Quelle formation pour
nos jeunes?
Thérèse VAN
DER STRAETEN
Présidente de la Fédération
régionale Charleroi-Thuin de la Confédération nationale des Associations
de Parents (CNAP)
Quelle
formation pour nos jeunes? Tel est le thème que la Confédération
nationale des Associations de Parents a choisi de traiter à titre de
contribution à ce congrès de l'Institut Jules Destrée: Travail -
Technologie - Culture, la Société wallonne, vers l'an 2000.
1. Pour une éducation
aux valeurs
La crise de société que
nous connaissons aujourd'hui n'est pas seulement une récession économique. C'est
aussi une crise morale, une période de mutation sociale où certaines valeurs
sont remises en question (la facilité, le confort, la production, la
consommation jusqu'au gaspillage) et où d'autres sont en train d'émerger (le
sens de l'effort, l'économie d'énergie, le respect de l'environnement,
l'écologie,...).
Pour les associations de
parents des écoles chrétiennes, l'éducation se doit de proposer de nouvelles
valeurs aux jeunes et parmi celles-ci: le dialogue, le partage, la solidarité,
l'engagement au service des autres, le respect d'autrui dans sa différence et la
créativité.

2. Pour une école de la
réussite
Face aux nombreux échecs
et redoublements qui caractérisent notre système scolaire - plus de 30% d'élèves
retardés en fin de cycle primaire et 60% d'élèves retardés en fin de secondaire,
sans compter tous ceux qui n'atteindront jamais ce niveau et qui quittent
l'enseignement parfois sans aucune qualification réelle - il importe de
développer une véritable pédagogie de la réussite.
Dans ce but, la CNAP
souhaite notamment:
2.1. La mise en oeuvre
dans chaque école d'un climat éducatif positif dans lequel chaque élève est
accueilli, reconnu, encouragé et valorisé, avec sa culture d'origine, ses
compétences et ses faiblesses;
2.2. La prévention des
échecs par l'observation et la guidance continue, la détection à temps des
difficultés et la mise en oeuvre de techniques et d'outils de remédiation, de
rattrapage et de réorientation;
2.3. La prise en compte
des différentes formes d'intelligence, de méthodes d'approche du savoir et du
savoir-faire, de rythmes d'apprentissage et de capacités de travail des élèves;
2.4. L'acceptation de
l'élève tel qu'il est, avec son vécu, sa culture, ses besoins, ses intérêts,
sans perdre de vue les objectifs de formation qui doivent être clairement
définis et annoncés aux élèves et à leurs parents;
2.5. Les recours plus
fréquents aux méthodes actives et inductives: pédagogie du projet, contrat de
travail, classe-atelier, travaux dirigés, travaux par groupes, fiches de travail
individualisées, centres de documentation, ainsi qu'aux différentes formes
d'entraide entre élèves: enseignement mutuel, tutorat, parrainage,...;
2.6. L'utilisation de
techniques scientifiques d'évaluation: évaluation globale, collégiale et
continue, alternant les moments d'évaluation formative et les moments de
certification;
2.7. Le travail en
équipes des enseignants, la coordination pédagogique, la collaboration avec les
centres PMS, les services sociaux,... et les parents;
2.8. La création d'outils
et de techniques d'individualisation des apprentissages par la recherche
pédagogique et leur mise en pratique par la formation initiale et continuée des
enseignants;
2.9. L'extension des
rénovations de l'enseignement fondamental et de l'enseignement professionnel;
2.10. L'amélioration de
la liaison entre les différents niveaux d'enseignement: maternel, primaire,
secondaire et supérieur.
Cette liste n'est pas
limitative. Elle démontre simplement que la lutte contre les redoublements est
possible, ... pour peu que l'on veuille en prendre les moyens.
La quasi totalité des
moyens proposés ici pourraient être mis en application sans qu'il en coûte un
centime à l'Etat. Et cela pourrait améliorer beaucoup l'efficacité et la
démocratisation de l'enseignement, lesquelles se renforceraient davantage encore
si l'on accordait des aides particulières en personnel et en équipement
didactique aux écoles qui recrutent leur population dans les milieux
désavantagés et qui présentent un projet pédagogique de lutte contre l'échec.

3. Pour une préparation
à la vie active
Pour préparer les jeunes
à la vie active, la formation de la personnalité et les qualités humaines ont
plus d'importance que le diplôme. Un caractère bien formé donnera des atouts
majeurs dans la vie.
C'est pourquoi l'école
doit développer: le désir d'apprendre, la conscience professionnelle,
l'initiative, le sens des responsabilités, l'aptitude aux relations humaines, la
confiance en soi, l'ouverture d'esprit, le goût de l'effort, la solidarité,
l'aptitude au travail en équipe, la créativité et le sens de l'organisation.
Elle doit donner une
formation polyvalente qui renforce la capacité d'adaptation et l'ouverture aux
évolutions, ainsi que la capacité d'analyse des phénomènes économiques, sociaux
et politiques.
Les parents attendent de
l'école qu'elle apprenne aux élèves à se découvrir eux-mêmes dans le choix de
leurs activités, afin de pouvoir s'orienter judicieusement dans les différentes
voies d'études. Cette orientation doit aussi être éclairée en améliorant
l'information sur les études et les professions, ainsi que par une concertation
régulière entre les enseignants, les Centres PMS, les jeunes et leurs parents.
L'école doit aussi
s'ouvrir au monde extérieur en intégrant la participation des parents, en
adaptant ses programmes et son équipement didactique à la vie réelle. Ceci se
réalisera notamment en accordant une plus large place au développement des
capacités d'expression et de communication, aux langues étrangères et aux
nouvelles technologies, aux stages et aux travaux pratiques.
L'enseignement technique
et professionnel doit donner aux adolescents l'occasion pratique de connaître un
métier en organisant des activités en relation étroite avec le monde du travail.
Mais les parents en attendent qu'il intègre aussi dans la formation des jeunes
toutes les dimensions de la personne humaine et de la vie économique, sociale et
culturelle.
Enfin, parce que les
loisirs sont appelés à prendre plus de place dans la vie et afin de contribuer
au développement intégral des jeunes, l'école se doit de les préparer aussi à
l'utilisation positive des loisirs et des moyens de communication. A cet effet,
elle veillera à exercer leur sens critique et leur capacité de jugement, en
particulier à l'égard de la télévision.
Elle développera
davantage dans ses horaires et ses programmes, l'initiation aux sports, à la
littérature et aux travaux manuels, à la musique, au théâtre, au cinéma et aux
techniques audiovisuelles.
Préparer à la vie active,
c'est enfin et peut-être avant tout se demander pour quelle vie et pour quelle
société préparer les jeunes. Est-ce pour la société duale où une minorité de
personnes - les mandarins du 21ème siècle - monopoliseront l'avoir, le savoir et
le pouvoir tandis que la majorité sera plongée dans de nouveaux analphabétismes
et devra se contenter d'un "salaire minimum garanti" lui assurant un minimum
vital en nourriture et en consommation de loisirs plus ou moins bêtifiants ?
Ou bien est-ce pour une
société où le progrès technologique sera mis au service prioritaire des plus
pauvres, en vue de réduire les inégalités sociales, de créer un monde plus
solidaire, plus humain, plus fraternel, dans lequel le partage du travail et des
richesses ainsi que l'accroissement du temps libre seront mis à profit pour
l'éducation permanente de tous ?
(Octobre 1987)

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