Description d'un modèle
d'analyse prospective
de la situation budgétaire en Communauté française
(secteur enseignement) (1/4)
Muriel Bouchet
Assistante au Groupe d'Economie
wallonne, Faculté des Sciences économiques et sociales, FUNDP
Jean-Charles Jacquemin
Professeur à la Faculté des
Sciences économiques et sociales, FUNDP
Introduction
générale
Soulignons d'emblée que
le présent rapport va essentiellement se cantonner à la description d'un modèle
élaboré sur tableur. Nous allons démonter sa structure, souligner ses
potentialités ainsi que les limites qui lui sont inhérentes. En conséquence, il
sera nécessaire de recourir de temps à autre à un langage relativement
technique. Nous prions le lecteur de nous en excuser, mais il nous semble qu'une
extrême minutie soit particulièrement de mise lorsqu'il s'agit d'aborder un
modèle dont la structure est passablement complexe.
Le modèle que nous avons
élaboré permet de rendre compte des mutations financières qui affecteront
diverses entités décentralisées durant les dix années constitutives de la
période de transition prévue par la Loi spéciale de financement (LSF). Ces
entités, pour lesquelles des projections sont d'ores et déjà disponibles, sont
la Région wallonne et la Communauté française, cette dernière étant abordée,
notamment, dans sa composante "matières culturelles et personnalisables".
Malgré cet "éclectisme"
du modèle, l'article se contente d'étudier les développements financiers en
matière d'enseignement, ce qui ne doit néanmoins pas faire oublier que le budget
communautaire est régi par le principe de fongibilité selon lequel toute recette
de la Communauté est potentiellement disponible pour financer un besoin
quelconque, quelle que soit son origine (enseignement, matières culturelles ou
secteur social).
L'étude du seul secteur
de l'enseignement n'est cependant pas dénuée d'un intérêt propre. Par ailleurs,
des premiers calculs semblent accréditer la thèse selon laquelle le conglomérat
"hors enseignement"
(1)
du budget de la Communauté française présente un solde net nul (dans le meilleur
des cas) ce qui montre que tout projet visant à renflouer le secteur
enseignement au détriment d'autres compétences est illusoire
(2).
Autrement dit, les projections réalisées sous la contrainte de nullité du solde
net (ou du niveau d'endettement) en 1999 ne seront nullement moins restrictives
(en terme de variation induite en matière d'emploi ou de nécessité de hausse des
additionnels à l'IPP et de la redevance radio-télévision), que celles que nous
effectuons dans la quatrième partie de cet article, où seul le secteur de
l'enseignement est pris en compte.
Le rapport est constitué
de quatre parties. La première prétend mettre en relief les originalités du
modèle, tandis que la seconde s'attache avant tout à en décrire la structure.
Les deux autres parties rendent compte de diverses simulations illustratives.

Partie I. Les
spécificités du modèle
Notons d'emblée que
l'approche adoptée dans cet article se distingue des démarches mises en oeuvre
par des études similaires. Cet article va en effet particulièrement insister sur
l'estimation des besoins, s'efforçant d'en cerner les déterminants avec un
maximum d'exhaustivité. Il nous semble que la meilleure manière de mettre en
évidence l'apport propre du modèle consiste à citer les diverses hypothèses, de
nature explicite et surtout implicite, qui émaillent le processus d'élaboration
de la majorité des autres outils, et à décrire les spécifications alternatives
que nous leur substituons.
Afin que la portée exacte
de l'innovation soit pleinement perçue, nous n'hésiterons pas à décrire la
démarche qui a présidé à son élaboration, ce qui constitue d'ailleurs un utile
préliminaire à l'examen détaillé du modèle (Cfr. la seconde section).
1.1. Les hypothèses
communément employées et les alternatives avancées par le modèle
Notons tout d'abord qu'en
règle générale, les études abordées jusqu'à présent formulent les variations de
la population des moins de 18 ans, (qui affectent tant les recettes de
l'enseignement (Cfr. la LSF) que les dépenses (optique "besoins")), de façon
exogène en postulant par exemple que le nombre des 18 ans et moins va diminuer
de façon linéaire, à un taux déterminé et à travers l'intégralité de la période
transitoire.
