La participation des
habitants à l'élaboration d'une solution
d'aménagement de leur place de village
Une étude, une expérience
Nicole
Martin
Ingénieur architecte
chercheur à l'asbl Habitat et Participation
Le futur de
la Wallonie est entre les mains de ceux qui y vivent. Elle sera,
elle est ce qu'ils en font : intervention réfléchie ou spontanée...
démarche individuelle ou collective... à petite ou à grande échelle.
Chaque habitant est un acteur de la formation-déformation de son
espace, de ses espaces de vie. Mais quelle est la part consciente
que chacun de ces habitants investit dans ces transformations ?...
Réduite, minime pour la plupart d'entre eux.
L'asbl Habitat et
Participation, consciente du rôle que tiennent ou que peuvent tenir les
différents acteurs dans l'habitat, tend à favoriser les démarches participatives
en associant les habitants trop souvent passifs à la conception, à la production
et à la gestion de leurs espaces de vie. Cette dynamique peut prendre des formes
variées telles que réflexions, recherches, accompagnements, formations,
sensibilisations, animations, tables rondes, séminaires, journées d'étude,
exposés, commentaires d'expositions, élaboration d'outils et de supports
pédagogiques d'animation, diffusion d'information, service de documentation,
visites, montages-dias, réunions de travail et d'échanges, consultances,... La
notion d'échange y occupe une place essentielle car c'est de celle-ci que naît
un enrichissement mutuel.
Eduquer les habitants
n'est pas notre propos. Il consiste à donner aux acteurs concernés et aux
habitants plus particulièrement les moyens d'exprimer leurs projets de vie en
matière d'habitat rural ou urbain; logement, aménagement de territoire,
développement rural global, environnement, noyau bâti, héritage culturel, espace
public, etc... sont touchés par ces projets.
Dans une étude analysant
la faisabilité d'un "Guide méthodologique d'aménagement des places de village"
(réalisée dans le courant de l'année 1990) l'accent a été volontairement et
conjointement placé sur l'élaboration d'un outil d'aide à la conception et sur
une double démarche intégrante et participative. Le caractère d'intégration vise
la nécessité de traiter la place de village concernée par la demande
d'aménagement en relation avec le contexte paysager, urbanistique, architectural
et socio-collectif dans lequel elle s'inscrit. Le caractère de participation
vise à élaborer des solutions d'aménagement dans un dialogue suivi avec la
population qui l'habitera pratiquement et affectivement. La participation des
habitants à l'élaboration d'une solution d'aménagement pour leur place de
village a été expérimentée lors de cette étude.
Cette triple expérience
(réalisée avec des habitants de Froidchapelle, Herbeumont et Nandrin) a permis
de découvrir à quel point la relation d'échange est fructueuse pour les diverses
parties présentes et ce, malgré les difficultés rencontrées à différents moments
du processus. Les esquisses d'aménagement de ces places sont l'aboutissement des
échanges vécus et offrent une solution d'aménagement rencontrant, dans une très
large mesure, les besoins et souhaits des habitants rencontrés tout en
respectant les valeurs "professionnelles" définies par l'auteur de
l'étude/expérience.
L'élaboration d'une
solution d'aménagement d'une place de village avec ses habitants est une
démarche enrichissante, nouvelle pour la population invitée, renouvelée pour
l'auteur de l'étude dans chaque site d'aménagement.
L'avenir de la Wallonie,
c'est aujourd'hui que nous le construisons ensemble.

L'aménagement des places
de village :
une démarche intégrante et participative
Echo d'une étude/expérience
En 1990, Habitat et
Participation a réalisé, à la demande du Ministre de la Région wallonne
compétent en matière de Rénovation rurale, E. Hismans, une étude/expérience
visant l'élaboration d'un "guide méthodologique d'aménagement des places de
village". Ce travail a associé théorie et cas d'application - tests dans le but
de définir une méthodologie pratique incluant la participation des habitants
concernés (il s'agit de la Place de Fourbechies, dans la commune de
Froidchapelle, de la Grand'Place d'Herbeumont et de la double place A. Botty et
O. Musin de Nandrin). En voici une brève présentation et un extrait portant sur
les expériences de participation des habitants à l'élaboration d'une esquisse
d'aménagement pour la place de leur village.
