Présentation du Livre blanc
Fabio
Colasanti
Chef d'unité Surveillance de l'Economie
communautaire,
Commission européenne
Merci,
Monsieur le Président,
Merci, pour cette invitation,
Merci, de me donner cette
occasion de me repencher dans l'atmosphère de l'élaboration du Livre blanc.
Merci surtout pour avoir organisé un Congrès comme celui-ci. C'est vraiment une
opération qui s'inscrit en droite ligne de ce que la Commission s'était donné
comme objectif lors du lancement de l'opération "Livre blanc". Livre blanc qui a
maintenant deux ans mais qui - presque malheureusement - conserve toute sa
validité parce que le problème du chômage est presque aussi aigu aujourd'hui
qu'il ne l'était il y a deux ans et ceci pour toute une série de raisons :
-
tout d'abord parce
que l'ampleur du chômage est telle qu'il faudra plusieurs années pour
pouvoir le réduire d'une façon satisfaisante;
-
ensuite, parce que le
problème du chômage, comme cela a été souligné plusieurs fois, est un
problème largement structurel et que les problèmes structurels, par
définition, ne se corrigent que sur des périodes, malheureusement, longues.
Pour vous apporter un
éclairage complémentaire sur le Livre blanc - Livre blanc qui a été largement
commenté et que beaucoup d'entre vous connaissent très bien -, je partirai de
son histoire, de sa genèse, puis je vous livrerai quelques commentaires
personnels sur ce qu'ont été les buts ultimes, les questions profondes
auxquelles on a essayé de répondre, sur la nature de la démarche et les
objectifs politiques que la commission s'était donnés et, enfin, quelques
commentaires très brefs - vu le temps qui m'est imparti - sur le débat qui a eu
lieu dans tous les travaux communautaires et dans les différents Conseils
européens, au cours de ces deux dernières années après le Livre blanc.
Quelques mots sur
l'histoire, la genèse du Livre blanc
Lorsqu'on parle des
documents produits par de grandes organisations nationales ou internationales,
c'est très rare de pouvoir lier un document à une personne, fut-elle la
responsable principale de cette organisation. Mais dans le cas du Livre blanc,
la personnalité de Jacques Delors a vraiment marqué tout le déroulement de
l'opération jusqu'aux conclusions.
Dans la deuxième moitié
de l'année 92, la Communauté est entrée, comme vous le savez, dans une phase de
récession : le chômage a commencé à augmenter d'une façon très rapide et Delors
a été très préoccupé par cette montée du chômage. Début de l'année 93, il nous a
demandé une quantité de notes sur tous les aspects du chômage et, chose qui m'a
frappé personnellement, c'est de voir l'intérêt personnel qu'il y portait. Je me
souviens - ça devait être février-mars 93 - on lui avait préparé un dossier qui
devait faire plus de cent pages, toutes une série de notes sur différents
problèmes de l'emploi. Beaucoup de ces notes sont revenues avec des annotations
en marge et des demandes d'informations et d'analyses complémentaires. Ce qui
est quand même étonnant quand on pense à ce qu'est l'emploi du temps du
Président de la Commission. En plus, visiblement, Monsieur Delors n'était pas
satisfait des réponses fournies par les économistes.
Au mois de juin, Monsieur
Delors a décidé de, franchement, mettre le problème du chômage à l'ordre du jour
du Conseil Européen. Ce, de façon plus importante que jamais auparavant.
Vous connaissez
l'histoire : Monsieur Delors a fait une présentation personnelle aux Chefs d'Etat.
On avait demandé à mon unité de fournir une esquisse d'intervention. Celle-ci a
été poliment mise entièrement de côté, Monsieur Delors a retenu quelques uns des
graphiques proposés et a lui-même préparé son intervention, qui a retenu
l'attention des autres Chefs d'Etat et de Gouvernements pendant presque trois
heures. Donc, du Conseil européen de Copenhague, est sorti le mandat pour la
Commission de produire cet ouvrage d'envergure : le Livre blanc.
