voies aériennes- doit être
formulée de manière claire et précise vis- à-vis de chacune des
régions. Il est notoire, en effet, que les préférences vont
toujours à la Flandre.

Concrétiser la solidarité avec Bruxelles
La
prochaine étape des revendications flamandes est déjà précisée:
la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde et
la suppression des facilités dans les six communes de la
périphérie bruxelloise.
Sur ce
terrain, il faut évidemment être ferme. Comment et pourquoi
cette fermeté s'articule- t-elle sur une politique économique ?
Tout simplement pour éviter le grignotage et les discussions
perpétuelles qui donnent lieu à des compensations qui, elles, se
mesurent toujours en termes d'avantages économiques pour la
Flandre.
La
solidarité avec Bruxelles suppose aussi une solidarité des
Bruxellois francophones à l'égard de la Wallonie. Cette
solidarité doit être concrétisée dans des engagements
réciproques plus précis que la seule institution de la
Communauté française.
Parer aux effets négatifs de la loi de financement des
Communautés et des régions
Au delà
de l'année 1999, c'est-à-dire pratiquement dès la fin de la
présente législature, le financement des régions sera
directement proportionnel à l'impôt des personnes physiques
perçu en Wallonie; les mécanismes de compensation auront cessé
leurs effets.
C'est
pourquoi il est de la plus grande importance que l'emploi, le
PIB et les niveaux de revenus augmentent en Wallonie. Or, la
politique de déflation du Gouvernement fédéral va à l'encontre
de ces objectifs.
Comme le
financement des communautés s'ajuste proportionnellement à la
croissance du budget fédéral hors charge d'intérêt de la dette,
la politique fédérale d'austérité budgétaire conduit aussi à une
forme de stagnation des montants attribués aux communautés.
Sauvegarder la sécurité sociale pour la Wallonie
La
Sécurité sociale en assurant à chacun soins de santé, revenus
minimum en cas de maladie ou de chômage, pension, vacances
annuelles et allocations familiales donne aussi une cohésion à
la société; c'est une solidarité qui s'exprime ainsi entre les
citoyens mais aussi entre l'économique et le social.
Les
menaces contre ce système sont de deux ordres: d'une part le
courant néolibéral et d'autre part le mouvement flamand. La
Wallonie qui a toujours joué un rôle de pionnier dans les
conquêtes sociales et dans leur généralisation doit être
attentive à penser cette solidarité en fonction de l'évolution
économique, sociale et politique de la société. Elle ne peut
être prise au dépourvu par l'une ou l'autre des deux menaces.
Le
chômage important et permanent, l'évolution des technologies
dans les soins de santé, le vieillissement de la population sont
autant de facteur qui alourdissent les charges et compromettent
l'équilibre financier.
Autant
dans un souci d'emploi que de solidarité entre les entreprises,
il faut aménager le mode de calcul des cotisations patronales en
accroissant les cotisations des entreprises à forte intensité de
capital et en réduisant les cotisations des entreprises à forte
intensité d'emploi. Diverses propositions ont- déjà été faites
dans ce sens. Ce devrait être une revendication importante de la
Wallonie.
La
revendication flamande de communautariser la Sécurité sociale,
fut-ce par étapes, sera un jour présente sur la table de
négociations. Il risque à ce moment d'y avoir une convergence
d'intérêts avec le courant néolibéral. C'est pourquoi il
convient de penser progressivement à une situation extrême où la
Wallonie devrait assurer seule son propre système de sécurité
sociale.

3.- Le
domaine de l'économie intérieure wallonne
Dans le
cadre d'une réflexion stratégique, il ne s'indique pas de
développer ici une gamme détaillée de mesures de politique
économique nécessaires ou souhaitables mais il convient d'abord
de formuler des axes autour desquels s'articuleront les mesures.
Valoriser l'épargne wallonne au bénéfice de la Wallonie
Il manque
gravement d'une banque wallonne; toutes les banques sont
nationales, étrangères ou flamandes. Même les banques dites
nationales ont des stratégies de crédit qui ne tiennent pas
compte des structures et des besoins ni des entreprises
wallonnes, ni du secteur associatif et non- marchand wallon.
