La voie sans issue du
bilinguisme
Raymond
DUBUISSON
Ex-rédacteur en chef de "Forces
wallonnes".
L'oeuvre
maudite se poursuit lentement, par degrés, sans brusque éclat, avec
la patiente opiniâtreté qu'ils apportent en leurs conquêtes. On y
distingue trois étapes: d'abord le flamand se glisse insidieusement,
humblement, auprès du français. Il ne s'agit que d'une traduction;
qui pourrait refuser ce service fraternel à nos frères? Puis, un
jour, le flamand s'affirme en maître; il revendique la première
place qu'il appelle l'égalité; le français n'est plus que toléré.
Enfin, le français sans cesse anémié, diminué, proscrit (...) Tout
traduire est leur rêve; puis la contrainte administrative nous
imposera ce bilinguisme inutile et vexant. Jeux puérils, pourrait-on
croire. Non pas. D'abord le ridicule ne tue pas en Belgique. On s'y
habitue facilement. On rit, on plaisante, on s'indigne, mais la
contradiction reste. Le flamand ne recule jamais. Il a la douce
obstination têtue du fanatisme.
Jules DESTREE, Lettre
au Roi, 1912.
A la rentrée scolaire de
septembre 1986, le ministre Damseaux, suivant les directives politiques des
présidents des partis au pouvoir en Wallonie, a supprimé d'autorité tout libre
choix des langues étrangères enseignées.
Il a imposé le
néerlandais pour tous les enfants wallons dès la cinquième primaire. Dans le
secondaire, pour éviter tout choix entre le néerlandais et l'anglais, il a fait
débuter simultanément l'étude de ces deux langues dès la première année. Cela
contre l'avis de tous les spécialistes. Quelques mois après, face à une
véritable catastrophe pédagogique, les élèves mélangeant allègrement structure,
syntaxe, vocabulaire des deux langues, M. Damseaux décidait de supprimer une des
deux langues dès septembre 1987. Il supprimait... l'anglais pour ne laisser
subsister que le seul néerlandais! Le rêve flamingant enfin réalisé! M. Damseaux
a été démissionné. Le nouveau ministre a annoncé le retour à une certaine
liberté de choix. Fort illusoire d'ailleurs car elle est réduite à néant à la
base par l'enseignement obligatoire du néerlandais à tous les enfants wallons de
la cinquième primaire. Beaucoup d'écoles font d'ailleurs du zèle et commencent
plus tôt encore. Dans le secondaire enfin, les normes d'ouverture de cours
privilégient outrageusement la "seconde langue nationale". Quant à la troisième
langue, le libre choix à ce niveau sera inexistant. N'oublions pas non plus les
pressions de toutes sortes. N'oublions pas que MM. Deprez et Michel, présidents
des deux partis au pouvoir en Wallonie restent farouchement partisans du
néerlandais obligatoire comme première langue étrangère. Ils savent que pour
être tolérés dans une coalition nationale, les représentants wallons doivent se
montrer accommodants. Et comme la Flandre animée par un incroyable esprit de
croisade exige que le néerlandais soit enseigné prioritairement en Wallonie,
cette idée fixe restera déterminante. Les médias matraquent l'opinion dans ce
sens. Depuis toujours, les mouvements wallons ont lutté contre cette politique.
