Expérience concrète en matière
de garde des enfants dans la première ville de Wallonie
Dominique-Paule Decoster
Attachée au Département Santé et Famille de la Ville de Charleroi
Les services
de garde organisés par l'Echevinat de la Santé, du Bien-être
familial et de la Personne handicapée de la Ville de Charleroi
Ce travail se circonscrit
dans les seules réalisations du département de la Santé, du Bien-être familial
et de la Personne handicapée de Charleroi.
D'autres expériences
intéressantes existent sur le territoire de Charleroi, toutefois l'échevinat
examiné est l'organisme officiel mandaté par la Ville de Charleroi pour assurer
la garde des jeunes enfants âgés de 0 à 3 ans.
I. Le service des
crèches
La Ville de Charleroi met
à la disposition des parents de Charleroi et des environs 8 crèches pouvant
accueillir un maximum de plus ou moins 500 enfants.
L'ONE, pouvoir
subsidiant, a accordé jusqu'à présent, une agréation globale fixée à 342 lits.
L'agréation est basée sur le taux de fréquentation des milieux d'accueil, qui ne
cesse de progresser d'année en année.
Exemples :
1987 = 46.055 journées
11.200 demi-journées
1988 = 51.673 journées
11.414 demi-journées
1989 = 53.055 journées
12.431 demi-journées
1990 = 53.383 journées
14.224 demi-journées
1991 = 22.717 journées
(fin mai)
6.079 demi-journées
Un personnel qualifié
comprenant 8 infirmières, 2 travailleurs sociaux, une diététicienne, une équipe
composée d'une logopède et d'un kinésithérapeute travaillant en psychomotricité,
102 puéricultrices, des pédiatres assurant des consultations de nourrissons une
ou deux fois par semaine selon la capacité du milieu d'accueil, personnel de
cuisine, de buanderie et d'entretien ainsi qu'un service administratif central.
L'accent a été mis sur la
diététique ces derniers temps car la culture alimentaire s'apprend très tôt.
Diverses études se sont centrées sur les problèmes des maladies
cardio-vasculaires. C'est ainsi que le projet MONICA, qui étudia la population
carolorégienne durant 10 ans et les risques ou les accidents cardio-vasculaires
qu'elle encourt, prouve que les Carolos ont de mauvaises habitudes alimentaires
(trop de graisses). Ce facteur a pour conséquence un taux de morbidité élevé dû
aux accidents cardio-vasculaires.
Par ailleurs, la crèche
est un milieu complémentaire à la famille, qu'elle propose aux enfants les
expériences enrichissantes d'une vie en petits groupes, avec prise en charge de
tous les aspects de la vie quotidienne.
Le personnel n'y a pas
seulement un rôle de gardiennage mais remplit une fonction essentielle
d'éducation et de développement des petits, déterminante dans le comportement de
l'adulte.
Des aménagements spatiaux
ont été réalisés pour donner et favoriser un développement des facultés
psychomotrices des enfants, l'éveil de leur intelligence, l'apprentissage sous
toutes ses formes. Les enfants se rodent à la vie en collectivité, selon leur
propre rythme.
En aucun cas, la crèche
ne veut se substituer aux parents mais souhaite que ces derniers partent au
travail l'esprit libre et le coeur apaisé.

