1. L'histoire - l'espace
Jean-Marie Klinkenberg
Professeur à l'Université de
Liège
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Les propositions
détaillées qui suivent portent sur la subdivision "espace" de cette section. Les
deux subdivisions ont cependant un point commun : de la même manière qu'il n'y a
pas de mémoire historique wallonne, en dépit de la découverte sur le sol wallon
de l'homme de Spy (pour ne pas remonter aux iguanodons de Bernissart), il n'y a
pas d'aperception d'un espace proprement wallon. Le lieu commun veut souvent ici
que l'on parle d'éclatement, de dispersion .... Ce lieu commun ne doit pas être
repoussé, mais au moins mis en perspective, de deux manières. Tout d'abord,
l'éparpillement est un effet de discours, ce qui ne préjuge en rien de la
réalité des choses. On observera d'ailleurs qu'il coexiste avec d'autres
concepts qui sembleraient devoir entrer en contradiction avec lui, comme celui
d'intimisme. D'autre part, le motif de l'éparpillement est abondamment
représenté dans toute la culture européenne contemporaine, et semble même être
un des points les plus forts d'une définition de l'époque post-moderne.
Il faut enfin noter qu'il
y aura inévitablement des recoupements avec les sections "l'eau", "les bassins",
"la campagne", "l'intimisme".
1. L'espace comme
imaginaire
Les trois paramètres de
l'espace sont l'orientation, l'altitude et la distance. Ces trois dimensions
sont vécues de manière différentes par les cultures.
a. Ainsi
l'orientation compte beaucoup aux yeux d'un nord-Américain, mais moins à ceux
d'un Européen. Le seul axe à être un peu valorisé par le Wallon est l'axe
Nord-Sud (au nord, les Flamands, au sud, mais un sud lointain, les pays chauds).
- Illustration : à trouver.
b. La
distance est aussi vécue de manière subjective : plus la densité de population
est forte, plus les distances sont senties comme longues. Mais ce n'est pas là
le seul facteur : songeons à la distance énorme à laquelle Bruxelles se situe
pour un Liégeois.
- Illustration de la petitesse de l'espace : Les trous de la rue Lartoil, de P.
Samain p. 33. Variabilité des distances : Le pain noir, de Krains.
c. L'altitude
peut également être surévaluée ou sous-évaluée, en fonction des valeurs
attachées à des objets comme la plaine, la montagne, etc. A l'époque romantique
par exemple, ce qui est aujourd'hui la Wallonie est vue comme plus accidentée
que par les auteurs contemporains.
-
Illustration : un
passage de Victor Hugo sur la Vallée de la Vesdre dans Le Rhin. Une légende
de Marcel in Lagarde; un passage de Pimpurniaux, Guide du voyageur en
Ardennes. Il descend de ceci une image de Wallonie sauvage, un peu occultée
de nos jours.
-
Illustration : Fagnes
de Wallonie de G. Apollinaire.
d. La
prise en considération des trois paramètres débouche sur une géographie
imaginaire.

2. Le cadre naturel
a. Temps
d'arrêt sur quelques thèmes :
-
L'eau (avec des
corollaires comme la boue, les canaux, les marécages, rivières).
-
Illustration : Conrad
Detrez, Ludo (pour l'eau) et Les plumes du coq (pour la boue); J.P.
Verheggen, Pubères, putains (pour les marécages).
-
Végétaux pauvres et
drus.
-
Illustration : J.-P.
Otte, Le coeur dans sa gousse.
b. Temps
d'arrêt sur quelques valeurs attachées au paysage wallon.
-
Illustration (qui
devra être assez développée) : Offrande wallonne, de Albert Henry, p.
26-28 : alliance entre éléments, rythme harmonieux, contrastes atténués...
3. L'espace humain
a. L'industrialisation
a évidemment marqué de manière puissante l'imaginaire spatial wallon, depuis le
XIXème siècle. Les interprétations du phénomène sont évidemment très
divergentes. Cela va de la malédiction du pourtant inévitable modernisme :
-
Illustration : Les
forges d'Iwan Gilkin
à la transcendance du matériel
-
Illustration : Fers,
aciers... dans Les râpes de Norge; du même Mariemont, Bascoup, Haine....
b. Le
décor urbain est aujourd'hui vu non dans son présent, mais de deux manières :
-
Comme signe d'un
passé sans projection sur l'avenir.
-
Illustration :
Regards dans Ecrasez-le de William Cliff, marque crûment l'articulation
entre le vieillissement et la petitesse. Aussi, Samain, p. 104,144.
-
Comme accouchant - et
ici on est plutôt tourné vers l'avenir - d'une "nouvelle nature", issue de
l'homme mais vivant contre lui, modestement, ainsi que l'a illustré Italo
Calvino dans Marcovaldo ou les saisons en ville
4. Espace intérieur et
expansion
L'exportation du wallon
n'a eu que peu de répercussion sur son imaginaire spatial, sinon dans un
exotisme conventionnel ou de manière fantasmatique.
En contrepartie, il y a
eu élaboration d'un "espace de dedans", selon la formule de Michaux, qui doit
être examiné en même temps que l'intimisme wallon.
(Octobre 1991)
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