Et pas sans arguments! Il existe sur le bilinguisme généralisé à toute une
population, sur l'étude précoce d'une langue étrangère, une expérience
exhaustive et des travaux abondants de par le monde. La Conférence
Internationale de Luxembourg en 1929, l'UNESCO en 1953, des spécialistes belges,
canadiens, suisses, gallois etc... consultés par le Bureau International de l'Education
estiment, pour la plupart, que l'étude précoce et systématique d'une deuxième
langue entraîne de graves mécomptes. M. Joseph Hanse, professeur à l'Université
de Louvain, grammairien et membre de l'Académie les résumait en ces termes: "S'il
y a quelques hésitations, quelques oppositions, la plupart des pédagogues, des
linguistes et des psychologues sont d'accord: introduire une seconde langue à
l'école primaire, c'est porter atteinte à la connaissance de la langue
maternelle et empêcher l'esprit de l'enfant de se développer normalement; c'est
risquer au moins de compromettre le succès des études ultérieures. Pour plus des
neuf dixièmes des enfants le mal sera irrémédiable. L'enfant n'aura pas appris
convenablement sa langue maternelle au moment le plus favorable; il aura perdu
un temps considérable à étudier une langue dont il ne connaîtra souvent que des
bribes inutilisables: il aura mêlé deux façons de penser et de s'exprimer: il
sera peut-être découragé; jamais sans doute il ne pourra penser, écrire ou
parler avec la même clarté que si on ne lui avait pas imposé un bilinguisme
précoce (...)On ne pourra désarmer que le jour où le bilinguisme obligatoire
sera expulsé de tout l'enseignement primaire. Pas de seconde langue à l'école
avant l'âge de douze ans: c'est la consigne de la science et du bon sens. "(1)

Or, la méconnaissance du
français est unanimement déplorée en Wallonie. Elle est selon l'avis du corps
professoral, la cause principale des échecs dans l'enseignement. Le professeur
Léopold Genicot de l'Université de Louvain dénonçait dans "Le Soir" du 13.09.69
une situation qui s'est d'ailleurs aggravée depuis: "Ils ne sont plus
préparés à des travaux d'analyse en profondeur. Avant d'être bilingue, il
convient d'être unilingue". Le professeur Renard (Laboratoire de Langues à la
Faculté polytechnique de Mons) était tout aussi catégorique: "Le plus essentiel
n'est pas de savoir deux ou plusieurs langues mais bien de posséder celle qui
servira toute la vie de véhicule à la pensée. Dans le domaine des langues, on ne
gagne pas à se montrer trop pressé. Qui trop embrasse mal étreint". Le
professeur Verheyen (Université de Gand) a démontré que les petits Bruxellois
soumis au bilinguisme scolaire accusaient un retard considérable dans la
connaissance de leur langue maternelle par rapport aux enfants unilingues du
reste du pays.(2)
Constatation confirmée en Suisse, au Pays de Galles, au Canada...
Il est évident que
certains peuples peuvent trouver acceptable de courir le risque d'un bilinguisme
généralisé et précoce. Mais il s'agit du cas particulier de nations récemment
parvenues à l'indépendance ou parlant une langue vernaculaire confidentielle.
Les avantages immédiats de ce bilinguisme dit de promotion sont sans aucune
commune mesure avec les inconvénients qui en résultent pour les individus. C'est
cela ou l'asphyxie par l'isolement. C'est le bantou et le ghetto, ou bien
l'ouverture sur le monde par le biais d'une langue universelle. Les Wallons ne
sont certes pas dans cette situation. Les Scandinave, les Allemands, les
Français et bien d'autres peuples étudient l'anglais. Aucun n'étudie le
néerlandais comme langue étrangère. On se souviendra que le premier acte
politique de pays accédant à l'indépendance comme le Congo et l'Indonésie, a été
de bannir l'étude et l'emploi du néerlandais au profit de l'anglais et du
français. Mais en Wallonie, à l'heure de l'Europe, à l'approche de l'an 2000, la
priorité reste au néerlandais, langue certes respectable mais, il faut bien
l'avouer, fort peu apte à communiquer avec le monde. Dans les domaines
scientifique, diplomatique, économique, pour tous les contacts avec l'étranger,
il est totalement inutilisable. En ce qui concerne les rapports avec la Flandre,
on peut affirmer que le bilinguisme de réciprocité que nous imposent les
Flamands est une duperie. En étudiant la seconde langue nationale, les Flamands
accèdent à une langue d'un large rayonnement international leur permettant des
carrières dans la diplomatie, les milieux du Marché Commun, des organismes
internationaux de toutes espèces. Comme le secteur Enseignement de la CGSP
(régionales wallonnes) l'écrivait dans un rapport (17.09.62): "Le
bilinguisme flamand français n'a aucun de ces caractères positifs aux yeux des
Wallons".
Raoul Garnier écrivait
dans "Le Soir" du 09.12.68 (Le bilinguisme précoce): "La
passivité des milieux pédagogiques officiels devant des entreprises politiques
qui ne sont rien de moins que des crimes contre l'intelligence est déroutante".
Car il s'agit bien d'une "entreprise politique" fruit d'un nationalisme effréné.