II. Le service de
gardiennes encadrées
Le seuil de saturation
d'accueil étant atteint dans les crèches et les possibilités financières de la
ville ne lui permettant pas d'ouvrir une nouvelle crèche face à la demande
exponentielle de gardes, les mandataires communaux décidèrent de créer en mai
1991 un service composé de 10 gardiennes encadrées.
Fonctionnement du
service des gardiennes encadrées
A. Service de
gardiennes encadrées : définition du Moniteur
Le service est organisé
par un pouvoir public subordonné, par une association de tels pouvoirs, par un
établissement d'utilité publique ou par une association sans but lucratif en vue
d'assurer la garde d'enfants âgés de moins de 7 ans, au domicile des gardiennes.
Chaque gardienne ne peut
dépasser la moyenne journalière de 3 enfants en garde.
B. Subsides
octroyés pour le fonctionnement du service par l'ONE au pouvoir organisateur
pour les enfants de moins de 3 ans
-
L'ONE paie au pouvoir
organisateur la différence entre la participation financière des parents qui
s'échelonne comme en crèche, suivant leurs ressources entre 50 et 555 F/jour
et l'indemnité fixée aussi par l'ONE qui est versée par le pouvoir
organisateur à la gardienne (450 F/jour par enfant gardé; pour les enfants
handicapés physiques ou socio-culturels 670 F/jour).
-
Le salaire du
travailleur social encadrant les gardiennes est pris en charge par l'ONE
(mi-temps pour 10 gardiennes) ainsi que ses frais de déplacement (850 F pour
un mi-temps par mois).
-
L'ONE verse 30 F par
jour par enfant pour les frais administratifs (une assurance doit être prise
par le pouvoir organisateur).
C. Réseau
géographique
En tenant compte de l'emplacement des crèches et leur saturation ainsi que des
autres services de gardiennes encadrées officiant dans l'entité, les anciennes
communes ci-dessous ont été retenues : Couillet, Jumet, Gosselies, Goutroux,
Lodelinsart, Roux, Ransart.
D. Cadre
- 10 gardiennes;
- une demi-assistante sociale.
E. Coût du service
Les subsides octroyés par l'ONE permettront au service de fonctionner sans
répercuter de coût supplémentaire au budget communal, la Ville n'effectuant
qu'une avance de trésorerie.
Puisque notre réflexion
porte sur le thème Travail-Famille-Solidarité, une remarque fondamentale vient à
l'esprit quant au statut social de ces gardiennes. Elles ne bénéficient d'aucune
protection sociale, elles exercent en quelque sorte un travail au noir légal.
Il est nécessaire de
réfléchir au statut de ces personnes car ce service s'inscrit dans un véritable
paradoxe.
Il est offert à certains
pour leur permettre de travailler en toute quiétude mais repose sur la
non-protection d'autres.
Par ailleurs, un autre
effet pervers s'ajoute à ce paradoxe, la transcription de ce travail sous la
forme d'un emploi n'intéresse pas les gardiennes qui considèrent leur apport
financier comme un complément au revenu de leur conjoint mais pas comme une
rentrée à part entière, comme un salaire.

III. Les maisons
communales d'enfants
Elles n'existent pas sur
le territoire de Charleroi. L'ONE a proposé dans certaines villes ou communes la
création de ce service en lieu et place soit d'une extension de crèche ou d'une
création.
Ce nouveau réseau est, en
effet, beaucoup moins onéreux pour l'ONE.
Il ne subsidie plus des
emplois mais paie un forfait à la journée d'enfant gardé au même titre que pour
les gardiennes et le service encadrant.
Le pouvoir organisateur
doit assurer le financement, l'infrastructure, prendre en charge les compléments
de salaire des puéricultrices engagées sous le statut d'agents contractuels
subsidiés.
Il s'agit donc d'un pas
en arrière en matière de garde d'enfants.

