Réflexions sur les
structures économiques régionales
Henri Capron
Chargé de cours au Département
d'Economie appliquée de l'ULB (DULBEA)
L'actuel
mouvement de restructuration de l'espace européen soulève avec une
acuité particulière la question du devenir économique de la
Wallonie. Ce devenir est conditionné par sa capacité à adapter son
système productif au nouvel environnement concurrentiel mondial et à
profiter des opportunités offertes par l'achèvement du marché
intérieur.
Le développement futur
des régions européennes dépend avant tout de l'efficacité des stratégies mises
en oeuvre afin de bénéficier pleinement des effets positifs attendus par le
programme 1992. Si la dynamique de croissance enclenchée par ce programme est
susceptible de favoriser la convergence régionale, des phénomènes de
concentration industrielle et le développement des nouvelles technologies
risquent d'aggraver les disparités régionales. Jusqu'à présent, l'expérience
européenne n'a pas été favorable à la Wallonie qui pourtant bénéficiait au
départ de nombreux atouts. Dans le classement des régions européennes selon le
degré de richesse, elle ne précède que les régions grecques, portugaises,
espagnoles et irlandaises, régions les plus pauvres de la Communauté. Paradoxe
spatial, une région centrale partage avec les régions périphériques de la
Communauté les vicissitudes du mal développement. Cette situation périphérique
de la région au sein de l'espace central européen n'est pas sans susciter
quelque inquiétude quant à sa position future dans une Europe économiquement
intégrée : renforcement de la périphérisation ou nouvelle zone de croissance ?
Région aux structures
productives ravagées par la crise et un déclin industriel prolongé, la Wallonie
doit veiller à ne pas disperser ses efforts et ses ressources si elle veut
pleinement profiter de l'achèvement du marché intérieur pour assurer la
revitalisation de son économie. L'objet de cette note est d'apporter certains
éléments de réflexion en la matière. La contribution se limitera aux quatre
questions suivantes :
-
Quelles sont les
spécialisations industrielles régionales sensibles à l'impact du grand
marché ?
-
Comment a évolué
l'emploi au cours des dernières années dans les secteurs sensibles ?
-
Le développement des
activités tertiaires constitue-t-il une solution alternative à la
contraction de la base industrielle ?
-
Quelles sont
réellement les sources de la croissance régionale ?
La réponse aux deux
premières questions s'appuie sur les travaux réalisés par Buigues, Ilzkovitz et
Lebrun (1990) qui ont identifié un groupe de 40 secteurs directement concernés
par 1992. Une première lecture territoriale des enjeux sectoriels belges a été
réalisée par Capron et Hostelard (1991) auquel on renvoie le lecteur pour une
synthèse des enjeux spatiaux de l'échéance 1992.
Par souci de simplicité,
les réflexions qui suivent se limitent à une comparaison Wallonie-Flandre. Dans
la mesure où le positionnement de la Flandre correspond, pour l'essentiel, à la
moyenne européenne, les comparaisons opérées reflètent en grande partie le
positionnement wallon au sein de l'espace européen.

1. Les spécialisations
industrielles régionales
A la veille du grand
marché, il est opportun de situer à nouveau les secteurs dans lesquels la région
dégage une spécialisation relative par rapport à la moyenne européenne. Ces
spécialisations correspondent effectivement aux points forts de la région,
c'est-à-dire aux secteurs qui représentent les acquis industriels les plus
significatifs. Néanmoins, la mise en évidence d'une spécialisation spécifique
n'implique pas pour autant que cette activité économique soit fortement
développée dans la région. Ainsi, une région faiblement industrialisée dégagera
des spécialisations tout autant qu'une zone bénéficiant d'une forte
concentration industrielle.