L'étape suivante s'annonce: une publicité payante sur RTL invite les parents à
mettre leurs enfants à l'école maternelle flamande "parce qu'on y apprend LES
(sic) langues". Publicité en français destinée aux francophones. Racolage pour
une dénationalisation.
Il serait temps
d'éclairer l'opinion wallonne. La régionale CGSP, secteur enseignement de
Charleroi approuvait, le 17.09.62, un rapport de commission animée par Jacques
Hoyaux, rapporteur et futur Ministre de l'Education nationale. Ce rapport fut
approuvé par les autres régionales wallonnes... et véhémentement contesté par
les Flamands! Il s'opposait à l'enseignement de toute autre langue que le
français à l'école primaire. Aucun enseignement, même facultatif, d'une deuxième
langue, ne devait y être admis, étant donné les pressions de toutes sortes. Le
libre choix des langues vivantes dans le secondaire devait être effectif et la
commission était d'avis qu'il fallait éviter l'éparpillement des efforts et que
le nombre des langues étrangères obligatoires dans enseignement devait être
réduit à UNE seule sauf dans la section économique. La commission estimait
évident que la langue obligatoire choisie pourrait ainsi être enseignée plus
sérieusement avec de meilleurs résultats. La commission insistait aussi sur
l'importance croissante des langues de grande diffusion et leur plus grande
utilité. Et surtout, elle constatait que l'insuffisante connaissance du français
étant unanimement déplorée, il était urgent d'en renforcer l'étude. Le
Rassemblement Wallon, le FDF prenaient bientôt des positions identiques. Ils
plaidaient pour qu'une seule langue librement choisie soit enseignée dans le
secondaire. Le FDF souhaitait qu'une langue supplémentaire éventuelle ne soit
enseignée que pour acquérir une simple connaissance passive permettant de la
lire. Le RW publiait des chiffres prouvant que la Belgique était seule à
enseigner simultanément autant de langues, pour un piètre résultat, dû à la
dispersion des efforts! Quatre langues étrangères vivantes pour une seule dans
la plupart des autres pays (Congrès de 1969 et 1970). Les socialistes wallons
exigeaient, lors de leur congrès du 1er avril 1962, la liberté du choix des
langues dans l'enseignement en Wallonie. Le Conseil économique wallon également.
Il insistait aussi sur l'intérêt des langues de grande diffusion. Tout récemment
(14 juin 86) une motion des Germanistes diplômés de l'Université de Liège
exigeait "le rétablissement du libre choix des langues germaniques à tous
les niveaux de l'enseignement". En vain! Car les impératifs politiques
priment le bon sens.

A-t-on pensé par ailleurs
aux enfants brillants mais peu doués pour les langues? Le célèbre pédagogue
Decroly après une longue enquête dans des communes de la frontière linguistique
pouvait confirmer que "l'acquisition d'une ou de plusieurs langues semble à
la portée d'une minorité d'enfants; elle correspond à un certain type mental et
l'inaptitude à cette forme d'acquisition n'implique nullement une infériorité
intellectuelle pour l'étude d'autres branches d'ordre abstrait (mathématiques ou
sciences)". Sylvain De Coster, professeur à l'ULB, Emile Derome, conseiller
pédagogique au Centre PMS de La Louvière et bien d'autres ont confirmé cet avis
(1). J. Tromme, président de l'Association des Germanistes
diplômés de l'Université de Liège dénonce: "l'opinion abusive et péremptoire
du chef de Cabinet de l'Education nationale selon laquelle l'aptitude aux
langues étrangères est la plus répandue qui soit". ("Le Soir",
23.12.86).
A-t-on songé à nos
dyslexiques? A nos enfants d'immigrés qui devraient être notre richesse de
demain mais qui vont se heurter à une nouvelle barrière à leur intégration? "Le
Soir" du 18.01.63, sous la plume de Pierre et Renée Gosset, expliquait
comment l'Irlande s'était enfoncée dans le sous-développement parce que après
son indépendance, elle avait, par son nationalisme, fait du gaélique et de son
enseignement l'alpha et l'oméga de sa politique: "Après vingt ans d'effort
et une immense dépense d'énergie gaspillée en faveur du gaélique, on en est
arrivé à faire des Irlandais des illettrés dans les deux langues, mais le plus
grave, c'est d'avoir fait de cette gaélisation une politique. D'avoir choisi des
médecins pour les hôpitaux non en raison de leur compétence mais parce qu'ils
parlaient l'irlandais. D'avoir laissé le pays croupir gaéliquement, les yeux
fixés sur son passé, coupé du monde extérieur..." Remplaçons gaélique par
flamand...
