Financement des matières communautaires et relations futures
entre la Wallonie et Bruxelles dans l'Etat belge fédéralisé
Michel Quévit
Professeur à l'UCL
1. Position
du problème
1.1 Le respect du
principe de l'équité financière et fiscale
Une structure fédérale
est toujours le résultat d'un ensemble de facteurs socio-historiques propres à
chaque pays. Le schéma institutionnel qui en découle ne se réfère pas à un
modèle universel mais est toujours une construction "sui generis" qui résulte de
la manière dont les collectivités internes de l'Etat souhaitent vivre ensemble
et coopérer. Néanmoins, le montage institutionnel se doit de respecter un
minimum de règles de solidarité économique et financière pour permettre à la
fédération d'exister. C'est une question non seulement politique mais surtout
d'éthique sociale. C'est pourquoi toutes les constitutions fédérales ont
consacré le principe de l'équité financière et fiscale comme règle de base du
pacte fédéral. Le but visé est de permettre à tous les habitants de la
fédération de posséder un standard de vie moyen et de réduire au maximum les
écarts économiques et sociaux entre les composantes fédérées.
Dans le contexte
économique de la Belgique, et compte tenu de la situation particulière de la
Wallonie, nous devons veiller à ne pas appauvrir outre mesure les moyens
budgétaires des pouvoirs publics wallons et leur capacité de redistribution. Il
faut donc être attentif dans les montages institutionnels proposés, au respect
et à l'application stricte du principe de l'équité financière et fiscale, en ce
comprises les formules de péréquation financière qui constituent le fondement du
fédéralisme d'union (ex.: RFA, Suisse, Canada, etc ...). Un tel principe vaut
autant pour les relations entre Bruxelles et la Wallonie que pour celles avec la
Flandre, dans la mesure où les Bruxellois francophones constituent près de 25 %
de la Communauté française et que Bruxelles possède un PIB/HAB 70 % plus élevé
que celui de la Wallonie avec des revenus moyens supérieurs aux revenus wallons.
1.2. Sortir la
Communauté française de son carcan budgétaire
Le problème de la
solidarité entre la Wallonie et Bruxelles rejaillit avec la question du
financement de la Communauté française. En effet, il est impossible de maintenir
dans son carcan actuel le budget de la Communauté française pour au moins deux
raisons majeures qui engagent l'avenir des Wallons et des Bruxellois
francophones :
-
l'enseignement et la
culture constitueront de plus en plus des domaines prioritaires de l'action
publique dans les sociétés hautement industrialisées où les facteurs
immatériels (science, technologie et créativité) prennent le pas sur les
facteurs matériels dans la croissance économique. Les moyens à consentir
dans ces domaines devront donc nécessairement augmenter.
-
la répartition
actuelle des compétences régionales et communautaires crée un cloisonnement
dans l'intervention des pouvoirs publics : d'un côté la région soutient
principalement le secteur marchand et de l'autre, la Communauté finance le
secteur non marchand, les enveloppes budgétaires étant indépendantes. Du
fait de ce cloisonnement il n'est plus possible de poser en choix politique,
le transfert des moyens budgétaires du secteur marchand vers le secteur non
marchand (ex. diminution des investissements en travaux publics en faveur de
l'accroissement du budget de l'enseignement).
Or dans le respect de
l'équité, tout accroissement des moyens budgétaires nécessaires à la communauté
francophone devrait au minimum être cofinancé pour près d'un quart par les
Bruxellois francophones et les trois autres quarts par les Wallons. Les
mécanismes institutionnels actuels ne le permettent pas.

2. Quelles solutions
dans l'immédiat (De Lege Data) ?
Selon la législation en
vigueur, deux solutions sont envisageables : des arrangements contractuels
d'ordre réglementaire et administratif entre la Communauté et les Régions ou la
fusion entre la Communauté française et la Région wallonne.