Un tiers seulement des
secteurs sensibles correspond à des spécialisations régionales. Ces
spécialisations peuvent être décomposées en trois groupes. Un premier groupe
rassemble les secteurs qui se présentent comme une spécialisation dans les trois
régions. Ces secteurs sont à considérer comme de véritables spécialisations
nationales. Le second ensemble de secteurs regroupe les spécialisations
interrégionales, c'est-à-dire les secteurs qui se révèlent être des
spécialisations dans deux régions. Enfin, les secteurs restants correspondent à
des spécificités régionales en ce sens qu'une seule région dégage un coefficient
de spécialisation élevé dans ces secteurs. Il s'agit de spécialisations
monorégionales. Cette distinction entre les secteurs de spécialisation conduit à
s'interroger sur l'opportunité de moduler les stratégies régionales en fonction
des interdépendances régionales. Le tableau I permet de constater que les cartes
de spécialisation régionale diffèrent sensiblement selon les régions. Ainsi,
certains secteurs apparaissant comme des spécialisations belges sont loin d'être
des spécialisations wallonnes (machines agricoles, lampes, automobile, chocolat,
industrie cotonnière, bijoux). Une caractéristique importante des
spécialisations wallonnes est la présence de secteurs à forte intensité
technologique (pharmacie, matériel médico-chirurgical, aéronautique, céramiques,
verre) et de secteurs nécessitant une main-d'oeuvre qualifiée (matériel
ferroviaire, chaudières). Plusieurs de ces secteurs possèdent un fort potentiel
de croissance (pharmacie, aéronautique, matériel médico-chirurgical). Le revers
de la médaille est que de nombreuses spécialisations wallonnes correspondent à
des secteurs protégés, et sont donc particulièrement vulnérables aux mécanismes
de restructuration européenne.
Cette vulnérabilité est
renforcée par le fait que la Wallonie ne dispose que d'une base industrielle
très faible tant au niveau belge qu'au niveau européen. Il est donc vital que la
région développe une véritable stratégie industrielle basée sur une
consolidation de ses acquis et, dans les secteurs à faible spécialisation, sur
une exploitation des niches de marché dans lesquelles la région possède un
avantage comparatif. Il est également nécessaire pour la région de revitaliser
sa base industrielle dans le sens d'une plus grande diversification, ce qui la
rendrait moins sensible aux caprices conjoncturels. Revitalisation qui devrait
se fonder sur des pôles de compétitivité technologique structurants.
Enfin, on terminera en
remarquant que les spécialisations wallonnes se distinguent par un profil
atypique par rapport à la moyenne communautaire. A ce titre, la Flandre possède
un profil qui se situe, à quelques nuances près, dans la moyenne communautaire.
Tableau 1.
Spécialisations régionales
|
Wallonie |
Flandre |
Bruxelles |
Spécialisations
nationales |
Chimie de base,
Brasseries |
Chimie de base,
Brasseries |
Chimie de base,
Brasseries |
Spécialisations
inter-régionales |
Pharmacie, Matériel
médico-chirurgical, Matériel ferroviaire, Eau-limonade, Tapis, Autres
chimies |
Tapis, Autres
chimies, Chocolat, Bijoux, Photo-cinéma, Lampes, Automobiles, Habillement,
Pharmacie, Matériel médico-chirurgical, Matériel ferroviaire, Eau-limonade |
Chocolat, Bijoux,
Photo-cinéma, Lampes, Automobiles, Habillement |
Spécialisations
mono-régionales |
Verre, Matériel de
génie civil, Aéronautique, Chaudières, Céramiques, Laines |
Industrie cotonnière,
Appareils électroniques, Machines agricoles, Machines textiles |
Télécommunications,
Machines-outils |

2. L'évolution de
l'emploi industriel
Les chiffres relatifs à
l'évolution de l'emploi au cours de ces dernières années présentés au tableau II
indiquent que se sont les secteurs sensibles caractérisés par un faible degré de
spécialisation qui ont enregistré les chutes d'emplois les plus importantes.
Seule la région bruxelloise voit également son emploi fortement diminuer dans
les secteurs sensibles à forte spécialisation, mais dans une proportion
légèrement moindre que les secteurs sensibles à faible spécialisation.
En Flandre et à
Bruxelles, l'emploi dans les secteurs non sensibles évolue plus favorablement
que dans les secteurs sensibles. Par contre, en Wallonie, les secteurs non
sensibles ont vu l'emploi diminuer de manière inquiétante comparativement aux
deux autres régions.
