Description d'un modèle
d'analyse prospective
de la situation budgétaire en Communauté française
(secteur enseignement) (2/4)
Muriel Bouchet
Assistante au Groupe d'Economie
wallonne, Faculté des Sciences économiques et sociales, FUNDP
Jean-Charles Jacquemin
Professeur à la Faculté des
Sciences économiques et sociales, FUNDP
.../...
2.2. Hypothèses adoptées
Les symboles utilisés
renvoient aux graphes 1 et 2.
(A°) Tout comme
DEMOG, DEMOS opère par "glissement" à partir des classes d'âge existantes pour
déterminer l'évolution de la population et de sa structure d'âge sur l'horizon
1989-1999, en ajustant le résultat ainsi obtenu au moyen des tables de
mortalité. A titre d'illustration, considérons l'évaluation du nombre d'enfants
de 18 ans en 1996. Les données de juin 1989 dont nous disposons
(8)
indiquent que la Wallonie
(9)
compte, à cette date, 39.710 enfants de 11 ans. Par ailleurs la table de
mortalité de l'INS
(10), élaborée sur base de données de la période 1979-1982, nous apprend que
pour 100.000 naissances, il subsiste 98.384 personnes à l'âge de 11 ans, et
98.100 à 18 ans. Munis de ces chiffres, nous pouvons aisément déterminer le
nombre d'enfants de 18 ans en 1996 : il est égal à : (98.100/98.384) x 39.710 =
39.595 unités. Ce calcul est répété pour l'ensemble des années 1989 à 1999, et
couvre toutes les classes d'âge, jusqu'à 24 ans.
Mais pour être en mesure
d'appréhender l'évolution de la population de 0 à 24 ans nous devons également
connaître les taux de natalité 1989-1999. Ceux-ci sont évalués sur base des taux
observés en 1989 et de l'évolution prévue (toujours par glissements ajustés pour
la mortalité) de la population au sein des classes d'âge "génératrices", dont le
taux de contribution à la natalité est systématiquement calculé. Remarquons que
cette spécification ignore toute une série de facteurs sociologiques ou
économiques susceptibles d'influencer le taux de natalité (la fréquence des
divorces, l'évolution du degré de confort dont jouissent les ménages, le
développement des techniques contraceptives,...).
Il importe également de
noter que nos évaluations, si elles prennent en compte l'ensemble de la
population résidente (étrangers compris), n'en supposent pas moins que le solde
migratoire sera nul de 1989 à 1999. En regard des événements d'Europe centrale,
notamment, cette hypothèse paraît particulièrement hardie, ce qui explique qu'un
effort sera accompli pour intégrer ce facteur à l'analyse et pour déterminer la
structure d'âge "moyenne"
(11) des immigrants, ainsi que des émigrants.
(B°) Les taux de
fréquentation scolaire sont issus de la simple division de la population
scolaire effective (ventilée en fonction du niveau) par le nombre d'enfants
correspondant à la classe d'âge concernée. En conséquence, ce ratio rend compte
du taux de scolarisation, mais également d'un "taux de doublement" qui est
d'autant plus élevé que les doublements sont rares pour le niveau d'enseignement
situé en amont du niveau considéré, et fréquents pour ce dernier. Nous supposons
que ce taux de retard scolaire est structurellement stable, ce qui implique que
le ratio de fréquentation est supposé refléter l'évolution du seul taux de
scolarisation dont on peut affirmer sans grand risque d'erreur qu'il est
essentiellement influencé par des "facteurs lourds" opérant de façon
relativement stable à travers le temps (Cfr. l'hypothèse (C°) ).

(C°) Le "trend"
dont il est question au graphe 2 est un simple facteur d'adaptation du taux de
fréquentation observé en 1989. Il opère sur la période 1989-1999 (dont les taux
de fréquentation sont de la sorte estimés) et est déterminé à partir du taux
annuel d'accroissement observé entre 1980 et 1989 qui est à son tour fréquemment
tempéré, non sans une certaine "brutalité" à l'occasion. C'est notamment le cas
lorsque l'absence de contrainte au simple prolongement de la tendance passée
aboutit à l'apparition de taux de fréquentation manifestement excessifs au terme
de la période transitoire. Dans ce cas, nous imposons une règle de convergence
graduelle vers un plafond déterminé au préalable (1,16142 en 1999 dans le
secondaire, par exemple)
(12).
