6. Les métaux - la
musique
Vincent
Louis
Romaniste attaché à
l'Université de Liège
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Les quelques éléments de
réflexion qui suivent devraient permettre de comprendre dans quel esprit j'ai
choisi de développer cette section si curieusement intitulée. Si on pouvait
poser un texte en exergue de chaque partie, celui que je choisirais, serait
celui que Michelet consacre, dans son Histoire de France, à la "petite France de
Meuse". Certes, l'historien y manifeste les idées, les sentiments d'un Français,
non d'un Wallon; mais en rapprochant le travail des métaux et de la musique, il
me permet d'embrasser de vastes domaines de l'activité humaine : de l'artisanat
à l'industrie et de l'artisanat à l'art. De la conflagration suscitée par la
confrontation de deux notions si peu liées devrait naître enfin une réflexion
sur le statut et le destin des artistes wallons.
Plan : Le texte de
Michelet
1. Les métaux
-
Propos sur la
dinanderie, l'armurerie et l'orfèvrerie accompagnés d'une illustration
représentant les Fonts baptismaux de Saint-Barthélémy.
-
Développement sur
l'industrie métallurgique wallonne éventuellement accompagné d'un texte
littéraire. Les documents iconographiques ne manquent pas, on pourrait
choisir une sculpture de Constantin Meunier : le Puddleur.
2. La musique
-
Propos sur la musique
populaire : les chansons, les cramignons; document : le Léim ploré ou la
Chanson au Prince Charles d'Oultremont.
-
Panorama des
principales figures de musiciens wallons : Roland de Lassus, Henry Du Mont,
Jean-Noël Hamal, J-F. Gossec, A.E.M. Grétry, C. Franck, H. Vieuxtemps, A.
Sax, E. Ysaïe, P. Froidebise et H. Pousseur. Je propose, pour illustrer
cette sous-section, le buste de Grétry par Rutxhiel.

3. Les arts plastiques
-
-Je tiens
particulièrement à glisser ici une réflexion sur la difficulté pour les
artistes wallons de l'Ancien Régime à trouver un espace vital digne de leurs
talents. Il faudrait expliquer que l'absence de cour princière puissante, le
morcellement du territoire et l'attraction exercée par des princes étrangers
ont souvent dispersé nos peintres, sculpteurs, graveurs et architectes dans
bien des contrées. A cet endroit, prendraient place quelques "portraits" ou
plutôt, quelques "destins" d'artistes obligés d'aller chercher protecteur ou
clients en terre étrangère. Cette sous-section s'achèverait par un ou deux
paragraphes consacrés aux principaux artistes wallons du XIXéme et du XXème
siècles et à leurs qualités particulières.
On aura remarqué
l'absence de textes littéraires. Rien ne s'oppose à ce qu'on en glisse
quelques-uns dans la section, mais mon idée est de mettre l'accent sur les
autres formes de création et d'expression en terre wallonne.
Ce qui suit est moins un
début de rédaction qu'une rédaction condensée de la partie consacrée aux métaux.
Elle donne une idée du ton dans lequel elle pourrait être écrite.
Que les Wallons et, en
particulier, les habitants du couloir mosan, soient très tôt passés maîtres dans
le maniement des métaux, rien n'est plus vrai. Dès les Carolingiens et surtout
au cours des deux siècles suivants, les petites mains laborieuses de Dinant, de
Namur, de Huy et de Liège acquièrent une telle habilité dans la fabrication
d'objet en laiton, qu'elles en font leur spécialité. Très vite cependant, elles
en abandonnent l'exclusivité à la seule ville de Dinant. Les pièces de
"dinanderie" se vendent dans les foires de Champagne, de Paris et de Lyon. A
Londres, les Dinantais ont même leur quartier et leurs privilèges!
Les ateliers de forge ne
se sont pas pour autant tus à Liège : des artisans patronnés par de puissants
marchands mettent en place ce qui devient rapidement la principale industrie
locale pendant tout l'Ancien Régime : l'armurerie. Le commerce est florissant :
les princes aiment la guerre. Celle-ci se fait-elle à l'arme à feu? Et le métal
se marie au bois; en jabot et manchettes de dentelle? Damasquineurs et ciseleurs
multiplient alors leurs entrelacs.
