Présent et futur de la
politique internationale de la Wallonie
Philippe
Suinen
Directeur général de la DARE
(Relations extérieures du Ministère de la Région wallonne)
La Wallonie,
région en marche : comment en douter, disait en substance Guy
Spitaels, lorsque l'on voit, tant à l'Est qu'à l'Ouest de l'Europe ,
des régions-nations hésiter entre la souveraineté et un renforcement
de leur autonomie dans le cadre d'un fédéralisme accentué. Avec
notamment les actions de relations extérieures initiées par le
Ministre social-chrétien Albert Liénard et la participation active
du Ministre-Président Bernard Anselme aux travaux de l'Assemblée des
Régions d'Europe (ARE), l'Exécutif régional a conçu et mis en
oeuvre, en liaison avec le Conseil et sa commission compétente, une
véritable politique internationale de la Wallonie, ce qui a été
facilité par les réalisations de personnalités libérales comme André
Damseaux, dans le cadre de précédents exécutifs.
En d'autres mots, il est
permis d'affirmer que l'idée et les modalités générales d'une telle politique
font l'objet d'un consensus en Wallonie, et ce sur base d'éléments pertinents
comme :
-
le caractère exclusif
des compétences transférées aux Régions, qui prive l'Etat de toute
possibilité de les mettre en oeuvre tant normativement et budgétairement
qu'au niveau international, ne pouvant dans ce dernier cas imposer aux
Régions des engagements contre leur gré. Malgré les regrets de partisans
d'une mise sous tutelle des Régions, le système institutionnel belge ne
reconnaît ni le pouvoir de dépenser du fédéral comme au Canada, ni le
principe constitutionnel allemand "Bundesrecht bricht Landesrecht".
-
le principe général
selon lequel la dimension internationale est absolument indispensable pour
remédier à la solitude du coureur de fond d'une région en reconversion sur
elle-même;
-
la reconnaissance
d'un centrage des compétences transférées aux Régions sur les entreprises,
ce qui a mené très tôt la prise en considération d'une dimension propre au
commerce extérieur, élément indispensable au développement des firmes
wallonnes, et la constitution dès 1983, au sein de la Région, d'un service
administratif chargé de cette problématique. Depuis une dizaine d'années, on
"vend" donc la Wallonie pour "vendre" ses entreprises, ses centres de
recherche, ses technologies, son savoir-faire et ses produits à l'étranger.
La reconnaissance aux Régions par la loi spéciale du 8 août 1988 de réformes
institutionnelles, d'une compétence en matière de politique des débouchés et
des exportations (1)
n'a fait que légitimer les actions menées jusqu'alors par la Wallonie en
soutien à l'exportation et juridiquement basées sur l'expansion économique.
La politique
internationale de la Wallonie a donc :
-
une structure
d'action en l'occurrence sa Direction Générale des Relations extérieures (DARE),
intégrée au sein du Ministère de la Région wallonne et comptant une Agence
wallonne à l'Exportation (AWEX - Service à gestion séparée), une Division
des Relations internationales et des services communs;
-
des moyens
financiers, soit quelque 400 millions FB inscrits au budget régional 1991
des relations extérieures;
-
des partenaires
institutionnels (une vingtaine), liés à la Région par accords
internationaux, qu'il s'agisse d'Etats ou d'entités fédérées ou régionales :
Nord-Pas-de-Calais, France et Grand-Duché de Luxembourg; Nordrhein-Westfalen,
Kent, Midi-Pyrénées, Jura, Catalogne, Frioul-Vénétie-Julienne, Pologne,
Slovaquie, Baranya (Hongrie), Slovénie, Géorgie, Québec, Maryland, Rio Sabmi
et Henan (Chine), Mauritanie, Sénégal, Congo, Shaba, et, au niveau des
Développements industriels ACP-CEE (CDI) et le Bureau international du
Travail;
-
des représentations à
l'étranger, organisées en association avec la Communauté française et
intégrées, dans la mesure du possible, au sein des postes diplomatiques et
consulaires belges tout en relevant de l'autorité fonctionnelle de la Région
et/ou de la Communauté : Paris, Genève, Rome, Milan, Québec, Washington, Rio
de Janeiro, Alger, Tunis, Dakar, Kinshasa ainsi qu'auprès de la CEE. En
outre, en liaison avec le pouvoir central, des représentations à caractère
essentiellement économiques sont localisées à Cologne, Lyon, Londres,
Utrecht, Barcelone, Bratislava, Casablanca et San Francisco, ce sur base du
transfert d'attachés commerciaux.
La relation directe
Europe-Région découle naturellement des principes et réalisations qui viennent
d'être ainsi mentionnés et implique que, lorsque leurs compétences exclusives
sont concernées, les Régions :
-
constituent la
délégation belge au Conseil et dans d'autres instances communautaires non
éloignées de l'état d'esprit intergouvernemental, comme cela a été récemment
le cas à Turin, au Conseil des Ministres européens de l'aménagement du
territoire. Ceci n'exclut nullement que la Représentation permanente de la
Belgique auprès de la CEE puisse être amenée à exprimer et défendre les
positions par les Régions dans un tel cadre. Bien entendu, l'efficacité a
appelé à de nombreuses reprises une concertation interrégionale préalable,
facilitant la définition d'une position conjointe des Régions.
-
correspondent
directement avec la Commission européenne, comme c'est le cas par exemple au
niveau des programmes relevant du Fonds européen de Développement régional (FEDER),
la Représentation permanente transmettant les dossiers tels quels à la
Commission;
-
acceptent d'assumer
en droit interne belge les conséquences de la mise en oeuvre de la
responsabilité internationale de l'Etat suite à des carences ou actions de
leur part.

Deux réflexions en guise
de conclusion
Précision de vocabulaire,
la modification envisagée et souhaitable de l'article 68 de la Constitution doit
donner aux Régions le pouvoir de conclure des traités internationaux se
rapportant aux matières de leur compétence. Personne ne conteste, sans passer
pour autant par l'organisation d'une tutelle, l'opportunité de tenir compte dans
ce cadre des intérêts diplomatiques de l'Etat belge, centrés essentiellement sur
la protection de la sécurité de nos compatriotes à l'étranger. Pour éviter de
telles contradictions, il paraît à la fois efficace et conforme au caractère
fédéral de notre pays d'organiser la conception, la formulation et la mise en
oeuvre de sa politique étrangère sur base d'une concertation entre l'Etat et les
Régions.
D'autre part,
l'expression internationale implique prise en considération des enjeux du
développement propre aux pays du Sud. La régionalisation de la coopération au
développement telle que réclamée à Ans par le Congrès des Socialistes wallons,
s'explique par les compétences dont dispose la Région en matière d'aménagement
du territoire, d'habitat, d'environnement et d'hydraulique, de développement
industriel et rural, sans oublier les travaux publics, l'énergie et la
recherche, matières vitales au développement. Là non plus, toutes les
conséquences budgétaires et internationales n'ont pas encore été données au
libellé des compétences régionales.
(Octobre 1991)
Notes
(1)
Règle tempérée par 3 exceptions de compétences partagées avec le pouvoir central
et relatives à la coordination, la coopération et la promotion.

|