Cela a lancé tout un
débat dans la Communauté. Les Etats membres ont été invités à envoyer des
contributions, de même que toute une série d'organisations : les syndicats, les
organisations patronales. Même les organisations les plus petites, les plus
bizarres, les moins connues se sont penchées sur le problème et nous ont envoyé
des contributions. La Commission a décidé de s'organiser en fonction du travail
à réaliser. On a créé un groupe de travail chapeauté par le plus haut
fonctionnaire de la Commission et le Secrétaire général et on a commencé à
examiner l'ensemble de la problématique des activités communautaires pour
essayer de voir où des politiques auraient pu être infléchies de façon à
contribuer davantage à l'objectif d'emploi. Mi- novembre, on avait un beau
document d'analyse de deux cents pages dactylographié en dix chapitre et qui
présentait une série de pistes d'analyses très intéressantes, pas nécessairement
cohérentes, parfois vraiment contradictoires entre elles. Le Livre blanc devait
être présenté au Conseil européen de Bruxelles à la mi-décembre. Fin novembre,
Monsieur Delors en a tiré un document de vingt pages et nous a informés que ces
vingt pages, c'était le Livre blanc, et que les deux cents pages sur lesquelles
nous avions travaillé jusqu'à présent représentaient les travaux préparatoires.
C'était une opération
légitime, je dirais même nécessaire, parce que ce n'était quand même pas
pensable de soumettre deux cents pages aux Chefs d'Etat et de Gouvernement et
c'est ainsi que le "Livre blanc" comprend une partie A , le "Livre blanc" à
proprement parler et une partie B, les travaux préparatoires qui contiennent
tous les éléments analytiques. Un petit jeu auquel on peut se livrer, c'est
regarder quelles sont les choses qui sont dans la partie A - qui est censée être
le résumé de la partie B - mais qui ne sont pas dans la partie B, et vice
versa.
Le Livre blanc, comme
vous le savez, a été présenté aux Chefs d'Etat à Bruxelles, mais il n'a pas été
adopté; on en a uniquement pris note. Ce qui a été adopté, ce fut le plan
d'action, qui reprenait certaines idées.

Ce qui était le but du
Livre blanc
Le "Livre blanc", vous
connaissez l'expression; elle est empruntée à la terminologie politique
institutionnelle anglo-saxonne. C'est un document qui ne présente pas de
dispositions à approuver mais des pistes de réflexions et qui vise à susciter un
débat.
Si on veut se rendre
compte de ce qu'était la nature de la démarche du Livre blanc, on peut essayer
de faire une analogie avec les séminaires qui sont organisés par des
organisations qui cherchent à aider les gens à perdre du poids, Weight Watchers,
par exemple. Souvent, on y organise des séminaires de deux jours, trois jours,
où on fait le tour du problème : on explique aux gens quelles sont les origines
de l'excès de poids, quels sont les dangers, ce qu'il faut faire. De même, dans
le Livre blanc, on analyse les origines du chômage. On parle des conséquences et
des choses qu'il faut faire. Mais dans les séminaires pour les gens qui doivent
perdre du poids, au fond, il n'y a rien qui soit nouveau, que les spécialistes
ne connaissent déjà. De la même façon, dans le Livre blanc, on ne trouve rien
que les spécialistes - dans les universités, dans les organisations de
recherches, nationales ou internationales -, ne connaissent pas déjà. Et
pourtant, ces séminaires ont une utilité parce que, par définition, les
participants ne sont pas tous des spécialistes et qu'ils y apprennent quelque
chose. Avec le Livre blanc, il y a eu un débat qui a permis à tous les
participants d'apprendre quelque chose, il y a eu une diffusion de certaines
notions, de certains acquis académiques ou de connaissances qui n'étaient pas
tellement diffusés.