2.1. La
loi des Réformes institutionnelles ne permet pas de transferts de compétences
normatives de la Communauté vers la Région. Aussi toute contribution financière
de la Région vers la Communauté donne lieu à des accords dont les arrangements
administratifs sont à la fois très laborieux et très aléatoires pour la Région
bruxelloise qui doit négocier avec les Bruxellois flamands les modalités
pratiques de ces accords. Les péripéties de la contribution de 200 millions de
la Région bruxelloise en disent long sur la précarité des modes de coopération
entre la Communauté et les Régions dans le système institutionnel actuel.
2.2. La
fusion de la Communauté française et de la Région wallonne est une solution
facilement réalisable en vertu de la loi sur la réforme de l'Etat du 8 août 80.
Elle est, cependant, inacceptable pour les Wallons car elle ne respecte pas le
principe de l'équité financière et fiscale. En effet, toute augmentation du
budget de la Communauté française se ferait à sens unique sous forme de
transferts budgétaires et/ou de ponctions fiscales en provenance de la Région
wallonne.
Cela reviendrait à
accepter que les Wallons financent seuls les accroissements inévitables du
budget de la Communauté française. Nous nous trouverions dans une situation du
"fédéralisme inversé" où la composante fédérée la plus faible économiquement
paierait pour la plus forte et donc dans une situation de domination et non de
fédéralisme d'union (Cf. ma note sur la fusion des Exécutifs du 10 novembre 90).
3. Quelles solutions
pour l'avenir (De Lege Ferenda ) ?
Il faut donc imaginer
pour l'avenir, un système institutionnel qui libère le budget de la Communauté
française de son carcan tout en respectant le principe de l'équité financière et
fiscale dans les relations entre Bruxelles et la Wallonie.
Plusieurs solutions sont
possibles qui méritent d'être examinées :
3.1. La fusion pure et
simple de la Région wallonne et de la Région bruxelloise dans une communauté
Wallonie-Bruxelles.
C'est la solution la plus
simple car les deux Régions possèdent les moyens institutionnels adéquats :
capacité d'emprunts, transferts budgétaires et pouvoir fiscal. Mais elle a un
inconvénient majeur, à savoir la présence des Bruxellois néerlandophones qui
n'accepteront jamais de se fondre dans une entité wallo-bruxelloise sans
contrepartie sur le plan du pouvoir de décision. Il est évident que les
francophones n'ont pas intérêt à se trouver impliqués dans un tel montage
institutionnel alors que les Flamands gèrent entre eux leurs propres matières
communautaires. Ce scénario ne peut donc être retenu.
3.2. Le maintien de la
Communauté française en dotant les Communautés d'un pouvoir fiscal.
Cette solution permet une
augmentation du budget communautaire mais non le transfert des matières
régionales vers les matières communautaires et, donc, elle maintient le
cloisonnement des interventions de l'Etat entre le secteur marchand et le
secteur non-marchand.
En outre, ce scénario
comporte un handicap de taille : il conduit vers une situation inextricable sur
le plan fiscal car il implique que chaque Bruxellois opte pour un des deux
régimes fiscaux, soit le francophone soit le flamand. Dans l'intérêt de la
Communauté française, tous les Bruxellois francophones devraient choisir
définitivement le régime fiscal francophone. Mais il est clair que si la
fiscalité de la Communauté française est plus élevée que celle de la Communauté
flamande, de nombreux Bruxellois francophones préféreront opter pour le régime
fiscal le plus avantageux. Le pouvoir fiscal pour la Communauté française
favoriserait donc un processus de flamandisation de Bruxelles "de facto" car le
critère économique supplanterait le critère linguistique comme critère
d'appartenance communautaire.
L'obligation pour les
Bruxellois d'appartenir au régime fiscal francophone, outre qu'elle soit
antidémocratique, serait d'autant plus difficile à gérer qu'elle est récurrente
et conduirait inévitablement à des conflits d'intérêts entre les Bruxellois.
