Influence de
l'industrie alimentaire sur les modèles alimentaires des nourrissons
et jeunes enfants
Ann Van Der Borght
Diététicienne, Service de Formation du Personnel de l'ONE
Depuis le
milieu du XXème siècle, des progrès techniques se sont fait jour,
les recherches sur le lait de vache se sont multipliées pour aboutir
à son industrialisation. Ces progrès ont-ils influencé l'abandon de
l'allaitement au sein? Peut-être.
La médicalisation de la
grossesse y contribue sans doute aussi, au même titre que l'ouverture du marché
de l'emploi aux femmes (emplois plus ou moins éloignés du domicile, sans
possibilité d'y emmener son nourrisson) ou que l'évolution psychologique et
sociale des populations.
Mais les recherches sur
la composition, les transformations, la conservation du lait de vache n'ont pas
été de paire avec une recherche aussi poussée concernant le lait de femme.
L'évolution de la composition des laits pour nourrissons a permis d'aboutir à
des formules dites "adaptées" et non pas, comme on pourrait le rêver, à un
retour massif vers l'allaitement au sein.
Si l'âge du sevrage et
les aliments de sevrage ont évolué, c'est en fonction de l'évolution des
produits pour nourrissons et des connaissances acquises dans le développement de
l'enfant et de ses besoins nutritionnels (sur base des connaissances du lait de
femme). L'industrie des produits pour nourrissons participe pour beaucoup dans
cette recherche, elle a donc forcément une influence sur le comportement du
public et même sur celui des "éducateurs de la santé".
Certaines
expériences démontrent que les enfants de +/- 2 ans sont capables
d'équilibrer leur alimentation spontanément, pour autant qu'ils aient accès
à une grande variété d'aliments et qu'ils ne subissent pas de pression de la
part des adultes. Mais les enfants n'ont pas un libre accès à grande variété
d'aliments. Ils ne trouveront sur la table ou dans le frigo que ce que
l'adulte aura bien voulu (pu) y mettre.
Si les parents se
conforment aux prescriptions médicales données pendant la première année de vie,
il semble bien qu'après 1 ou 2 ans, il n'y ait plus de prescriptions
spécifiques. L'enfant consommera les mêmes aliments que ses parents. Subira-t-il
les mêmes influences? Probablement.
Les travaux sur le goût
inné de la saveur sucrée permettent à l'industrie de proposer des produits
sucrés et onctueux. De quels moyens disposent les "travailleurs de la santé"
pour influencer les consommations, pour simplement informer les consommateurs
sur les notions d'alimentation équilibrée (notion souvent citée, rarement
expliquée)?
Bien souvent, les
diététiciens ont pris le mors aux dents et perdu les notions de juste mesure,
mais sans doute étaient-ils poussés par l'industrie alimentaire (bien qu'étant
des professionnels de la nutrition, ils n'ont pas pu échapper aux grandes,
"tornades" commerciales). Voyez les campagnes d'information visant à faire
remplacer le beurre par la margarine, la disgrâce dont est frappée l'oeuf, pour
ne citer que ces deux-là.
La marine marchande
hollandaise du XVIIIème siècle avait jeté les bases de ce que nous considérons
encore toujours comme des apports et des répartitions idéales entre les trois
grands nutriments (protéines, lipides, glucides) dans l'alimentation.
Les motivations à ces
recherches n'ont sans doute pas beaucoup évolué même si les personnes visées ne
sont plus uniquement les marins. A l'époque, il s'agissait de permettre aux
armateurs d'avoir moins de pertes en vies humaines (entraînant des pertes de
marchandises et de marges bénéficiaires).
Il est plus que temps de
trouver un équilibre entre les intérêts des industries, des producteurs et des
consommateurs.
Ce
texte est extrait de : QUEVIT Michel (sous la direction de), La Wallonie au
Futur, Le défi de l'éducation, Actes du Congrès, Institut Jules Destrée,
Charleroi, 1992.

|