Pendant que les pays
voisins s'engagent dans des disciplines d'avenir, notre jeunesse s'échine sur la
"seconde" langue. Croit-on vraiment que, dans l'âpre compétition internationale,
la Wallonie qui, l'a-t-on assez seriné, n'a pas de matières premières et n'a
d'autres richesses que sa main-d'oeuvre et ses cerveaux n'a pas besoin de tous
ses moyens? Croit-on que le temps consacré à l'étude généralisée, prioritaire et
intensive de la "seconde" langue, inutile pour tous les travaux scientifiques et
techniques et comme moyen de communication international puisse être rattrapé?
Qui chiffrera le coût économique et social de ce bilinguisme politiquement
imposé alors que l'étude d'une langue n'est pas un jeu et qu'elle peut aisément
occuper toute une vie?
Il est évident que les
Flamands savent pertinemment qu'ils handicapent ainsi la Wallonie sur les
marchés étrangers après l'avoir réduite à leur merci en Belgique. Etudier un
dialecte régional parce que les Flamands étudient, eux, le français langue de
grande diffusion, "n'est-ce pas, pour les Wallons, se faire berner?"
écrivait un germaniste, professeur à l'Université de Liège dans le "Vif"
du 1er novembre 86. "Et se couper d'autres langues", ajoutait-il.
Quant à la nécessité de
connaître le néerlandais pour trouver un emploi en Belgique, il s'agit là d'une
duperie. Son utilité est artificielle et résulte d'une volonté flamande qui
l'impose là où il n'est pas nécessaire et où souvent un peu de bonne volonté
suffirait. C'est l'arme d'une domination politique et administrative. Elle
permet commodément aux Flamands d'éliminer à leur gré les Wallons de tous les
postes.
Dans "Le Soir"
du 13.09.69, on pouvait déjà lire: "Joseph Hanse s'élève contre l'idée qu'il
faut apprendre la seconde langue dans un but de cohérence nationale. Cela se
fait sans que les résultats soient encourageants, particulièrement pour les
Wallons qui se voient fermer l'accès des administrations parce qu'ils ne sont
pas suffisamment bilingues. On suppose les Flamands bilingues quand ils ne le
sont pas et les Wallons non bilingues lorsqu'ils le sont. La connaissance du
néerlandais n'assurera pas l'avenir de notre jeunesse".

Le professeur Flamme, de l'ULB écrivait déjà dans une lettre au "Soir"
du 31.10.61: "Quant à supposer que si les francophones réussissaient par
miracle à baragouiner le flamand aussi bien (!) que les Flamands le français,
ils obtiendraient ipso facto la moitié des places, c'est négliger qu'il ne faut
pas s'attendre de la part des Flamands flamingants-les seuls qui aient quelque
chose à dire à une objectivité et à une justice que ces mêmes flamingants
refusent déjà à leurs compatriotes coupables d'être des "Flamands
géographiques". Malheur au francophone pur: on lui reprochera son unilinguisme.
Malheur au francophone bilingue, on lui reprochera - on lui reproche - son
origine francophone". Les échevins francophones des Fourons s'en
apercevront bientôt.
Bref, accepter le
bilinguisme comme critère systématique de sélection, accepter la généralisation
de l'enseignement du néerlandais en Wallonie, c'est pour les Wallons accepter de
jouer un jeu dont les règles sont fixées par la Flandre. C'est se livrer pieds
et poings liés à l'arbitraire des examinateurs flamands qui seront des juges
hostiles. Le florilège des questions saugrenues des examens linguistiques est
suffisamment éloquent. Les Wallons échouent parce que tout est prévu pour qu'ils
échouent.
Alors que le CVP, le
parti le plus influent de Flandre et dont toutes les prises de positions ont été
suivies de réalisations, prévoit, lors de son dernier congrès, la disparition de
la Belgique qui se dissoudrait dans l'Europe des Régions, la Flandre devenant
une entité souveraine, la politique de flamandisation de l'enseignement wallon
ne peut plus être justifiée par la nécessité d'une cohésion nationale. Elle
devient clairement le véhicule d'une colonisation.