Plutôt que de renforcer
les francophones à Bruxelles, ce "statu quo" de la Communauté française amélioré
aurait donc l'effet inverse à celui souhaité.
3.3. La conclusion
d'accords de coopération dans des matières communautaires jugées d'intérêt
commun entre la Région wallonne et la Région bruxelloise.
Une formule originale qui
répondrait aux deux principes précités (décloisonnement des matières
communautaires et régionales et équité financière et fiscale) consisterait à
recourir à une pratique institutionnelle très développée dans les Etats
fédéraux : les accords de coopération entre les composantes fédérées. En voici
quelque caractéristiques majeures :
3.3.1.
Ces pratiques sont courantes dans des systèmes fédéraux tels que les Etats-Unis,
la Suisse et la RFA. Elles permettent aux composantes fédérées de gérer ensemble
des matières communes dans le respect de leur souveraineté étatique de droit
interne. C'est pourquoi elles ont valeur de traités. En Suisse, les accords
intercantonaux de cette nature s'appellent des concordats. En RFA, on distingue
entre "les accords étatiques" qui mettent en oeuvre des compétences fédérées,
législatives, exécutives et judiciaires et les "accords administratifs" qui
portent sur des matières susceptibles d'être régies par des règlements
administratifs.
Dans l'hypothèse
d'accords de coopération entre la Région wallonne et la Région bruxelloise dans
des matières communautaires, il faudrait se référer aux concordats et aux
accords étatiques, dans la mesure où la coopération porterait nécessairement sur
le domaine normatif.
A titre d'exemple
d'accords de coopération entre Länder en RFA, on peut citer : la convention de
création de l'établissement public "Zweites Deutsches Fernsehen" (2ème chaîne
TV) et le contrat sur l'inscription dans les universités qui organise le système
de numerus clausus.
3.3.2.
Autre particularité de ces accords, ils créent très souvent des organes
interfédérés chargés de pourvoir à leur application. Ces organes sont,
toutefois, rarement dotés de compétences "supranationales", leurs pouvoirs
n'étant pas normatifs mais purement administratifs.
3.3.3.
Les organes compétents pour conclure les accords sont les organes exécutifs des
entités fédérées mais leur conclusion postule l'assentiment législatif de
l'assemblée fédérée pour tout accord relevant du domaine normatif.
3.3.4.
Les accords de coopération entre composantes fédérées consolident la solidarité
entre les signataires plus que de simples arrangements administratifs car ils
ont un fondement constitutionnel et ils s'imposent au droit normatif des
composantes fédérées. C'est la raison pour laquelle en doctrine juridique, les
rapports entre collectivités fédérées donnent lieu à de fréquents recours au
droit international pour forger un droit "sui generis" : le droit interrégional
(Interstate common law).
4. De la faisabilité
d'une gestion inter-régionale de matières communautaires sur base d'accords de
coopération entre la Wallonie et Bruxelles
4.1. Une concrétisation
effective et durable du principe de l'équité financière et fiscale.
Les accords de
coopération interrégionaux ont l'avantage de permettre la gestion et le
financement de compétences communes dans le respect de l'équité financière et
fiscale puisque les deux pouvoirs régionaux ont une capacité d'intervention
financière de nature identique, à savoir, outre le recours aux transferts
budgétaires, la capacité d'emprunt et le pouvoir fiscal. Les deux Régions
s'engageraient par voie de traité à exercer ensemble des matières communes liées
à leurs compétences respectives (législation, réglementation, moyens
budgétaires, exécution, etc ...). Notons que ce système ne nécessite pas une
renégociation de la loi de financement des matières communautaires, mais
simplement un transfert des moyens budgétaires communautaires vers les deux
régions selon une clé de répartition à définir entre les deux parties. Pour le
financement des matières communes, les participations financières respectives et
leurs modalités d'application sont réglées par l'accord de coopération.