Globalement, trois
constatations émanent à la lecture de ces chiffres :
-
Dans les secteurs
sensibles à l'achèvement du marché intérieur, les régions semblent s'engager
dans un processus de renforcement de leurs spécialisations.
-
La base industrielle
wallonne continue à s'effriter de manière alarmante dans les secteurs non
sensibles, secteurs pour lesquels on aurait pu espérer un meilleur
comportement de l'emploi.
-
Le poids des secteurs
sensibles en Wallonie est proportionnellement moins important qu'en Flandre
et à Bruxelles. Il s'écarte également de manière sensible de la moyenne de
50% observée au niveau communautaire.
Tableau 2. Croissance
de l'emploi industriel au cours de la période 1985-1989 (en %)
|
Wallonie |
Flandre |
Bruxelles |
1. Secteurs
sensibles |
|
|
|
Forte spécialisation |
-4,0 |
-0,9 |
-9,3 |
Faible spécialisation |
-15,8 |
-11,7 |
-10,4 |
2. Secteurs non
sensibles |
|
|
|
Ensemble |
-12,4 |
+6,0 |
-0,0 |
Hors sidérurgie |
-8,4 |
+6,2 |
-1,0 |
Poids des secteurs
sensibles dans l'emploi industriel
|
41,1 |
46,8 |
48,5 |

3. L'alternative
tertiaire
Les activités de services
font l'objet d'une attention croissante de la part des autorités publiques et
des acteurs économiques. Pour une région confrontée au problème du déclin
industriel, existe-t-il une réelle possibilité d'un développement autonome des
services ? Bien que, effectivement, un élargissement des bases de la croissance
soit en train de s'opérer par l'émergence de nouvelles catégories de services
dans la sphère économique, ces nouveaux services à fort potentiel de croissance
résultent, pour une grande part, d'une intégration renforcée de la relation
entre l'industrie et les services. Il s'agit d'un processus de
méta-industrialisation selon lequel les entreprises industrielles externalisent
leurs activités de services afin de se consacrer plus spécifiquement à la
production des biens. Cet accroissement des spécialisations s'explique par
l'importance de plus en plus prépondérante d'une information efficace dans nos
systèmes industriels. Ce développement du tertiaire est devenu un véritable
enjeu territorial. Théoriquement, la grande mobilité de ces réseaux
d'information devrait se traduire par une répartition équilibrée de ces
services. Mais la réalité est tout autre, ces services se développent
prioritairement dans les régions métropolitaines et les grands centres
industriels, se présentant ainsi comme une nouvelle source d'inégalité spatiale.
Nombre de ces services restent encore fortement soumis à la contrainte de
proximité. Lorsque cette contrainte joue peu, ces services se concentrent dans
les régions métropolitaines où ils peuvent bénéficier d'un environnement social
dynamique et d'économies d'agglomération.
Dans les régions
industrielles, l'existence d'une base industrielle solide représente un élément
vital pour la croissance tertiaire. "Si une politique régionale en faveur de
ce tertiaire de haut niveau est susceptible de générer des effets
multiplicateurs sur l'économie régionale, une telle politique doit être intégrée
à une politique industrielle. Il s'agit en l'occurrence d'un tertiaire "lié" aux
activités de production qui ne peut contribuer au dynamisme régional que s'il
existe un potentiel de demande à exploiter" [Capron (1991)].
Sans prétendre établir un
lien de causalité entre les évolutions de l'emploi dans l'industrie et les
services, on ne peut s'empêcher de relever à la lecture du tableau III que
l'emploi tertiaire tant en niveau qu'en taux de croissance est plus élevé en
Flandre qu'en Wallonie. Le secteur "réparation", secteur fortement lié à la
variable population, est identiquement développé dans les deux régions. Les
secteurs "services publics et enseignement" et "autres services" sont plus
importants en Wallonie. Qui plus est, le secteur public est devenu l'activité
dominante en Wallonie, supplantant ainsi l'activité industrielle.