La présente étude adopte
un autre angle de vue : l'évolution future de la population des moins de 18 ans
est "endogénéisée" grâce à l'intégration au modèle d'un module démographique qui
permet en outre d'estimer le nombre de jeunes appartenant à la catégorie d'âge
18-24 ans sur l'horizon 1989 à 1999
(3).
Une autre hypothèse
fréquemment adoptée, mais de façon implicite, consiste à considérer que la
population scolaire (tous niveaux
(4)
confondus) est directement proportionnelle au nombre d'enfants de moins de 18
ans ou, en d'autres termes, que le "taux de fréquentation scolaire"
(5)
relatif à chaque niveau d'enseignement est constant durant la période
transitoire. Soucieux de rompre avec ce postulat discutable, nous avons étudié
le comportement des ratios de fréquentation observés durant la période 1980-1989
(ou, à défaut, 1984-1989) en désagrégeant l'analyse par niveau. Les diverses
"tendances lourdes" qui s'en dégagent sont prolongées (mais dans un souci de
réalisme leur expansion est "tempérée" à plus d'une reprise) sur la période
1989-1999, ce qui permet d'estimer les taux de fréquentation futurs. La
multiplication de ces taux et de la population des moins de 18 ans nous livre
l'évolution probable des effectifs scolaires entre 1989 et 1999. Notons que la
même méthode est utilisée pour établir la correspondance entre la classe des 18
à 24 ans et la demande d'enseignement supérieur dérivée.
La seconde hypothèse
implicite, qui rend compte du lien population scolaire/nombre de charges
enseignantes à temps plein, adopte également le postulat de "proportionnalité
stricte" entre les deux grandeurs qu'elle associe. Nous avons quant à nous
procédé à une estimation heuristique des fonctions qui relient les séries
"population scolaire" et "nombre de charges", observées de 1980 à 1989 pour
chaque niveau d'enseignement. Les relations obtenues sont fondées sur une forme
générale
(6)
et sur diverses valeurs de paramètres que nous supposons immuables à travers le
temps
(7).
Cette dernière hypothèse
nous permet d'évaluer la population enseignante au moyen des fonctions estimées
sur base des données passées d'une part, et des prévisions portant sur le nombre
d'étudiants entre 1989 et 1999. A nouveau, ce calcul est effectué pour chaque
niveau d'enseignement. Il reste alors à connaître l'évolution du salaire annuel
brut par enseignant (et par niveau) pour appréhender le comportement futur de la
masse salariale.

1.2. Le financement des
universités
Comme la sous-section
précédente l'indique, notre modèle intègre l'examen de la population des 18 à 24
ans dans l'étude des besoins en matière d'enseignement. De concert avec
l'évaluation des taux de fréquentation dans le secteur universitaire, cette
particularité nous permet d'estimer l'évolution du nombre d'étudiants inscrits
dans nos universités.
Pour évaluer les crédits
budgétaires octroyés à l'enseignement universitaire dans le futur, nous
multiplions simplement le nombre d'étudiants par l'intervention budgétaire
moyenne (par étudiant) de la Communauté en 1989. Notons qu'après 1989, ce
dernier montant fait l'objet d'un double réajustement afin d'intégrer
l'incidence de l'inflation future, et du rythme de croissance réelle dont
l'institution universitaire bénéficiera (que le modèle traite comme une exogène
puisqu'elle dépend de décisions discrétionnaires, émanant des autorités
communautaires ).
1.3. L'extrême variété
des exogènes
L'une des principales
caractéristiques du modèle est son caractère extensif, ce terme faisant
référence à l'extraordinaire variété des exogènes qu'il renferme. Citons en vrac
le taux d'inflation, le taux de croissance économique, le taux d'intérêt, des
paramètres d'environnement scolaire tels que le traitement des professeurs ou
les ratios de fréquentation, le taux de natalité dans les trois régions du
pays,...
Signalons en outre que
les exogènes utilisées sont présentées d'une manière extrêmement désagrégée :
elles sont le plus souvent modulables en fonction de l'année considérée, de la
région ou de la communauté dans laquelle on les observe, ou encore du niveau
d'enseignement considéré.

Partie II. Description
détaillée du modèle financier relatif à l'enseignement
La section précédente
comportait déjà une part substantielle de description du modèle, mais elle était
uniquement axée sur ses points saillants, sur ses "spécificités" alors qu'il
s'agit désormais d'observer l'armature du modèle, et de mettre en relief les
hypothèses sur lesquelles repose cette structure.