4.2. Une perspective
institutionnelle qui s'inscrit dans l'esprit de la loi de 1988.
Les accords de
coopération interrégionale sont prévus dans la loi de 88 (art. 92 bis,
paragraphe 3) et ils s'inspirent de l'esprit des pratiques de coopération entre
entités fédérées telles qu'en vigueur dans la plupart des Etats fédérés. La loi
permet aux régions de conclure des accords de coopération pour le règlement des
questions dont l'incidence dépasse les limites d'une région ou qui portent sur
le territoire de plus d'une région. Ce serait effectivement le cas de certaines
matières communautaires dès qu'elles sont transférées aux Régions bruxelloise et
wallonne.
4.3. Des modifications à
apporter au statut de Bruxelles-capitale.
4.3.1.
L'application des accords de coopération interrégionaux dans les matières
communautaires francophones nécessite cependant des modifications au
fonctionnement de la Région bruxelloise puisque ces matières ne concernent que
les Bruxellois francophones. Il est indispensable d'instaurer au sein de la
Région bruxelloise une structure institutionnelle qui garantisse aux mandataires
francophones la capacité de conclure de tels accords et d'en assurer l'exécution
et la gestion. Une première ébauche de structure institutionnelle de ce type est
déjà prévue dans la loi de 88 par la création des commissions communautaires
française et flamande de la Région Bruxelles-capitale, mais leur pouvoir est
actuellement essentiellement réglementaire. Dès lors, il faudrait doter la
commission communautaire française du pouvoir d'ordonnancement sur les matières
communautaires afin de lui permettre de conclure des accords avec la Région
wallonne.
4.3.2.
Par symétrie avec la Région wallonne, on devrait concevoir au sein de la Région
bruxelloise, un Exécutif francophone composé uniquement des ministres régionaux
francophones pour l'application des matières communautaires, cet exécutif étant
habilité à conclure les accords de coopération avec la Région wallonne en
concordance avec l'assentiment législatif de la commission communautaire
française (COCOF). Une telle structure n'est cependant pas indispensable pour la
détermination de la participation financière de la coopération puisque la loi ne
permet pas le recours à la "sonnette d'alarme" pour le budget. Elle est
toutefois nécessaire pour l'application des ordonnances, les arrêtés d'exécution
et pour la signature de l'accord.
4.3.3.
Notons que cette réforme de la COCOF pourrait être appliquée à la Commission
communautaire flamande si les Flamands le souhaitaient. La question se pose
moins dans la mesure où les Flamands ont choisi la symétrie Communauté-Région.
Une telle structure pourrait s'avérer intéressante pour les Bruxellois flamands
dans la mesure où les moyens budgétaires alloués aux matières communautaires
hors loi de financement actuelle seraient effectués pour l'ensemble de la Région
bruxelloise afin d'éviter la double imposition. La part flamande pourrait être
gérée par la commission communautaire flamande qui pourrait elle-même la
transférer à la Communauté flamande par voie d'accord de coopération. Un tel
système donnerait aux Bruxellois flamands un droit de contrôle accru sur la
gestion des matières communautaires flamandes.
5. Le contenu et les
modalités d'exécution des accords de coopération interrégionaux
5.1. Son contenu.
L'accord de coopération
interrégionale devrait déterminer les règles de fonctionnement de la
coopération, et au minimum : les matières communes, leurs modalités de
financement et les structures et organismes chargés de leur exécution et de leur
gestion.
Pour les matières
communes, il est du ressort des deux Régions de les définir. Il apparaît
toutefois évident que la recherche scientifique et l'enseignement universitaires
ainsi que la RTBF sont des matières communautaires qui devraient être gérées en
commun compte tenu de leurs fortes interactions régionales et des contraintes
financières. Rappelons que l'enseignement et la culture sont généralement des
compétences exclusives des composantes fédérées dans des pays comme la Suisse et
la RFA, tandis que l'enseignement universitaire et la recherche fondamentale
sont plutôt des compétences partagées car ils nécessitent des moyens financiers
très importants.