(D°) Pour rendre
compte d'un éventuel "effet de retard" dans l'adaptation du nombre d'enseignants
aux variations de la population scolaire, nous avons employé une méthode
relativement complexe qui est fondée sur le choix préalable de la forme de la
fonction de retard. Cette sélection est bien entendu réalisée sur base du
comportement passé (1984-1989) des variables concernées. Pour chaque niveau
d'enseignement, cette démarche nous livre la valeur des paramètres inclus dans
la forme générale de la fonction. Il s'agit essentiellement d'un paramètre qui
régit la pondération relative des années de retard, et de celui qui exprime
l'ampleur totale (c'est-à-dire observée sur le long terme, et non dans
l'immédiate foulée du "choc") de l'ajustement du nombre d'enseignants suite à
une variation d'1 % des effectifs étudiants.
Notre méthode
d'estimation du nombre d'enseignants à partir des fonctions repose sur le
postulat qu'à l'intérieur de chaque niveau, la fonction qui relie la population
scolaire et le nombre de charges est stable, et sur l'hypothèse selon laquelle
les révisions discrétionnaires passées en matière de normes d'encadrement (qui
conditionnent la configuration estimée des relations de retard) seront relayées
par des mesures similaires entre 1989 et 1999, dont l'incidence sur l'emploi
sera identique à ce qu'elle fut de 1984 à 1989. La prévision 1989-1999 relative
aux effectifs enseignants ne signifie donc nullement que les autorités vont
verser dans l'attentisme durant cette période, comme on pourrait le supposer à
première vue.
(E°) La
problématique du lien entre le nombre d'étudiants et les effectifs enseignants a
été abordée à deux reprises dans ce modèle. L'estimation de fonctions stables à
partir d'éléments passés (Cfr. le groupe d'hypothèses (D°) supra) constitue une
première étape dans la démarche générale visant à préciser la configuration
future du lien.
Rappelons une fois de
plus, car c'est primordial, qu'en raison de notre méthode d'estimation
l'évolution prévue des effectifs enseignants futurs intègre l'incidence de
politiques volontaristes (à venir) en matière d'encadrement, qui présenteront la
particularité d'être semblables, en terme de retombées sur l'emploi, à celles
qui furent adoptées entre 1984 et 1989 (or on peut difficilement nier que ces
années furent marquées du sceau de l'austérité).
La seconde étape est
issue de la volonté de permettre à un éventuel utilisateur du modèle d'associer
une impulsion additionnelle
(13) en matière de normes d'encadrement aux fonctions préalablement
décrites, afin de rendre compte d'un surcroît d'austérité dans les prochaines
années (ou, le cas échéant, d'une politique plus généreuse).
Cette faculté d'inflexion
exogène des taux d'encadrement a été introduite dans le modèle sous la forme de
"coefficients multiplicatifs" qui, appliqués au nombre de professeurs dérivant
de la seule confrontation de la population scolaire aux variations passées de
l'emploi enseignant, permettent d'amender cette évolution future calculée en
première instance et de calculer les nouveaux ratios d'encadrement
(14), par la même occasion.
(F°) Dans la
foulée du récent conclave gouvernemental, nous avons décidé d'intégrer au modèle
l'incidence du transfert intégral de la redevance radio-télévision à partir de
1993
(15). En outre, une nouvelle exogène, qui apparaît dans le modèle sous la
forme d'un taux d'additionnel à l'IPP modifiable à loisir, a été introduite pour
rendre compte du pouvoir fiscal que le gouvernement a concédé aux communautés en
matière d'impôt sur les personnes physiques.
Le rendement additionnel
enregistré par la Communauté française au titre de la redevance radio-télévision
a été calculé sur la base d'une estimation de l'évolution future du nombre de
téléviseurs (appareils classiques et en couleur confondus) telle qu'elle se
dégage d'une régression effectuée selon la méthode des moindres carrés
(16). Les recettes supplémentaires procurées par l'instauration de la
ristourne intégrale sont évaluées à partir du montant moyen (par appareil et
exprimé en francs) de la redevance pour l'année de base 1990, que l'utilisateur
du modèle peut soumettre à une indexation sur le niveau des prix observé au
cours des années ultérieures.
