Trois expériences
tournaisiennes dans le domaine culturel
Norbert
GADENNE
Président de la Maison de la
Culture de Tournai
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Création assistée par
ordinateur dans le "textile design".
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Développement d'un
secteur de production vidéo, en annexe à une télévision locale et
communautaire.
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Une expérience
originale en matière dialectale (picard), dans une maison de la culture.
Il y a quelques années
encore, on ne parlait pratiquement qu'au passé de Tournai, tant l'importance de
son patrimoine artistique et architectural avait pour effet de reléguer l'action
culturelle qui pouvait s'y développer, au rang de la vie associative locale,
sans grand rayonnement extérieur. Seule la poésie faisait exception, sous
l'impulsion d'Unimuse, une association de poètes.
C'est tellement vrai que
les manifestations de diffusion artistique, comme les grandes expositions d'art
de portée nationale voire internationale qui s'y déroulaient régulièrement à
l'initiative du Hainaut, n'avaient pour objectif que la mise en valeur sinon
l'exaltation du patrimoine artistique tournaisien.
Aujourd'hui, si le
patrimoine tournaisien est toujours considéré comme une valeur sûre du Hainaut
et de Wallonie, il faut bien convenir qu'on parle de plus en plus de Tournai au
présent, c'est-à-dire au travers de l'action culturelle de divers organismes
locaux, tels la maison de la culture, la fondation de la tapisserie ou encore No
Télé, trois agents "activistes" culturels, dont la renommée dépasse les
frontières de notre Communauté française de Belgique, si on en juge par la
provenance de ceux qui en font, aujourd'hui, le pélerinage et d'autant qu'elles
servent volontiers de référence à la politique et aux réalisations de notre
Communauté, vis-à-vis de l'étranger.
Notre intention n'est pas
de faire l'apologie du renouveau culturel tournaisien, pas plus que celui des
organismes qui le provoquent, mais plus simplement de les situer dans leur
contexte local, et d'en tirer trois expériences en cours qui sont dues à leur
initiative, parce qu'elles nous paraissent s'inscrire dans le droit fil des
orientations proposées par l'Institut Jules Destrée, pour son prochain colloque.

La première expérience se
développe actuellement au sein de la Fondation de la tapisserie, des arts du
tissu et des arts muraux de la Communauté française de Belgique, dont le siège
est à Tournai.
La fondation est un des
centres d'art contemporain spécialisé de notre Communauté. Ses objectifs en font
à la fois un organisme de diffusion, d'animation et de formation.
Elle est surtout connue
par ses grandes expositions de tapisseries contemporaines, mais elle a aussi à
son actif, toute une série d'activités comme la promotion d'ateliers de
production, d'un atelier de restauration, l'organisation d'un centre de
documentation sur l'histoire des arts textiles et muraux dans la Communauté,
etc...
Elle est enfin le premier
organisme du genre à avoir créé un centre de recherche et d'expérimentation en
art textile. Il s'adresse à des jeunes ayant terminé leurs études dans les
écoles supérieures des beaux-arts de la Communauté. Ces jeunes ont la
possibilité, sur présentation d'un projet admis, d'entreprendre une recherche
durant 9 mois, dans un des ateliers du centre.
Le centre comprend
actuellement trois ateliers, selon les orientations qui ont été retenues
jusqu'ici, à savoir:
C'est dans ce dernier
atelier que la recherche de création de tissus avec assistance d'ordinateur a
été engagée. Elle a été la première fois réalisée en usine; elle sera poursuivie
et élargie dans le cadre du centre.
Il est aujourd'hui admis
que l'expression textile n'appelle pas l'intervention de l'ordinateur que comme
moyen d'automation de la production industrielle, mais également comme moyen de
conception et d'exploration. Le logiciel de création de tissus a permis de
gagner du temps d'abord, de développer les capacités créatives de l'utilisateur,
ensuite. Dans l'impression, on a vu apparaître des motifs propres à l'image
créée par l'informatique. Il reste à concevoir dans la création de tissus, des
structures neuves qui porteraient des images formées sur l'écran. Le système de
création assistée par ordinateur va ainsi mettre au service d'une technique
ancestrale, un outil actuel.
La Maison de la Culture
de Tournai a lancé, il y a maintenant dix ans, une expérience de télévision
locale et communautaire qui a pris nom de "No Télé".
Si la télévision locale
de Tournai n'est pas la première née de nos TVCL de Wallonie, c'est la seule qui
le soit dans une Maison de la Culture, et c'est surtout celle qui sert de
référence le plus souvent à la Communauté française, aussi bien à l'intérieur du
pays qu'à l'étranger, parce qu'elle est reconnue comme l'une des expériences les
mieux réussies en TVCL. Son dossier de presse est probablement le plus
impressionnant des TVCL wallonnes. Elle n'en a pas moins connu les moments
difficiles vécus par nos TVCL, et plus particulièrement ceux de leur combat
récent, pour l'existence, mais c'est là une autre histoire.