5.2. Ses modalités
d'exécution.
Outre le contenu des
matières communes, l'accord doit en prévoir les modalités de financement et
d'exécution de manière relativement précise afin de garantir à la coopération un
caractère stable. Il faut, en effet, éviter que les politiques mises en place
dans le cadre de l'accord de coopération ne soient perturbées par des remises en
cause perpétuelles et l'existence d'un vide organisationnel.
5.2.1.
Pour le financement, les deux Régions doivent établir leur contribution
financière selon une clé qui tienne compte de leur rendement fiscal respectif et
de leur niveau de développement économique (effet de péréquation). Dans le cas
où l'enseignement est repris en tout ou en partie dans les matières communes, le
système de la loi de financement actuel peut être retenu car il contient
implicitement un facteur de péréquation. La clé de répartition pourrait être
revue selon la méthode mise au point dans le système suisse où les contributions
cantonales sont réadaptées à la hausse ou à la baisse selon l'évolution
économique de chacun d'eux, et ce à espace régulier.
5.2.2.
Pour l'exécution de l'accord, le principe de base doit être la mise en place de
structures de gestion communes, mais plusieurs modalités non mutuellement
exclusives sont possibles. Citons, à titre d'exemples :
-
lorsque l'objet de la
coopération s'y prête comme c'est le cas pour la RTBF, la création d'un
organisme de gestion unique doté d'un Conseil d'administration désigné par
les deux parties.
-
pour l'exécution de
mesures normatives, certes, les administrations régionales respectives
pourraient s'en charger (fédéralisme d'exécution) mais, afin de maintenir un
lieu commun de coopération, il est possible de créer un ministère des
Affaires communautaires francophones avec, à sa tête, soit un Commissaire
général, soit un ministre des Affaires communautaires francophones désigné
par les deux assemblées et mandaté par les Exécutifs concernés, dont la
mission est de coordonner les relations entre les deux parties, d'exécuter
les réglementations et de représenter auprès des instances nationales, voire
européennes et mondiales, les intérêts communs contractualisés par l'accord
de coopération. Le choix de l'une ou l'autre formule dépendra surtout de la
nature des matières communes définies et du degré de coopération souhaité.
5.2.3.
Dans cette perspective, rien n'empêche de réaménager les structures actuelles de
la Communauté française. Cette formule ferait l'économie d'un niveau de pouvoir
institutionnel; celui du Conseil de la Communauté française qui n'est plus
nécessaire. En effet, tel qu'il est conçu actuellement, il ne peut statuer sur
les compétences des Régions même s'il réunit les élus francophones bruxellois et
wallons. Et donc, il ne peut assurer l'apport financier des Bruxellois à
l'accroissement du budget communautaire. Pour obtenir leur plénitude normative,
la gestion des matières communes doit reposer impérativement sur l'assentiment
des deux assemblées régionales, soit séparément, soit en séances communes. Mais
il est tout à fait possible de prévoir dans l'accord que des séances communes
des deux assemblées soient organisées pour le vote des budgets et que des
réunions communes des deux Exécutifs se tiennent chaque fois que des
avant-projets de législation sont élaborés, ou des décisions stratégiques sont à
prendre.
5.2.4.
Enfin, il est important de noter que la formule préconisée ici ne modifie en
rien la loi de financement de l'enseignement telle qu'elle a été négociée entre
les partis francophones et flamands de la majorité. Les recettes allouées aux
matières communautaires francophones seraient simplement transférées aux deux
Régions selon une clé de répartition. Selon les termes de l'accord de
coopération, les deux partenaires affecteraient ensuite les moyens financiers
nécessaires à l'exécution des matières communes, en ce compris les augmentations
émanant des transferts budgétaires, des emprunts et/ou des augmentations
fiscales.