Il importe encore de
signaler que le niveau bruxellois de la redevance moyenne sera égal à 80 % de la
redevance imposée à chaque utilisateur wallon plus 20 % de la variable flamande
correspondante. En outre, 80 % des recettes totales perçues à Bruxelles au titre
de la redevance sont transférées à notre communauté, et le solde à l'entité
flamande.
Ce mécanisme implique que
toute hausse de la redevance flamande va se traduire par des recettes
supplémentaires pour la Communauté française elle-même. C'est à la lumière de ce
phénomène d'externalité que le lecteur devra interpréter certains résultats de
la dernière simulation figurant dans cet article, qui permet notamment de cerner
l'impact budgétaire du transfert intégral de la redevance.
Dans un souci de
symétrie, on peut considérer que les additionnels à l'IPP seront soumis au même
principe de répartition ce qui signifie qu'un additionnel d'1 % imposé en
Communauté française ne se traduira, pour cette dernière, que par un surcroît de
recettes "bruxelloises" égal à (0,64
(17) x 1 % x le montant des recettes I.P.P. perçues à Bruxelles).

Partie III. Illustration
du fonctionnement du modèle au moyen de simulations descriptives élémentaires
Avant de passer à
l'examen de simulations de nature normative, nous allons décrire deux
expériences de simulation plus élémentaires dans leur conception. La sélection
des exogènes sur lesquelles reposent les simulations a été guidée par la volonté
d'insister sur les variables généralement perçues comme étant déterminantes pour
l'avenir de l'enseignement francophone.
3.1. La simulation de
référence
Cette simulation a été
opérée en insufflant dans les exogènes les valeurs futures les plus plausibles.
L'évolution induite de variables-résultats comme le niveau de la dette ou les
soldes nets à financer semblent au demeurant tout à fait réalistes. Cette
constatation nous a incités à publier ces endogènes, malgré le fait que le
modèle s'accommoderait en effet fort bien d'une reformulation de certaines
hypothèses (pensons par exemple à celle qui postule l'absence d'immigration
nette dans les prochaines années, qui est déjà démentie par les faits
(18)). Par ailleurs, la robustesse des résultats sera mieux assurée après
une vérification et surtout une actualisation généralisée des données
statistiques utilisées (c'est spécialement nécessaire en ce qui concerne les
variations passées du nombre d'enseignants, qui servent de base à l'estimation
des "fonctions de retard"). Enfin, il serait préférable qu'une confrontation
plus systématique entre les soldes dégagés par la simulation d'une part, et la
réalité budgétaire effective (observée de 1989 à 1991) d'autre part, soit
effectuée.
Le compte rendu de cette
simulation de référence comprendra trois types de renseignements : tout d'abord
les exogènes adoptées, et ensuite l'évolution de variables intermédiaires aussi
cruciales que le nombre de professeurs ou d'étudiants, et enfin les résultats
budgétaires induits.
Les Exogènes
Tableau 1: Les
hypothèses macro
Taux d'inflation |
Taux d'intérêt |
Année |
taux en % |
Année |
taux en % |
1990 |
3,2 |
1990 |
9,50 |
1991 |
3,2 |
1991 |
9,50 |
1992 |
3,2 |
1992 |
9,50 |
1993 - 1999 |
3,2 |
1993-1999 |
9,50 |
Le taux de croissance
du produit régional brut (en %)
Année |
Flandre |
Bruxelles |
Wallonie |
1990 |
3,4 |
3,4 |
3,4 |
1991 |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
1992 |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
1993-1999 |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
Impôt des personnes
physiques
|
Flandre |
Bruxelles |
Wallonie |
Montant perçu en 1989
(Mia. FB) |
372,0 |
72,1 |
191,0 |
En % du total
national |
58,57 |
11,35 |
30,08 |
Elasticité par
rapport au PRB |
1,60 |
1,60 |
1,60 |

Tableau 2 :Evolution
du nombre de naissances vivantes dans les trois régions
(en unités et en pourcentage du total national)
|
Flandre |
Bruxelles |
Wallonie |
unités |
% |
unités |
% |
unités |
% |
1989 |
66881 |
55,46 |
12567 |
10,42 |
41152 |
34,12 |
1990 |
66495 |
55,44 |
12491 |
10,41 |
40964 |
34,15 |
1991 |
65794 |
55,35 |
12352 |
10,39 |
40729 |
34,26 |
1992 |
64942 |
55,24 |
12161 |
10,34 |
40462 |
34,42 |
1993 |
63924 |
55,10 |
11929 |
10,28 |
40158 |
34,62 |
1994 |
62744 |
54,93 |
11671 |