Les termes d'une lettre
de Marcel Thiry datée du 30.11.75 restent d'actualité: "C'est un faux
réalisme de vouloir apprendre le flamand aux Wallons (je dis bien: le flamand,
car la langue officielle belge voulue par le nationalisme flamand est de plus en
plus distante de la langue des Hollandais) pour l'illusoire résultat de leur
donner des "armes égales"(!) dans la quête des places en Belgique. Pour en faire
des gens de valeur, il faut les équiper des valeurs universelles et en matière
linguistique, ces valeurs seront d'abord la langue maternelle, le français, et
puis telles langues universelles suivant leur plus grande capacité personnelle
et leur spécialisation. Il est bien vrai que sous le régime belge cela va les
empêcher de devenir ambassadeur, général ou premier ministre, ou même
fonctionnaire d'une administration centrale ou brabançonne. C'est une des
raisons de renverser ce régime, ce n'est pas une raison de s'y soumettre..."
Je conclus:
"Pourquoi ne pas
admettre, franchement, que dans l'Europe qui se forme, l'anglais, pour beaucoup,
est absolument indispensable tandis que demain, en région wallonne, le
néerlandais ne devra plus être connu que par quelques -uns?" (André Lagasse,
professeur à l'Université de Louvain, Sénateur, "Forces wallonnes",
23.08.1969.)
Notes
(1)
Voir aussi l'ouvrage publié par la Fondation Plisnier: "Le bilinguisme en
Suisse, en Belgique et au Canada": "L'étude d'une seconde langue repose
sur l'analyse, la synthèse, la comparaison, toutes démarches qui réclament une
maturité que ne nous commençons à déceler que chez certains élèves de 12 à13 ans"(François
Closset, germaniste, professeur à l'Université de Liège)etc...
(2) "Le Soir" du 22. 06. 87, dans un long article
signé de son "Ombudsman" décrit les résultats catastrophiques constatés chez une
victime de ce bilinguisme: "le père du "héros" a voulu faire de son fils un
citoyen bilingue. Le français est la langue couramment utilisée dans la famille.
Le jeune L..., bien que francophone, fait toutes ses études primaires et
secondaires en flamand. Il n'a pas la bosse des langues. En conséquence, il fait
carrière dans le mondes des images et devient assistant de caméra à la TV.
C'était il y a une quinze ans. On ne parlait pas alors d'examens obligatoires.
Aujourd'hui, il doit passer un examen linguistique. Le voilà recalé en français
en raison de son orthographe fantaisiste, mais aussi dans l'épreuve de
traduction. Car il n'a jamais convenablement appris le français écrit (voilà
pour la prétendue excellence des écoles flamandes où l'on apprend si bien "LES"
langues!), il a oublié l'acquis scolaire en flamand et il n'a nul besoin
d'écrire dans sa spécialité, mais il doit faire preuve de connaissance
linguistiques! Aujourd'hui, voilà, écrit l'Ombudsman, un père de famille dans la
quarantaine menacé de licenciement après quinze ans de service alors que ses
compétences techniques ne sont pas mises en doute. Le premier souci n'est pas
qu'il fasse convenablement son travail de cameraman. Car la législation
linguistique est là. Et tout le monde sait que, dans l'administration, les
examens que doivent présenter les nettoyeuses, les hommes à tout faire, les
huissiers, les chauffeurs et autres ouvriers subalternes ne sont pas de la tarte
(c'est toujours "Le Soir" qui parle). mais ils se simplifient, tout au moins
relativement, lorsqu'on monte dans la hiérarchie. Le jeune L... aurait dû faire
de la politique, se faufiler jusqu'au sein du conseil d'administration. Il
aurait échappé aux examens". Et l'ombudsman poursuit: "N'est-il pas temps de
modifier les lois de 63 dans certains de leurs aspects les plus excessifs? De
moins en moins de Flamands apprennent le français au point de s'exprimer dans
cette langue. Le bilinguisme passif qui se généralise pose des problèmes en
d'autres termes. "L'autre choix, conclut le Sage du "Soir", le parfait bilingue
restant l'exception, est l'unilinguisme des individus et le recours à ceux et
celles qui sortent de nos écoles de traduction et d'interprétariat...".
(Octobre 1987)

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