Le musée de l'an 2000,
dialogue entre les arts et les technologies
Chantal
LEMAL-MENGEOT
Conservateur des musées
communaux musée des Beaux-Arts de Charleroi
SYNTHESE
1. Introduction
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Qu'a-t-on demandé au
musée jusqu'à ce jour?
-
Quelle fonction pour
le musée aujourd'hui?
-
Quelle fonction pour
le musée demain?
2. Les nouvelles
fonctions du musée en l'an 2000
2.1. Une nouvelle
fonction pédagogique: le musée peut-il devenir un centre d'éducation par
ordinateur? Le sera-t-il en l'an 2000?
2.2. Une nouvelle
fonction culturelle, où par le biais de l'ordinateur, plusieurs formes de
participation seront proposées au visiteur.
2.3. Une nouvelle
fonction sociologique, appelant des questionnements:
2.4. Une nouvelle
fonction politique et économique ou le rôle du musée de l'an 2000 dans la
compréhension mutuelle des peuples et la collaboration internationale des pays.

NOTE DE SYNTHESE
1. Introduction
-
Qu'a-t-on demandé au
musée jusqu'à ce jour?
-
Quelle fonction pour
le musée aujourd'hui?
-
Quelle fonction pour
le musée demain?
Hier, le musée devait
répondre à une vocation de collecte et de conservation des oeuvres d'art. Il
avait donc à jouer, un rôle exclusivement passif, où le visiteur venait se
replonger dans un passé sur lequel il ne pouvait que méditer. Ce que nous
appelions "Temple de l'art" était réservé à une élite intellectuelle.
Aujourd'hui, le musée
prend une nouvelle orientation en même temps que se dessine une tendance à la
démocratisation. De nos jours, le musée devient un lieu vivant de rencontres et
d'échanges, un centre dynamique de recherches et d'exploitations, un catalyseur
culturel. Si le musée touche aujourd'hui un public de plus en plus large, c'est
principalement parce qu'il répond aux besoins de formation, d'information et de
divertissement de la société moderne.
Demain, le musée nous
apparaîtra comme bien plus accessible encore qu'il ne le fut jusqu'à présent, et
ouvert à un bien plus large public. Les musées de l'an 2000 seront en effet
appelés aux abords du XXIe siècle, à remplir de nouvelles fonctions afin de
s'adapter aux demandes du nouveau public auquel ils s'adressent et aux
bouleversements profonds d'une société en pleine mutation. On peut envisager que
le musée de demain réponde à une double vocation:
1.1. Dans un musée
traditionnel, seront regroupées les oeuvres faisant référence aux origines et
aux développements historiques de la société.
1.2. Dans un musée de
conception nouvelle, toutes les technologies modernes seront mises à disposition
des visiteurs accentuant l'importance de la participation active du consultant.
Cette double vocation,
facilitera la transition entre le passé et le présent, et permettra peut-être de
mieux maîtriser l'avenir. Un impact nouveau peut découler de la confrontation
d'une civilisation ancienne et d'une technologie de pointe.

2. Les musées seront
amenés à revêtir demain de nouvelles fonctions, qui se manifesteront à
différents niveaux:
2.1. Une nouvelle
fonction pédagogique
Un autre concept de l'art
pour un art conceptuel.
Actuellement déjà, plus encore demain, les musées offriront à leur public des
programmes élaborés, basés sur la pratique de l'informatique.
Les programmes proposés
visent:
-
d'une part, à
familiariser les enfants avec les sciences et les technologies qui
commencent à se développer aujourd'hui, et dont le monde de l'an 2000 sera
fait;
-
d'autre part, à se
familiariser avec les arts, par le biais de ces technologies modernes. Par
des relations interactives, la machine offre à l'utilisateur, de nombreuses
possibilités telles que:
-
voir le résultat
de ses décisions
-
résoudre ses
problèmes
-
simuler des
situations réelles
-
dessiner une
oeuvre d'art, créer une composition musicale, etc...
En plus de ce dialogue,
l'ordinateur exerce sur l'utilisateur, une sorte de fascination et par
conséquent, développe et stimule le désir d'apprendre.
Le musée peut-il devenir
un centre d'éducation par ordinateur? Le sera-t-il en l'an 2000?
Actuellement déjà, en
Amérique, des musées utilisent l'ordinateur dans certains domaines bien précis,
apportant un complément d'information et permettant au visiteur, d'explorer les
secteurs d'activité qui leur sont offerts. Ces musées, qui ne se contentent plus
d'un rôle passif, sont devenus, à l'inverse de ce qu'ils furent longtemps, des
pôles de développement culturel et de créativité. Ils ont attiré des milliers de
personnes qui autrement, n'auraient jamais eu l'occasion d'entrer en contact,
d'une part avec les ordinateurs, d'autre part avec les musées et les oeuvres
d'art.
2.2. Une nouvelle
fonction culturelle
-
L'ordinateur
-
L'holographie
Une nouvelle fonction
culturelle sera assurée par un dialogue avec les ordinateurs d'où apparaîtra
l'importance de l'interactivité, principale qualité de l'ordinateur par rapport
aux autres technologies. Grâce à l'ordinateur, le visiteur participe de façon
active, soit à la création de l'artiste, soit aux motivations de celui-ci, quant
au choix des matières, des volumes, des techniques, etc... Il peut interférer
lorsqu'il le souhaite. En abordant plusieurs formes de participation, le
visiteur sera à la fois concerné par le contenu artistique (appel à ses
connaissances et références), par le contexte historique (appel à la mémoire
collective), et par le contenu social (appel au dialogue avec le groupe).
A côté de l'ordinateur,
l'holographie, parmi les procédés les plus modernes, permettra, dans un délai
rapproché, d'élargir la connaissance et l'accès aux collections des musées.
Grâce aux multiples fonctions de l'holographie, le musée s'ouvrira sur un espace
culturel plus large. Un nouveau public sera attiré par l'utilisation d'un
procédé qui opère la synthèse de la science et de la culture.