10,22 |
39806 |
34,85 |
1995 |
61475 |
54,75 |
11388 |
10,14 |
39413 |
35,11 |
1996 |
60148 |
54,57 |
11100 |
10,07 |
38971 |
35,36 |
1997 |
58807 |
54,41 |
10810 |
10,00 |
38469 |
35,59 |
1998 |
57519 |
54,27 |
10531 |
9,94 |
37935 |
35,79 |
1999 |
56325 |
54,17 |
10276 |
9,88 |
37383 |
35,95 |
Tableau 3 : Taux de
variation des traitements enseignants
Montant de base 1990 (en FB par an - traitement brut)
Niveau |
Montant |
Taux de croissance
annuel (en %) |
|
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996-1999 |
Maternel |
759700 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Primaire |
949919 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Secondaire |
1080135 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Supérieur |
1275291 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Promotion sociale |
961726 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Spécial |
929938 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
1,50 |
Tableau 4 :
Encadrement (composante exogène)
Coefficients multiplicateurs du nombre d'enseignants
Niveau |
Coefficients
multiplicateurs du nombre d'enseignants |
|
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996-1999 |
Maternel |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
Primaire |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
Secondaire |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
Supérieur |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
Promotion sociale |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
Spécial |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |
1,000 |

Tableau 5 : Variation
réelle (au delà de l'inflation) des crédits aux universités
(par étudiant) et descrédits aux "autres dépenses en matière d'enseignement"
Base 1989 (FB par étudiant pour les universités, Mia. de FB")
|
Universités |
"Autres" |
Base 1989 |
347330 |
19,53 |
Taux annuel de
croissance réelle des montants de base (en %) |
1990 |
0,0 |
2,2 |
1991 |
0,0 |
0,0 |
1992 |
0,0 |
0,0 |
1993 |
0,0 |
0,0 |
1994 |
0,0 |
0,0 |
1995 |
0,0 |
0,0 |
1996 - 1999 |
0,0 |
0,0 |
Notes
(8)
Donnée de l'INS ("études démographiques").
(9) Les chiffres relatifs à l'ensemble de la Communauté
française résultent de l'ajout, aux données wallonnes, de 80 % des chiffres
bruxellois correspondants. A propos des 80 % retenus, notons que cette part
apparaît à travers la totalité du dispositif de la LSF lorsqu'il s'agit
d'effectuer un "tri" entre les montants francophones et néerlandophones à
Bruxelles-capitale.
(10) Cfr. l'Annuaire statistique de la Belgique,
tome 109 (1989), INS , page 70.
(11) C'est-à-dire calculée sur la période 1989-1999. A
défaut de mieux, elle sera estimée à partir de la structure observée ces
dernières années.
(12) Où il importait de tenir compte de l'effet de
l'obligation scolaire portée de 14 à 18 ans.
(13) C'est-à-dire intervenant en sus des comportements
volontaristes et vraisemblablement restrictifs qui sont intégrés dans les
paramètres de ces fonctions.
(14) Définis comme le rapport entre la population scolaire
du niveau i et le nombre d'enseignants employés au sein de ce même niveau.
(15) Tandis que la part transférée se montera probablement
à 95 % en 1992.
(16) La régression la plus satisfaisante, tant du point de
vue de la qualité d'ajustement qu'en ce qui concerne l'autocorrélation de
premier ordre des résidus, est celle qui associe la dépendante "nombre de
téléviseurs" à la même variable soumise à un rang de retard (une année) et à une
deuxième indépendante qui rend compte du niveau de "bien-être". Il s'agit en
l'occurrence du PNB national exprimé en valeur constante. Cette dernière
variable figurant parmi les exogènes du modèle, l'étape suivante, à savoir la
projection du nombre de téléviseurs, est un jeu d'enfant. Un avantage
additionnel est le caractère endogène de l'estimation, qui est ajustée en
fonction du taux de croissance sélectionné. Notons que notre régression concerne
l'ensemble du pays. Nous sommes dès lors amenés à supposer que les relations
estimées sont identiques dans les deux Communautés.
(17) = 0,8 x 0,8.
(18) Cfr. les données démographiques relatives aux huit
premiers mois de cette année, publiées par l'INS.
.../...

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