Aider à tracer ces
sentiers qui réuniront des villages, à forger les liens d'une
véritable communauté humaine
Bernard
ANSELME
Ministre-Président de
l'Exécutif de la Région wallonne
De
Standaard, 3 octobre 1987: "Het Waalse "réveil""
La Nouvelle Gazette,
19 octobre 1987: "Enfin ça bouge!"
Ces deux titres de presse
- parmi tant d'autres - suffisent à frapper les esprits sceptiques de ceux qui
s'interrogeraient sur la pertinence de la démarche entamée par l'Institut Jules
Destrée, depuis fin 1986, et sur l'événement qu'a constitué le Congrès "La
Wallonie au Futur" des 17 et 18 octobre 1987. Ceux qui y ont participé ont voulu
que soit défini un nouveau paradigme, un nouveau modèle de société, pour notre
région.
Comme Ministre-Président
de la Région wallonne qui se plaît régulièrement à souligner la nécessité
absolue pour les Wallons de prendre en charge directement les intérêts des
Wallons et de relayer leurs aspirations au plus haut niveau du pouvoir
politique, je ne peux qu'approuver cette initiative et saluer un tel projet! Il
démontre que, progressivement mais avec vigueur, les Wallons ont retrouvé une
confiance en eux.
Bien qu'élaborés avant et
juste après le Congrès, les textes, contributions pour les ateliers, rapports et
carrefours, conservent aujourd'hui, dans leur grande majorité toute la
pertinence et la rigueur qui les caractérisaient lors de leur écriture. Par
l'ampleur de la dynamique qui s'est mise en place et se poursuit, par la finesse
de la réflexion, la diversité philosophique et géographique de ses participants,
ce congrès n'a pas eu de précédent dans notre histoire. Il démontre la capacité
des clercs à éclairer les gestionnaires politiques, en portant, avec toute leur
indépendance d'esprit et la richesse de leur diversité, un regard aigu sur
l'horizon.
L'analyse menée est déjà
opératoire. Ainsi, ce congrès a montré, pour reprendre les lignes de forces
dégagées par le Professeur Michel Quévit, Rapporteur général, l'interactivité
des différentes dimensions de la vie en société: le projet économique de la
Wallonie est indissociable de ses projets technologique, scientifique, culturel,
éducatif et institutionnel.
Au-delà de ce constat,
élaboré bien avant la nouvelle vague de réformes de l'Etat, le Rapporteur
général, relayant la totalité des congressistes, en appelle à un renversement de
tendance dans l'approche de notre projet de société en répondant mieux aux
besoins qualitatifs de la population wallonne.

Il faut, dit-il,
Vastes projets qu'il
faudra affiner mais, d'ores et déjà, ce congrès constitue un cadre de référence
obligé pour toute politique à mener en Wallonie, grâce à la capacité qu'il a
démontrée d'appréhender l'ensemble des problèmes qui se posent à notre société.
Les pistes lancées par le
Comité scientifique, composé des responsables d'ateliers et de carrefours, lors
des réunions assurant le suivi, méritent notre attention particulière.
Définissant les priorités
d'actions pour l'échéance 1992-93, les collaborateurs de l'Institut Jules
Destrée prennent la mesure des enjeux. C'est ainsi qu'en matière de devenir
économique, ils appellent de leur voeux la "construction d'une véritable
synergie entre l'activité des entreprises et les stratégies de l'autorité
publique". Qui pourrait nier que c'est la voie à suivre? Que c'est là que doit
s'articuler le développement des technologies et de la recherche? Que l'avenir
de l'enseignement et de la formation détermineront notre capacité de créer
demain et donc de survivre, comme société?
D'autres transformations
devront accompagner nos choix fondamentaux: fixer des modalités de
réalisation d'un partage du temps de travail et de nouvelles règles du jeu entre
les acteurs sociaux est indispensable, ainsi que d'achever de dégager la
Wallonie des structures centralistes belges et d'assurer son insertion directe
dans la Communauté européenne.
Comment? Dans quel cadre
politique et social? Avec quelles contraintes internes et quelles obligations
extérieures?
Il faudra répondre.
Coordonner une réflexion
plus spécifique en termes d'action est le nouveau défi qui attend l'Institut
Jules Destrée... Il lui faut relancer la démarche intelligente et pluraliste
qu'il a portée. Il faut que, à nouveau, ce soit un peuple tout entier qui, à
travers ses forces vives, marque sa volonté de bâtir son avenir.
Quant au savant et à
l'artiste, il leur faudra, comme le souhaitait déjà Robert Oppenheimer,
poursuivre leur tâche. "Leur mission même, disait-il, est d'harmoniser
le nouveau et le familier, de trouver la synthèse du révolutionnaire et du
traditionnel, d'ordonner partiellement le chaos. Par leur travail et par leur
vie, ils peuvent s'aider eux-mêmes et aider les autres hommes à tracer ces
sentiers qui réuniront les villages, à forger les liens d'une véritable
communauté humaine."
Michel Quévit et Jean-Pol
Demacq rejoignent le physicien américain lorsqu'ils posent la question
essentielle: "la Wallonie est-elle capable de se forger une identité autour d'un
projet novateur?"
Résolument, à mon tour,
je réponds: "oui!"

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