C'est également la TVCL
la plus visitée. On y vient de tous les coins d'Europe, d'Afrique francophone et
de Louisianne aussi bien que du Québec. Ce sont certainement les délégations
françaises qui sont les plus nombreuses, parce que nombreuses sont les
municipalités qui veulent créer une télévision locale.
Pour "No Télé" cependant,
comme pour les autres, la nécessité fait loi. Il lui a fallu pour se développer
trouver des ressources autres que les subventions publiques ou la publicité.
C'est pourquoi, elle a entrepris la production de vidéogrames à usages divers
tels clips publicitaires, cartes de visite d'entreprise et bien d'autres
réalisations à la demande.
C'est à ce prix que non
seulement elle s'est maintenue en vitesse de croisière, mais qu'elle a gagné
d'abord, et ensuite, consolidé l'emploi. Aujourd'hui, plus de 50% de son budget
est constitué par des ressources propres. Pour se maintenir à son niveau actuel
et progresser dans le domaine de la télévision locale, "No Télé" est condamnée à
continuer à produire et à trouver de nouveaux créneaux de production.
La troisième expérience
se situe encore à la Maison de la Culture, mais elle se situe dans un domaine
tout à fait différent. La Maison de la Culture de Tournai est la seule qui se
soit préoccupée de dialecte. Sans aucun doute, par nécessité, parce que si des
efforts sont faits pour l'étude ou la promotion du wallon, si le wallon entre
dans les préoccupations de l'université, il n'en est pas de même du picard qui
est cependant parlé dans toute une partie du Hainaut.
La création de la section
dialectale a été la réponse apportée par la Maison de la Culture à ce besoin,
d'autant qu'elle ajoutait au dialecte les traditions locales. Dans le cas du
dialecte picard, l'opération ainsi menée était fondamentale. Il s'agissait
pratiquement d'agir sans l'appui de personne, pour entreprendre une véritable
action de sauvetage d'une langue, de son vocabulaire, de ses expressions comme
de sa grammaire.
Son but premier était de
mettre à la disposition des auteurs, tous les éléments de la langue qui allaient
leur permettre une écriture plus correcte parce que ressourcée. C'est à quoi a
tendu la rédaction d'un glossaire et celle des principales règles de grammaire.
Parallèlement à ces
travaux de recherche et à ces publications, l'accent fut mis sur la
vulgarisation du patois, au travers d'animations de groupes et à usage des
enfants. Dans la foulée fut diffusée une brochure "No patois in chinquante
épisotes" qui est un ouvrage de vulgarisation. A cela, il faut ajouter les
concours pour favoriser la production de pièces de théâtre, de poésie et de
chansons qui réunirent des centaines de participants venant de tous les coins de
la "Grande Picardie".
Si on devait juger les
résultats du travail de la section dialectale, au nombre de prix obtenus dans
les dernières années, par les auteurs et littérateurs picards (grand prix de la
chanson wallonne, prix du Hainaut, de la Ville de Namur, prix Charles Plisnier,
etc...), on pourrait considérer qu'ils ont au moins permis la révélation de
nombreux talents. Mais il s'agit dans cette affaire, moins de lauriers que de
persévérance dans l'effort, en faveur d'une oeuvre de longue haleine.
Il est agréable de
constater que sur le plan du picard, la section dialectale de la Maison de la
Culture de Tournai est devenue un pôle de rayonnement en grande Picardie.
(Octobre 1987)

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