Un exemple de liaison
art-industrie : le Grand-Hornu
Claude
Durieux
Président du
Grand-Hornu-Images
Il aura sans
doute fallu attendre que la crise actuelle s'approfondisse pour que
la question de l'interaction Développement
économique / Développement culturel soit sérieusement posée.
Sérieusement posée,
c'est-à-dire non pas dans les termes réducteurs de ceux qui pensent que les
gouvernants ont tout à gagner à faire aujourd'hui un effort dans le domaine
culturel, ne serait-ce que pour faire diversion, pour masquer ou compenser les
échecs des politiques économiques. Non, il ne s'agit pas de faire de la culture
et du développement culturel un quelconque prolongement de la politique sociale,
un moyen d'adoucir les conséquences de la crise.
Poser sérieusement la
question du développement culturel aujourd'hui, c'est surtout s'interroger sur
les opportunités que celui-ci ouvre pour les sociétés occidentales et leurs
économies en crise.
Pour beaucoup, la
convergence entre enjeux culturels et enjeux industriels devient de plus en plus
évidente dans un certain nombre de secteurs de l'économie. C'est en particulier
le cas de ce que l'on appelle déjà les industrielle d'images et de frictions.
Grâce aux satellites et
aux réseaux câblés (et la Wallonie n'est pas démunie en cette matière), nous
disposerons bientôt de très importantes capacités de communications. Cela ouvre
incontestablement des débouchés considérables car il faudra produire les
contenus correspondant à ces nouvelles capacités. On peut donc raisonnablement
s'attendre à un nouveau souffle important pour les industries de logiciels, de
synthèses informatisées d'images et pour les technologies nouvelles de la
communication en général. Et dans ces domaines, il faudra saisir toutes les
possibilités de création et d'expression que ces nouvelles technologies peuvent
apporter.
Cependant, les enjeux
culturels ne peuvent être circonscrits au seul secteur de la communication. Ils
peuvent être le ressort d'une renaissance économique plus généralisée.
La culture est en effet
en train de basculer lentement du secteur non marchand et improductif
(économiquement) vers le secteur marchand. Plusieurs activités et manifestations
culturelles et paraculturelles sont déjà une composante essentielle de
l'activité économique, que l'on songe par exemple aux retombées économiques et
financières pour une ville et une région de manifestations telles que le
Festival d'Avignon, le Festival de Cannes, la Biennale de Venise, etc.

Dans un contexte de
recherche de sorties de crise, l'action culturelle s'affirme comme une des
dimensions du développement au même titre que l'action sociale, éducative ou
d'aménagement. Et il fait peu de doute que celle-ci s'amoindrisse à l'avenir si,
comme plusieurs économistes le pensent, la répartition du temps entre travail et
loisirs se fait au profit des ces derniers.
La question de la culture
- et des arts - comme élément des stratégies de développement économique d'une
région se trouve ainsi posée. Le vieux débat sur les rapports devant exister
entre le "Créateur", le " Prince" (le pouvoir politique) et le "Mécène"
(l'entreprise) trouve aussi une nouvelle actualité. Peut-il, oui ou non, exister
des convergences entre le monde économique (les entreprises industrielles,
financières et commerciales), les pouvoirs publics et le monde artistique et
culturel ? Celles-ci peuvent-elles se situer clairement dans le cadre d'une
stratégie de développement local ou régional ? Ces convergences sur les enjeux
du développement peuvent-elles dépasser le simple "mécénat" ou "sponsoring",
fut-il le plus spectaculaire ?
Un effort "sur le
terrain" et une tentative de réponse à ces questions fondamentales sont menés
par l'équipe de l'association sans but lucratif "Grand-Hournu-Images" qui a son
siège sur le site prestigieux du Grand-Hornu.
Dans ce haut lieu de
l'archéologie industrielle, à l'endroit où jadis on exploitait la houille,
Grand-Hornu-Images développe des activités qui s'inscrivent dans ce qu'il est
convenu d'appeler aujourd'hui les industries culturelles.
Soutenue par des subsides
publics mais s'efforçant de rallier les "sponsors" à ses initiatives,
Grand-Hornu-Images s'est ainsi lancée dans :
- l'édition :
l'association a publié divers ouvrages, consacrés notamment à l'écrivain Marcel
Moreau, à la société paysanne et à la société industrielle, aux gloires du chant
en Hainaut. Elle a produit également des logiciels destinés à l'enseignement
assisté par ordinateur, un long playing, une musicassette et divers documents à
vocation touristique.
- la coproduction : travaillant étroitement avec les créateurs du Hainaut,
Grand-Hornu-Images a co-produit un certain nombre de spectacles et
manifestations correspondant à ses propres aspirations (spectacles de théâtre,
grande fête transfrontalière de la musique, etc.).

Dans ses projets à court
terme, l'association a inscrit :
- la création d'une
mémoire sonore et visuelle vivante
Le but est de rassembler,
en excluant toute démarche passéiste, une sélection significative de
témoignages, de photos et de documents filmés, télévisés et radiophoniques. Il
s'agit également de revaloriser des archives non exploitées, sinon oubliées, en
collaboration avec la RTBF.
Il s'agit encore de
susciter une "mémoire du futur", axée sur toutes les recherches actuelles dans
les domaines du son et de l'image. Dans cet ordre d'idées, Grand-Hornu-Images
est à la source de la conception d'une série télévisée partie d'une idée de
Maurice Culot, Directeur des Archives d'Architecture Moderne et Attaché à
l'Institut français d'architecture. Le thème en est "Villes et Jardins de
l'Industrie". Notre compatriote Jean-Marie de Busscher, auteur du scénario, se
propose d'y mêler documentaire pur, documentaire d'art et fiction afin d'amener
le grand public à la découverte des sites de l'archéologie industrielle de chez
nous, du Nord-Pas-de-Calais et de la Ruhr.
- l'encouragement à la
création
L'avenir d'une région ne
passe-t-il pas par la culture considérée comme moteur économique ? Cette
question du chroniqueur de Nord-Eclair
illustre bien notre propos à Grand-Hornu-Images, celui de lier la culture et
l'art à l'industrie et aux techniques actuelles, de manière à fermenter et à
stimuler les talents créatifs. Dans le courant du stylisme, du design, de
l'esthétique et de la création industrielles, nous souhaitons promouvoir une
culture technique et donner à des jeunes de la région la possibilité de s'y
réaliser. C'est dans ce sens que Grand-Hornu-Images lancera avec d'autres
partenaires une bourse de la création ayant pour but l'attribution de prix, non
pas symboliques mais bien destinés à insérer la création dans un créneau et un
processus industriels. De la création à la commercialisation en passant par la
réalisation du prototype... Sur cette lancée également, une fête de la Mode
en Musique devrait nous réunir afin de tester la vigueur du stylisme
aujourd'hui. La Communauté française et la Région Nord-Pas-de-Calais s'apprêtent
à sceller cette fête dans un accord de bonnes relations internationales.
S'il fallait donner un
exemple de la crédibilité dont jouit Grand-Hornu-Images, terminons en disant que
l'association est dans l'attente de sa reconnaissance comme Centre Culturel
Européen de Rencontre. Choisis sur base de critères rigoureux, les centres
repris dans cet ensemble développent, tous, des projets contemporains dans des
sites historiques ou industriels privés de leur fonction initiale mais
renaissant par la culture.

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