0. Introduction : le
contexte
La politique active de la
Région wallonne - en aménagement du territoire et en rénovation rurale notamment
- se traduit en subventions à la rénovation : urbaine, des sites d'activités
économiques désaffectés et rurale. Chaque type de subsidiation est soumis à des
procédures particulières auxquelles les communes bénéficiaires doivent se
soumettre.
Dans le cadre de la
rénovation rurale, la participation des habitants à la définition des projets
est inscrite dans la démarche officielle comme condition nécessaire et débouche
sur la constitution de la Commission locale de Rénovation rurale présidée par le
bourgmestre et composée d'habitants représentant les différents secteurs
géographiques et socio-économiques du village. L'Administration régionale
responsable du traitement des dossiers de rénovation rurale voit s'accroître les
demandes en matière de rénovation des espaces publics. Elle a souhaité disposer
d'un outil d'aide à la conception d'aménagements d'espaces publics villageois et
plus particulièrement des places de village. C'est l'objet du guide.

1. La problématique des
espaces publics
A l'intérieur de nos
noyaux d'habitat se trouvent, étroitement liés, deux types d'espaces de
caractères à la fois opposés et complémentaires : les espaces privés et les
espaces publics. Ils constituent les formes d'expression de deux besoins humains
fondamentaux : d'une part, le besoin d'avoir un "abri", un "chez soi" et,
d'autre part, le besoin de vivre en société, de nouer des relations plus ou
moins intenses avec les autres. Si l'espace privé permet - d'une manière
générale, toute théorique il est vrai - à chaque individu d'exprimer ses modes
particuliers de vie, de pensées..., l'espace public, lui, met en présence une
multiplicité d'acteurs avec des aspirations, des objectifs, des besoins, des
exigences propres souvent conflictuels et parfois même contradictoires. L'espace
public cristallise et concrétise les rapports complexes entre le formel, le
fonctionnel, le social, le technique, l'esthétique, l'usage, le symbolique, le
conçu, le vécu,...
Champ d'action des
collectivités locales, administrations communales, provinciales, régionales,
services publics, techniciens, maîtres d'oeuvre et maîtres d'ouvrage,
urbanistes, architectes, paysagistes, coloristes, sculpteurs... et d'autres
spécialistes de la (dé)formation de l'espace, l'espace public est également
soumis à des réglementations diverses ne portant que sur des fragments de
l'espace public, il en résulte souvent un morcellement, une juxtaposition de
"sous-espaces" sans assemblage cohérent.
Face à cet état de
choses, les espaces n'offrent plus qu'une image éclatée généralement dominée par
la présence de l'automobile. Les autres usages s'en trouvent diminués voire même
exclus. Heureusement, une prise de conscience de l'importance des espaces
publics en tant que supports de la vie collective fait son chemin et conduit à
une volonté d'apporter de nouvelles solutions d'aménagement. Ces nouvelles
solutions poursuivent différents objectifs dont la convivialité entre les
usagers et la réappropriation des espaces publics par ceux qui les font vivre :
les habitants.
2. La méthode
La méthode d'aménagement
suggérée dans le guide s'articule sur quelques étapes-clés :
-
l'observation de la
situation existante (ou état des lieux) : l'espace et son contexte y sont
appréhendés au travers d'une description détaillée de leurs caractéristiques
morphologiques, urbanistiques et architecturales ainsi qu'au travers d'une
reconnaissance de leurs fonctions et usages;
-
l'analyse et
l'évaluation des éléments observés ou diagnostic :
* qui dégage les éléments repères susceptibles de définir l'identité du lieu
(éléments symboliques, d'usage, d'appropriation);
* qui met en évidence les éléments d'organisation dont il faut tenir compte
pour que l'espace remplisse son rôle social (réponse aux besoins de la
collectivité concernée);
* qui précise l'aire d'interrelation de ce lieu avec d'autres et définit le
périmètre à l'intérieur duquel des actions sont à entreprendre;
-
la définition des
objectifs : options, priorités, caractère, ambiance...