Notre modèle a été
élaboré sur un support qui nous semble être un garant de flexibilité dans
l'utilisation et la conception de notre outil d'analyse, à savoir le tableur "Excel".
Le modèle a été construit sous la forme d'une constellation de fichiers, chacun
se voyant assigner une tâche particulière. Le degré de symbiose entre eux est
cependant tel que l'information circule de façon extrêmement fluide à travers le
modèle, de sorte qu'il réagit quasiment "en temps réel" suite à la survenance
d'une impulsion exogène, quelle que soit par ailleurs sa nature.
Compte tenu du caractère
systémique du modèle, le meilleur moyen d'étudier son fonctionnement n'est pas
de noyer le lecteur sous un flot de commentaires : une représentation graphique
est mieux à même de refléter le dédale des interrelations entre fichiers. Seuls
les commentaires associés aux hypothèses adoptées et aux sources utilisées
viendront compléter les graphes.
2.1. Le modèle
communautaire. Horizon 1989-1999
Légende relative aux deux
schémas :
FICHIER
Relatif aux fichiers
devant être simultanément ouverts pour que le modèle soit en mesure de
fonctionner.
FICHIER
Fichiers de données,
autonomes par rapport au système des "fichiers ouverts".
--------> Transmission
d'information.
Graphe 1: Schéma
général relatif aux finances communautaires
RECETTES
EXO
Variables
macro-économiques
taux d'inflation |
Taux d'intérêt |
Taux de
croissance économique dans les trois régions |
Elasticité
(recettes IPP, PNB) |
Démographie
Nombre de
naissances par région (1989-1999) |
Montant moyen
(par appareil) de base observé en 1990 en matière de redevance
radio-TV |
Niveau des
additionnels à IPP sur la période 1992-1999 (F°) |
|
DEPENSES
Traitements
enseignants : niveau de base 1990 par enseignant et par an, et taux de
croissance réelle, le tout par niveau d'enseignement. |
Crédit aux
universités : base 1990 en francs par étudiant et taux de croissance
réelle 1991-1999 |
Autres dépenses
courantes de l'éducation : base 1990 (total dépensé en milliards) et
croissance réelle par an. |
|
COMM
Montants
transférés en vertu de la loi spéciale de financement |
Montants
additionnels générés par la ristourne intégrale de la redevance radio-TV
à partir de 1993 (95 % ristournés en 1992) |
Rendement desa
dditionnels à l'IPP |
|
Masse salariale
des enseignants |
Crédit total aux
universités (en milliards de francs) |
Autres dépenses
courantes de l'éducation (montant total en millions de francs) |
|
Solde net à financer et
dette de la communuauté en matière d'enseignement
POPSCOL
Nombre d'étudiant
universitaire
DEMOG
Nombre de 18 à 24 ans
(1989 - 1999)

Graphe 2 : Schéma relatif à la masse salariale 1989 - 1999
EXO
Variables macro, dont le
taux d'inflation
Nombre de naissances dans
les trois régions
DEMOG
(A°) Evolution de
la population 0-24 ans, par classe d'âge:
0 à 2 ans
3 à 5 ans (classe susceptible d'accéder à l'enseignement maternel)
6 à 11 ans (à l'enseignement maternel)
12 à 17 ans (à l'enseignement secondaire)
18 à 24 ans (à l'universitaire et au supérieur) |
|
SCOLARI
Calcul du taux de
fréquentation scolaire (B°) observé dans le passé (1980 - 1989 ou 1985 -
1989 selon le niveau), par niveau d'enseignement
Méthode : Cfr. la
description du fichier |
|
POPSCOL
1. Examen des taux de
fréquentation (1980 - 1989) livrés par SCOLARI et, sur cette base,
estimation d'une variation annuelle (d'un "trend") 1989 - 1999 (C°) |
2. Pour chaque année
de la période 1989 - 1999 : addition du "trend" annualisé et du taux de
fréquentation calculé (ou observé, pour 1989) l'année précedente
=====> Taux de
fréquentation 1989 - 1999 |
3. Multiplication :
taux de fréquentation niveau i x population classe d'âge i
=====>
Population scolaire estimée sur l'horizon 1989 - 1999 |
MASSAL
1. Confrontation
(effectuée pour chaque niveau) des variations du nombre de charges
enseignantes observées de 1987 à 1989 (3 données) avec les fluctuations
