2. Le dialecte - La
France
Jean Leroy
Professeur de français
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1. Le dialecte
Le dialecte doit avant
tout être perçu comme une manifestation de la richesse de notre région, plutôt
que comme un facteur de morcellement. Il correspond à une recherche de
l'identité, à la volonté, pour celui qui le parle, de retrouver une certaine
authenticité, de se replonger davantage dans son histoire. Il est aussi le lieu
de la spontanéité, de l'affectivité. Il se veut enfin, à l'heure de la
banalisation et de l'uniformisation, un enracinement; le régionalisme dont il se
teinte n'est pas un mouvement de repli mais au contraire la quête d'un sens,
d'une vérité, point de départ nécessaire pour une ouverture sur le monde.
a. Dialecte = diversité
Profusion de parlers
différents : quatre dialectes (picard, champenois, wallon et lorrain), nombre
important de sous-dialectes, de patois. Une carte de l'ALW, comme celle du mot
"arc-en-ciel", pourrait être un document très parlant.
b. Dialecte =
divertissement
Expression du quotidien,
des petites indignations, des fêtes, des moqueries. Pittoresque et truculence.
Chansons et poésie de circonstance (les Noëls wallons, les fables, les
cramignons, sorte de farandole, les pasquèyes, pamphlets anonymes, l'opéra
comique liégeois).
c. Dialecte = expression
d'un imaginaire, d'une sensibilité
A partir du romantisme,
souci d'exprimer une vision propre du monde. Notion d'identité, par rapport à la
France et à la Flandre. Evocation d'un passé, de traditions, de métiers, de
paysages, de toute une symbolique. Lyrisme. Le dialecte devient vraiment l'outil
d'une "vraie" littérature, capable de tout exprimer, de véhiculer une pensée,
d'accéder à l'"art". Théâtre, poésie et prose.
d. Dialecte = reflet des
réalités sociales
Théâtre ouvrier
(notamment vers 1885), peinture de la mine, de l'usine, du capitalisme et du
paternalisme, la cohabitation entre la richesse et la pauvreté.

2. La France
La France a longtemps été
le "grand-frère du sud", le chêne séculaire à l'ombre parfois très étouffante,
la référence obligée pour toute activité culturelle. Depuis '60, la situation a
quelque peu évolué, la France, et surtout Paris, n'étant plus tout-à-fait le
seul centre de la Francophonie (Québec, Maghreb, Afrique noire). Communauté
linguistique, liens culturels privilégiés (univocité souvent regrettable),
solidarité dans la défense de la culture francophone, circulation des créateurs,
collaborations éditoriales, ...
a. France = modèle
culturel
De France, nous viennent
les "maîtres", les classiques, la culture enseignée dans les écoles. Elle est le
point de repère, la référence; son patrimoine culturel est le nôtre. On parlera
d'ailleurs longtemps de littérature "française" de Belgique. Pour toutes ces
raisons, difficulté d'installer sur le même pied, pour le grand public, écrivain
wallon et écrivain français.
b. France = lieu de la
légitimation
Paris fut longtemps le
seul lieu de la consécration, l'endroit où il fallait être publié, exposé,
joué,... pour des raisons évidentes de circuits de distribution, d'audience
internationale, de tradition. Le déplacement vers Paris s'est, tout un temps
(jusque '60 également), accompagné d'une auto-censure, d'un rejet de
l'authenticité, des particularismes, notamment en ce qui concerne la langue.
c. France = langue
Norme parisienne (la
langue de l'écrivain de Paris), complexe linguistique, notion de "bon usage".
Grevisse, Hanse, Doppagne.
d. France = modèle
politique
Attrait pour la France
"républicaine et laïque", quand la Flandre est monarchiste et catholique.
Courant républicain liégeois et hennuyer, rattachisme, 14 juillet fêté à Mons
comme à Liège. L'adoption du coq comme symbole de la Wallonie fut pour certains
militants wallons une référence explicite à la France des libertés.
(Octobre 1991)
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