-
l'élaboration de
solutions d'aménagement/affectation qui répondent aux objectifs énoncés tout
en s'appuyant sur la réalité observée et analysée;
-
la détermination de
l'option d'aménagement ou choix : ce choix est fixé sur base des solutions
esquissées. L'option retenue fait encore l'objet de variantes
d'implantations, de matériaux, de tracés, d'essences végétales, de mobilier
public... mettant en évidence l'importance de chaque élément;
-
le développement de
l'option définie ou projet qui, tant pour l'ensemble (approche intégrante)
que pour le détail, vise à affiner et renforcer le caractère d'unité du
lieu.
Cette méthodologie
s'appuie, sur deux démarches particulières : la volonté de replacer chaque
élément dans son contexte afin d'optimaliser les interrelations (approche
globalisante) et, également, la participation des habitants pour qui et avec qui
l'aménagement est défini.

3. La participation :
une dynamique particulière
3.1 Les habitants
3.1.1 Qui ?
La place du village
s'adresse à l'ensemble des habitants du village et pas seulement aux riverains.
Dans chacun des villages, des invitations "toutes boîtes" aux réunions ont été
envoyées par les soins des agents de la FRW (Fondations rurale de Wallonie),
présents sur le terrain. Les citoyens de la commune, invités à plusieurs
occasions, se sont peu ou pas manifestés. Dans certains cas, la place concerne
également d'autres groupes : personnel employé (habitant ou extérieur au village
ou à la commune), clientèle sous-régionale, touristes... Ces groupes ne furent
pas présents aux réunions.
Dans les faits, les
premières réunions ont vu se rassembler 20 à 40 personnes suivant les villages :
riverains, villageois, citoyens - "Monsieur Tout le Monde", membres de
Commissions diverses (Commission locale de Rénovation rurale, Commission
consultative communale d'aménagement du territoire, etc...), membres du Conseil
communal (majorité et opposition), représentants de la presse locale ou
sous-régionale, agents de développement de la Fondation rurale de Wallonie,
représentants de la Direction générale de l'aménagement du territoire et du
logement (section Rénovation rurale). Lors des réunions qui ont suivi, le groupe
s'est stabilisé autour de 5 à 15 personnes : riverains, membres de Commissions,
personnel et élus communaux, agents de la FRW et représentants de la Direction
générale de l'aménagement du territoire et du logement. Des nouveaux
apparaissaient d'une fois à l'autre, s'ajoutant au groupe de base.
3.1.2 Quand ? Où
?
Les réunions ont toujours
eu lieu en semaine, le soir (19h30 - 20h00) à l'exception de deux samedis
après-midi. Elles se tenaient dans des locaux communaux - école, salle de
réunion, salle du conseil, bibliothèque. La suggestion d'organiser l'une ou
l'autre réunion dans des locaux non politiquement marqués n'a pas été mise en
oeuvre. Il paraît cependant intéressant de diversifier les lieux de rencontres
avec la population car les différents locaux accessibles (salle communale,
cercle de loisir, café,...) touchent des publics variés. Des contacts avec ces
différents groupes permettent de prendre connaissance de leurs habitudes et
comportements dans l'espace public.

3.1.3 Comment ?
Chacune des réunions a
été construite sur la notion d'échange et de participation "active" :
-
échange dans la
mesure où il y avait offre et demande : offre d'information, de synthèse,
d'observation réalisée, d'illustrations, d'analyse de certaines données, de
schémas de solution, et demande d'information, de commentaires ajustés à la
situation locale (perception du vécu)... Offres et demandes émanaient aussi
bien des participants que de l'animateur formateur -"aménageur";
-
participation active
dans la mesure où les solutions se construisaient sur base d'un dialogue
entre les participants et le "gestionnaire" des réunions.