Le Livre blanc n'a pas
vraiment généré un débat au niveau de l'opinion publique mais les hommes
politiques, les syndicalistes, les gens comme vous et moi se sont penchés sur ce
Livre- là. Par définition, ces gens ne sont pas des spécialistes de la
macro-économie ou du marché du travail et ce débat a aidé à diffuser des
connaissances. Mais là où l'analogie devient plus importante, c'est dans le but
ultime. Avec un séminaire de Weight Watchers, qu'est-ce qu'on veut faire ? On
veut pousser les gens, on veut les motiver à faire ce que - peut-être - ils
savaient déjà qu'ils devaient faire. On veut presque leur faire peur pour qu'ils
commencent à suivre un régime. Avec le Livre blanc, ce que la Commission de
Monsieur Delors voulait faire, c'était vraiment secouer le monde politique, les
Etats membres, et les pousser à faire toute une série de choses dont on avait
déjà discuté dans les années 80 mais qui n'avaient pas vraiment été suivies et
traduites dans des actions et dans des faits.
On peut encore pousser
l'analogie encore plus loin et je touche là un point qui a été soulevé par
Monsieur Destatte. Lorsqu'on organise un séminaire du type Weight Watchers,
finalement, les organisateurs ne peuvent pas faire les régimes à la place des
participants. Ce sont les participants qui doivent suivre un régime. De la même
façon, en grande partie, toutes les actions pour la mise en oeuvre du Livre
blanc ne sont pas de la responsabilité de la Communauté. Elles sont surtout de
la responsabilité des Etats membres, des autorités régionales, des entreprises,
des syndicats, des partenaires sociaux.
Dans les débats qui ont
suivi le Livre blanc, on a beaucoup parlé d'une série d'actions qui doivent se
faire au niveau communautaire, par exemple les réseaux trans-européens, et on a
un peu réduit les débats du Livre blanc à cette petite partie-là. C'est une
partie importante pour nous, qui travaillons dans les institutions
communautaires, parce que, même si c'est - j'emprunte un chiffre - 5 ou 10% de
l'opération globale, ça représente probablement 100% de notre activité. Mais il
ne faut pas oublier que l'essentiel des actions qui sont discutées dans le Livre
blanc sont des actions qui ne sont pas à mettre en oeuvre au niveau européen.
C'est une incitation pour pousser les gens à agir. Ainsi, tous les Conseils
européens qui ont suivi ont surtout eu le même but que les séminaires de rappel
organisés par les Weight Watchers à des échéances périodiques et on pourrait
presque dire que tout ce que la Communauté a fait, c'est de préparer des
tableaux où chaque participant marque son poids et indique combien de poids il a
perdu. J'exagère peut-être un peu, je réduis un peu l'opération mais c'est
important. C'est un point que je souligne souvent parce que je me rends compte
que ce point n'est pas suffisamment perçu. Les actions dont on discute dans le
Livre blanc sont à mettre en oeuvre à un niveau décentralisé, pas vraiment au
niveau communautaire dans son ensemble.
Je voudrais maintenant
donner une interprétation personnelle de ce que le Livre blanc a voulu analyser.

Quelles sont vraiment
les questions fondamentales qu'on s'est posées au moment de la rédaction du
Livre blanc ?
Je pense qu'on a voulu
essayer de répondre à deux questions que tout le monde se posait et qui ne sont
pas exposées d'une façon explicite dans le document lui-même.
-
Tout d'abord :
comment peut-on rendre plus de dynamisme à l'économie européenne sans
remettre en cause le modèle de développement européen ? Si vous voulez - à
nouveau je caricature un peu -, en dix ans de débats académiques, on nous
avait dit qu'il y a des rigidités au niveau européen et que la seule façon
de s'en sortir, c'est plus de flexibilité, presque à la limite le modèle
américain. Mais cette réponse, elle est franchement inacceptable pour la
plupart des Européens. Nous restons attachés, pour de très bonnes raisons, à
un certain modèle de développement où la solidarité a une importance, joue
un rôle primordial. En même temps, nous nous rendons compte qu'il y a des
limites à nos mécanismes de solidarité et que nous avons des problèmes de
financement.