Toutes
les banques exigent des PME comme des associations des garanties
excessives pour les prêts qu'elles consentent, ajoutant aux
garanties financières normales des garanties personnelles des
gérants ou des administrateurs. Ces exigences excessives et
injustifiées freinent considérablement les initiatives de
création de nouvelles activités et donc d'emplois, qu'il
s'agisse d'indépendants, de PME, d'associations ou d'entreprises
d'économie sociale.
Une
banque wallonne pourrait drainer l'épargne wallonne et surtout
adopter une politique de crédit mieux adaptée aux besoins de
développement de la Wallonie. Ce ne doit pas être impossible
puisqu'on voit d'ailleurs se créer et se développer de nouvelles
banques ayant un objectif éthique ou social.
Ouvrir sur la société l'enseignement supérieur wallon et les
universités wallonnes et bruxelloises francophones
Les
universités, comme d'ailleurs l'ensemble du système scolaire,
vivent encore trop "à côté" de la société et ne sont pas
suffisamment des partenaires actifs du développement.
Le
développement n'est pas seulement, peut-être même pas d'abord,
une question économique, c'est un ensemble économique, social,
politique, scientifique, culturel et artistique.
Les
institutions d'enseignement supérieur et les universités ne
valorisent pas suffisamment leurs potentialités au service de la
Wallonie. Des programmes concertés avec ces organismes devraient
être développés dans divers partenariats, avec principalement
les PME wallonnes, plutôt qu'avec les filiales de
multinationales, en ce qui concerne la recherche appliquée et la
transposition industrielle ou économique des travaux
scientifiques.
Des
accords de coopération et la création de consortiums pour la
réalisation de certains projets, peuvent faire l'objet d'apports
financiers et d'appuis du Gouvernement wallon.
Les
universités et les institutions d'enseignement supérieur
devraient aussi assurer plus largement la formation continue,
par exemple des fonctionnaires wallons, des cadres
d'entreprises, des dirigeants de PME ou des agents communaux.
Il serait
aussi souhaitable de créer un partenariat d'éditions
scientifiques et techniques, d'orienter les travaux d'étudiants:
séminaires, mémoires, thèses sur des sujets qui seraient
demandés par le Gouvernement wallon, l'administration wallonne,
les organisations d'employeurs, les organisations syndicales,
les organisations sociales ou les associations reconnues et
subsidiées.

Intensifier et diversifier les interventions de la SRIW et
des Invests
Trois
objectifs sont à amplifier:
- aider à
la création d'entreprises par des fonds d'amorçage à risque,
- consolider les entreprises pour leur permettre de franchir les
pas délicats dans leur développement,
- articuler des réseaux
de coopération entre entreprises complémentaires.
Beaucoup
de PME souffrent gravement de manque de moyens dans le domaine
de la commercialisation de leurs produits ou services et
beaucoup de gérants ou administrateurs de PME éprouvent des
difficultés à acquérir la maîtrise de la gestion lorsque leur
entreprise passe à une taille supérieure.
Trop
souvent encore, les PME qui se développent sont poussées par les
Intercommunales de développement ou d'autres conseillers à
investir dans une nouvelle implantation. Or, la plupart du temps
un déménagement coûte cher, immobilise des capitaux sans
rentabilité immédiate et creuse l'endettement sans procurer de
gains de productivité suffisants. Des formules nouvelles de
parcs industriels devraient être mises en place pour parer à ces
dangers.
Coupler l'économique et le social, coupler les entreprises
et la formation professionnelle
La Région
wallonne consacre une part importante de son budget aux aides
aux entreprises sous diverses modalités. Il faut désormais
coupler ces interventions avec une participation active des
entreprises en matière de formation professionnelle: stages de
formation pour des demandeurs d'emploi, formation en alternance,
initiation de jeunes.
Le
potentiel des entreprises pourrait aussi être valorisé dans
d'autres actions sociales, par exemple en appui matériel ou de
conseil au secteur associatif, en participant au redéveloppement
des quartiers défavorisés où elles sont implantées, en mettant
du personnel et leurs compétences à disposition d'écoles
techniques ou professionnelles. Dans tous ces exemples, il ne
s'agit évidemment que de prestations très limitées, par exemple:
un technicien deux heures par semaine, un ingénieur quelques
heures par mois, la mise à disposition gratuite de locaux
disponibles, un service léger de secrétariat, etc.
Les
entreprises pourraient aussi jouer un rôle actif dans les
projets de réinsertion socio- professionnelle initiés par le
FOREM, les missions régionales ou les ASBL d'insertion.