Tableau 3. Niveau et
évolution de l'emploi salarié par région
Secteur |
Emploi
salarié/population |
Croissance de
l'emploi salarié
1985-1989 |
|
Flandre |
Wallonie |
Bruxelles |
Flandre |
Wallonie |
Bruxelles |
Industrie
manufacturière |
7,83 |
5,41 |
6,38 |
1,7 |
-12,8 |
-6,3 |
Energie et eau |
0,46 |
0,34 |
0,56 |
-32,6 |
-4,4 |
-12,7 |
Bâtiment |
1,85 |
1,58 |
1,99 |
15,4 |
7,5 |
11,4 |
Commerce |
3,46 |
2,78 |
8,37 |
18,8 |
12,1 |
7,9 |
HORECA |
0,84 |
0,55 |
1,81 |
42,0 |
31,6 |
24,6 |
Réparation |
0,36 |
0,37 |
0,53 |
16,4 |
11,4 |
-3,7 |
Transports et
communications |
2,05 |
1,28 |
3,34 |
5,7 |
2,0 |
-6,3 |
Crédit, assurance |
0,76 |
0,53 |
6,78 |
10,9 |
3,0 |
4,7 |
Services aux
entreprises et location |
1,50 |
1,22 |
5,95 |
65,8 |
73,0 |
31,9 |
Services publics et
enseignement |
5,46 |
6,47 |
14,0 |
8,9 |
2,4 |
-0,9 |
Autres services |
4,18 |
4,50 |
8,74 |
19,8 |
18,7 |
7,4 |
Total (1) |
29,37 |
25,48 |
58,42 (2) |
11,0 |
5,5 |
4,8 |
Indépendants |
7,22 |
6,77 |
6,59 |
5,7 |
6,9 |
3,9 |
Total général |
36,59 |
32,25 |
65,07 |
10,0 |
5,8 |
4,7 |
(1) Y compris
l'agriculture.
(2) Dont 28 % résultatnt de navetteurs, ce qui donne, après correction, un
rapport de 29,7.
Ainsi, dans les secteurs
relevant plus spécifiquement des services aux ménages (réparation, services
publics et enseignement et autres services
(1), la Wallonie
est au moins aussi bien dotée que la Flandre. Par contre, dans les autres
catégories de services, qui sont de nature mixte, la région souffre d'un retard
important par rapport à la Flandre. Si ce retard s'explique facilement pour
certains d'entre eux (par ex. : transports), pour d'autres, la plus grande
faiblesse de l'activité économique en région wallonne est une des sources
essentielles du retard (par ex. : crédit, assurance). A ce retard de
développement des activités de services en Wallonie s'ajoute un revenu moyen des
indépendants dans les différents types d'activités inférieur à celui obtenu par
les indépendants en Flandre. Enfin, est-il besoin de rappeler l'ampleur du
déficit structurel de la balance commerciale de la Wallonie, balance commerciale
dans laquelle les échanges de produits manufacturés sont prépondérants.

4. Les sources de la
croissance régionale
Pour terminer, il est
utile de rappeler les différentes sources de la croissance :
-
l'investissement en
capital physique et le travail, facteurs de production traditionnels, qui
sont des facteurs "permissifs" de la croissance;
-
l'investissement en
capital humain qui est un facteur "actif" de la croissance;
-
l'investissement en
capital technologique qui est également un facteur "actif" de la croissance.
Toute mesure de politique
économique qui risque d'affaiblir l'une ou l'autre de ces deux dernières
composantes peut se traduire par des conséquences désastreuses sur le processus
de croissance de long terme. L'analyse économique du progrès technique a mis en
évidence le fait que ces investissements sont sources d'avantages absolus
cumulatifs : absolus parce que source de flux asymétriques durables dans la
structure des échanges commerciaux, cumulatifs parce que la réalisation du
progrès technique est fonction des niveaux technologiques déjà atteints.
Chacun sait que la région
est confrontée au grave problème du chômage. A ceci vient se juxtaposer le
fléchissement substantiel de l'investissement au cours de ces dernières années.