2.3. Une nouvelle
fonction sociologique
Dans la société
hyperfonctionnelle de demain, la création artistique n'échappera pas à l'emprise
de la machine. En effet, un nouvel espace sociologique s'établira entre
l'artiste et son oeuvre. L'artiste, transformé, voire même déformé par le
matériel nouveau qui suscite sa convoitise, déformé également par les impératifs
d'une clientèle exigeante, sera amené à renoncer à tout dessin où subsisterait
encore la trace de la main du créateur.
Est-ce la fin du mythe du
progrès en art sur le plan social? Quelles traces laissera encore le passage de
l'artiste?
Ces questions, nos
prédécesseurs se les sont déjà posées lorsqu'à l'aube du XXème siècle,
l'introduction de l'automatisation dans l'industrie provoqua le même choc
psychologique et le même sentiment de déshumanisation d'une société. Cependant,
le progrès technologique se poursuit, écrasant les hommes au passage et semant
sur sa route cette terrible alternative: se reconvertir ou disparaître. Face à
cette constatation, une question se pose: "Y a-t-il adéquation entre social et
technologique ?". Or, pour les artistes, c'est le social qui l'emporte. On le
sait, l'art est un baromètre de la vie sociale et l'artiste respire son époque.
Parviendra-t-il, dans ces conditions, à surnager dans ce raz-de-marée
technologique?
Souhaitons que, dans
cette société dominée par le microprocesseur, l'art puisse prendre une nouvelle
valeur et acquérir une dimension d'évasion. Double évasion, qui permettra un
retour au passé en même temps qu'une ouverture plus grande vers la création.
2.4. Une nouvelle
fonction économique et politique
L'introduction des
technologies de pointe dans tous les pays, et notamment celle de l'ordinateur
risque de provoquer, dans quelques années, une modification des échanges
internationaux en matière artistique. Actuellement, l'entrée de l'ordinateur
dans les services culturels, est inégalement répartie. Si bien que, dans les
pays industrialisés, comme dans les pays en voie de développement, le fossé se
creuse entre les groupes minoritaires défavorisés et les couches moyennes et
supérieures de la population. Mais au XXIème siècle, la généralisation de
l'ordinateur, entraînera une démocratisation de sa fonction éducative et il
deviendra un instrument de réduction des inégalités dans l'éducation. Il
permettra d'établir une passerelle culturelle entre les groupes sociaux, en même
temps qu'entre les cultures de pays différents. Les musées, détenteurs du
contenu culturel d'un pays, pourraient, partout dans le monde, mettre en place
et dispenser une éducation par ordinateur, culturellement appropriée.
L'élargissement des
services rendus par l'ordinateur, favoriserait l'établissement de liens plus
étroits entre les pays de cultures profondément différentes. La technologie
venant au secours des musées et de la culture, répondrait à la réalisation
d'objectifs nationaux, à savoir, favoriser la paix par le biais d'échanges
culturels générateurs de meilleurs rapports, puisque basés sur une meilleure
connaissance mutuelle. Les musées contribueraient également à réduire le fossé
qui ne cesse de s'approfondir entre les pays technologiquement avancés et les
pays moins développés. Compréhension mutuelle et collaboration internationale
pourraient se voir consolidées par le biais de ces institutions, répondant ainsi
à l'un des objectifs majeurs de nos dirigeants en ce qui concerne la politique
et l'économie.
(Octobre 1987)

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