-
Ensuite, comment
essayer d'aller dans le sens des suggestions qui sont faites sans remettre
en cause d'une façon fondamentale notre modèle de développement ? Ce qui
pose implicitement une question un peu analogue : étant donné que
l'insertion de l'économie européenne dans l'économie mondiale est quelque
chose de positif qui globalement nous apporte de gros avantages, comment
accompagner, accélérer cette insertion tout en continuant à payer à nos
travailleurs des salaires qui ne soient pas les salaires mondiaux ? En
d'autres termes, l'insertion de l'économie européenne apporte davantage
globalement mais elle risque d'exercer un effet à la baisse sur les salaires
de certains travailleurs qui sont exposés de plus en plus à la concurrence
internationale et, naturellement, ce sont les travailleurs les moins
qualifiés.
Evidemment la réponse à
ces deux questions n'a pas été apportée de façon satisfaisante, mais le Livre
blanc donne cette réponse qui est dans son titre : Croissance - Compétitivité.
Ce sont les voies par lesquelles on peut essayer d'échapper à ces contraintes.
C'est-à-dire qu'il faut retrouver une croissance plus forte parce que c'est, en
même temps, la façon de réduire les demandes qui sont adressées à nos mécanismes
de solidarité et, en même temps, qu'il faut générer les ressources financières
qui peuvent permettre de continuer à financer cette solidarité que nous voulons
garder au niveau européen. Puis Compétitivité - formation, pour essayer
de faire en sorte que nos travailleurs soient de plus en plus qualifiés et qu'il
soit donc possible de leur payer des salaires que nous considérons acceptables
et nécessaires, faisant partie de notre modèle de développement sur des bases
économiques saines. C'est-à-dire qu'il faut faire en sorte que nous tous soyons
tellement productifs que ce soit absolument correct d'un point de vue économique
d'avoir des salaires plus importants.
L'analyse contenue dans
les dix chapitres des travaux préparatoires du Livre blanc est beaucoup plus
globale que celle qui apparaît dans beaucoup d'autres documents précédents.
C'est une des raisons qui fait en sorte que ce document fut mieux reçu, surtout
par les forces progressistes, par les forces de centre-gauche, que toute une
série d'analyses traditionnelles qui ont été produites par d'autres organismes
les années précédentes.
Le Livre blanc cherche à
couvrir l'ensemble du processus de création d'emploi.
La partie B - les travaux
préparatoires - est articulée sur dix chapitres :
-
Chapitre un, chapitre
macro-économique : en utilisant les instruments macro-économiques, il donne
l'analyse, les recommandations pour essayer de revenir à un taux de
croissance plus fort et durable.
-
Chapitres deux à sept
: analyse de toutes les politiques qui peuvent donner plus de dynamisme et
de compétitivité à notre économie. Ce sont les politiques de recherche et de
développement des concurrences, d'achèvement du marché intérieur, de
formation professionnelle, d'intégration intelligente de l'économie
communautaire dans l'économie mondiale. Toutes ces politiques ont évidemment
ont une influence aussi sur le taux de croissance parce qu'elles renforcent
la productivité et le dynamisme.
-
Chapitres huit et
neuf : ils portent essentiellement sur le marché du travail, sur les mesures
structurelles qui sont nécessaires au niveau du marché du travail. Les
mesures, les pistes d'action qui sont discutées dans ces chapitres ont un
double but : d'un côté, essayer de faire en sorte que ce marché du travail
fonctionne mieux et donc, par ce biais, aider le processus de croissance et,
de l'autre côté, faire en sorte que le meilleur fonctionnement du marché du
travail permette d'aboutir à un taux de croissance de l'emploi plus fort par
point de croissance économique. En d'autres termes, ce qu'on appelle parfois
augmenter les contenus en emploi de la croissance, qui est souvent cité
comme un problème particulièrement européen.