Ainsi, selon les statistiques de la TVA, seulement 19 % des investissements
nationaux effectués durant les quatre dernières années l'ont été en région
wallonne contre 62 % en Flandre et 19 % à Bruxelles. Dans la mesure où ces
investissements sont représentatifs des adaptations apportées au système
productif afin de satisfaire la demande future, on ne peut s'empêcher d'être
inquiet quant à la poursuite des performances favorables observées en région
wallonne ces dernières années.
On observe également que
la région souffre d'un retard par rapport aux deux autres régions dans les
domaines de l'éducation et de la R-D. Ainsi, le nombre d'inscrits dans
l'enseignement supérieur (universitaire et non-universitaire) par rapport à la
population concernée est actuellement plus faible en Wallonie qu'en Flandre et à
Bruxelles. Malgré l'équilibre observé au niveau linguistique, le retard
éducationnel en région wallonne dans l'enseignement supérieur non universitaire
appelle de la part des pouvoirs publics des mesures spécifiques afin de stimuler
ce type d'enseignement. Au niveau micro-régional, si Liège se positionne
favorablement comme l'indique le tableau IV, le Hainaut manifeste un retard
important en la matière. Ainsi, le Hainaut semble cumuler les désavantages :
effritement de la base industrielle et niveaux de formation et de qualification
sensiblement inférieurs à la moyenne nationale.
En matière de R-D, la
situation en Wallonie suscite également quelque préoccupation comme l'illustre
le tableau V. En 1988, sa part dans la R-D industrielle nationale était de 22 %
contre 59,5 % pour la Flandre. Néanmoins, un élément positif est l'évolution
favorable de cette catégorie d'investissements en Wallonie au cours de ces
dernières années. En effet, en 1984, la part wallonne n'était que de 20,8 %.
Dans ce domaine également, on pourrait s'interroger sur le positionnement de la
province du Hainaut.
Tableau 4. Effectifs
de l'enseignement supérieur par provinces (1988-1989) (1)
Provinces
classe d'âge 18-24
ans |
% des étudiants du
3ème dégré par
rapport à la tranche
d'âge concernée |
dont université |
Anvers |
23,7 |
8,4 |
Brabant |
28,1 |
12,1 |
Hainaut |
15,6 |
7,1 |
Liège |
21,7 |
8,6 |
Limbourg |
16,3 |
6,2 |
Luxembourg |
15,0 |
8,3 |
Namur |
16,8 |
9,5 |
Flandre orientale |
22,5 |
8,7 |
Flandre occidentale |
15,8 |
7,6 |
Flandre (hors Brabant
flamand) |
20,3 |
7,9 |
Wallonie (hors
Brabant wallon) |
17,8 (2) |
8,0 |
Régime néerlandopdone |
21,2 |
8,5 |
Régime francophone |
21,4 (2) (3) |
9,4 |
Royaume |
21,3 |
8,8 |
(1) Y compris les
étudiants étrangers pour le supérieur non-universitaire. Répartition selon le
lieu de domicil légal pour le supérieur universitaire.
(2) Ces chiffres sont surévalués suite à la concentration des étudiants
étrangers du supérieur non-universitaire en Communauté française.
(3) Pour la Région bruxelloise, on suppose que 20 % de la tranche d'âge
concernée relève de la Communauté flamande

Tableau 5. Répartition
régionale des investissements en R&D indstrielle
|
Wallonie |
Flandre |
Bruxelles |
1983 |
23,9 |
56,5 |
19,6 |
1984 |
20,8 |
59,0 |
20,2 |
1988 |
22,0 |
59,5 |
18,5 |
Néanmoins, au plan
européen, la Wallonie se positionne de manière nettement plus favorable dans le
domaine de l'éducation que sur le plan économique. En matière de R&D, le
diagnostic est quelque peu plus nuancé. En effet, la concentration des activités
de R&D dans les régions métropolitaines se traduit par des disparités
extrêmement importantes au niveau européen. Une conséquence en est que la
Wallonie parvient à supplanter dans la hiérarchie régionale plusieurs régions
qui lui sont par ailleurs supérieures en termes de richesse. Par rapport à un
niveau communautaire moyen de 100, la Wallonie se situe à l'indice 67 en matière
de R&D industrielle et à l'indice 83 en termes de richesse, la Flandre à
l'indice 101 dans les deux cas et Bruxelles aux indices 286 et 154
respectivement (2).