Cette participation
active des habitants pouvait prendre des formes diverses (1) :
-
expression de leur
perception du lieu sur base de la réalisation d'une "carte mentale";
-
réalisation
d'observations sur base d'une grille de lecture;
-
localisation de
repères visuels, d'activités, de "problèmes", et d'un périmètre
d'interrelation sur base d'un fond de plan cadastral;
-
échange
d'informations, de réflexions, de discussions, sur base d'un support
d'animation : un jeu de symboles graphiques ou logos qui, présentés en
relation avec le lieu concerné, suscitent des commentaires variés. Ce même
outil a été utilisé comme support à la sélection, en consensus, d'éléments
particulièrement significatifs pour le lieu traité;
-
mise à disposition de
documents privés : dias, photos, cartes postales anciennes, ouvrages
historiques, études particulières, plans...
-
définition d'enjeux
et objectifs particuliers et/ou faisant l'objet d'un consensus;
-
commentaires libres
des solutions schématiques proposées;
-
etc...
3.2. Quelques leçons
tirées de l'expérience de participation
La participation active
des habitants, telle que souhaitée dans la démarche adoptée, nécessite un
encadrement approprié de type animation - sensibilisation - (in)formation.
Associer les habitants à l'élaboration d'un aménagement pour "leur" place de
village n'est possible que moyennant le souci de mettre à leur portée quelques
outils d'observation, analyse/évaluation, en leur proposant quelques références
et/ou exemples, en leur soumettant des solutions schématiques qui sont des
supports de discussions et de commentaires.
3.2.1 Il s'agit
notamment d'établir un dialogue plus intense entre l'auteur de projet
(architecte - urbaniste, paysagiste, ...) et les habitants.
Dans le déroulement
classique, l'auteur de projet d'un aménagement d'espace public conçoit une
solution en "chambre" qu'il soumet à l'autorité gestionnaire de l'espace
concerné, autorité communale généralement. Celle-ci réagit en y demandant des
modifications éventuelles suivant différents critères, rarement urbanistiques.
La solution ainsi revue est parfois proposée aux habitants sous forme de produit
fini. La nature même de ce produit bloque, dans le chef des habitants, la
capacité de proposer d'autres solutions : ils peuvent, dans une certaine mesure,
démonter la solution en mettant en évidence les problèmes ou difficultés qu'elle
suscite en regard de leurs habitudes, de leur perception. Trop rarement ils en
feront une analyse critique - négative et positive -; plus rarement encore, ils
oseront "sortir" de la solution proposée pour en envisager une autre, dont ils
n'ont pas nécessairement une vision claire.
La participation des
habitants, telle que mise en oeuvre dans l'expérience relatée, s'est appuyée sur
la présentation de schémas (plans, perspectives, ...) de la situation existante,
des solutions projetées en mettant en évidence leurs avantages et inconvénients
respectifs, en précisant quelques principes et références,... L'esquisse de
synthèse, réalisée au terme de l'étude, reflète l'état d'avancement des
discussions et propose une solution tenant compte des informations et
discussions échangées. L'auteur de projet, sans renier certaines règles
urbanistiques énoncées au cours du processus, met sa capacité créative au
service des habitants, principaux utilisateurs, usagers de l'espace traité.
3.2.2 La
participation active des habitants a été sollicitée aux différentes étapes-clés
définies dans la méthodologie
Elle s'est appuyée sur
quelques outils d'animation. D'autres techniques d'animation existent et elles
sont nombreuses, leur choix est lié à la personnalité de l'animateur.
-
Au niveau de l'état
des lieux, il s'agit de prendre connaissance de leurs repères, de leurs
habitudes, de leurs façons de lire l'espace par le biais de la "carte
mentale" notamment. Ces documents, réalisés par les participants, sont une
source d'informations importante. La phase d'observation est également le
temps de leur faire découvrir certaines choses qu'ils ne voient plus à force
de les côtoyer. La grille d'observation leur propose de porter un regard
systématique sur différentes composantes de l'espace, d'amener à un niveau
conscient des appréciations intuitives, des lectures "aveugles". Ces outils
ne sont pas nécessairement bien accueillis car ils impliquent bien plus
qu'une simple écoute passive ou qu'un commentaire réactif. Il importe
d'annoncer clairement le but poursuivi par l'exercice et de rendre compte
des informations recueillies afin qu'ils puissent apprécier l'utilité de
tels outils.