-
Chapitre dix : appelé
nouveau modèle de développement. De façon peut-être pas trop honnête, je
l'ai présenté dans ce tableau comme étant un chapitre qui inspire les
autres, mais je dirai plutôt que c'est un chapitre qui aurait dû
inspirer les autres. En fait, il n'y a pas vraiment eu ce feed-back entre ce
dixième chapitre et les autres. Mais, au moins, l'existence de ce chapitre
montre qu'on est conscient d'une dimension qu'on aurait dû développer
davantage.

Dans la limite du temps qui m'est imparti, je ne vais plus
entrer dans les détails en ce qui concerne l'analyse du Livre blanc. Elle est
largement connue par la plupart d'entre vous. Je voudrais néanmoins dire un mot,
essayer d'éviter un mal entendu qui apparaît souvent. Beaucoup ont interprété le
Livre blanc comme un plan de relance keynésienne de la demande et on a cité les
propositions contenues dans le Livre blanc, les financements des grands réseaux
européens, les projets d'infrastructure dans les transports, l'énergie,
l'information, comme une tentative de relancer la croissance par ces mécanismes.
Or, cette interprétation procède vraiment d'une lecture beaucoup trop rapide du
Livre blanc. Ce n'était absolument pas le but, on n'avait absolument pas
l'intention de mettre en place une espèce de politique anti-cyclique au niveau
européen.
Pour s'en rendre compte,
il suffit de se pencher sur les chiffres dont il était question. La proposition
de la commission était de disposer de vingt milliards d'écus par an pour
financer des projets d'investissements. Douze milliards sont déjà dans les
budgets communautaires. Donc on demandait huit milliards de plus par an sur cinq
ans, donc quarante milliards. Ces huit milliards de plus par an doivent être mis
en rapport avec le PIB de la Communauté, qui fait six mille milliards, et un
niveau d'investissement qui est, chaque année - bon an mal an -, d'environ douze
mille milliards. Donc c'était absolument exclu que, par l'injection des huit
milliards de plus, on puisse avoir un effet stimulant sur la demande.
En plus, on sait très
bien - c'est quelque chose qui est reconnu par tous les économistes - que les
projets d'infrastructure peuvent aider mais ne peuvent sûrement pas avoir un
effet anti- cyclique parce qu'ils ont des temps de réalisation très longs,
surtout s'il s'agit de projets comme ceux évoqués plus haut. De plus, dans le
Livre blanc, on parlait de dépenser cet argent sur cinq ans. On était clairement
inscrit dans une perspective de moyen terme.
Les buts de cette
proposition, qui n'a pas été retenue par le Conseil, étaient autres. On avait
constaté que le fonctionnement de l'économie européenne était ralenti, rendu
plus difficile par toute une série de chaînons manquants dans la chaîne des
transports, de la distribution d'énergie, de la distribution de l'information.
C'est une analyse qui a été faite plusieurs fois et qui est bien connue : il y a
pas mal d'autoroutes qui s'arrêtent à des frontières, il y de belles lignes
ferroviaires qui sont très rapides sur certains trajets et puis, pendant trente
kilomètres, on doit ralentir à des vitesses incroyables, et ainsi de suite.
Donc, pour que l'économie
européenne fonctionne mieux et puisse, de ce fait, atteindre un taux de
croissance plus élevé, il est nécessaire de compléter ce réseau. Mais il y a
toute une série de difficultés liées au fait qu'il faut mettre ensemble toute
une série d'autorités différentes, de responsabilités différentes, de soucis
différents, et la Commission avait demandé à disposer de l'argent, non pas parce
qu'elle pensait que cet argent aurait pu permettre de financer d'une façon
importante les différents projets, mais parce que cet argent aurait pu être la
petite incitation qui aurait permis à la Commission de réunir plus facilement
autour d'une table tous les participants.
