Prix Jules et Marie
Destrée
Jacques
Lanotte
Président de la Fondation Jules
et Marie Destrée
Les
responsables de l'Institut Destrée ont eu l'heureuse initiative de
permettre que leurs deux Congrès La Wallonie au Futur soient le
cadre de la remise de prix décernés par des associations proches, de
manière à donner plus de lustre à ces distinctions.
En 1987, à Charleroi, le
Prix Maurice Bologne était remis notamment au romancier Thierry Haumont, dont
l'oeuvre littéraire se poursuit, tout autant que son action militante au sein de
Toudi.
Aujourd'hui, La Wallonie
au Futur accueille la Fondation Prix Jules et Marie Destrée pour la remise d'un
prix réservé à une étude d'ordre historique.
La Fondation Prix Jules
et Marie Destrée a été créée par Jacques Hoyaux à l'initiative de Martine et
Georges Armand, les fidèles compagnons du couple Destrée, désireux de perpétuer
le souvenir de leurs maîtres grâce à la création d'un prix annuel.
Sont ainsi couronnés,
alternativement, un artiste et un historien attentif au mouvement wallon.
Dans ce domaine, les
précédents lauréats du prix ont tour à tour établi une bibliographie de Jules
Destrée, examiné la presse d'action wallonne entre les deux guerres, puis
diverses figures ecclésiastiques du mouvement wallon, enfin étudié l'oeuvre et
la personnalité d'Elie Baussart.
Huit candidats se sont
présentés pour le prix décerné aujourd'hui, prix d'un montant de cent mille
francs. Sur base des rapports établis, le choix s'est porté sur Monsieur
Philippe Raxhon, aspirant au FNRS, pour son travail La Révolution liégeoise de
1789 vue par les historiens belges.
A l'origine mémoire de
licence à l'Université de Liège, l'étude a été publiée en 1989 aux Editions de
l'Université de Bruxelles.
Alors que notre congrès
affronte le défi de l'éducation, il convient de noter combien une telle approche
de l'histoire, combien l'historiographie incitent l'historien à réfléchir à ses
propres pratiques, à éviter les dérives.
Hervé Hasquin, dans son
Historiographie et politique. Essai sur l'histoire de Belgique et la Wallonie,
avait déjà prouvé la pertinence de semblable démarche, qui s'appuie
nécessairement sur une culture étendue et un jugement permanent sur les lectures
opérées.
Philippe Raxhon réussit
ce qui est une gageure pour un jeune historien, et le fait de surcroît dans une
langue sûre.
Il montre notamment
comment le débat sur la Révolution liégeoise se déplace autour des questions
communautaires lors du Congrès wallon de 1905, congrès qui déjà réclamait pour
l'histoire régionale une place plus large dans l'enseignement. Il montre aussi
comment, depuis 1945, se manifestent les clivages historiographiques liés aux
problèmes de structure de l'Etat belge, selon les sensibilités réunionniste,
fédéraliste, régionaliste ou unitariste.
La Fondation Destrée a
été sensible à l'examen rigoureux d'un phénomène déterminant pour la qualité de
la nécessaire réappropriation de notre histoire.
Je laisse à cet égard le
dernier mot au lauréat: "Nous plaidons pour l'esprit critique de l'historien
même si, bien sûr, l'influence du contexte historique est considérable. Cette
attitude de notre part vise à un objectif simple: la conservation de la
crédibilité de l'historien. En effet, si l'historien n'est plus considéré comme
un être de raison, il perd sa raison d'être". (p. 13).
J'invite Philippe Raxhon
à venir recevoir son prix.
(Octobre 1991)

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