Enseignement secondaire:
formation de base des citoyens de l'an 2000
Lucienne
GOSSART
Licenciée en Sciences
pédagogiques (ULB)
Certificat d'aptitude aux fonctions de psycho-technicien
Conseiller d'appropriation professionnelle
Directrice du Centre éducatif communal secondaire et supérieur non
universitaire de Charleroi
Tout
récemment encore, c'est l'enseignement primaire qui a assuré la
formation de base de la plupart des hommes du XXe siècle. Mais on se
rend aisément compte, actuellement, que l'enseignement secondaire
devient le point de départ de la formation du citoyen du début du
troisième millénaire. D'ailleurs, le législateur n'a-t-il pas fixé,
en date du 29 janvier 1983, la prolongation de l'obligation scolaire
jusqu'à 18 ans?
Mais comment concevoir
l'enseignement secondaire pour qu'il réponde vraiment à sa mission de formation
du citoyen de l'an 2000? C'est-à-dire, en réalité, comment éduquer les
adolescents âgés en moyenne de + ou - 13 ans lors de cette rentrée scolaire 1987
- 1988? Pour répondre à cette question pressante il faut projeter sa pensée vers
ce que sera la vie dès l'aube du XXIe siècle.
Grâce à de nombreux travaux d'ordres scientifique, technologique et sociologique
parus à ce jour, on peut imaginer la façon de vivre de nos jeunes gens et jeunes
filles qui devront, avant tout, se frayer un chemin dans une jungle tissée
d'informatique, de robotique, de bureautique, de microélectronique, de
télématique, de biotechnique, etc, etc. Quelles sont les qualités dont ils
devront faire preuve pour survivre et dominer ce développement exponentiel des
hautes technologies, sans oublier la structure et les rouages d'une société
qu'on leur souhaite encore, malgré tout, de type démocratique?
Ces aptitudes foisonnent,
et ce, en vrac et sans préséance:
-
créativité,
-
adaptabilité et
esprit de recherche,
-
sens critique,
-
disponibilité,
-
efficacité et
productivité,
-
orientation vers la
rationalisation et la rentabilité,
-
habitude du dialogue
et de la participation,
-
goût de l'entreprise,
-
aptitude à la
gestion,
-
aisance dans la
communication,
-
ouverture à la
"culture" technique et humaine.
En partant de cette
simple énumération, quelle vaste tâche pour les enseignants du Secondaire! Fort
heureusement, la loi cadre du 19 juillet 1971 relative à la structure générale
et à l'organisation de l'enseignement secondaire, permet "les évolutions" et
"les adaptations" aux nécessités du "temps", c'est-à-dire en bref, aux
changements technologiques et aux mutations sociales.
Le rôle de l'enseignement
secondaire devient, avant tout, prépondérant dans la structuration de la
personnalité. Personnalité des futurs étudiants de l'enseignement supérieur
peut-être, mais aussi et surtout personnalité de tous ceux qui n'iront pas
au-delà de ce niveau d'enseignement et qui devront, de toute façon, faire face à
des perfectionnements, des recyclages, des reconversions tout au long de leur
vie professionnelle, familiale et sociale.
Cet enseignement
secondaire doit faire la part de l'information et de la formation.
L'information, c'est-à-dire, grosso modo, la mise en place de programmes
d'études, et la formation qui, elle, dépendra surtout des méthodes et des
attitudes pédagogiques adoptées par l'Ecole.
Question complexe que
celle des programmes d'études! Il est aisé de dire et d'écrire qu'ils doivent
être adaptés aux nécessités du moment. Mais en pratique, quel travail
d'actualisation constant, notamment pour les professeurs de l'enseignement
technique ou professionnel. Dans ces deux formes d'enseignement on peut
considérer qu'un programme établi doit être revu tous les quatre ou cinq ans, si
l'on veut suivre de près (et c'est indispensable) l'évolution des sciences et
des techniques. De plus, pour être représentatifs, ils doivent être élaborés en
groupes composés d'inspecteurs, de chefs d'établissement, de professeurs et de
représentants du monde des sciences, de l'industrie, du commerce, voire même de
l'artisanat, selon les matières étudiées. Et la coordination n'est pas simple
car si les spécialistes étrangers à l'enseignement pensent avant tout au
rendement et à la qualification, les pédagogues, eux, ne peuvent sacrifier la
valeur fondamentale à la formation humaine surtout au niveau de l'enseignement
secondaire qui se situe à l'âge de l'adolescence.

De plus, l'enseignement,
pour être rentable, doit être décloisonné, c'est-à-dire, qu'il doit exister des
interférences entre les programmes d'une même année, voire d'un même degré
d'études. Et que les professeurs de tous les cours, quels qu'ils soient doivent
travailler en commun, si possible, à partir de problèmes effectifs. Sans cette
coordination dans l'approche des problèmes réels, on retombe dans un
enseignement "scolaire" au sens péjoratif du terme. Enseignement qui est alors
vivement critiqué dans les milieux du travail, et ce, à juste titre.
Si les programmes ont
beaucoup d'importance dans la formation, ce qui importe le plus, (nous l'avons
dit plus haut), ce sont les méthodes et les attitudes du corps enseignant face à
la personnalité des élèves qu'il faut découvrir et développer. Et c'est là le
plus grand impact de l'Ecole.
-
Méthodologie réaliste
permettant ultérieurement de s'adapter aux nécessités économiques certes,
mais aussi aux mutations politico-sociales.
-
Développement de la
capacité de se documenter mais aussi de critiquer l'information reçue, de
l'exploiter intelligemment et de la communiquer aux autres.
-
Capacité de
créativité devant les situations nouvelles et, esprit de collaboration dans
toutes les activités auxquelles il faut faire face.
-
Possibilités de choix
en toute liberté et valeur essentielle des relations humaines.
-
Stratégie pensée dans
le sens du "devenir" assurant, par la réflexion personnelle, l'initiation à
la gestion des problèmes les plus divers.
Pour terminer cette
nomenclature, il faut aussi ajouter, que dans une telle optique de l'éducation,
les élèves doivent être orientés en fonction des réussites et des aptitudes et
non des échecs et que les élites potentielles doivent être découvertes dans les
différents domaines, que ce soit à caractère général ou technique.
On parle parfois avec
inquiétude de la suppression du caractère exclusif de l'école, voire même de la
démotivation scolaire. C'est au personnel enseignant de comprendre et d'agir en
sorte que l'école joue son véritable rôle en apprenant, par une pédagogie
appropriée ce que l'on peut traduire par l'expression: "gérer l'imprévisible".
(Octobre 1987)

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