Vis-à-vis
des "entreprises de formation par le travail" récemment
instaurées comme vis-à- vis des entreprises d'économie sociale,
l'attitude des entreprises gagnerait à être positive: sous-
traitance, engagement des personnes sortant de ces formations,
etc, plutôt que méfiante ou même parfois franchement hostile.
De même,
bon nombre de marchés publics devraient prévoir des clauses
d'apprentissage, de stage, ou même d'embauche de personnes peu
qualifiées et l'ouverture de sous-traitance vers les entreprises
d'économie sociale.
Les fonds
sectoriels d'aide aux publics dits à risque (chômeurs de longue
durée, demandeurs d'emploi peu qualifiés, bénéficiaires du
minimex) seraient à partager en deux parties: une moitié
professionnelle et nationale et une moitié régionale et
sous-régionale. On constate en effet que de trop nombreux fonds
soit dorment au lieu d'être utilisés à ce pourquoi ils ont été
créés, soit sont utilisés de manière corporatiste, sans répondre
correctement à leur but.
Il dépend
évidemment des partenaires sociaux d'en décider mais dans
plusieurs commissions paritaires les fonds de formation sont
déjà organisés sur une base régionale.

Contribuer à l'emploi et à la consommation par une politique
active de construction de logements et de rénovation urbaine
et rurale
On sait
l'effet important du secteur de la construction sur l'emploi et
l'activité économique. On sait aussi que l'activité dans ce
secteur fait très largement appel aux entreprises locales. Par
ailleurs, on connaît les besoins d'amélioration du logement en
Wallonie, tant en zone urbaine que rurale. On connaît aussi les
besoins de rénovation urbaine et rurale.
L'avantage de tels programmes est non seulement l'activité
économique, l'emploi mais aussi immédiatement l'environnement et
le bien-être des gens dans leur milieu de vie courant.
Diverses
formes doivent être mobilisées, notamment avec les institutions
de crédit en ce qui concerne le financement mais aussi les
architectes, le secteur de la construction et les communes:
primes à la construction et à la rénovation, association de
capitaux privés aux programmes de la Société wallonne de
logements sociaux, avantages fiscaux, fonds de garantie,
assouplissement de l'accès au crédit hypothécaire, etc.
Développer les potentialités: services et tourisme, économie
sociale, monde associatif
Services
Les
économies développées s'orientent vers une part de plus en plus
importante des services dans l'ensemble de l'activité
économique.
La
Wallonie est encore trop peu engagée dans les activités de
service, en particulier dans le secteur des télécommunications
et du multimédia ainsi que dans celui des services aux
entreprises, notamment en informatique
(1) .
L'industrie graphique est bien représentée en Wallonie mais
l'édition y est trop faible, qu'il s'agisse de livres ou de
revues; elle est éparpillée en de trop nombreuses et trop
petites initiatives, en particulier dans le domaine des
publications à caractère scientifique. Des recompositions et
coopérations paraissent indispensables.
Ces deux
domaines sont d'autant plus importants qu'ils sont aussi
porteurs d'une présence et d'une identité wallonne.
Tourisme
Le
tourisme doit s'appuyer sur la valorisation des sites et
équipements naturels dans le respect de la nature et de
l'environnement, c'est ce qui a été bien compris et devient
facteur d'attraction.
Mais
l'équipement d'accueil est encore à développer, notamment dans
le tourisme de court séjour, par les communautés locales
elles-mêmes plutôt que par des infrastructures lourdes. Le
mouvement est déjà lancé et il mérite d'être appuyé plus
vigoureusement par les pouvoirs publics, spécialement
provinciaux et communaux.

Economie sociale
Trois
étapes importantes ont déjà été franchies grâce à l'initiative
wallonne:
-
l'économie sociale a fait l'objet d'une prise de conscience au
travers du Comité wallon de l'économie sociale qui en a cerné
les contours, les objectifs et les activités possibles dans le
Livre blanc de l'économie sociale;
- un statut juridique
adapté, "la société à finalité sociale", et la possibilité de
transformer des ASBL dans ce type juridique de société
permettent désormais de situer clairement l'économie sociale
dans le secteur marchand de biens et services tout en lui
reconnaissant une finalité sociale et pas seulement le profit
des actionnaires comme pour les autres sociétés commerciales;
- il est communément admis que l'économie sociale forme une des
voies à développer dans le cadre de politiques de l'emploi.