Imaginez de grands
projets, par exemple les tunnels ferroviaires dont on parle sous le Brenner :
c'est quelque chose qui touche les chemins de fer italiens, autrichiens, l'Etat
italien et autrichien, les régions locales, toute une série de Communautés. Il y
a énormément de problèmes à résoudre. Le financement de ce projet aura un coût
énorme. La Commission ne peut pas imaginer financer ceci, peut-être en donner
une partie très limitée. Mais on se dit que, si on a la possibilité d'offrir
quelque chose - ne fût-ce que cinq cents millions d'écus - et de dire "Venez à
Bruxelles et discutons de ce projet, nous pouvons le financer à hauteur de cinq
cents millions d'écus". Cela aurait pu être le mécanisme qui aide à débloquer ce
projet, à le lancer et, de ce fait, donne une impulsion à la croissance et à
l'économie européennes parce que ce projet serait devenu possible grâce à
l'élimination d'une série d'obstacles administratifs. Mais le but n'était
sûrement pas un programme keynésien traditionnel de relance de l'économie
communautaire.

Quelques considérations
sur le résultat de l'opération Livre blanc
C'est un point difficile
et je ne suis peut-être pas bien placé pour en parler : j'aurais tendance à en
exagérer l'importance. Cependant, j'ai le sentiment que le Livre blanc a
effectivement contribué à clarifier le débat sur le problème général du chômage.
Ce document a l'avantage de faire presque
le tour complet du problème - je ne dis pas le tour complet -. Il ne focalise
pas seulement sur une partie, sur certains éléments. C'est un document qui a
contribué, aussi, à écarter certaines fausses solutions.
Une limite qui était
peut-être inévitable dans le type d'opération dans laquelle on s'est lancé,
c'est qu'on a présenté toute une série de pistes de réflexions qui, parfois,
sont seulement esquissées et non pas développées complètement. On n'a pas réussi
à donner une impression de l'importance relative de ces différentes mesures.
C'est à dire il n'y a pas une hiérarchisation. On parle de beaucoup de choses,
des conditions qu'il faut mettre en oeuvre pour que les taux d'intérêts puissent
baisser et, de l'autre côté, on parle de certaines mesures de réforme du
mécanisme du Fonds social européen. Un lecteur non averti pourrait presque
imaginer qu'une baisse d'un point de taux d'intérêt est aussi importante qu'un
meilleur fonctionnement du Fonds social européen et, souvent, dans les débats,
on voit que les gens n'avaient pas vraiment compris ce que les différentes
mesures peuvent apporter.
Le débat qui a eu lieu au
cours des deux dernières années a quand même permis - au moins au niveau des
participants, des représentants des Etats membres et au niveau communautaire -
d'avancer un peu plus là-dessus et de se rendre compte qu'il y a toute une série
de mesures qui doivent mises en oeuvre, qui peuvent apporter des gains
importants en terme d'emplois.
Mais il ne faut pas
oublier l'importance relative et c'est le message sur lequel je vais terminer -
peut-être que là-dessus aussi j'ai une vue biaisée en tant que macro-économiste
- : s'il y a toute une série de mesures structurelles mentaires qui doivent être
prises et qui sont toutes utiles, il ne faut pas oublier que l'essentiel de la
création d'emplois viendra du processus de croissance. En d'autres mots, dans
toutes les mesures qu'on discute au niveau structurel, il faut veiller à ne pas
mettre en cause le processus de croissance.
L'acquis principal du
Livre blanc et des documents qui ont suivis, c'est de se rendre compte que la
croissance seule sans changement des paramètres ne suffit pas à réduire le
chômage de façon satisfaisante, mais aussi que, sans une croissance plus forte,
il est impossible d'obtenir des résultats concrets. Il n'y a pas d'espoir.
Merci.

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