Bien que des aménagements
considérables de nature plus qualitative que quantitative soient nécessaires
dans les domaines de l'éducation et de la R&D
(3) , il est
permis d'affirmer que la région affiche des performances économiques en totale
contradiction avec son potentiel réel de croissance. Conclusion naturelle d'une
telle observation : la Wallonie souffre de graves déficiences dans la
valorisation de son capital humain et de son capital technologique.
A cet égard, la CEE
souligne dans son dernier rapport périodique que, "pour profiter des
possibilités offertes par l'achèvement du marché intérieur, les régions de
tradition industrielle doivent innover et diversifier leurs activités.
Toutefois, la prédominance fréquente d'une mentalité conservatrice et
introvertie rend la concrétisation de nouvelles idées plus lente. Les ressources
disponibles pour l'investissement et les capacités de recherche et développement
technologiques ont souvent tendance à être utilisées de manière timorée et
l'enseignement demeure inadapté aux besoins de l'industrie et des services
modernes, au même titre que la formation" [CEE (1991)].

Conclusion
L'avenir économique de la
Wallonie est intrinsèquement lié à sa capacité d'opérer une restructuration en
profondeur de la région. La seule restructuration économique risque d'être
inopérante. La région a autant besoin d'innovations sociales que d'innovations
technologiques. Les procédures traditionnelles et institutionnelles de
stabilisation des activités productives, les relations de travail et les
pratiques administratives et politiques ont fortement inhibé l'esprit
d'entreprise et d'expérimentation en région wallonne. Les nouveaux ensembles
industriels qui font leur apparition ne peuvent s'accommoder de structures
sociales figées.
La région doit également
redécouvrir son tissu industriel local, ses PME, et ne pas miser outre mesure
sur d'hypothétiques investissements étrangers. Il est urgent de mettre en oeuvre
une réelle stratégie de développement endogène dans laquelle les autorités
publiques régionales et locales joueraient un rôle-clé de coordination et
d'incitation et entretiendraient avec les entreprises et les travailleurs des
relations de partenariat libérées des carcans institutionnel, politique et
administratif. Cette stratégie ne saurait être efficace sans la participation
active de l'enseignement et de la recherche, qui, rappelons-le, représentent les
véritables moteurs de la croissance.
Sur l'autel de
l'austérité, toute mesure portant atteinte à la qualité de l'enseignement et de
la recherche reviendrait à détruire les sources mêmes de la croissance.
(Octobre 1991)
Notes et références
CAPRON H., L'impératif
d'une stratégie industrielle, Wallonie, 1991, n° 13, p. 21-30.
CAPRON H., HOSTELARD S., Perspectives d'intégration régionale au marché
intérieur,
Cahiers économiques de Bruxelles, 3ème trimestre 1991, n° 131, , p.
274-304.
BUIGUES P., ILZKOVITZ F., LEBRUN, J.-F. L'impact sectoriel du marché
intérieur sur l'industrie : les enjeux pour les Etats membres, Economie
Européenne - Europe sociale, Commission des Communautés européennes,
numéro spécial, 1990.
Commission des Communautés européennes, Les régions dans les années 90,
Quatrième rapport périodique sur la situation et l'évolution socio-économiques
des régions de la Communauté, Bruxelles, 1991.
(1)
Il s'agit là surtout de services sociaux, services à la collectivité et services
personnels.
(2) A titre de comparaison, en France l'indice pour la R&D
industrielle est de 348 pour l'Ile-de-France et de 67 pour l'ensemble des autres
régions. Les indices du niveau de richesse par habitant sont respectivement de
166 et 97.
(3) Quoique la R&D publique devrait être également plus
soutenue quantitativement, notamment la recherche universitaire dont le manque
flagrant de moyens et l'instabilité croissante nuisent de plus en plus à
l'efficacité.

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