Conclusions
1. Le
but de cette note ne vise pas à donner un cadre institutionnel complet et
définitif aux relations entre les Wallons et les Bruxellois francophones dans la
Belgique fédéralisée. Il veut simplement ébaucher une perspective nouvelle qui
réponde aux impératifs de l'équité financière et fiscale et du maintien de la
solidarité institutionnelle entre les francophones. La situation financière de
la Communauté française nous oblige à rechercher une solution à ce contentieux
car l'enjeu concerne l'avenir de notre potentiel culturel et éducatif. Puisque
la fusion entre la Communauté française et la Région wallonne (seule solution
possible de lege data) est inacceptable pour des principes d'éthique sociale, il
faudra trouver des solutions renégociées dans le cadre de la Réforme de l'Etat.
C'est dans cette perspective que s'inscrit cette réflexion.
2. Nous
sommes conscients que la piste dégagée dans cette note sort des "sentiers
battus" du dispositif institutionnel belge mais elle repose sur des pratiques
qui ont fait leurs preuves dans de nombreux Etat fédéraux. Nous, francophones,
bruxellois et wallons, nous sommes peut-être restés trop longtemps prisonniers
d'un mythe : celui de croire que la solidarité des francophones face aux
Flamands ne peut se concrétiser que par la Communauté française. Or, cette
institution ne fait pas barrage à la flamandisation de Bruxelles mais au
contraire, par symétrie, la rend possible. Il faut nous rappeler que la
communautarisation nous a été imposée par les Flamands qui souhaitaient à
travers elle appliquer une politique systématique de flamandisation de
Bruxelles, abandonnant dans ce cas leur référence au droit du sol au profit du
droit des gens parce que cela correspondait à leurs intérêts linguistiques. La
grande différence dans l'approche communautaire est que pour l'une la Communauté
flamande, les Bruxellois représentent 3,5 % de la population et que pour
l'autre, la Communauté française, ils représentent près du quart de la
population. Cette disposition change tout sur un plan financier et fiscal dans
un Etat fédéralisé.
3. La
Communauté française pouvait avoir un sens tant qu'elle avait les moyens
financiers de répondre aux besoins et aux souhaits de la population francophone.
Ce n'est plus le cas actuellement et il faut sans tarder mettre en place un
autre cadre institutionnel qui organise les relations entre Bruxelles et la
Wallonie dans le respect de l'équité. Les difficultés rencontrées par la Région
bruxelloise pour s'acquitter de ses obligations vis-à-vis de la Communauté
française nous démontrent combien les arrangements institutionnels et
administratifs sont fragiles dans le cadre actuel de la réforme de l'Etat. Nous
ne pouvons laisser la gestion de politiques aussi importantes que celles de
l'enseignement et de la culture qui sont toujours des politiques à long terme,
s'organiser sur des bases aussi aléatoires. Quand une institution ne sait plus
répondre à sa finalité, il faut oser dire qu'il faut la modifier sinon elle se
discrédite aux yeux des citoyens.
4. La
perspective que nous avons esquissée ne rompt pas la nécessaire solidarité
francophone. Nous pensons même qu'elle est susceptible de la consolider sur des
bases plus équitables et plus solides constitutionnellement. Certes, sa
concrétisation implique la volonté commune des partis politiques francophones de
défendre un mode de règlement des relations communautaires qui soit différent de
celui souhaité en Flandre. Les Flamands ont le droit de régler leurs problèmes
communautaires selon leur propre modalité et cette proposition ne remet pas en
cause l'existence de la Communauté flamande. Mais il n'appartient pas non plus
aux Flamands d'imposer aux francophones la voie et les moyens qu'ils entendent
mettre en oeuvre pour résoudre leurs propres problèmes communautaires. C'est une
question de respect de l'idéal démocratique.
(Octobre 1991)

|