Reste à
la mettre en oeuvre. Trois difficultés principales sont à
vaincre:
- la
stimulation et la formation à la gestion des porteurs de
projets,
- la réunion des capitaux d'amorçage,
- une
information généralisée sur le contenu et les limites de
l'économie sociale.
Le Fonds
décidé par le Gouvernement wallon répond à une de ces
difficultés. D'autres mesures sont également possibles et
souhaitables; leur détail dépasse le cadre de la présente
réflexion.
Monde associatif
Le monde
associatif joue un rôle de plus en plus important dans le
fonctionnement de nos démocraties. A ce titre, il mérite déjà
d'être soutenu. En outre, il est porteur d'emplois, qui plus
est: très souvent d'emplois de qualité.
Pour
assurer son développement, il convient d'établir un statut du
bénévole, tout comme il existe un statut du salarié, de
l'apprenti, de l'indépendant, de l'agent des services publics,
du chômeur, du prépensionné et du pensionné. Faute d'un statut,
les associations soit ne trouvent pas les collaborations qui
leur sont nécessaires, soit risquent de mettre certaines
personnes dans des difficultés administratives ou fiscales,
notamment les chômeurs, prépensionnés et pensionnés.
Les
budgets qui permettent le développement de ce secteur,
principalement dans le domaine de l'éducation permanente, de la
culture et de l'entraide entre les citoyens, méritent d'être à
tout le moins conservés et si possible amplifiés.
Le plus
important est le paiement dans les délais prévus des subsides
accordés. Les retards, hélas beaucoup trop fréquents, mettent
les associations en difficultés financières, les acculent à des
emprunts bancaires dont elles ont à supporter des charges
d'intérêts qui pourraient être évitées et compromettent le bon
déroulement des projets.
Le second
souci des pouvoirs publics subsidiants devrait être de mieux
s'assurer de la qualité des projets et de leurs réalisations
mais, une fois ceci acquis d'assurer la continuité de ces
projets. Ceux-ci sont trop souvent soumis à des remises en cause
annuelles, ce qui provoque évidemment des gaspillages. La base
devrait être de trois ans renouvelables, avec un contrôle
annuel.

Fortifier l'identité wallonne
Il n'est
pas possible d'envisager une stratégie de développement sans que
les principaux acteurs et opérateurs aient conscience
d'appartenir à la Wallonie et d'oeuvrer eux-mêmes à son
développement. Tel devrait être le cas des chefs d'entreprise et
des indépendants, des responsables d'organisations
professionnelles et syndicales, des mandataires politiques, des
enseignants et du système éducatif, des consommateurs eux-mêmes
et finalement de tous les citoyens.
Trois
outils doivent renforcer cette identité wallonne tant vers
l'intérieur que vers l'extérieur: une RTBF wallonne, une agence
wallonne de presse et les cours d'histoire et de connaissance de
la Wallonie.
La RTBF
doit être rénovée en profondeur. L'image qu'elle donne
aujourd'hui dans la plupart de ses émissions, tant en radio
qu'en télévision est "belge plus ou moins francophone". Elle
devrait clairement donner une image wallonne (et bruxelloise
francophone). C'est sa mission; la RTBF ne dépend plus, depuis
longtemps, du pouvoir fédéral mais tout se passe comme si elle
l'était encore.
Il est
vrai que beaucoup de milieux culturels continuent à s'affirmer
comme belges en ignorant ou en gommant leur identité wallonne
(ou bruxelloise francophone). C'est un vieux relent d'une
bourgeoisie élitiste francophone dominant les cultures flamandes
et wallonnes.
Il ne
suffit évidemment pas de donner une certaine autonomie et des
temps d'antenne à des centres régionaux. C'est certes nécessaire
et cette orientation doit être poursuivie. Mais ce n'est pas une
garantie d'une orientation wallonne et ce n'est pas suffisant.
Il
appartient au nouveau conseil d'administration de s'attacher
tout particulièrement à entreprendre ce changement en
profondeur.
La
création d'une agence wallonne de presse s'impose. L'agence
BELGA est belgo-belge et dominée par les organes de presse
flamands. Elle peut avoir sa place au niveau fédéral.
Une
agence wallonne de presse pourra remplir deux fonctions: d'une
part, une collecte et une diffusion d'informations relatives aux
événements qui se passent en Wallonie (et à Bruxelles) et,
d'autre part, créer et diffuser des outils d'information et de
formation à disposition de l'enseignement, des médias et des
associations d'éducation ou de formation.