-
Au niveau de
l'analyse/évaluation, il s'agit de prendre connaissance de leurs perceptions
de l'espace, des éléments auxquels ils sont attachés, des situations qui
posent des problèmes, des éléments incidents sur et depuis la place, dans le
vécu quotidien et dans le subconscient. Deux outils ont également été
proposés pour découvrir ces informations :
-
le premier, dit
"exercices des logos", invite les participants à réagir, en relation
avec la place, à une série de symboles graphiques de façon à leur
conférer une signification commune. Les commentaires qui accompagnent
cette définition détaillent les différentes perceptions d'un même
"objet". Ces définitions acquises, il leur est alors demandé de
sélectionner cinq logos qui leur paraissent particulièrement
significatifs de la place. Le consensus et l'élaboration de celui-ci
mettent en évidence différentes facettes d'une même préoccupation,
facettes parmi lesquelles il faut faire un choix, significatif des
priorités accordées à l'un ou à l'autre élément. Cet outil s'est révélé
être d'un grande richesse. Son caractère ludique et son support
graphique en font un outil attrayant qui estompe rapidement la
"méfiance" des habitants face à tout "exercice"; l'animateur lui-même
est moins présent et les échanges se font plus librement, entre
habitants; les informations recueillies par le biais de cet outil sont
nombreuses et variées;
-
le second, dit
"plan cadastral", est plus pragmatique : il invite les participants à
localiser, sur base d'un fond de plan cadastral et de façon
individuelle, trois éléments visuels (perçus positivement ou
négativement), trois activités (idem) et trois problèmes liés à la place
ainsi que le périmètre de celle-ci.
-
Au niveau de la
définition des objectifs, nous avons constaté une réelle difficulté à
définir et, dans un deuxième temps, à gérer les options, les priorités, les
caractères, l'ambiance, ... Les habitants lancent des idées sans souvent en
mesurer les implications et incidences. La théorie des idées et les
réalisations pratiques qui en découlent font l'objet de discours parfois
divergents.
-
Au niveau du choix,
la définition de "la" solution pose quelques difficultés : les habitants ne
mesurent pas toujours les avantages et les inconvénients des solutions
alternatives. Le rôle de l'auteur de projet est, ici aussi, de les éclairer
sur les incidences des solutions. Dans certains cas, l'adoption d'une
solution par les habitants fait référence à une image type à laquelle ils
souhaitent faire correspondre leur cadre de vie. Mais ce cliché est-il
réellement adapté à leur situation? Si ce n'est pas le cas, leur déception
risque d'être grande. L'auteur de projet, ici encore, se doit de leur ouvrir
les yeux tout en leur laissant le choix de la solution.
A partir du moment où le
choix est arrêté, le comportement des habitants est significatif de leur
intérêt, de leur attachement à la solution proposée; si celle-ci "colle" à leurs
aspirations de façon sensible, ils manifestent une certaine impatience à l'égard
de la réalisation. L'appropriation de la solution apparaît encore dans l'énergie
qu'ils peuvent dépenser pour rendre possible une solution qui, pour des raisons
financières, juridiques ou autre, rencontre au départ, des obstacles. Leur
mobilisation n'a d'égal que leur motivation. Cette capacité d'action est
directement liée à la volonté de réaliser un aménagement "concret".

3.2.3 Les outils
Chacun des différents
outils utilisés comme support d'animation et de participation permet la collecte
de commentaires, de réactions, d'informations, de façon moins dirigée que dans
un jeu de question-réponse qui se réduit souvent à répéter quelques clichés. Le
décrochage que ces outils provoquent en regard de la concertation classique est
à la fois une chance et un risque : une chance car ils suscitent des
commentaires et des comportements riches d'enseignements et un risque car
certaines personnes dérangées dans leurs habitudes et dans leur participation
passive, ne reviennent plus aux réunions.
