Conférence - Consensus La Wallonie au Futur Namur - 1994 Où en est
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Lapproche
économique Lapproche sociologique Synthèse du troisième débat |
Les membres du panel des citoyens retiennent, de lapproche sociologique qui leur a été présentée, un véritable recueil de carences mettant en évidence des effets pervers, des flous artistiques, des problèmes sans solution. Ainsi, on sinterroge sur la division du secondaire en cycle, sur lallongement des études secondaire, le taux élevé de chômage des jeunes, la définition des objectifs.
Bernard Delvaux redéfinit la notion dobjectif comme étant ce qui permet de voir dans quel sens la totalité du système doit aller et qui répond à toutes les questions pratiques, pragmatiques. Si l'école seule poursuit cet objectif, il est évident quelle est perdante. L'objectif de l'école doit sintégrer parmi ceux qui sont défendus par dautres macro-institutions de la société. Quand on a lancé un projet de démocratisation de l'enseignement dans l'immédiat après-guerre, on essayait aussi de faire de la démocratie économique, c'est-à-dire de permettre au travailleur de participer à la gestion de l'entreprise; quelques années plus tard, on a essayé de dire la messe autrement qu'en latin, de faire en sorte que le commandement à l'armée y soit fait avec des ordres compréhensifs. Lobjectif global est donc d'installer la démocratie dans toutes les instances où l'homme rencontre le social : l'école peut sans aucun problème servir cet objectif et le faire bien. Malheureusement, à lheure actuelle, plutôt que de définir avec soin ses propres objectifs, chaque société tente de sajuster sur ceux de ses voisins, ce qui napporte rien de constructif. A partir du moment où la société ne sait plus dans quel sens elle doit aller, l'enseignement le sait encore moins. Il faut impérativement tenir compte de la situation réelle de la société à moyen terme afin de ne pas sengager dans une politique déducation qui conduirait de toute manière les jeunes diplômés vers le chômage.
De son côté, Jean-Emile Charlier constate que la production dinformations de pilotage à partir de la récolte dindicateurs ne peut que creuser davantage le fossé existant entre les enseignants qui seront à même de les utiliser et ceux qui nen seront pas capables. Dautre part, étant donné la complexité du contexte social qui est le nôtre, il est impossible darriver à un consensus sur les objectifs parce que nous navons pas les moyens - politiques, économiques et culturels - de nous loffrir. Il faut donc construire des indicateurs et les diffuser, mais il nest pas possible de présenter cette démarche comme une victoire.
De même, Anne Van Haecht oppose la situation en France, où une réflexion intense analyse les politiques déducation depuis une dizaine dannées - ce débat didées nourri par les chercheurs aboutissant à des résultats - à la situation que nous vivons chez nous, cest-à-dire une épouvantable lacune au niveau de la politique scolaire. Chaque société doit donc élaborer sa propre politique en fonction de sa culture et de sa structure éducative.
Dans cette perspective, Claude Thélot suggère détablir des passerelles entre le monde éducatif et le ministère de lEducation. Il faut arriver à faire émerger des objectifs, bien que ce soit difficile, parce que ces objectifs vont tirer le système éducatif. Le Directeur français de lEvaluation et de la Prospective a mesuré les lacunes au niveau de la maîtrise de la lecture et le Ministre français de lEducation nationale en a isolé un objectif général portant sur la réduction significative de cette lacune chez les jeunes adolescents. Il faut conserver des objectifs généraux, des diplômes nationaux et prendre soin de valoriser, sur le marché du travail, les différentes formations offertes par le système éducatif.
Quant au chômage des jeunes, il nest pas directement imputable au système éducatif, mais celui-ci ne peut pourtant pas sen dire irresponsable. Les causes externes - principalement économiques - quun pays ne parvient pas à maîtriser totalement ne peuvent empêcher dorganiser le sas indispensable entre le sens de lécole et celui de la vie de la société.
Les chercheurs mettent peut-être trop laccent sur les effets pervers. La diffusion dinformations, au travers de lévaluation et dune meilleure maîtrise collective, provoque souvent des prises de conscience qui permettent de progresser. Il faut savoir prendre le risque et corriger ensuite, sil y a lieu, les effets pervers. Il vaut mieux travailler sur des objectifs susceptibles de produire des effets pervers plutôt que de ne pas avoir dobjectifs du tout. La construction de la société est à ce prix.
Confirmant ce dernier point, Gilbert de Landsheere estime que, dans la mesure où les solutions parfaites et indiscutables nexistent pas, il faut avoir le courage de limperfection. Nous vivons sur des paris en ignorance sereine de la globalité de la nature du phénomène. Il est impossible denvisager une décision en tenant compte de la totalité des interactions possibles. Nous devons avancer malgré tout, en toute modestie, en fonction de ce constat. Supprimer la boussole de léducation équivaut à tuer les enfants car, à partir du moment où une famille naccepte pas dopter pour certaines règles, valeurs ou lignes de conduites, lenfant est complètement perdu. Il en va de même pour lenseignement.
Nous entrons dans une nouvelle tranche de civilisation qui est la civilisation de lintelligence. Ceux qui en sont conscients installent rapidement le pilotage : le sort et l'espoir d'un jeune sont en danger sil ne s'assume pas au maximum des chances qu'on doit lui donner pour s'insérer dans cette civilisation. Nous sommes toujours en train de chercher l'équation d'une société, d'une civilisation qui existe et dun jeune qu'il faut y insérer en lui permettant de le faire dans les meilleures conditions.
(Mars 1994)
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Page mise à jour le 23-08-2004 |
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