La
réforme du cours d'histoire dans l'enseignement primaire et dans
l'enseignement secondaire a déjà été évoquée à maintes reprises
mais n'est toujours pas en application. L'idéologie unitariste
belge et monarchiste qui sous-tend les manuels d'histoire et la
formation des enseignants est désormais inacceptable dans un
Etat fédéral. Cette idéologie joue très nettement en défaveur du
développement de la Wallonie.
Au niveau
de l'enseignement supérieur, universitaire et non-universitaire,
chacune des deux premières années devrait comporter un cours
substantiel de connaissance de la Wallonie et de ses
institutions politiques, économiques, sociales et culturelles.
Ces cours pourraient aborder plus particulièrement les problèmes
spécifiques à la Wallonie qui se posent dans les disciplines
scientifiques respectives.
En outre,
les travaux de séminaires et les mémoires devraient être axés
sur des sujets qui concernent la Wallonie ou sur des problèmes
qui se posent en Wallonie, quelqu'en soit le domaine.

IV.
Conclusion: pour un contrat social wallon
Une
stratégie de développement suppose que tous les éléments qui la
composent soient mis en oeuvre simultanément parce qu'ils sont
complémentaires dans leurs réalisations et que leurs effets se
multiplient.
On peut
s'étonner que de nombreux point abordés n'ont pas un caractère
économique selon le découpage habituel des sciences. C'est que
les mesures économiques sont décidées et exécutées par des gens.
Or ceux-ci ne sont pas désincarnés: ils vivent dans une société
et dans une région; leurs comportements ne sont pas seulement
guidés par des données dites économiques mais aussi par des
données sociologiques, idéologiques, culturelles et politiques.
Enfin la
Wallonie n'est pas une entité isolée. Elle dispose d'une
autonomie et de moyens pour la mettre en oeuvre mais elle est
une composante de l'Etat fédéral belge, elle fait partie de
l'Union européenne et de l'Europe, elle est imbriquée dans les
échanges internationaux et mondiaux. Une stratégie de
développement suppose donc des mesures à ces divers niveaux de
manière à assurer le plus de cohérence possible pour obtenir les
meilleurs effets possibles.
Le moment
est sans doute propice sous divers aspects: politique,
économique, social et culturel, pour un "contrat social wallon".
La Wallonie a acquis une stabilité institutionnelle avec
l'élection de son Parlement, la situation économique montre les
limites économiques et les impasses sociales du néolibéralisme,
chacun a désormais conscience que leur avenir dépend des Wallons
eux- mêmes.
Il
s'agirait d'une plate-forme du développement de la Wallonie, à
débattre, négocier et conclure entre toutes les composantes de
l'économie wallonne:
-
le
Gouvernement et le Parlement wallon, les pouvoirs communaux:
villes, communes urbaines et rurales et leurs CPAS,
-
les
entreprises, les PME et les indépendants, les milieux
agricoles, les professions libérales,
-
les
représentants des travailleurs par organisations
professionnelles, les cadres, des représentants des
sans-emploi,
-
le
monde associatif de manière à couvrir les aspirations de
l'ensemble des citoyens,
-
le
monde de la formation des divers niveaux, réseaux et
structures, y compris la Promotion sociale: pouvoirs
organisateurs, enseignants, étudiants (enseignements
supérieurs et universitaires), associations de parents,
-
les
intervenants dans le domaine de la santé: mutuelles,
médecins, pharmaciens, paramédicaux, gestionnaires
d'hôpitaux et de maisons de repos ou de soins,
-
les
milieux culturels, la presse et les médias.
Comme on
le voit, il s'agit d'une très large consultation. Elle est
souhaitable de manière à ce que chacun se sente impliqué dans la
démarche. Étant donné cette taille, une procédure claire devrait
être précisée dès le départ.
Le
contrat social wallon devrait déboucher sur la formulation d'une
trentaine de propositions-principes qui serviraient alors de
guide général et de référence pour tous les opérateurs.
Note
:
(1) En
France, de 1972 à 1992, l'emploi dans la production
d'équipements et d'appareillages électroniques est passé de
259.343 à 223.890, soit -35.453 mais l'emploi dans les services
informatiques est passé de 26.283 à 178.084, soit + 151.801