3.3 En synthèse
3.3.1 La
participation des habitants à l'élaboration d'une solution d'aménagement pour
leurs espaces publics est une démarche particulièrement délicate mais dont
l'enjeu - l'appropriation fonctionnelle, symbolique, et affective du lieu -
offre une certaine garantie quant au vécu de l'espace conçu. Le caractère
délicat de la démarche est lié à différents aspects : lenteur, représentativité,
formation. Cette démarche est relativement lente par rapport au processus de
conception classique. Elle est faite d'une évolution progressive au fil des
rencontres, des discussions, des échanges. Le temps nécessaire à établir un
dialogue ouvert peut paraître laborieux et décourager certains habitants.
Les personnes présentes à
ces réunions d'échanges représentent une partie de la population concernée par
l'espace à aménager et réagissent en fonction de leur propre expérience. Les
"absents" devraient être contactés à un moment ou l'autre de la démarche de
façon à percevoir le consensus ou les divergences de vue. Ce contact peut
prendre des formes diverses :
-
enquête préliminaire
sur l'attachement des habitants à leur place de village. Une enquête a été
réalisée parallèlement à cette étude (2).
Les questions, posées à un échantillon statistiquement défini, tentaient de
préciser les repères d'attachement des habitants à leur place de village.
Les informations collectées ont été mises en regard de celles récoltées lors
des réunions d'échanges. Différences et convergences ont permis de
construire les solutions d'aménagement en regard des attentes, des
perceptions, des commentaires recueillis par ces deux sources;
-
diffusion des
principes des solutions dans le bulletin communal avec appel aux
commentaires;
-
présentation publique
de la solution retenue;
-
contact personnel
avec les riverains touchés par les aménagements retenus au stade de
l'esquisse ou de l'avant-projet (accord de principe) et au stade du projet
(accord de détail).
Les habitants, même les
plus intéressés, ont généralement une connaissance très limitée de la
problématique urbanistique et c'est tout à fait normal. La participation est
réelle quand la sensibilisation, l'information et la formation - l'éducation ? -
en accompagnent le processus. Mais cette éducation, à qui faut-il la confier?
Quoi qu'il en soit, si
l'auteur de projet n'est pas prêt à assurer ce rôle - pour quelque raison que ce
soit - il serait intéressant qu'il suive ces réunions soit comme observateur,
soit comme intervenant (présentation des solutions) de façon à ce qu'il
s'imprègne du climat local.

3.3.2
Les outils, décrits par ailleurs, pourraient être testés dans différentes
situations de façon à être mieux exploités. Il faudrait pouvoir répondre à
quelques questions telles que :
- quand faut-il les
proposer ?
- dans quel ordre ?
- avec quelles exigences ?
- dans quels délais ?
- faut-il, peut-on les répéter ? quand ?
3.3.3
Deux étapes sont particulièrement délicates au niveau de la participation, ce
sont les étapes de diagnostic/évaluation de la situation observée et celle de la
définition des objectifs.
Ces derniers portent
aussi bien sur des options globales (amélioration de la sécurité des usagers et
plus particulièrement des piétons, revalorisation du caractère rural,...) que
des actions particulières (remise en état d'un réverbère, d'une fontaine,...).
Les enjeux sont à définir clairement de façon à pouvoir servir de référence pour
les étapes ultérieures, sans remise en question perpétuelle des solutions
proposées.
Parmi les critères
argumentés lors des remises en question reviennent avec régularité les points
suivants :
-
comme freins :
l'impact financier, le statut juridique, l'impact économique, le caractère
récent de certains travaux remis en question, la sécurité, la facilité de
manoeuvre, ...
-
comme moteurs :
l'esthétique, le fonctionnel, la sécurité, l'impact économique, l'agrément,
...
3.3.4
Dans le cadre de l'expérience relatée, nous avons proposé aux habitants de
définir une solution à long terme de façon à optimaliser, à enrichir les
échanges. L'étude de la réalisation aux points de vue technique, juridique,
économique,... induit des phasages éventuels. Le fait de réfléchir sur le long
terme offre également l'avantage de ne pas hypothéquer l'avenir, de ne pas
rendre une solution "rêvée" irréalisable.
Notes
(1)
Outils d'animation brièvement présentés au point 3.2.2.
(2) Enquête mise au point, réalisée et traitée par SONECOM
et Habitat et Participation.

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