Il y a longtemps que le
plaisir des yeux a trouvé à s'alimenter ailleurs qu'aux seuls éclats des armes
décorées... Tournai et surtout Liège, sièges de riches évêchés ont vu très tôt
s'épanouir une orfèvrerie religieuse particulièrement raffinée dont les deux
villes sont fières. Ces cités abritent de nombreux orfèvres jalousement
protégés. Liège s'enorgueillit d'ailleurs d'un chef-d'oeuvre, les Fonts
baptismaux dits de Saint-Barthélemy, dont la technique de fabrication et la
finition des décors, font une pièce unique, isolée, émergeant bien au-dessus du
reste de la production du XIIème siècle.
Prélats et grands
seigneurs et, à leur suite, nobles et riches marchands se gardent bien de
laisser les orfèvres exercer leurs talents à la seule gloire de Dieu, estimant
sans doute que leur renom mérite également le rehaut inestimable qu'apportent,
sur leurs nappes blanches, les éclats dorés ou vermeils de belles pièces
d'argenterie. Ainsi, Nivelles, Mons, Namur et surtout Tournai et Liège
connaissent une production d'orfèvrerie civile qui, sans atteindre en qualité
celle de France et d'Italie, n'en décorent pas moins pendant des siècles, des
dizaines de tables wallonnes.
On n'aurait évoqué qu'une
partie des travaux du métal en Wallonie, si l'on passait sous silence le plus
récent et le plus spectaculaire d'entre tous : l'industrie métallurgique
installée, depuis de XIXème siècle, dans les bassins de Charleroi et de Liège.
Loin ici de la forge ou de la boutique d'artisan où la tâche est infiniment
individualisée, nous pénétrons dans un décor d'ateliers immenses hérissés de
cheminées où, rassemblés par équipes, des hommes par milliers partout, des
milliers dans la fournaise, des milliers dans le vacarme des machines, fondeurs,
couleurs et puddleurs tirent de l'acier incandescent des barres, des poutres et
des tôles qui deviennent rails, ponts et bateaux. La puissance et la qualité de
cette métallurgie sont telles qu'elle exporte ses produits jusqu'à la lointaine
Russie, le savoir-faire de nos ingénieurs jusqu'en Suède.

Annexe : L'éducation en
Wallonie
J'ai, au long de ces
trois pages, mis lourdement l'accent sur la production artistique wallonne.
Celle-ci me paraît injustement méconnue. Pourtant, il me semble que des
incitations à la redécouverte de notre patrimoine ne seraient entendues et
comprises que par cette frange dite cultivée de la population adulte qui pénètre
déjà si faiblement dans nos musées... Non, l'effort doit manifestement se situer
plus tôt, et, pour être plus précis, à l'école. Peut-on rêver endroit plus
propice au dessein qui est le nôtre : réconcilier le Wallon avec son patrimoine
artistique? Rien pourtant n'est fait de ce côté-là depuis .... j'ai envie de
dire depuis toujours.
Les cours d'initiation
artistique se sont réduits comme des peaux de chagrin. Au moment où, de plus en
plus, le temps est de l'argent; les études, le rendement; et le travail, la
productivité, quelques heures consacrées à l'éducation artistique (en ce
compris, la pratique d'un art plastique et d'un instrument de musique et une
initiation à l'histoire de l'art) permettraient peut-être de ramener l'homme (et
son oeil) à de plus justes mesures. Et ce dernier mot n'est pas indifférent.
Tout désir de création artistique n'est-il pas en effet avant tout lié à une
manière de regarder le monde?
De tels cours ne
viseraient certes pas à faire de chacun de nous un artiste mais permettraient
d'aider chaque personne à modeler son regard, à l'éduquer. L'école de demain en
Wallonie doit être capable de former des adultes, c'est-à-dire des regards
individualisés, échappant à l'uniformisation et à la monotonie des images "télé-self
service". Cela serait aussi une fameuse leçon de démocratie pour les Wallons de
demain.
(Octobre 1991)
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