IV. Les ateliers
créatifs
Si les structures
décrites ci-dessus accueillent les enfants de 06h30 à 19h00 voire 20h00, il n'en
est pas de même pour l'école lorsque les enfants atteignent l'âge de 3 ans.
Se posent, alors, les
problèmes de garde les mercredis après-midi et durant les vacances.
Une palette d'offres
existe dès l'âge de 6 ans mais, en-deçà, les difficultés restent entières.
C'est pourquoi
l'échevinat de la Santé, du Bien-être familial et de la Personne handicapée,
composé en majorité de femmes, a créé son propre atelier créatif destiné aux 3 -
14 ans. Jusqu'à présent, il a ouvert ses portes durant les grèves scolaires et
vacances de Pâques.
Des activités de
créations théâtrales (écriture de scénarii, construction des décors, fabrication
des vêtements, confection des costumes des acteurs, mise en scène et
présentation de la pièce), de sensibilisation aux techniques vidéos, de sports
ont été proposées.
Durant les prochaines
vacances scolaires, l'atelier situé à Montignies-sur-Sambre sera également
accessible aux enfants du quartier composé de logements sociaux.
En plus des activités
proposées précédemment, les enfants se roderont aux techniques du reportage
journalistique (écrit et photos), à la couture...
Un module de cuisine sera
également proposé, il sera le lieu privilégié pour rappeler des éléments
d'éducation pour la santé et plus particulièrement de diététique.
L'atelier se trouvant à
proximité d'une académie, les organisateurs ont décidé de promotionner l'accès
aux activités culturelles y développées. Les activités d'été suggéreront aux
enfants la fréquentation de l'académie.
Dès septembre, l'atelier
s'inscrira dans une dynamique contre l'illettrisme. Les mercredis après-midi,
nouveau moment d'ouverture, l'atelier offrira un espace à l'académie pour
qu'elle sorte des murs de l'école qui n'encouragent pas toujours l'enfant à
fréquenter ces lieux pour une activité extra-scolaire.
Dans cette sphère, une
bibliothèque fonctionnant sur les mêmes principes que ceux développés dans les
bibliothèques communales sera créée. Une ludothèque s'intégrera également.
Mais ces activités
culturelles sont cimentées par du sport car la complémentarité entre corps et
esprit est essentielle pour maintenir et développer un état de santé sain chez
tout individu.
Un second atelier sera
créé à Ransart en termes de complémentarité à la plaine de jeux. Les plaines
sont, en effet, accessibles pendant 6 semaines, le reste du temps restant
problématique pour les parents.
Notons que ces deux
ateliers peuvent fonctionner grâce à une mosaïque de partenaires tant publics
que privés, différents d'une ancienne commune à l'autre.
Certains matériaux et
produits sont fournis par des firmes privées (ex. : matériel de développement
photo), tandis que le secteur public couvre l'infrastructure humaine avec, dans
certains cas, un apport financier d'associations pour couvrir les frais
d'indemnités de certains encadrants.

Conclusion
Le problème de la garde
des enfants ne relève pas uniquement des femmes bien qu'on ne puisse que
féliciter les entreprises, qui, auteurs d'actions positives en faveur de(s)
femmes, offrent des systèmes de garde internes à leur structure.
Toutefois, ces offres
doivent rester une complémentarité aux gardes extérieures; il n'est, en effet,
pas question d'intégrer totalement les crèches ou ateliers créatifs dans les
entreprises.
Cela équivaudrait à un
retour aux pratiques en usage au XIXème siècle, l'emploi étant la clef d'accès
au logement, à l'église, à l'école, à l'épicerie, propriétés du patronat.
De plus, un système de
garde en pointillé serait imposé aux travailleurs intérimaires ou cumulant
plusieurs temps partiels. Les premiers devant changer leurs enfants de garde au
gré de leurs intérims, les seconds déposant leurs bambins tantôt à la crèche de
leur premier employeur, tantôt chez le second. Belle éducation, bel
épanouissement, charmante sécurisation pour l'enfant, confronté à ses premiers
moments de socialisation.
Outre ce psychodrame, il
ne faut pas gommer les moyens de pression évidents que pourrait subir le
travailleur-parent.
On aura compris que la
pierre angulaire du problème de garde reste les difficultés pécuniaires
éprouvées par les pouvoirs publics. Des formules de mixité financière doivent
être recherchées tel que le financement d'une partie des infrastructures
d'accueil par les entreprises. Pourquoi ne pas revendiquer un pourcentage de la
masse salariale aux entreprises, calquant en cela le principe du fonds pour la
formation, destiné à la subvention d'infrastructures de garde d'enfants?
Deux raisons argumentent
ce principe; d'une part, les entreprises ont besoin de la main-d'oeuvre des
travailleurs-parents, d'autre part, les enfants sont les acteurs de demain du
secteur économique, ils représentent un investissement incontournable.
Un autre fait handicape
les grandes villes, pôle économique prépondérant d'une région : seuls les
citoyens domiciliés sur leur territoire alimentent par le biais des impôts
communaux les services de crèches. Pourtant, les parents des communes
périphériques bénéficient de ces services. Une autre répartition de l'impôt
s'impose pour plus d'équité ou l'intercommunalisation de ces services, car le
protectionnisme guette les villes courbées sous le poids financier
d'infrastructures de services telles que les crèches, les piscines, les grandes
écoles...
(Octobre 1991)
(Ce texte est extrait de
: QUEVIT Michel (sous la direction de), La Wallonie au Futur, Le défi de
l'éducation, Actes du Congrès, Institut Jules Destrée, Charleroi, 1992.

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