de la population scolaire effective enregistrée entre 1980 et 1989 (ou,
à défaut, de 1985 à 1989)
=====>
Fonction reliant les variations du nombre de charges à l'évolution de la
population scolaire au sein de chaque catégorie d'enseignement |
2. Application
des fonctions sélectionnées sur la population scolaire 1989 - 1999
estimée
=====>
Evolution du nombre de charges enseignantes (1989 - 1999) en l'absence
de nouvelles mesures discrétionnaires |
3. Prise en
compte d'une éventuelle modification exogène des ratios d'encadrement
(1989 - 1999)
=====>
Evolution du nombre de charges enseignantes (E°) |
4. Multiplication
: " (sur i) salaire enseignant annuel moyen niveau i x nombre de charges
enseignantes en i
= Masse salariale
enseignante (exprimée en milliards de FB) |
|
TABLE
Détermination de la
forme de la "fonction de retard" (D°) |
EXO
Traitement brut des
enseignants, par niveau:
|
Variation exogène du
ratio d'encadrement |

Description du contenu
des feuilles "Excel"
EXO
Fichier des exogènes, pouvant être modifiées à volonté.
DEMOS
Feuille démographique permettant de prévoir l'évolution de la population
résidente (belges + étrangers) par classe d'âge (0 à 100 ans).
DEMOG
Sous-ensemble de DEMOS rendant compte de l'évolution de la population de 0 à 24
ans, uniquement, et la répartissant par cohortes d'âge.
SCOLARI
Pour chaque niveau d'enseignement, ce fichier calcule le taux de fréquentation
scolaire observé dans le passé (1980-1989 ou 1985-1989). Méthode adoptée : nous
opérons par glissements rétroactifs en utilisant une méthode similaire à celle
que DEMOS met en oeuvre (Cfr. L'hypothèse (A°) supra). Notons que les taux de
natalité employés sont les taux observés dans le passé, en lieu et place des
taux projetés pour la période 1990-1999 (= méthode DEMOS ).
POPSCOL
Estime l'évolution de la population scolaire à partir des classes d'âge et des
taux de fréquentation.
TABLE
Permet de déterminer quel type de fonction de retard est le plus à même
d'expliquer les variations observées du nombre de charges enseignantes.
MASSAL
Permet de calculer l'évolution de la masse salariale entre 1989 et 1999.
Notes
(1)
Les éléments constitutifs de ce "conglomérat" sont le budget des opérations en
capital et les dépenses de formation, ainsi que les postes relatifs aux matières
culturelles et personnalisables. Nous envisageons de les associer à une
prochaine version du modèle (l'intégration est déjà une réalité pour la dernière
catégorie de crédits citée).
(2) Les récentes déclarations du Ministre F. Guillaume et du
responsable de l'ONE, qui soulignent le caractère étriqué des budgets sociaux de
la Communauté, en attestent.
(3) Bien qu'ignorée par la loi de financement, cette classe
d'âge est également génératrice de besoins en matière d'enseignement supérieur
et universitaire.
(4) Les "niveaux" auxquels cet article fait référence de
temps à autre sont les suivants : maternel, primaire, secondaire, supérieur,
promotion sociale et spécial. L'enseignement universitaire est étudié de façon
distincte.
(5) Le "taux de fréquentation scolaire" est un amalgame
entre le taux de scolarisation et la fréquence des doublements de classe.
(6) Qui suppose que les variations du nombre d'enseignants
ne s'adaptent aux fluctuations subies par les effectifs scolaires qu'avec un
certain retard (4 rangs de retard sont introduits dans la forme générale). A
chaque rang correspond un poids différent, de sorte que le "lag" moyen induit
par la forme générale et la valeur de ses paramètres est différent de 4 ans. Nos
estimations indiquent d'ailleurs qu'il est généralement inférieur à deux ans
pour tous les niveaux.
(7) Mais en fait ces paramètres sont introduits sous forme
de constantes dans le modèle, ce qui implique qu'ils peuvent être aisément
modifiés. En conséquence, il est possible de rendre compte d'éventuelles
modifications en matière de mise en disponibilité d'enseignants, par exemple.
.../...

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