Valeurs culturelles et
rationalité économique
Joseph
Henrotte
Conseiller au Conseil
économique et social de la Région wallonne
Secrétaire général adjoint du "Grand Liège"
Point de
départ :
Toutes les cultures ne
sont pas également adaptées au développement économique tel qu'il se fait
aujourd'hui. Cela se voit dans le tiers monde, cela se voit aussi dans les pays
développés. Symétriquement, tous les types de développement économique ne sont
pas également capables de favoriser l'épanouissement culturel et moral des
peuples.
Description :
Les modèles culturels et
les échelles de valeurs d'une société ont un impact sur le comportement y
compris économique des individus. Dans certains cas, ils entrent en conflit avec
les exigences de l'efficacité économique. Ils ont un impact direct sur, par
exemple, la façon de concevoir son intérêt personnel par rapport à celui
d'autrui, individus et collectivités, et se traduit par des comportement
différents à l'égard de problèmes comme l'honnêteté, l'argent, la famille, etc.
Chacun connaît des Wallons qui, à la belle époque, ont refusé une promotion pour
ne pas devoir déménager ou des heures supplémentaires pour s'occuper de leurs
pigeons; certains déclarent leurs revenus par civisme, d'autres ne le font pas
en fonction d'une autre conception, etc.

La rationalité économique
devient de plus en plus uniforme et imposée mondialement aux comportements de
chacun. Elle pénètre aussi de plus en plus de domaines de la vie quotidienne des
gens et laisse une place de plus en plus réduite à la liberté de choix dans les
comportements économiques.
Ayant ainsi posé le
problème, j'espère pouvoir développer quelques exemples dans le cadre de la
réalité wallonne actuelle et passée, poussant même parfois l'ambition jusqu'à
tenter une analyse historique. Je m'acheminerai ainsi vers quelques conclusions
portant sur les points suivants :
1. Souligner l'intérêt à
long terme, pour la société et pour l'économie elle-même, de maintenir des
différenciations culturelles au niveau international. La prétention de
l'économie d'être un facteur d'uniformisation et de contrôle des comportements
est abusive.
2. Certaines technologies
nouvelles, utilisées dans ce sens, peuvent rendre cet objectif plus plausible
aujourd'hui qu'hier, dans la mesure où les progrès de productivité sont moins
liés que dans le passé à la grande dimension. Ce dernier argument toutefois
n'est que partiellement vrai et, en particulier, l'évolution actuelle des
fonctions tertiaires présente à cet égard des problèmes cruciaux.
3. Face à la rationalité
économique, les cultures nationales ne sont pas sans moyens d'action : elles
peuvent dans une certaine mesure valoriser leurs différences sur le marché et,
si elles le veulent, défendre leur droit à la différence par des interventions
judicieuses d'organismes d'intérêt collectif. Nous entrons ici dans le domaine
des liens étroits entre l'économie et la politique, c'est-à-dire le pouvoir.
Chaque Etat exerce un pouvoir économique plus ou moins grand suivant sa taille
et l'importance des intérêts économiques qui le composent et le gouvernent. Si
le marché a ses lois, elles sont en grande partie le fruit de rapports de force
politiques et elles sont loin d'être les mêmes pour tout le monde. La Wallonie
se trouve à cet égard dans une position difficile du fait du caractère
plurinational de l'état belge et de la vigueur politique du nationalisme flamand
majoritaire.

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